Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Paul Auster écrivait que « négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes », ajoutant que « nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur ». Nos enfants sont le coeur de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans la logique défendue par le Gouvernement et les parlementaires de la majorité depuis le début de ce quinquennat : celle du projet sociétal. Ainsi, ce texte se propose de faciliter et de sécuriser les procédures d'adoption.

Comme cela a été rappelé, les pratiques françaises de l'adoption s'opèrent pour l'essentiel sous le régime juridique de la loi fondatrice du 11 juillet 1966. Ce régime a été partiellement modifié par la loi du 14 mars 2016, fondée sur le constat que trop de mineurs protégés restaient placés en établissement ou en famille d'accueil sans qu'une autre solution soit proposée : cette loi a ainsi réformé la procédure de déclaration judiciaire d'abandon et introduit des commissions d'examen de la situation des enfants confiés, afin qu'un plus grand nombre d'entre eux puissent bénéficier du statut de pupille de l'État et, le cas échéant, d'un projet d'adoption.

Cependant, ce régime juridique connaît encore des lacunes, et c'est pourquoi ce texte est essentiel. Il propose en effet d'y remédier tout en respectant deux principes fondamentaux : le premier est, bien sûr, l'intérêt supérieur de l'enfant ; le deuxième, la volonté de donner une famille à un enfant – et non l'inverse.

En commission des lois, on vous a accusée, madame la rapporteure, d'avoir précipité l'examen de ce texte. Il faut toutefois rappeler que cette proposition de loi résulte d'un long travail, notamment du rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption : donner une famille à un enfant », que vous avez rendu en octobre 2019, soit voilà plus d'un an. Les conclusions de ce rapport relèvent que l'application de la loi de 2016 est hétérogène selon les territoires et nécessite une harmonisation dans de nombreux domaines, tels que l'accompagnement des familles adoptantes, la formalisation du projet pour l'enfant, la mise en place des commissions d'examen des statuts ou la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de délaissement.

Fondée sur un long travail en amont, cette proposition de loi vise donc à renforcer et à sécuriser le recours à l'adoption comme outil de protection de l'enfant, lorsque cet outil correspond à l'intérêt supérieur de ce dernier, et uniquement dans son intérêt.

Le groupe Agir ensemble est conscient que ce texte ouvre un débat sociétal sur les bancs de l'hémicycle. Il questionne nos 577 sensibilités, nos 577 expériences et, finalement, nos 577 parcours de vie. À cet égard, nous appelons à un débat apaisé et constructif, où les opinions viseront, non à stigmatiser, mais à enrichir cette loi. Parfois, une fausse certitude voudrait nous faire croire que les liens du sang primeraient dans la relation affective. Dans ce cas, l'humain serait réduit au seul rang de mammifère. Or, au contraire, c'est par le langage et la culture que les relations deviennent structurantes et humanisantes. Pour mettre en place un sentiment de filiation, il faut davantage qu'un enfant en manque de parents et que des parents en manque d'enfants. Pour se sentir vraiment parents, pour se sentir vraiment « enfant de », il y a des deuils à faire, du sens à donner, des éléments à transmettre. Il faut beaucoup d'amour, bien sûr, mais l'amour ne suffit pas. Il faut aussi de la rigueur, un équilibre psychique, une capacité d'être vrai, ainsi que de l'empathie, pour aider un enfant à affronter cette peur de naître à nouveau.

Nous sommes conscients qu'un débat, certainement âpre mais que, je le répète, nous souhaitons apaisé, portera sur la garantie de stabilité des adoptants. Cette question, nous le savons, est l'un des socles de ce texte qui déconnecte l'adoption plénière du statut matrimonial de l'adoptant, en l'ouvrant notamment aux couples pacsés et concubins. Le groupe Agir ensemble a la conviction que la légitimité du lien affectif se trouve dans la formation d'une famille qui stimulera le processus d'humanisation de l'enfant en le faisant grandir dans la vérité de son histoire.

Nous saluons le travail accompli en commission des lois, avec notamment l'abaissement de l'âge minimal requis pour adopter, ainsi que de la durée de communauté de vie. Nous avons également entendu les craintes légitimes relatives aux organismes autorisés pour l'adoption, qui réalisent quelques rares adoptions nationales et près de 60 % des adoptions internationales : c'est la faculté de recueillir des enfants et d'exercer une activité d'intermédiaire pour l'adoption en France que supprime cette proposition de loi. Le groupe Agir ensemble considère que, bien que partant d'un bon sentiment de la part de la rapporteure, cette interdiction est disproportionnée et ne va pas dans le sens de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous espérons vous convaincre, madame la rapporteure, d'y renoncer pour ne pas nuire à la logique d'un texte auquel nous croyons et que nous voterons sans hésiter.

Je conclurai en vous disant que, recevant assez d'outils pour surmonter la cassure, l'adoption est une aventure qui fait grandir à la fois le coeur et l'âme.

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