La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (nos 3470, 3598 rectifié).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'article 9.
L'article 9 prévoit de faire siéger des personnalités qualifiées au sein du directoire des établissements publics de santé. Si leur présence peut être pertinente, elle doit selon nous rester une option.
N'oublions pas que le conseil de surveillance comprend déjà des représentants des usagers, nommés par l'ARS – agence régionale de santé – ou par le préfet. Les usagers sont également représentés dans d'autres comités – de lutte contre le VIH ou contre les infections nosocomiales. Ils ne sont pas ignorés.
S'agissant des étudiants en santé, ils forment un ensemble hétérogène tant les spécialités qu'ils exercent sont différentes. En outre, ils ne sont malheureusement que de passage, pour quelques semaines ou quelques mois.
Leur représentation au sein du directoire serait-elle utile ? Comment ces représentants seraient-ils désignés ? Est-il judicieux d'augmenter le nombre de membres du directoire ou du conseil de surveillance, dont les effectifs sont déjà importants ? Toutes ces questions se posent. Ouvrir le directoire à d'autres personnes serait peut-être pertinent, mais cela ne doit pas être obligatoire ; c'est pourquoi nous souhaitons modifier l'article 9.
Je me réjouis de constater que la commission a entièrement réécrit l'article 9. Finalement, tous les articles importants de la proposition de loi auront connu le même sort : c'est ce qui s'est passé pour la création d'une profession médicale intermédiaire, à l'article 1er, et pour l'intégration des groupements hospitaliers de territoire – GHT – , à l'article 7.
Tout cela en dit long sur la façon dont le texte a été élaboré. Comment ne pas être frappé par les témoignages des organisations syndicales, notamment les associations représentatives des cadres de santé, qui toutes nous disent avoir découvert dans les journaux le contenu de la proposition de loi ? D'ailleurs, en pleine crise sanitaire, avons-nous vraiment le temps de nous occuper de cela ?
S'agissant des directoires des établissements publics de santé, tous les cadres les décrivent comme l'endroit où ils peuvent vraiment parler entre eux ; il est donc important que leur composition ne soit pas modifiée, ou alors seulement à la demande des intéressés. Si vous voulez améliorer la représentation du personnel et des élus territoriaux, cela doit se faire au niveau du GHT, où l'on a besoin d'une gouvernance efficace à laquelle participent l'ensemble des forces vives du territoire.
Je le répète, je suis satisfait de voir l'article 9 complètement modifié. Je ne sais pas ce qu'il restera en définitive de cette proposition de loi…
L'article 9 tend à ouvrir à de nouveaux acteurs le directoire, instance de pilotage stratégique médico-administratif des établissements hospitalier. Les représentants des usagers et du personnel sont toutefois déjà présents au conseil de surveillance. Il ne semble pas opportun, aux yeux de notre collègue Dino Cinieri, de mélanger les objectifs et les compositions de ces deux organes.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 99 .
Comme l'a noté Jean-Pierre Door, un représentant du personnel soignant ou un représentant des usagers peut déjà siéger au directoire. S'agissant des étudiants, les dispositions de l'article sont imprécises. Qui serait légitime pour les représenter ? À partir de quel niveau d'études, et dans quelle spécialité ? N'oublions pas que le directoire est une instance décisionnaire.
Déposé par Jean-Jacques Ferrara, il vise également à supprimer l'article 9. Nous pensons en effet que ce serait une grande erreur de revenir sur les prérogatives du directoire, de changer sa composition et d'en modifier le pouvoir de décision.
Il s'agit également d'un amendement de suppression. Il n'est pas nécessaire de revenir sur les prérogatives et la composition du directoire dont l'organisation a fait ses preuves : son président, acteur administratif complètement indépendant, est éclairé par la vision médicale apportée par les directeurs de soins en lien avec l'encadrement soignant. Ce sont eux, en effet, qui sont au contact des réalités, à travers toute une organisation et une politique de soins reposant sur un projet collectif partagé, constamment évalué et réajusté. La crise liée au covid-19 a récemment montré que la conjonction de ces trois fonctions est très efficace.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
L'article 9 donne aux établissements qui le souhaitent la possibilité d'ouvrir leur directoire à des personnalités qualifiées telles que les représentants d'usagers ou les étudiants. Ces derniers, notamment les internes qui cumulent jusqu'à dix ans d'études, font partie intégrante de l'organisation de l'hôpital ; ils ont des choses à dire sur son fonctionnement et souvent des propositions très intéressantes pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Il me semble tout à fait logique qu'ils aient la possibilité d'être représentés au directoire. Avis défavorable.
En quoi ne sont-ils pas représentés par la commission médicale d'établissement ?
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'ai peur qu'il y ait une petite confusion. Les orateurs ont plusieurs fois évoqué les prérogatives du directoire ; mais l'article 9, dans sa rédaction issue de l'amendement proposé par Mme Stéphanie Rist, ne prévoit pas de les modifier ! Seule sa composition est concernée.
L'article pose une obligation : qu'il y ait enfin un représentant du personnel non médical au sein du directoire. Ce dernier est aujourd'hui composé de sept membres, dont quatre médecins, mais ne comprend aucun soignant. Il me paraît de bon ton qu'un représentant des soignants puisse avoir voix au chapitre dans le directoire d'un établissement de santé !
L'article prévoit également la possibilité – ce n'est pas une obligation – de nommer au directoire jusqu'à trois personnalités qualifiées. C'est fondamental : si on veut que la démocratie sanitaire s'épanouisse, il faut que les usagers s'impliquent dans toutes les structures décisionnelles et de concertation, y compris au directoire dans les établissements qui le souhaitent.
De même, il est indispensable que le directoire compte un représentant des jeunes en formation. Si vous connaissez un hôpital qui fonctionne correctement sans étudiants en santé, sans externes et sans internes en médecine, appelez-moi ! J'ai été vice-président d'un syndicat national d'internes, je sais très bien ce qui se passe dans un hôpital lorsque les internes arrêtent de travailler. Or les étudiants en santé, les internes et les externes ne sont pas suffisamment consultés, ils ne prennent pas suffisamment part aux décisions affectant le fonctionnement de l'établissement auquel on leur demande pourtant de consacrer toute leur carrière.
Je trouve que l'article 9 prévoit une très belle avancée…
… en permettant – sans que cela soit obligatoire, je le répète – de diversifier les profils au sein du directoire et ainsi de réunir toute la famille hospitalière dans cette importante instance. Avis défavorable.
À partir du moment où cela reste une simple option, nous ne nous opposerons pas aux dispositions de l'article. Mais la plupart des directeurs d'hôpital que nous avons consultés disent que le directoire, lieu où sont traitées entre cadres les problématiques d'organisation interne, ne doit pas voir sa composition changer. Je n'en ai entendu aucun réclamer leur ouverture à d'autres catégories.
En revanche, tous les directeurs souhaitent, pour renforcer leur légitimité au sein du territoire, que toutes les forces vives soient représentées dans les conseils de surveillance des établissements et, idéalement, au niveau du GHT – y compris les organisations de patients. De même les élus locaux veulent s'impliquer dans cette organisation.
Même si je reste favorable aux expérimentations, il ne faut pas penser que l'ouverture à tous des directoires constitue l'alpha et l'oméga.
L'amendement no 251 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 287 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 403 .
L'article 9 tend à modifier la composition du directoire de l'établissement en prévoyant la possibilité d'y nommer, avec une simple voix consultative, un représentant des usagers, un représentant des étudiants et un représentant des soignants. Le groupe La France insoumise considère que leur présence est indispensable. La démocratie sanitaire n'a pas à être quémandée par les premiers concernés ; elle doit être de droit.
Avis défavorable. Vous proposez de rendre obligatoire la représentation des usagers dans les directoires, mais certains établissements rencontrent déjà des difficultés à trouver suffisamment de volontaires pour siéger dans toutes les commissions. C'est pour en tenir compte que nous ne prévoyons pas de rendre leur présence obligatoire. C'est le cas, en revanche, pour les soignants – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le nombre de membres du directoire sera augmenté – , dont la représentation sera ainsi renforcée.
L'amendement no 403 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 450 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
J'estime indispensable qu'un représentant des usagers siège au directoire. La médecine moderne a besoin des usagers pour progresser. Ils font partie de l'hôpital et il serait incompréhensible qu'ils ne soient pas représentés dans cette instance de direction.
En tant que co-président du groupe d'études sur le cancer, je suis particulièrement attaché aux associations d'usagers, qui ont fait beaucoup progresser le fonctionnement des centres anticancéreux, entre autres. Ils travaillent main dans la main avec les médecins et les chercheurs. Dans de nombreux pays, les usagers sont partie prenante de l'évolution de l'hôpital. Si on veut un hôpital moderne, capable d'évoluer, leur participation sera nécessaire.
On ne dira jamais assez que la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi Bachelot, et celle de 2016, de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, ont affaibli les mécanismes de contrôle démocratique du système sanitaire, en particulier par la transformation des conseils d'administration en conseils de surveillance. Je le dis avec amitié pour mes collègues socialistes : les prérogatives, notamment de contrôle, des conseils de surveillance sont diminuées. Ce n'est pas la même chose de prendre connaissance d'un EPRD – état prévisionnel des recettes et des dépenses – et d'émettre un avis dessus que de délibérer sur un budget.
En revanche, pour compenser, les mêmes collègues ont créé des instances de démocratie sanitaire, et c'est à mettre à leur crédit. J'ai la chance de présider un conseil territorial de santé, qui fédère notamment les hospitaliers, les praticiens libéraux et les associations d'usagers. Force est de constater que la démocratie sanitaire, lorsqu'on se donne les moyens de la faire vivre, offre une vraie chance d'établir des diagnostics partagés et de déterminer des objectifs communs pour améliorer la santé publique. Aussi faut-il aller au bout de cette logique et rendre systématique la représentation des usagers dans les directoires des hôpitaux, comme le propose l'amendement.
Dans les faits, les usagers ne freinent pas l'application des politiques décidées mais au contraire la favorisent en irriguant le système et en portant les décisions prises à la connaissance des usagers.
L'amendement no 258 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 193 .
Il vise à élargir aux patients experts la composition du directoire. La démocratie sanitaire doit en effet être renforcée, avec une participation aux soins effective de la population. Les patients experts sont des personnalités très qualifiées puisqu'ils sont eux-mêmes diplômés. Au-delà de leur participation aux autres instances médico-sociales, sociales et sanitaires, il serait intéressant de les faire siéger au directoire.
Défavorable. Nous parlons de gouvernance. Je suis d'accord avec vous, les patients experts ont un rôle à jouer dans la formation. La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé – OTSS – a d'ailleurs prévu à titre expérimental de les faire participer à la formation des étudiants, sans pour autant leur confier un rôle de gouvernance, car ils ne sont pas des experts dans ce domaine.
