La proposition de résolution de notre collègue Aina Kuric, relative à l'évolution de la Constitution afin de permettre l'intégration des objectifs de développement durable dans le processus législatif, est d'une grande actualité, puisqu'à la suite de la première vague de la crise de la covid-19, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer un monde d'après plus juste, plus soutenable, plus durable.
En réalité, nous disposons déjà des objectifs et de la feuille de routes nécessaires à la construction de ce monde d'après : ce sont, d'une part, les dix-sept objectifs de développement durable adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies en 2015, et, d'autre part, la feuille de route à l'échelle internationale qu'est l'Agenda 2030.
Au Parlement, comme partout en France, les ODD restent trop peu connus ; ils sont malheureusement souvent réduits à leur dimension environnementale. Nous ne devons pas oublier qu'ils intègrent également un pilier économique et un pilier social, et qu'ils constituent donc un formidable outil pour orienter les politiques publiques.
La France s'est engagée à l'échelle internationale pour faire aboutir un travail commun en faveur des ODD. Le Président Emmanuel Macron l'a rappelé à plusieurs reprises – lors de la soixante-quinzième session de l'Assemblée générale des Nations unies, lors de l'ouverture du forum de Paris sur la paix, ou encore lors du sommet « Finance en commun » réunissant les banques publiques de développement.
Si notre action internationale concernant les ODD est donc forte, nous ne pouvons que regretter que nous, parlementaires, n'ayons pas saisi l'occasion de les utiliser davantage, voire systématiquement, dans le cadre de notre travail législatif, de notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement ou encore de notre mission d'évaluation des politiques publiques. Même si nos travaux contribuent à atteindre les ODD, ceux-ci sont rarement nommés et identifiés.
Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à intégrer le développement durable au travail législatif, grâce à une modification de la Constitution. Si le groupe La République en marche salue l'ambition de ce texte, il formule toutefois quelques réserves concernant son application.
Nous observons en effet une différence de traitement : alors que le Gouvernement est simplement invité à intégrer les ODD dans les projets de loi, les parlementaires, quant à eux, seraient contraints par de nouvelles règles de recevabilité d'en faire mention dans leurs propositions de loi et leurs amendements. Nous craignons que cela ne restreigne encore notre droit d'amendement, déjà limité par les règles de recevabilité financières, et que ce ne soit pas le bon levier pour rendre les ODD opérants.
Pour autant, nous souhaitons nous aussi que chaque parlementaire s'interroge sur l'apport de son travail législatif dans la trajectoire vers les ODD, et nous souhaitons engager une réflexion commune sur la portée de nos travaux, dans le cadre plus large de l'Agenda 2030. Changer la Constitution pour intégrer ces objectifs ne nous apparaît donc pas comme la solution la plus efficace.
De plus, alors que la Constitution doit avoir une portée universelle dans le temps, les ODD ont aujourd'hui pour horizon l'année 2030. Même si nous souhaitons les rendre pérennes, ces deux temporalités ne semblent pas compatibles actuellement.
Nous pourrons poursuivre les échanges sur ces questions et sur ce texte : je rappelle, comme d'autres avant moi, qu'un groupe d'étude sur les objectifs de développement durable existe à l'Assemblée nationale. J'invite tous les parlementaires qui en font partie à proposer, à l'issue d'un travail collectif, un texte plus applicable que celui-ci.
À titre personnel, je voterai pour cette proposition de résolution ambitieuse. Toutefois, les membres du groupe La République en marche, compte tenu des enjeux et des limites que je viens de soulever, seront libres de leur vote individuel.
Au-delà de ce vote, nous devrions intégrer des références aux ODD concernés dans l'exposé sommaire de nos amendements ou dans l'exposé des motifs de nos propositions de loi, afin que ceux-ci irriguent l'ensemble de nos travaux.