En dépit de l'activisme affiché par le Gouvernement et sa majorité, les changements structurels qu'impliquent la lutte contre les inégalités et pour une meilleure répartition des richesses, l'amélioration de l'accès aux soins et aux services publics, ou la réussite de la transition écologique ne sont pas au rendez-vous.
Ce constat nous invite à nous interroger sur les usages politiques en trompe-l'oeil de la notion de développement durable. Celle-ci, après avoir été lancée dans les années 1980, s'est diffusée dans les années 1990 ; elle repose sur l'idée que l'on ne saurait opposer environnement et développement, et que la durabilité doit être à la fois économique, sociale et environnementale.
Pour les grandes institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international, qui règne en maître à l'échelle internationale, il n'est pas question de modifier les grands principes qui fondent, selon eux, le développement : la souveraineté des États – dont acte – , la participation du public aux processus de décision – fort bien – , le soutien à la croissance, l'innovation technologique mais aussi le libre-échange.
C'est là une conception de la durabilité ou de la soutenabilité dite faible, tout à fait compatible avec le système libéral, qui s'oppose à une version dite forte, dont les partisans insistent, par exemple, sur l'irréductibilité à la logique marchande de certaines sources de bien-être.
Le développement durable a été impuissant à inverser et même à freiner les évolutions mondiales allant structurellement vers une moindre durabilité. De fait, la croissance, depuis les années 1990, a plus que jamais accentué les inégalités sociales, et augmenté les risques majeurs pour l'avenir, qu'ils soient sociaux, économiques ou écologiques. Cet échec a été mis en relief par la crise de 2008, ou encore par l'incapacité des États et des organisations internationales à juguler l'aggravation du réchauffement climatique.
Si le concept de développement durable a pu, dans les années 1990, donner un second souffle à des politiques intégrant la prise en considération de l'environnement et des risques dans l'économie et l'aménagement, la notion est selon nous dépassée, tout du moins dans la lecture qu'en font les libéraux ; elle a épuisé la majeure part de son crédit et de sa dynamique.
Par cette proposition de résolution, le groupe Agir ensemble veut ignorer ces critiques. Il revendique la notion dans son acception libérale, alors qu'elle ne sert à rien d'autre qu'à préserver le statu quo, en entretenant l'illusion que les orientations choisies en matière de politique économique ne sont pas contradictoires avec l'ampleur des défis sociaux et environnementaux qu'il se propose de relever.
Le projet d'inscrire dans la Constitution les objectifs de développement durable de l'Agenda 2030 est d'ailleurs loin d'être anodin, puisqu'il barre de fait la voie à des modifications plus substantielles de ce texte, comme celles proposées par la convention citoyenne pour le climat.
Celle-ci suggère notamment de compléter le préambule de la Constitution en précisant que « la conciliation des droits, libertés et principes [susmentionnés] ne saurait compromettre la préservation de l'environnement, patrimoine commun de l'humanité », énoncé qui, comme vous le savez fort bien, ouvre la voie à une réévaluation de la portée constitutionnelle du droit de propriété, et à la reconnaissance des biens communs. Voilà une vraie question structurelle !