Dès lors qu'un usager peut être nommé en tant que personnalité qualifiée, un patient expert peut l'être. Votre amendement est donc pleinement satisfait. Je suis tout à fait favorable à la promotion des patients experts ; j'ai même été parrain d'une université des patients à l'hôpital de Grenoble. Je crois à leur utilité. Cependant, un patient expert reste un patient : à moins que vous puissiez me démontrer qu'il n'est pas un usager, je vous appelle à retirer l'amendement, afin de ne pas alourdir la rédaction de l'article. Sinon, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 193 est retiré.
L'amendement no 250 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 346 .
Les usagers sont déjà représentés au conseil de surveillance. Nous proposons que leur participation au directoire ne soit pas obligatoire mais optionnelle.
Le directoire est quand même le stratège de l'hôpital. Si on vous suivait, pourquoi ne pas faire siéger des représentants des usagers au conseil des ministres ?
Rires sur les bancs du groupe LR.
La présence n'est pas obligatoire. Vous n'allez pas en prison si vous ne vous rendez pas à une réunion du directoire et vous ne recevez pas de jetons de présence dans le cas contraire. La rédaction de votre amendement vise à rendre facultative l'invitation faite aux représentants du personnel et des usagers de siéger au directoire. Je vous propose de le retirer, sinon l'avis sera défavorable.
L'amendement no 346 n'est pas adopté.
L'amendement no 297 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements portant article additionnel après l'article 9. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 69 .
Les instances hospitalières souffrent d'un manque de démocratie, en particulier depuis la loi Bachelot de 2009, qui a centralisé la gouvernance des établissements autour du directoire et du conseil de surveillance. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine estime que les organisations syndicales et les usagers n'y sont pas suffisamment représentés. Cela contribue au malaise du personnel hospitalier qui perdure depuis de nombreuses années. Pour renforcer la démocratie sanitaire et le droit d'expression des personnels hospitaliers, cet amendement vise à doubler la présence des représentants du personnel médical et non médical au sein du conseil de surveillance des hôpitaux publics.
Voilà une réponse pour le moins concise et sibylline – même si les explications ont été données en commission. Je mesure mal de quoi la droite a peur quand on veut renforcer la démocratie sanitaire, …
Vous voulez doubler la place faite aux syndicats !
… et j'ignore ce qui empêche le Gouvernement d'admettre qu'on réfléchit mieux avec plusieurs têtes qu'avec une seule, surtout après la crise que nous venons de traverser. Les problèmes sanitaires actuels montrent que la restauration du lien de confiance entre les acteurs et les décideurs constitue un enjeu, de même qu'entre les citoyens et le système de santé. Tout ce qui est de nature à recoudre ce lien doit faire l'objet de plus d'attention que votre simple « avis défavorable » n'en témoigne. Dès juin 2017, nous dénoncions la désespérance en faisant le tour des hôpitaux. Mme Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, nous renvoyait dans nos 40 mètres…
C'est parce qu'elle ne tapait pas fort… Elle est victime de la montée du chômage, maintenant, Mme Buzyn !
… en disant que nous ne savions pas de quoi nous parlions, qu'elle avait été toubib, qu'elle savait comment ça se passe dans les hôpitaux. Depuis, cela vous a éclaté à la figure ! Il faut faire en sorte que les soignants et leurs représentants syndicaux et les usagers et leurs représentants syndicaux soient systématiquement associés aux concertations et aux décisions qui les concernent.
L'amendement no 69 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 481 .
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Dans l'exercice de ses missions, le directeur d'un établissement hospitalier peut se trouver en situation de conflit d'intérêts, lorsque son établissement contracte ou entretient des relations opérationnelles avec des tiers, des groupements ou des associations dans lesquels il siégerait ès qualités.
Cet amendement vise donc à doter le directeur d'un établissement public de santé d'outils de prévention des conflits d'intérêts efficaces et adaptés aux spécificités de sa fonction, en complétant le dispositif de l'article 25 bis de la loi du 17 juillet 1983. Le directeur concerné pourrait déléguer ses pouvoirs après en avoir informé le conseil de surveillance.
Monsieur le ministre, la disposition proposée par M. Touraine ne devrait-elle pas s'étendre à d'autres situations ? Je citerai deux exemples, celui d'un secrétaire d'un CHSCT – comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – détenant un mandat électif dans la commune où se trouve l'hôpital, et celui d'un chef de service exerçant également un mandat dans cette commune ou dans le département – j'ai eu personnellement l'expérience de ce dernier cas. À chaque fois, les personnes concernées sont manifestement en situation de conflit d'intérêts. Si M. Touraine est d'accord, je pense que la navette parlementaire nous offre l'occasion d'enrichir son amendement afin de prendre en compte les situations que j'ai citées et d'autres auxquelles je n'ai sans doute pas pensé.
Le conflit d'intérêts, c'est lorsque quelqu'un détient un intérêt particulier, en général financier, et qu'il se sert d'un mandat d'intérêt général pour agir en faveur de cet intérêt particulier. En revanche, un syndicaliste a une mission d'intérêt général ; un élu du bled où est installé l'hôpital a une mission d'intérêt général, puisqu'il représente le peuple. À moins que vous ne souhaitiez interdire aux syndicalistes d'être élus, ou aux élus d'être syndicalistes, je ne vois pas là de conflit d'intérêts caractérisé.
Ce qu'il faut combattre, c'est l'enrichissement personnel d'un cadre, y compris hospitalier, lorsqu'il exerce sa mission de cadre au bénéfice d'intérêts financiers particuliers. Mais votre proposition, monsieur Viala, est hors sujet.
L'amendement no 481 est adopté.
L'amendement no 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 404 .
En miroir des dispositions permettant d'intégrer les représentants des usagers aux directoires, il est nécessaire de mieux associer les représentants des usagers aux réflexions menées au sein de la commission médicale d'établissement sur la qualité et la sécurité des soins comme sur l'accueil et la prise en charge. Cet amendement vise donc à préciser qu'un membre issu de la commission des usagers siège à la CME lorsque ces thématiques sont abordées. L'accès aux plaintes et réclamations en commission des usagers est un baromètre en matière de droits des patients : il permet aux représentants des usagers siégeant en commission des usagers d'analyser des situations du quotidien pour proposer des améliorations de pratiques de l'établissement.
Cet amendement rentre donc parfaitement dans le champ de la proposition de loi, puisqu'il permet d'améliorer le système de santé par la confiance. Il nous a été proposé par France Assos Santé.
Nous faisons rentrer les usagers dans les directoires. L'hôpital compte d'autres instances, notamment la commission des usagers, auxquelles les usagers participent. Ils sont donc déjà pleinement partie prenante ; dès lors, il ne me paraît pas nécessaire d'adopter votre amendement. Avis défavorable.
L'amendement no 404 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet article devrait faire consensus, puisqu'il vise à mettre fin au mercenariat de l'intérim médical : le comptable public pourra informer le directeur de l'ARS, qui lui-même pourra saisir le tribunal administratif, lorsque les contrats ne rentrent pas dans un cadre fixé par voie réglementaire.
Monsieur le ministre, vous aviez vous-même, en d'autres temps, rendu un rapport sur ce sujet. Je peux témoigner que j'ai moi-même, dès 2017, été alertée par le directeur de l'hôpital de Roanne, ainsi que par le président du conseil médical de cet hôpital de périphérie. Cette pratique ne peut pas perdurer, car elle met les établissements en grande difficulté financière, et ce alors que les praticiens hospitaliers permanents sont très engagés au sein de l'hôpital.
L'intérim médical, c'est vraiment un problème ! Parfois, cela se passe bien, et les règles sont respectées ; mais il y a aussi de larges dépassements – et je ne m'étendrai pas sur les abus.
Parfois les directeurs d'hôpitaux sont trompés par certains intérimaires. Mais ils sont parfois aussi obligés d'accepter leurs conditions, pour ne pas fermer un service, pour assurer des urgences chirurgicales, les chirurgiens et les anesthésistes étant spécialement concernés. Vos prédécesseurs ont aussi essayé de lancer l'alerte et de juguler ce phénomène : vous n'êtes pas le premier, monsieur le ministre.
En revanche, nous ne pensons pas judicieux de faire peser sur le directeur d'hôpital la responsabilité du cadre du recours aux intérimaires. S'il se trouve dans une situation d'urgence, il sera obligé d'accepter ! Pourquoi serait-il alors responsable ? Nous proposerons par amendement que, lorsque le directeur n'a pas d'autre choix que d'engager un intérimaire pour huit jours, un week-end, une journée, il ait la possibilité de renvoyer le choix au directeur de l'ARS. Si celui-ci refuse le recrutement, il devra alors proposer une solution. Cette responsabilité revient à notre sens à l'ARS, plutôt qu'au directeur de l'hôpital, qui doit pouvoir, dans l'urgence, assurer le fonctionnement d'un service chirurgical ou d'anesthésiologie, par exemple.
Cet article va dans le bon sens. C'est une mesure devenue inévitable, car la situation n'est pas tenable. Les intérimaires sont toujours plus nombreux ; et plus l'établissement est petit, plus souvent il a recours à eux, pour des raisons toutes simples d'attractivité. Certains médecins sont payés davantage en prenant ces postes qu'ils ne le seraient en occupant un poste permanent à temps plein… On voit même des médecins qui ont un poste à temps complet dans un hôpital et un autre à temps partiel dans un autre hôpital ! Il faut donc mettre fin à ces surrémunérations injustifiées, et largement dues aux agences d'intérim.
Toutefois, Jean-Pierre Door a raison. Ces mesures n'entreront en vigueur que six mois après la publication de la loi, afin que chacun ait le temps de s'organiser ; mais certains hôpitaux vont être touchés de plein fouet. Des aménagements sont nécessaires pour éviter toute concurrence déloyale, comme pour éviter de nous retrouver avec des hôpitaux sans praticiens.
Mme Justine Bénin applaudit.
La préoccupation du Gouvernement est légitime, puisqu'il s'agit de faire la chasse aux mercenaires médicaux qui font des piges en intérim et touchent des sommes sans commune mesure avec les rémunérations de ceux qui, quotidiennement, sont au four et au moulin.
Mais il y a un principe de réalité : dans un grand nombre de territoires, la démographie médicale est mauvaise. Dans certains hôpitaux de second rang – terme que je n'aime pas beaucoup, mais que j'emploie à défaut d'en trouver un autre plus adapté – , ou de proximité, attirer des toubibs est un vrai problème. Et le seul moyen pour les directeurs d'hôpitaux de certains territoires enclavés pour faire vivre un service mobile d'urgence et de réanimation – SMUR – , ou des services de consultations avancées, est parfois de faire appel à l'intérim. Si vous l'empêchez, alors vous devez dire à la représentation nationale que vous prenez le risque de voir fermer des services, voire des hôpitaux entiers.
Il faut donc trouver un équilibre. Il faudrait peut-être prévoir par exemple un seuil qui serait fonction de la démographie médicale, car c'est là une réalité qui s'impose aux hôpitaux.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 490 , tendant à supprimer l'article 10.
Nous voulons bien sûr lutter contre un recours trop étendu à l'intérim médical, contre les dérives, et notamment contre l'inflation des rémunérations exigées et les inégalités qui en résultent – c'est même parfois un chantage. Il faut s'attaquer à ce fléau, nous en sommes convaincus comme vous. Des mesures, que nous avons soutenues, ont déjà été adoptées.
Mais en l'occurrence, il nous semble que vous vous trompez de levier. Les craintes de Sébastien Jumel risquent de se révéler justifiées : certains établissements pourraient voir leurs difficultés s'aggraver, et leurs directeurs être menacés d'être traînés devant le tribunal administratif – ils s'en sont d'ailleurs émus, comme vous le savez certainement.
Nous vous proposons plutôt de vous attaquer aux sociétés d'intérim, qui proposent ces services à des prix prohibitifs. L'action serait à mon sens beaucoup plus efficace, et n'aurait pas les effets pervers que nous vous signalons.
C'est un article important, qui contribuera à mettre fin au mercenariat ; dans certains établissements, notamment les plus petits, c'est parfois la moitié de la masse salariale qui est concernée.
Nous avons entendu les craintes qui se sont exprimées ; en commission, nous avons donc voté un délai de six mois…
… ce qui permettra d'envoyer un message clair, déterminé, tout en laissant le temps à tous les établissements de se préparer. Cela me paraît de nature à calmer les inquiétudes. Avis défavorable.
On la tient, cette fois, la solution aux excès, aux dérives, des missions de courte durée médicales dans les hôpitaux ! Nous avons tâtonné – un premier rapport parlementaire en 2013, des mesures législatives et réglementaires, des plafonds. Un mouvement de contestation de médecins intérimaires est même né ; ils avaient décidé de boycotter les hôpitaux qui respecteraient les tarifs réglementaires… Une pression énorme pèse sur les épaules des directeurs d'hôpitaux, qui n'y sont pour rien, et qui sont parfois obligés de céder à un véritable marchandage pour faire tourner les services. Il y a eu aussi une hémorragie de praticiens qui ont quitté la fonction publique hospitalière pour aller exercer ailleurs, de façon plus lucrative. Chez ceux qui restent, il y a un profond agacement, voire de la détresse : ils font le boulot au quotidien et voient arriver des médecins qui, certes, viennent en renfort, mais qui se font parfois aussi payer un demi-mois de salaire d'un praticien hospitalier pour une garde de vingt-quatre heures.
Le dispositif proposé ici est imparable : même si un directeur, la mort dans l'âme, était obligé de céder à la demande excessive d'un médecin ou d'une structure, une agence d'intérim par exemple, il ne pourrait pas payer. Le chèque ne pourrait pas partir. Le plafond tarifaire devient contraignant – un plafond qui n'est pas absolument délirant, puisqu'il est tout de même d'un millier d'euros nets pour une garde de vingt-quatre heures… C'est loin d'être scandaleux, en tout cas dans le sens où ce serait insuffisant !
Il ne s'agit pas ici de mettre en cause les médecins qui exercent en intérim. Nous avons besoin d'intérimaires, pour des missions de courte durée, pour des remplacements. Mais cela ne doit pas devenir la règle ; or certains services tournent aujourd'hui avec 80 %, voire 90 % d'effectifs présents pour un jour, deux jours, une semaine, un mois… et cela coûte une véritable fortune. Dans certains hôpitaux, le déficit annuel correspond, quasiment à l'euro près, aux surdépenses liées à l'intérim médical.
Vous avez ici l'occasion de voter une disposition définitive, propre, plutôt maligne, madame la rapporteure, et sur laquelle il ne sera plus nécessaire de revenir, puisqu'il sera impossible de la contourner. Je suis donc très défavorable à l'amendement de suppression, et j'espère un soutien très large de la représentation nationale à cet article. Vous êtes nombreux à nous alerter sur les ravages causés par les excès de l'intérim médical.
Le groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés ne votera pas l'amendement de suppression. Je tiens à vous remercier et à vous féliciter, madame la rapporteure, d'avoir proposé ces dispositions, qui, comme l'a indiqué M. le ministre, permettront effectivement d'avancer, et je remercie ce dernier d'avoir donné un avis favorable à nos amendements. La mesure concernera ainsi non seulement l'intérim, mais aussi les contrats de gré à gré. Moi qui croyais connaître l'hôpital, j'ai été surpris d'apprendre, lors des auditions, que la rémunération de certains médecins pouvait atteindre 18 000 euros par mois ! Grâce à l'article 10, l'hôpital sera réintégré dans le droit commun. Bravo, madame la rapporteure !
Je suis tout à fait d'accord avec vos arguments, monsieur le ministre. Toutefois, j'ai une inquiétude en ce qui concerne certains services d'urgence qui peuvent difficilement travailler sans faire appel à des urgentistes intérimaires. Ces services, pourtant nécessaires, ont déjà du mal à fonctionner. Il ne faudrait pas que la nouvelle législation les mette en difficulté et conduise à leur fermeture. J'aimerais que vous leviez cette inquiétude. Pourriez-vous en outre nous préciser si les praticiens hospitaliers qui disposent déjà d'un poste à l'hôpital pourront toujours effectuer un intérim ?
Tout ce que vous avez dit est parfaitement exact, monsieur le ministre : les injustices sont criantes, ce qui suscite des conflits dans les services ; il est évidemment incompréhensible que le salaire puisse passer du simple au double pour une même mission – j'ai en tête de nombreux exemples de cette nature.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne vous incite donc pas à défendre les mercenaires intérimaires qui font du fric grâce à l'argent public.
Néanmoins, comment résolvez-vous les problèmes d'aménagement du territoire et de démographie médicale ? Certains hôpitaux situés dans des territoires peu attractifs risquent de devoir fermer des lignes de SMUR, voire des blocs opératoires, dès lors que leur directeur n'aura plus la faculté de recourir à l'intérim pour engager, par exemple, des anesthésistes.
Mille cinq cents euros par jour ! Les communistes ne peuvent tout de même pas accepter ça !
Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? Tout le monde va applaudir le fait que l'on mette fin au recours excessif à l'intérim. Mais demain, quand cela se traduira par la fermeture de services de proximité, gageons que les applaudissements seront moins nourris !
La parole est à M. Philippe Vigier, bien que M. Isaac-Sibille se soit déjà exprimé au nom du groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés.
Je veux vous faire part de la situation dont j'ai été témoin au cours de l'été 2018 à Bourges – Mme la rapporteure vient d'ailleurs de la même région que moi : à seize heures, le directeur de l'hôpital ne savait pas si quelqu'un allait prendre la garde le soir, et le tarif pour une nuit était monté à 2 800 euros !
Voilà la réalité à laquelle nous faisions face ; il faut dire les choses telles qu'elles sont.
L'amendement suivant de Mme Firmin Le Bodo vise d'ailleurs à vous fournir un outil supplémentaire pour faire respecter les grilles tarifaires, monsieur le ministre.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour l'article 10, et M. le ministre pour son engagement sur la question depuis plusieurs années.
Madame Biémouret, je comprends votre inquiétude en ce qui concerne les services d'urgence. Toutefois, si la mesure est adoptée, elle sera générale : elle s'appliquera à tous les établissements de la même façon, sur tout le territoire national. Les difficultés actuelles tiennent précisément au fait que le décret en vigueur est respecté de façon hétérogène, ce qui crée des différences entre les territoires et entre les hôpitaux. La mesure permettra de mettre un terme à cette situation.
Par ailleurs, le recours à l'intérim peut susciter de véritables difficultés. La semaine dernière, le service d'urgence d'un hôpital de Charente a dû fermer une ligne de SMUR pendant vingt-quatre heures parce que l'intérimaire n'avait pas pris son poste. Nous allons désormais pouvoir avancer sur ces questions.
Signalons surtout que des démarches très vertueuses sont engagées, notamment dans les groupements hospitaliers de territoire – j'ai pu le constater lors de déplacements dans le Nord dans le cadre de la mission relative aux urgences que j'ai conduite l'année dernière. Des équipes de territoire sont constituées, et les urgentistes d'un hôpital vont travailler en renfort dans d'autres établissements qui ont davantage de difficultés. C'est précisément ce qu'il convient de développer, notamment en rendant l'exercice multisites plus attractif. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
L'amendement no 490 est retiré.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 82 rectifié .
Je suis heureuse de défendre l'un des rares amendements du groupe Agir ensemble qui ait passé les fourches caudines de l'article 45 de la Constitution.
Les hôpitaux ont besoin de l'intérim, nous en sommes tous conscients. Toutefois, comme vient de le rappeler Thomas Mesnier, les règles en la matière ne sont pas toujours appliquées de manière vertueuse sur tout le territoire. Ces pratiques suscitent entre les hôpitaux une compétition qui va à l'encontre des objectifs des schémas régionaux d'organisation des soins – lesquels visent précisément à organiser l'offre de soins sur un territoire donné et à résoudre les problèmes d'aménagement du territoire, monsieur Jumel.
Le présent amendement s'inscrit dans la continuité des recommandations d'un rapport de 2013 relatif à l'emploi médical temporaire à l'hôpital, remis par un certain Olivier Véran. Il vise à permettre au comptable public d'écrêter toute rémunération irrégulière d'un praticien, afin de la mettre en adéquation avec les conditions fixées par la réglementation. Le comptable public en informerait alors le directeur de l'établissement et le professionnel concerné, tout en leur rappelant les conditions réglementaires.
Sur le fond, l'idée paraît bonne, et nous aimerions y être favorables. Toutefois, nous ne pouvons pas accepter le mécanisme d'écrêtement, en raison de la séparation entre l'ordonnateur et le payeur. L'avis est donc défavorable.
J'avais effectivement formulé une proposition en ce sens dans le rapport que j'avais remis en 2013. Toutefois, je ne la reprends pas aujourd'hui en ma qualité de ministre. En effet, elle serait inapplicable, car illégale, comme vient de le relever très justement Mme la rapporteure : la séparation entre l'ordonnateur et le comptable fait obstacle aux procédures d'écrêtement prévues par cet amendement et par certains amendements suivants. L'écrêtement serait redoutablement efficace, mais la mesure qui figure à l'article 10 l'est tout autant.
Depuis que le cumul des indemnités des élus a été plafonné, un écrêtement est pratiqué, notamment pour les députés qui sont en outre élus locaux.
C'est la seule exception à la règle.
La responsabilité de l'appliquer revient alors à la collectivité concernée, celle-ci étant non pas le payeur, mais l'ordonnateur. Or il en va de même pour un hôpital. Je ne vois donc pas où est la difficulté : on pourrait tout à fait écrêter les rémunérations même si l'ordre de verser 3 000, 5 000 ou 10 000 euros a été passé. Pour les parlementaires, c'est appliqué tous les jours !
Cela ne fonctionne que pour les élus, car il s'agit d'indemnités.
L'amendement no 82 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 347 .
Les députés de la droite républicaine ont toujours été opposés au recours excessif à l'intérim et au mercenariat dans les hôpitaux.
Nous le disons depuis des années, monsieur le ministre ; nous avons également plaidé en ce sens auprès de vos prédécesseurs.
En revanche, de notre point de vue, la rédaction de l'article 10 pose un problème : elle fait peser sur les épaules des seuls directeurs d'hôpitaux la responsabilité de recourir à l'intérim.
Comme l'a rappelé M. Vigier, un directeur peut se retrouver un vendredi ou en samedi à la recherche d'un anesthésiste pour une opération chirurgicale urgente. Dans ce cas, il appelle un intérimaire dont il a la carte. Si celui-ci lui demande une rémunération exagérée, …
… que va-t-il faire ? Telle qu'elle est rédigée, la disposition que vous proposez lui laissera le choix entre le tribunal administratif, la cour de discipline budgétaire et financière ou le tribunal pénal !
Nous souhaitons qu'un directeur confronté à une telle situation puisse faire appel en urgence au directeur général de l'ARS ou à son représentant pour trouver une solution. Il appartiendrait à celui-ci d'accepter ou de refuser le recours à l'intérim, et de décider, le cas échéant, le transfert du patient dans un autre hôpital – on peut imaginer, par exemple, un transfert au sein d'un GHT, d'un petit établissement vers un établissement plus important – , ce qui entraînerait évidemment des frais de déplacement, en hélicoptère ou en ambulance.
Les directeurs d'hôpitaux doivent pouvoir solliciter l'avis du directeur général de l'ARS. Il convient de les dégager de telles difficultés.
Je comprends votre intention, monsieur Door, mais, tel qu'il est formulé, l'amendement entérinerait le fait que les directeurs d'hôpitaux ont le droit de ne pas respecter la loi. On ne peut donc y être favorable.
Prenons un cas pratique : du fait d'un arrêt dans son équipe un jeudi, un directeur d'hôpital se retrouve sans anesthésiste pour le bloc opératoire le samedi suivant. Il appelle alors une agence d'intérim ou un médecin anesthésiste qui fait partie de son réseau, celui-ci ayant déjà travaillé dans l'hôpital dans le cadre d'une mission d'intérim ou d'un contrat de gré à gré. L'agence lui répond qu'elle peut lui trouver un anesthésiste pour le samedi, mais que cela lui coûtera 3 000 euros pour vingt-quatre heures.
S'il n'a vraiment pas le choix, le directeur donnera son accord, bien que la loi le lui interdise, puisqu'elle plafonne la rémunération à environ 1 300 euros. Le directeur se mettra donc hors la loi, mais le service tournera. Au pire, il se fera taper sur les doigts par le comptable ou par la chambre régionale des comptes, mais il sera trop tard. Quant à l'agence d'intérim et au médecin intérimaire, ils seront tranquilles, car ils sauront que le directeur paiera.
Avec la disposition prévue à l'article 10, en revanche, l'agence d'intérim et le médecin intérimaire auront beau demander 3 000 euros, le paiement sera bloqué, même si le directeur a donné son accord. La loi s'appliquera sur tout le territoire national, la règle sera la même pour tous : personne ne pourra être payé 3 000 euros pour vingt-quatre heures. Le comptable rappellera les termes de la loi au directeur d'hôpital et l'autorisera à verser au maximum 1 300 euros au médecin intérimaire, conformément à la loi.
Votre amendement, monsieur Door, permettrait au médecin intérimaire de répondre au directeur d'hôpital : débrouillez-vous, appelez le directeur général de l'ARS et dites-lui que, si vous ne me payez pas 3 000 euros, je ne viens pas. Dans ce cas, autant ne pas voter l'article 10 ! Cela reviendrait en effet à transférer la responsabilité du directeur d'hôpital au directeur général de l'ARS, lequel devrait décider d'accorder ou non une dérogation pour une pratique scandaleuse. Et le directeur d'hôpital pourrait répondre au médecin intérimaire : je m'arrangerai plus tard avec le directeur général de l'ARS…
Tant qu'il y aura, sur le territoire national, des établissements de santé qui continueront à déroger à la loi – parce qu'ils n'ont pas le choix, qu'ils ont le couteau sous la gorge ou la corde au cou… – , les médecins intérimaires se feront payer. Tel était bien le message adressé en substance par les médecins intérimaires qui ont organisé un mouvement de boycott il y a un an et demi : nous nous en fichons, nous n'allons plus travailler dans les hôpitaux qui respectent la loi ; nous allons travailler dans les autres, qui ne la respectent pas.
Avec l'article 10, il ne sera plus possible de prendre une décision individuelle ; quelle que soit la situation, quoi que l'on fasse, on ne pourra pas déroger à la loi. Je trouve cela très sain, et c'est le seul moyen de mettre fin aux abus de l'intérim médical.
Mme Cendra Motin applaudit.
Je suggère le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Non, monsieur le président. Les directeurs d'hôpitaux sont vent debout contre l'article 10.
Notre scepticisme nous amène à soulever deux questions.
Premièrement, des mesures de plafonnement sont-elles appliquées dans le secteur privé ? Ne serait-il pas nécessaire d'en instaurer ? Si tel n'est pas le cas, ceux qui pratiquent l'intérim pourront transférer leur activité vers le secteur privé, auquel cas il sera plus difficile encore pour l'hôpital public d'assumer ses missions.
Sommes-nous donc capables de prendre les mêmes mesures de fermeté dans le secteur privé ? Vous me démentirez peut-être, mais j'estime que si nous ne le faisons pas, le dispositif ne sera pas complet et engendrera des dégâts.
Deuxièmement, vous ciblez la fonction de directeur d'hôpital alors que, comme vous venez de l'expliquer, monsieur le ministre, celui qui cherche à imposer – y compris par la menace – ses conditions exorbitantes ne sera pas inquiété. Il conviendrait que les agences – voire les individus, mais notre amendement ne concerne que celles-ci – soient aussi sanctionnées si elles outrepassent la loi.
L'amendement no 347 n'est pas adopté.
L'amendement no 451 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 325 .
Les élus qui disposent de plusieurs mandats connaissent le principe d'écrêtement auquel M. Vigier a fait référence. Cet amendement vise à l'appliquer aux praticiens intérimaires : plutôt que de rejeter le paiement, il prévoit d'écrêter le montant de leur rémunération dépassant le plafond fixé par voie réglementaire.
S'il est essentiel de lutter avec force contre le mercenariat médical, le refus de payer une rémunération irrégulière pourrait compliquer la tâche de certains établissements de santé éprouvant de lourdes difficultés à recruter des praticiens.
Voilà pourquoi je propose d'écrêter les rémunérations excessives et, si nécessaire, de distinguer l'ordonnateur et le comptable payeur.
Nous avons déjà discuté du principe d'écrêtement. L'avis est défavorable.
L'amendement no 325 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
Nous en venons à l'amendement no 491 portant article additionnel après l'article 10. La parole est à M. Pierre Dharréville pour le soutenir.
Cet amendement reprend la proposition que je viens de formuler et vise à ne pas sanctionner les seuls hôpitaux publics – comme le prévoit l'article 10 – , mais aussi les agences de travail temporaire qui ne respecteraient pas les plafonds de rémunération prévus par la loi, en les exposant à des amendes.
Par ailleurs, j'ai bien noté que vous n'étiez pas foncièrement opposés à l'établissement d'une sorte d'échelle des rémunérations. Nous avons défendu cette mesure à plusieurs reprises dans cet hémicycle et nous y reviendrons en d'autres occasions.
L'avis est défavorable, car cet amendement me semble contrevenir au droit de la concurrence et à la liberté d'entreprendre.
Il me semble – en tant que représentant du Gouvernement, je ne devrais pas dire « il me semble », mais cette disposition ne fait pas partie du périmètre de mon ministère ; j'en suis toutefois presque certain – que la facturation du travail temporaire est d'ores et déjà régulée en fonction des tarifs réguliers pratiqués dans le même secteur d'activité par les mêmes acteurs. Cela signifie que les intérimaires peuvent bénéficier d'une majoration horaire, mais pas d'une multiplication de leur rémunération. Je l'avais pointé et dénoncé dans mon rapport parlementaire de 2013.
Des décrets sanctionnent les manquements à cette règle. Inscrire cette disposition dans la loi ne me semble donc pas nécessaire. J'ajoute que l'amendement vise à modifier le code de la santé publique alors qu'une telle mesure relèverait plutôt du code du travail.
Cela étant, ne vous leurrez pas, monsieur le député. Si, dans mon rapport, je faisais état de nombre d'agences qui ne respectaient pas le droit, celles-ci n'étaient, pour la plupart, pas domiciliées en France. En remontant la piste, certaines étaient même des sociétés boîte aux lettres utilisées par d'autres entreprises. Ce phénomène ne concerne pas le secteur de l'intérim médical français. Nous disposons d'un intérim médical et paramédical très bien structuré et dont je ne remets aucunement en question l'utilité. En revanche, votre amendement pourrait avoir pour effet de le pénaliser au profit de certains concurrents basés à l'étranger, souvent dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse.
Par ailleurs, l'amendement ne concerne pas les contrats de gré à gré, majoritaires dans l'intérim médical. Beaucoup d'intérimaires sont des médecins qui disposent de leur propre réseau d'hôpitaux sont en mesure de proposer, par exemple, un remplacement d'une semaine pendant les vacances de Noël. Votre amendement ne changerait rien à cette façon de fonctionner.
En revanche, l'article 10 répond à la question que vous soulevez ; inutile de s'embêter davantage ! Une agence d'intérim dans le domaine médical ne pourra plus demander des rémunérations dépassant les tarifs réglementaires.
L'amendement no 491 n'est pas adopté.
Cet article important prévoit l'introduction, dans le projet d'établissement des établissements publics de santé, d'un volet écoresponsable – définissant les objectifs de réduction du bilan carbone – et d'un projet de gouvernance et de management participatif ayant vocation à s'ajouter au projet social.
Qu'est-ce que le management participatif ? C'est un management qui permet de mobiliser et d'impliquer les collaborateurs dans le fonctionnement et la prise de décision ; de renforcer les liens interpersonnels entre les différentes équipes et l'esprit de groupe et de favoriser la contribution active des agents au progrès de l'établissement ; d'instaurer une politique de développement personnel avec le souci de veiller à des conditions de travail favorables.
Le management participatif est effectif dès lors que la direction délègue aux agents, selon le principe de subsidiarité, la prise en charge de certaines fonctions. Chaque membre de l'équipe prend des décisions suivant son niveau de responsabilité et en accord avec la stratégie élaborée par l'établissement. Autonomiser les équipes et trouver des solutions grâce à leur participation est une façon de garantir l'implication des personnels. Ce type de management, qui suppose un sens de l'écoute, le respect de l'autre, le dialogue et la capacité à déléguer, permet aux différentes structures d'un établissement de communiquer beaucoup mieux entre elles.
Je souhaite tout d'abord remercier le très actif mouvement des Jeunes médecins – que vous avez d'ailleurs entendu, monsieur le ministre, dans le cadre du Ségur de la santé – ainsi que l'intersyndicale Action praticiens hôpital, qui m'ont communiqué de nombreux éléments ayant alimenté mes diverses interventions.
Nous en arrivons au terme de l'examen de ce texte. Je croyais y trouver un grand dessein et la source d'un formidable espoir dans la terrible période que nous vivons avec le covid-19. Mais je me rends compte que de dessein, il n'y a point – ni même de tentative d'adaptation à la crise en cours. À cet égard, il me semble que l'un des enjeux les plus prégnants a été de gérer les lits d'urgence et les soins intensifs. Pour cela, nous avons dû transporter des patients du nord au sud de la France, et inversement, ou encore réquisitionner des hôtels. Or je ne vois dans ce texte aucune disposition qui nous permettrait de faire face si, par malheur, nous étions confrontés à une troisième vague du covid-19.
Surtout, je ne vois aucun projet pour l'hôpital et la santé. Certes, monsieur le ministre, vous n'êtes pas responsable de tout : je l'ai dit et répété, notre organisation des soins a été l'objet de négligences depuis trente ans et d'un véritable assassinat depuis vingt.
Je ne comprends rien.
Mais un jeune ministre comme vous pourrait néanmoins donner une orientation pour l'avenir. Pour l'heure, il n'y en a pas, mais si je la vois venir, monsieur le président, je le dirai.
C'est bien, ce fut comme une suspension de séance…
Ce sont peut-être des lieux communs, mais la santé n'est pas une marchandise comme une autre et l'hôpital n'est pas une entreprise.
Mais il y a du management et c'est très beau !
La crise que nous traversons, qui était d'ailleurs annoncée depuis de nombreuses années, a révélé que la T2A – tarification à l'activité – , la logique de course à la rentabilité et son contrôle par le DIM – département d'information médicale – avaient entraîné une pression managériale et conduit à une perte de sens et même à une dégradation des conditions de travail dans l'hôpital, et ce aussi bien pour les médecins, les infirmiers et les aides-soignants que pour les personnels techniques.
C'est la raison pour laquelle nous sommes très dubitatifs vis-à-vis de votre volonté de consacrer par la loi l'existence du new manager. Je le répète, l'hôpital n'est pas une entreprise. Chercher à donner un but commun à une communauté hospitalière, autour d'objectifs de santé publique, …
… en vue d'améliorer la réponse aux besoins de santé ; bâtir des politiques nationales qui prennent en considération les diagnostics établis dans les territoires, oui, cela nous plairait bien. Et il nous plairait encore plus que soient alloués les moyens budgétaires nécessaires pour y parvenir. Mais faire entrer l'hôpital dans une logique d'entreprise, cela ne nous semble pas tenir compte de la réalité de la crise ni du désespoir profond que celle-ci a révélé dans la communauté hospitalière – même si ce désespoir existait bien avant.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 140 .
Aux termes de l'article L. 6143-2 du code de la santé publique, le projet d'établissement « comporte un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet médical et le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, ainsi qu'un projet psychologique et un projet social ». Ces éléments constituent le coeur même de l'action des établissements publics de santé, c'est-à-dire le soin.
Introduire l'aspect organisationnel dans le projet d'établissement pourrait s'envisager dans des conditions très spécifiques, mais l'article 11 prévoit que le « pilotage », l'« animation » et la « motivation » visent à « atteindre les objectifs du projet d'établissement ». Or le seul objectif à atteindre est celui du soin des patients et non la rentabilité, sous-entendue par la logique managériale importée du secteur privé lucratif.
La mesure no 23 du Ségur de la santé, intitulée « Mieux prévenir les conflits à l'hôpital », se fonde sur un besoin d'amélioration du management, vu comme une priorité par 27 % des personnels sondés. Mais ceux-ci entendaient par là « plus d'écoute des professionnels et plus de proximité ». D'après les conclusions du Ségur de la santé, il conviendrait, pour répondre à cette demande, de « favoriser la prévention et le règlement des conflits aux niveaux de proximité » et de « généraliser les dispositifs de conciliation au sein de chaque établissement ». En aucun cas, la demande d'amélioration du management ne reflétait un besoin de pilotage, d'animation et de motivation à atteindre les objectifs du projet d'établissement.
Défavorable. L'article 11 est important car il tend à intégrer un projet de management au projet d'établissement. En commission, Thomas Mesnier et plusieurs autres collègues ont contribué, par leurs propositions, à en préciser la rédaction, et je donnerai dans un instant un avis favorable à plusieurs amendements allant dans le même sens. Je trouverais donc vraiment dommage que l'on supprime cet article, d'autant que, comme l'indique le rapport d'Olivier Claris, le projet de management est une mesure consensuelle, attendue par l'ensemble des professionnels de santé.
Le mot management est toléré par l'Académie française, dès lors qu'il est prononcé à la française, et non à l'anglaise.
Je comprends parfaitement, monsieur Jumel, que pour vous ce mot renvoie à la conduite des affaires d'une entreprise, dans le but de dégager des profits. Pourtant, son étymologie latine – manus et agere – désigne simplement le fait d'agir par la main, de conduire.
Sa définition acceptée est la suivante : c'est « l'ensemble des pratiques et savoir-faire associés à l'organisation du travail et aux relations humaines, avec une dimension collective. »
Par ailleurs, si l'hôpital n'est pas une entreprise, c'est en revanche le premier employeur dans de nombreux territoires, avec des voies hiérarchiques propres – paramédicales, médicales, direction générale – , des salariés, un directoire et un conseil de surveillance. L'hôpital est donc bien concerné par la question de l'accompagnement collectif des salariés et par les pratiques et savoir-faire associés à l'organisation du travail. L'intérêt de cet article est qu'il permettra d'en tenir compte au sein de ces établissements. Qu'est-ce qui vous choque ?
Je comprendrais votre opposition si le management allait nécessairement de pair avec la recherche de profit dans l'entreprise, mais ce n'est pas du tout le cas. Vous vous en rendrez compte si vous lisez l'article et si vous lisez le rapport du professeur Claris.
L'un des problèmes de l'hôpital est qu'il est pétri de conflits. Dans la même journée, vous pouvez recevoir le message d'un médecin qui se déclare harcelé par un de ses collègues, lequel vous écrira pour accuser un autre médecin de harcèlement.
Les salariés travaillent dans le stress, dans la fatigue. Ils exercent un métier qui leur tient profondément à coeur, qu'ils soient médecins, aides-soignants, ASH – agents de service hospitalier – ou infirmiers, et qui implique de savoir travailler ensemble, dès lors qu'ils portent leur tenue professionnelle, leur blouse.
Il est donc fondamental d'organiser le travail non pas dans le but de créer des profits, mais pour accompagner les équipes, gérer les conflits, et améliorer la qualité de vie au travail. Autant de mots qui pour les députés des groupes Gauche démocrate et républicaine et Socialistes et apparentés ne devraient pas sonner comme des injures.
Vous ayant répondu sur le fond de l'article, qui correspond, je le répète, à une demande formulée par les professionnels eux-mêmes, je vous demande de retirer les amendements – à moins qu'il n'y ait pas, selon vous, de problèmes de management, de qualité de vie au travail et de conflit à l'hôpital ?
Non, même si la réponse est habile. Vous oubliez tout ce qui s'est passé depuis l'Antiquité. Je crois comme vous que les mots ont un sens ; celui-ci s'est chargé de toute une histoire et une pensée s'est construite, celle des méthodes managériales, qui ont été élaborées au cours du XXe siècle et du début du XXIe pour gérer des grandes entreprises, dans le but de dégager des profits, avec les dégâts humains monumentaux que l'on connaît.
Nous pensons que votre projet est de les introduire à l'hôpital, comme nous l'avons vu faire ailleurs dans la fonction publique. Voilà la vérité des prix, et ce à quoi nous nous opposons, parce que ce ne serait pas une réponse efficace, à la hauteur des enjeux du service public.
En revanche, si vous vous intéressez à la santé au travail à l'hôpital, nous serons avec vous, parce qu'elle représente un vrai enjeu. Les arrêts de travail dans les secteurs médico-social et médical sont beaucoup plus nombreux qu'ailleurs. Il y a donc beaucoup à faire, et il faut notamment prendre d'autres mesures dans les PLFSS, les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne retire pas non plus mon amendement. Bien sûr que l'écoute est nécessaire. J'ai présidé le conseil de surveillance d'un hôpital pendant dix ans, et j'ai écouté les uns et les autres, permettant ainsi, c'est certain, d'éviter des conflits.
De fait, comme vous l'avez dit, les salariés ont besoin d'être écoutés, de se rencontrer, de travailler à des projets communs, de donner du sens à leur travail, mais tel n'est pas du tout le sens de l'article.
Certains rappellent que le mot entreprise doit rester tabou, puisque l'hôpital remplit une mission de service public et doit permettre l'égalité de tous en matière de soins.
Comparons plutôt celui-ci à une association, ou à un parti politique, alors. Dans tous les cas, pour atteindre les objectifs qu'elle a fixés, la direction élabore des stratégies.
Par ailleurs, en commission, nous avons précisé que les objectifs, en matière de management participatif de l'hôpital, devaient être atteints « collectivement », et répondre à des « besoins et des attentes individuels et collectifs ».
L'amendement no 313 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anissa Khedher, pour soutenir l'amendement no 458 .
La dernière phrase de l'alinéa 6 précise mentionne « les personnels soignants, médicaux et paramédicaux ». Par souci de cohérence, il est donc préférable de remplacer le mot « soignantes », par « paramédicales » à la première phrase du même alinéa.
L'amendement no 458 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 456 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le code de la santé publique n'inclut pas les psychologues dans la liste des professions médicales ou des auxiliaires médicaux.
Ceux-ci ne peuvent donc pas être représentés dans la commission médicale ou des soins de l'établissement de santé où ils sont employés, alors que ces professionnels sont plus de 12 000 au niveau national.
En outre, leur rattachement hiérarchique de proximité demeure indéterminé, ce qui freine leur participation aux projets de l'établissement et empêche la prise en considération des besoins liés au déroulement de leur carrière.
En s'appuyant sur le bilan positif d'expériences menées dans plusieurs établissements de santé, le présent amendement vise à prévoir la désignation de psychologues coordonnateurs lorsque l'effectif des psychologues le permet.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, je sais que vous croyez en la complémentarité des acteurs. Les Français ont besoin d'un accès remboursé à la psychologie. Nous l'avons déjà dit, tous les problèmes ne peuvent pas être réglés par une approche psychiatrique. Dans la France du covid et de l'après-covid, il est donc essentiel d'accorder une juste place à la psychologie et aux psychologues. Le présent amendement va en ce sens.
Ce qui m'ennuie, monsieur Pouillat c'est que votre amendement se rapporte à un article concernant le projet de management, alors que ce n'est pas dans ce cadre que l'organisation hiérarchique pour cette profession doit être définie.
Avis défavorable, même si le sujet me semble important.
Même avis que madame la rapporteure. C'est l'occasion de témoigner de mon attachement à la place des psychologues à l'hôpital et dans le système de soins.
Comme vous l'avez indiqué, ceux-ci n'appartiennent pas aux professions médicales. C'est parce qu'historiquement la première année de leurs études n'est pas reconnue comme appartenant aux études de santé.
Mais cela ne nous a pas empêchés de lancer des centaines de procédures de recrutement de psychologues dans le cadre du Ségur de la santé. Nous avons besoin d'eux pour faire fonctionner les CMP – centres médico-psychologiques – et soutenir les patients, en ville comme à l'hôpital. Je souhaite ardemment que leur place dans le système de soins soit encore renforcée.
J'en viens à votre proposition de créer une nouvelle voie hiérarchique pour les psychologues. Si jamais il reste du temps à ces professionnels exerçant à l'hôpital, je préfère encore qu'ils le consacrent aux patients. De fait, nous avons besoin d'eux, même dans d'autres fonctions que la première, celle de l'accompagnement de la santé mentale des patients.
Quand j'étais neurologue, nous étions obligés de passer par des financements extérieurs pour recruter à mi-temps une psychologue clinicienne chargée d'accompagner l'annonce du diagnostic de sclérose en plaques à de jeunes patients âgés de 18 à 25 ans.
La difficulté de trouver une juste place aux psychologues dans le système de santé – puisqu'ils n'appartiennent pas aux professions de santé au sens strict – nous pénalise beaucoup, tant pour l'accès au remboursement que pour l'emploi de ces professionnels dans les hôpitaux.
Nous avons mené une réflexion sur ce point dans le cadre du Ségur, et comptons la poursuivre. Il le faut, pour aller de l'avant.
Cela étant, je vous demande de retirer amendement, pour les raisons évoquées – notamment parce qu'il n'est pas bien placé.
L'amendement no 426 est retiré.
L'amélioration de la qualité de vie au travail et la gestion des risques psychosociaux font partie des enjeux majeurs dans la gestion des établissements publics de santé, qui connaissent un taux d'absentéisme beaucoup plus important que dans d'autres secteurs – ce qui explique probablement les problèmes d'attractivité qu'ils rencontrent.
Dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019, le législateur a donc souhaité qu'« un volet spécifique » consacré à l'amélioration des conditions de travail soit intégré dans le projet social de chaque établissement.
Le présent amendement vise à préciser que le projet managérial doit être « en cohérence avec le projet social ».
Si tout à l'heure j'ai pris un accent anglais pour prononcer le mot de management, c'est volontairement, pour mieux souligner l'influence libérale qui s'exerce sur ce mot.
Par ailleurs, si nos collègues du groupe de La République en marche déposent des amendements visant à préciser que le management doit être participatif et prendre en considération le bilan social, ou les risques psychosociaux, c'est que ce n'est pas une évidence.
Enfin, même si vous connaissez le secteur beaucoup mieux que moi, monsieur le ministre, j'ai vu certaines des lettres de mission envoyées par les directeurs d'agence régionale de santé aux directeurs d'hôpital. Il est demandé à ceux-ci de serrer les boulons, de faire des économies, et ainsi de suite, faisant peser une pression importante sur eux et sur l'ensemble de la communauté hospitalière.
Les mêmes demandes sont adressées aux responsables du pôle pharmacie, et aux médecins du DIM. Ici, la maltraitance institutionnelle, dénoncée par tous les soignants avant et pendant la crise, est évidente. Le management, quand il est connecté à la course à la rentabilité, y conduit nécessairement.
Nous persistons donc à dire qu'un hôpital ne se gère pas comme une entreprise, et que la malformation congénitale de l'approche managériale vient de ce modèle.
L'amendement no 485 est adopté.
La parole est à M. Thierry Michels, pour soutenir l'amendement no 483 .
Comme le précédent, il s'agit d'un amendement de Mme Janvier, que je présente au nom du groupe La République en marche.
Il faut prendre en considération de manière explicite et volontariste les attentes et les besoins des personnels en situation de handicap dans le projet managérial de l'établissement, de manière à y créer une culture inclusive à l'égard de ces personnes, qui peuvent apporter une contribution importante.
L'amendement no 483 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Michel Lauzzana, pour soutenir l'amendement no 214 .
Cet amendement vise à instaurer dans le projet de gouvernance et de management participatif de l'établissement un « volet spécifique dédié à l'accompagnement et au suivi des étudiants en santé ». Au vu des nombreux témoignages d'étudiants qui déplorent leurs conditions de travail, il convient d'intégrer ces derniers au projet.
L'amendement no 214 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 484 , faisant l'objet d'un sous-amendement.
C'est au nom du groupe La République en marche que je défends le présent amendement, élaboré par Mme Janvier.
Il s'agit d'intégrer au projet managérial des établissements des actions en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Des progrès restent à faire en la matière, concernant notamment le déroulement des carrières ou la gouvernance hospitalière.
Le sous-amendement no 517 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Le sous-amendement no 517 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 484 , sous-amendé, est adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
Dans le même esprit que celui que j'ai défendu à l'instant, cet amendement vise à intégrer les étudiants et les internes dans le projet social et dans la prise en compte de la gestion des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail.
Le sous-amendement no 518 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 486 , sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Nous nous acheminons vers la fin de nos débats et allons cesser de faire du mal à la comtesse de Ségur, à qui l'on doit sans doute le nom de cette rue où l'on a négocié à propos de la santé…
Je vous donne néanmoins acte, monsieur le ministre, d'une décision positive dont tous vos prédécesseurs avaient parlé sans jamais passer à l'acte : vous avez remis le numerus clausus…
On ne le remet pas, on l'enlève !
Nous pouvons ainsi espérer disposer un jour de davantage de médecins. C'est très bien. Reste néanmoins la question de la formation de ces futurs médecins – et ce n'est pas moi, qui ai raté tous les concours, y compris celui de garde champêtre, qui y répondrai…
Rires.
Quelle orientation entendons-nous donner à la médecine de demain et quelle conception de la santé en France voulons-nous inculquer à ces médecins, sachant qu'il s'agit là d'un domaine dans lequel nous avons longtemps été pionniers pour l'humanité ?
Nous avons évité le pire hier soir en ne faisant pas disparaître les directeurs des centres hospitaliers – non pas territoriaux, mais installés dans nos territoires. J'espère maintenant qu'au-delà de ce texte qui ne nous aura pas éclairés sur grand-chose, …
Heureusement, nous avons eu la lumière céleste de Jean Lassalle trois jours durant !
… vous allez, avec le président Macron, mettre à profit les quelques mois qui vous restent pour oeuvrer à un grand dessein pour la santé en France, à la hauteur de notre histoire.
La parole est à Mme Valéria Faure-Muntian, pour soutenir l'amendement no 263 , qui tend à supprimer l'article 12.
L'objectif de l'article 12 – auquel j'adhère totalement – est de renforcer la spécificité du mutualisme français et de le soutenir. Toutefois je n'ai pas l'impression que, tel qu'il est rédigé, cet article atteigne son but. J'ai deux objections à formuler.
D'une part, en interdisant le rapprochement des mutuelles qui relèvent du code de la mutualité et de celles qui relèvent du code des assurances, on empêche les administrateurs, adhérents des mutuelles, de disposer d'eux-mêmes. Cela me dérange un peu.
D'autre part, je crains que cet article limite la possibilité pour les entreprises relevant du code de la mutualité de renforcer leur mutualisme au travers des partenariats sains et équilibrés conclus avec les mutuelles relevant du code des assurances.
L'article n'a pas été modifié par la commission : l'avis est donc défavorable.
L'amendement no 263 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
L'article 13, amendé, est adopté.
Les articles 13 bis et 13 ter sont successivement adoptés.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 495 , tendant à supprimer l'article 13 quater.
Cet article, introduit en commission, me semble remettre en cause un certain nombre de missions d'intérêt général remplies par les mutuelles dans divers domaines : prévention, accompagnement, action sociale et médico-sociale. Or ces actions sont non seulement primordiales pour les adhérents des mutuelles de notre pays mais aussi constitutives de l'esprit du mutualisme.
L'amendement no 495 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 13 quater est adopté.
À l'approche de la journée internationale des personnes handicapées, qui se tiendra demain, jeudi 3 décembre, la plateforme numérique créée par cet article 14 est un beau symbole et une réelle avancée pour nos concitoyens handicapés.
Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, l'a très justement rappelé lundi : « Nous devons également veiller à ce que la vision et les aspirations des personnes handicapées soient incluses et prises en compte dans un monde post-covid-19, accessible et durable, qui tient compte du handicap. »
Trop souvent les personnes handicapées se heurtent à la multiplicité des dispositifs dont elles peuvent bénéficier ; les démarches sont nombreuses et éparses, si bien qu'il devient difficile de ne pas s'y perdre. Trop souvent prime un fonctionnement en silos, qui complique le quotidien de nos concitoyens handicapés et de leurs aidants.
La feuille de route MDPH 2022 – maisons départementales des personnes handicapées en 2022 – entend apporter une première réponse à ce problème. En effet, elle fait de la maîtrise des délais de traitement des droits et de l'accélération de l'attribution des droits à vie des enjeux majeurs pour les deux années à venir.
Quant à la plateforme numérique créée à l'article 14, elle facilitera grandement l'accès au droit. Elle accompagnera les personnes en situation de handicap pendant tout leur parcours, en consolidant les données relatives au handicap, à la formation, à l'emploi, à la scolarisation et à la santé.
Je salue les avancées votées en commission des affaires sociales. Nous avons acté l'accessibilité de la plateforme aux proches aidants et aux représentants légaux de nos concitoyens handicapés et la prise en compte du retour d'expérience des utilisateurs. Nous avons en outre complété l'article en y inscrivant les critères d'accessibilité et d'interopérabilité, impératifs pour que la plateforme puisse être complémentaire des numéros SVA – services à valeur ajoutée – existants.
Vous l'avez compris, grâce à cette plateforme, nous simplifierons le quotidien de nos concitoyens handicapés et ferons ainsi un pas supplémentaire vers la société inclusive que nous appelons de nos voeux.
L'article 14 vise à donner un cadre législatif au déploiement d'une plateforme numérique nationale dédiée au handicap et à l'autonomie. Cette plateforme, actuellement existante sous le nom « Mon parcours handicap », est sous la tutelle de la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – mais il est prévu que la Caisse des dépôts et consignations se voie confier la gestion de son déploiement.
Le fait d'encadrer juridiquement cette mission nouvelle confiée à la Caisse des dépôts justifie que nous délibérions sur son contenu. La mise en place d'un tel guichet et son interopérabilité avec le système d'information intégré des MDPH ainsi qu'avec ceux d'acteurs comme Pôle emploi, la CNAM – Caisse nationale d'assurance maladie – , les URSSAF – unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – ou le CESU – Chèque emploi service universel – , est bienvenue.
Toutefois, nous attendons du cadre législatif qu'il offre des garanties solides, dans le cadre des usages actuellement définis et de ses développements à venir.
Nous attendons d'abord une protection efficace des données personnelles, avec une vigilance toute particulière envers les données de santé sensibles.
Nous souhaitons ensuite que la plateforme offre un accès simple et permanent aux coordonnées des acteurs de proximité, dès lors que les personnes sont amenées à effectuer des démarches ou à recourir à des services en ligne afin de bénéficier d'un accompagnement personnalisé si elles en éprouvent le besoin.
Enfin, dans le cadre des services susceptibles d'être développés, nous demandons que les propositions de nature commerciale, si elles n'étaient pas purement et simplement interdites, soient strictement encadrées.
Dans cet objectif de sécurisation du cadre législatif de la plateforme numérique national, notre groupe proposera plusieurs amendements.
Je m'interroge sur l'objectif précis poursuivi par cet article : pourriez-vous nous expliquer en quoi, concrètement, la création de la plateforme numérique va améliorer et simplifier les démarches des personnes en situation de handicap ? Je n'ai pas l'intention de voter pour un article qui ne ferait qu'ajouter une couche supplémentaire à l'empilement déjà trop complexe des services proposés aux personnes en situation de handicap.
De plus le déploiement des MDPH s'effectue de façon très hétérogène et nous ne disposons pas encore de point d'étape nous permettant d'étudier l'articulation entre les deux dispositifs. Si l'ajout en commission des notions d'interopérabilité et d'accessibilité est très apprécié, dans la mesure où elle augure d'une bonne articulation, je m'interroge encore sur ce point, d'autant qu'il a été dit en commission qu'il est écrit « plateforme numérique » mais que cela n'en sera pas vraiment une. Je souhaiterais donc des explications.
Par ailleurs, je m'interroge sur le fait que la gestion de cette plateforme soit confiée à la Caisse des dépôts et consignations, dont le rôle est essentiellement celui d'un investisseur institutionnel, d'un gestionnaire de fonds privés. Si, depuis quelques années, la Caisse s'est vue confier la gestion d'informations personnelles, à travers le compte personnel d'activité et le compte personnel de formation, je n'ai pas eu de retour probant : sur le terrain, on a plutôt le sentiment que ce n'est pas réellement opérant, qu'elle n'a pas fait la preuve de son efficacité.
En outre, le rapport de la Cour des comptes de 2017 a été extrêmement sévère sur les dépenses de fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations, insistant notamment sur d'importantes irrégularités constatées dans l'emploi des 6 000 agents de l'institution.
Je termine d'une phrase, monsieur le président. Il a été sous-entendu que la gestion de ces comptes aurait été confiée à la Caisse des dépôts pour occuper des agents désoeuvrés. Qu'en est-il réellement ?
Il y a une réalité objective de l'accessibilité des soins pour les personnes en situation de handicap. J'ai fait venir Pascal Jacob chez moi pour élaborer une charte hospitalière favorisant l'intégration des personnes en situation de handicap. Vous savez que 70 % d'entre elles renoncent aux soins, alors que plus de la moitié sont atteintes de maladies chroniques. Nous souffrons d'un déficit de prévention, de dépistage et de coordination des professionnels de santé, et il est donc nécessaire d'améliorer la prise en charge hospitalière des personnes en situation de handicap.
Or je ne suis pas sûr qu'en confiant à une boîte privée, en tout cas à la CDC, qui n'est pas construite, pas formatée pour cela, la gestion numérique d'une plateforme censée favoriser l'accueil et l'orientation des personnes en situation de handicap, nous soyons à la hauteur des enjeux.
Nous, les cocos –
Rires
je veux dire les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – , nous pensons qu'il serait plus pertinent et plus efficace de confier cette mission à un service public, car cela fait partie d'une approche globale et cohérente de la prise en charge et de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à substituer au mot « gestion » les mots « maîtrise d'ouvrage ». En effet, la notion de maîtrise d'ouvrage clarifie la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations sur la plateforme numérique nationale d'information et de services personnalisés, qui va bien au-delà de la gestion. Ainsi, les relations entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la CDC seront mieux articulées.
J'avais donné un avis défavorable en commission. Depuis lors, nous avons examiné les conséquences d'un tel changement lexical, qui s'avèrent plus contraignantes. Ne souhaitant pas contraindre les évolutions futures de la plateforme, l'avis reste défavorable.
L'amendement no 169 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 165 .
Nous avons décidé en commission que la plateforme devra être complémentaire avec les lieux d'accueil de proximité. Nous souhaitons nous assurer, au travers de cet amendement, que l'utilisateur de la plateforme reçoive les contacts des structures de proximité directement concernées par les démarches qu'il effectue, afin qu'il puisse s'entretenir avec elles, téléphoniquement ou physiquement, pour toute demande de conseil.
Je vous remercie pour votre amendement, adopté en commission, qui a précisé que la plateforme ne remplaçait en aucune façon le nécessaire accueil physique. Mais l'avis est défavorable car la mesure relève plutôt d'une précision de nature réglementaire.
L'amendement no 165 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Si nous nous félicitions de la création de cette plateforme, nous souhaitons préciser, au travers de ces deux amendements, qu'elle ne doit contenir que des données administratives et non médicales. La simplification du parcours des personnes handicapées est positive mais celui-ci est jalonné de données et de certificats médicaux qui ne doivent pas figurer dans cette plateforme. Cette dernière ne doit être alimentée que par des données administratives car il existe déjà un coffre-fort recelant toutes les données relatives à la santé de l'utilisateur, à savoir le dossier médical partagé, que la plateforme peut consulter, mais non stocker.
Nous avons eu ce débat en commission. Je le comprends et j'aime parvenir à des compromis, vous le savez bien, monsieur Isaac-Sibille, mais les dispositions de l'article figurent dans un texte de loi car des données personnelles seront inscrites dans la plateforme. Mon avis sera donc défavorable.
Nous avons déjà eu cette discussion. Bien sûr, la plateforme doit contenir des données personnelles, mais elles doivent être de nature administrative et non relatives à la santé de l'utilisateur. Il est préférable de le préciser dans le texte de loi, sans quoi la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés – bloquera le déploiement de la plateforme. Je préfère anticiper ce problème et clarifier la nature des données de la plateforme. Encore une fois, il n'y a aucun problème à faire figurer des données personnelles, mais à la condition qu'elles soient administratives et non relatives à la santé, afin d'éviter que la CNIL ne bloque la plateforme, ce qui serait dommage.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 166 .
Je le trouve important et j'attends du ministre qu'il réponde à la question qu'il soulève.
Il n'est pas question que la plateforme délivre des services de nature commerciale, mais nous ignorons les évolutions qu'elle connaîtra. L'amendement vise donc à encadrer les services susceptibles d'être développés sur la plateforme, en s'assurant qu'aucune proposition de nature commerciale ne puisse être faite à l'utilisateur, sauf si elle répondait à une demande explicite de sa part et si elle respectait strictement les critères de sa recherche.
Voici la rédaction que je propose : « Les données à caractère personnel traitées par la plateforme ne peuvent être utilisées pour proposer spontanément à l'utilisateur un service à caractère commercial. Toute proposition de nature commerciale, que ce soit à but lucratif ou non lucratif, ne peut être effectuée que sur la base d'une demande de service explicitement formulée et sur la base des seuls critères formulés par l'utilisateur. »
Il y a une petite différence entre le contenu de votre amendement et les arguments que vous venez d'avancer. Votre amendement vise à exclure l'utilisation à des fins commerciales des données personnelles. Or, la plateforme étant publique, cette demande est satisfaite par loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Je vous propose donc de retirer l'amendement.
L'amendement no 166 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 180 .
Il faudrait que vous nous garantissiez qu'aucune donnée médicale ne figurera jamais sur la plateforme. Comme vous n'avez pas apporté cette garantie, l'amendement vise à ce que l'habilitation de la Caisse des dépôts et consignations à gérer la plateforme fasse l'objet d'un agrément de la CNAM. L'objectif est de garantir la seule présence de données administratives dans la plateforme et d'exclure les données médicales.
Je ne reviendrai pas sur le choix de la Caisse des dépôts et consignations, qui m'a un peu surpris. En effet, si elle excelle dans certains domaines, sa vocation me semble assez éloignée de la gestion d'une telle plateforme. J'imagine qu'elle a un champ complet de travaux et d'investigations à mener.
Les données médicales n'étant pas un petit sujet, il serait opportun que vous nous rassuriez. Dans le cas contraire, la CNIL interviendra, comme l'a très bien expliqué Cyrille Isaac-Sibille.
Nous avons débattu de ce sujet en commission et avons donné un avis défavorable, parce qu'il suggère que la Caisse de dépôts ne sera amenée à gérer que des données de santé, ce qui n'est pas le cas. Or elle a aussi la volonté d'accompagner les personnes handicapées dans les domaines de la formation et de l'éducation. Je maintiens mon avis défavorable.
Je soutiens l'amendement de notre collègue Philippe Vigier. Souvenons-nous, comme nous y invite notre collègue Annie Chapelier, de la mise en place du compte personnel de formation, qui fut confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Je m'occupais à l'époque de la formation dans une direction des ressources humaines : croyez-moi, cela n'a pas été terrible ; le déploiement du CPF a été un fiasco.
Vous nous dites que la Caisse des dépôts possède une véritable expertise sur l'interopérabilité de la gestion des plateformes. Pour ma part, je pense que nous allons créer une usine à gaz. Pour aller au bout de la logique, il conviendrait de transférer cette responsabilité aux conseils départementaux, quitte à ce qu'ils signent des conventions avec la Caisse des dépôts puisque vous nous dites qu'elle a l'expertise pour. Vous devez nous donner des gages et nous apporter des clarifications sur ce point.
M. Philippe Vigier applaudit.
L'amendement no 180 n'est pas adopté.
Il est bien d'avoir précisé à l'alinéa 1 que la plateforme sera conforme au principe d'accessibilité et aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité, mais il faudrait également indiquer la structure chargée de s'en assurer. Tel est le sens de cet amendement à l'alinéa 4, de nature presque rédactionnelle.
Le texte mentionne la conformité, mais pas la structure chargée de la vérifier.
L'amendement no 170 n'est pas adopté.
L'article 14, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 14.
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l'amendement no 137 .
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à ce que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement un rapport d'étape sur la mise en oeuvre des mesures du Ségur de la Santé. Le déploiement de ces mesures relève de dispositions très diverses, certaines législatives, d'autres réglementaires ou encore conventionnelles.
Nous souhaitons que le rapport insiste sur trois points : l'état des négociations, fortement attendues, sur les personnels du secteur médico-social ; les progrès à propos des protocoles de coopération renforcée entre les IPA – infirmières de pratique avancée – et les médecins ; l'évolution des effectifs de tous les corps de professionnels de santé à l'hôpital. Afin que le Parlement dispose d'une information complète et actualisée, il nous semble nécessaire qu'un suivi annuel, réalisé par le Gouvernement, soit transmis aux commissions compétentes.
Cet amendement est le premier d'une série de quinze ou vingt demandant la remise de rapports. À l'exception d'une demande formulée par plusieurs groupes, notamment d'opposition, sur la rédaction d'un rapport portant sur l'évolution des moyens de rémunération des praticiens dans les ESPIC – établissements de santé privés d'intérêt collectif – , qui fait écho à l'une de mes interventions dans l'hémicycle et à laquelle je me déclarerai favorable, les autres demandes de rapport recevront des avis défavorables.
Nous ne sommes pas fermés aux discussions et aux débats, …
… comme le prouvent les dizaines d'avis favorables donnés à des amendements par la rapporteure et moi-même. Nous avons même supprimé des articles du texte qui ne recueillaient pas un soutien assez large, …
… parce que nous voulons que cette loi soit la plus consensuelle possible. Nous ne refusons pas le débat, mais seulement les rapports sur des sujets sectoriels. Ces demandes sont classiques et représentent pour les députés un moyen d'aborder un thème : ne nous tenez pas rigueur de rejeter vos demandes.
Pour commencer, l'avis est défavorable sur cet amendement.
L'amendement no 137 n'est pas adopté.
Les amendements nos 139 de Mme Gisèle Biémouret et 3 de M. Pierre Dharréville sont défendus.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 6 .
Je vais défendre les amendements nos 6 et 7 .
J'entends ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, sur les amendements demandant la rédaction de rapports, et ces deux-là sont des amendements d'appel.
Nous avons constaté une forte disparité entre les infirmières ou les auxiliaires de soins selon qu'ils relèvent de la fonction publique hospitalière ou territoriale. Les différences sont de deux types.
D'abord, le personnel de la fonction publique territoriale est recruté par des concours sur titres, dont les épreuves sont corrigées par des personnes ne travaillant pas dans la santé. Les directeurs et les directrices d'EHPAD pointent régulièrement la difficulté de recruter des infirmières et des auxiliaires de soins dans la fonction publique territoriale.
Deuxième point : les rémunérations. Vous le savez, dans le cadre du Ségur, les infirmières et d'autres catégories de la fonction publique hospitalière ont reçu des primes, que le personnel de la fonction publique territoriale n'a pas touchées. Or on constate de fortes disparités de salaires entre les personnels de ces deux fonctions publiques, jusqu'à 350 euros pour les infirmières et pas moins de 450 euros pour les auxiliaires de soins.
L'objectif de ces amendements, monsieur le ministre, est donc également de vous demander ce que vous comptez faire pour simplifier le recrutement dans la fonction publique territoriale et aplanir les différences salariales.
L'amendement no 6 n'est pas adopté.
L'amendement no 7 de M. Christophe Naegelen a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je peux comprendre que vous vous opposiez aux demandes de rapport. Mes amendements visaient uniquement à poser une question simple : qu'avez-vous prévu pour faciliter demain le recrutement des infirmières et des auxiliaires de soins dans la fonction publique territoriale et limiter les disparités salariales entre les deux fonctions publiques ? De nombreux directeurs et directrices d'EHPAD sont impatients d'entendre votre réponse. Les disparités salariales créent une hémorragie de la fonction publique territoriale vers la fonction publique hospitalière. Vous savez l'importance des EHPAD, que la crise du covid-19 a particulièrement mis en lumière. Or ceux dépendant de la fonction publique territoriale, qui voient leur personnel partir vers la fonction publique hospitalière, sont désemparés et attendent une réponse de votre part.
Juste quelques mots pour répondre à M. Naegelen, car ce n'est pas du tout l'objet du texte.
Le Ségur de la santé a prévu une refonte des grilles indiciaires : ce travail en cours, qui aboutira au printemps, concernera aussi bien les salariés de la fonction publique hospitalière que ceux de la fonction publique territoriale, puisque cette refonte est organisée par corps de métiers.
S'agissant des secteurs social et médico-social, dont le Ségur n'a pas prévu la revalorisation complète, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer. Une mission a été confiée à Michel Laforcade, ancien directeur général de l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, qui devrait aboutir à des négociations.
Personne, donc, n'a été oublié. Il s'agit juste de différences de temporalité : cinq semaines de travail très denses ont permis d'obtenir un accord des organisations syndicales majoritaires de tous les soignants des hôpitaux et EHPAD ; le travail prendra un peu plus de temps avec les autres acteurs du soin, dans d'autres exercices et d'autres fonctions publiques, mais personne n'est oublié. C'est une question de temporalité, et les acteurs le savent car je leur en ai parlé à de nombreuses reprises.
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
Déposé par notre collègue Jeanine Dubié, il vise à appeler l'attention sur le respect que les sages-femmes méritent, notamment de la part de la gouvernance des établissements de santé. Elles font un travail extraordinaire, notamment à l'hôpital. Nous demandons donc un rapport sur leur statut. Il y a des hommes sages, il y a des sages-femmes : bravo à toutes les sages-femmes de France.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 17 .
J'ajouterai simplement que l'objectif de cette demande de rapport est, à terme, que cette profession intègre sans ambiguïté la catégorie des personnels médicaux hospitaliers. En effet, nous savons qu'il existe encore des ambiguïtés et des difficultés en matière de formation continue pour ces professionnels.
Il a été déposé par notre collègue Perrut. Si le chapitre II de la proposition de loi est consacré à l'évolution de la profession de sage-femme, le texte n'a pas vocation à trancher la question de leur statut hybride. L'amendement tend donc à amorcer la réflexion en demandant un rapport sur ce sujet, afin d'accélérer la révision du statut des sages-femmes au sein de la fonction publique hospitalière.
Il formule la même demande de rapport.
Si à l'origine, les sages-femmes accompagnaient uniquement les femmes dans leur grossesse, la profession a évolué et elles sont devenues un acteur incontournable de la politique de santé publique et de promotion de la santé. Pourtant cette profession souffre d'un manque de reconnaissance.
Afin de valoriser le métier et de conférer aux sages-femmes un statut à la hauteur de leurs compétences, il sera demandé au Gouvernement un rapport visant à accélérer la révision du statut des sages-femmes dans la fonction publique hospitalière, mais aussi à évaluer l'application des textes existants, actuellement défaillante, notamment s'agissant de l'encadrement et de la gestion des carrières.
Il nous semble qu'à terme, la profession de sage-femme doit pouvoir intégrer sans ambiguïté la catégorie des personnels médicaux hospitaliers ou, à tout le moins, qu'une profonde rénovation de leur statut spécifique permette de le détacher de celui des paramédicaux. Il nous semble donc qu'une évaluation de la situation, de l'évolution du métier, de l'information et de la gestion des carrières est nécessaire.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 336 .
À l'écoute des orateurs qui se sont déjà exprimés, chacun aura compris qu'au-delà de la demande de rapport – ce qui ne réjouit jamais le Gouvernement, c'est normal – , l'objectif est la reconnaissance du caractère médical de la profession. Et notre demande est sous-tendue par un second intérêt : aborder sereinement la question de la formation continue, à laquelle prétendent légitimement les sages-femmes.
Ces nombreuses demandes de rapport concernant les sages-femmes ont peut-être été pensées avant l'examen de la proposition de loi car je tiens à souligner que les dispositions prévues aux articles 2, 2 bis et 2 ter, ainsi que les nombreux amendements que nous avons adoptés, élargissent considérablement les compétences des sages-femmes. Il me semblait important de le préciser, même si tous les sujets ne seront pas réglés par la proposition de loi. Devant cette avancée, les rapports me semblent contre-productifs. L'avis est donc défavorable.
Je reconnais qu'il existe, au Parlement, une sensibilité toute particulière à la question des sages-femmes, ce qui est tout à fait compréhensible. Cependant, j'appelle votre attention sur plusieurs points.
D'abord, comme la rapporteure l'a très justement dit, un tel travail de réingénierie législative des missions des sages-femmes n'avait encore jamais été réalisé. En outre, le Ségur a débouché sur une revalorisation de 183 euros nets par mois pour toutes les sages-femmes de la fonction publique hospitalière et des ESPIC, et les rémunérations de celles du secteur privé ont également été revues à la hausse.
S'ajoute tout le travail en cours de réingénierie des grilles des professions médicales et paramédicales, qui concernera également la grille indiciaire des sages-femmes, comme je l'ai encore confirmé récemment à la présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes. Je ne sais pas qui a écrit aux parlementaires pour s'émouvoir d'un non-traitement, mais je répète, car la répétition est parfois importante, que j'ai encore reçu la présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, il y a quelques semaines, dans mon bureau du ministère, pour lui confirmer qu'un travail spécifique serait conduit sur cette profession.
Je veux bien que le sujet fasse l'objet d'un rapport, j'entends le message derrière ces demandes de rapport, mais soyez conscients que, si vous adoptez les amendements visant à demander un rapport, cela signifie que j'attendrai les conclusions du rapport remis au Parlement, et que les mesures concrètes, tant attendues, ne seront pas présentées au printemps ou au début de l'été, mais repoussées.
Le message est passé, et bien passé, mais je vous propose de considérer véritablement tout ce qui est fait pour les sages-femmes – je peux vous faire passer des éléments concrets. Jamais un tel boulot n'a été mené autour de cette profession ; c'est légitime, mais il est important aussi de savoir reconnaître quand les choses sont faites, comme les mesures que vous avez adoptées au cours de l'examen de ce texte.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
Sourires.
Le président penche vers la gauche… C'est tout le problème du « en même temps » vers la gauche…
Sans revenir sur les arguments déjà développés, je voudrais simplement dire à Mme la rapporteure que je ne suis pas certain que le texte réponde à toutes les interrogations que nous avons soulevées et qui justifient les demandes de rapport. Aller plus loin dans la reconnaissance du rôle des sages-femmes, notamment à travers la facilitation de leur accès à la formation continue, est une demande qui mérite d'être prise en considération et examinée sérieusement.
Je serai très court puisque mon collègue Vincent Descoeur a été complet. Cette demande de rapport me semble bienvenue à l'aune de la reconnaissance que nous devrions apporter à toutes les sages-femmes qui accompagnent les femmes lors de l'accouchement et assurent un suivi des familles. Une demande de rapport ne coûte rien…
Mais cela ne servirait à rien.
… et c'est la moindre des choses que l'on puisse faire pour leur assurer un peu plus de reconnaissance.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 51 .
Il y a quelques semaines, dans nos départements, nous avons accueilli et écouté des sages-femmes venues nous faire part de leurs difficultés.
Monsieur le ministre, je suis très heureuse d'apprendre que vous travaillez avec la présidente du Conseil de l'Ordre et que vous avancez sur le sujet, mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale…
Ce n'est pas vous qui avez écrit l'amendement, madame la députée ! Ce n'est pas du travail parlementaire !
… et nous sommes en droit de vous demander quelles sont les avancées du ministre, de l'exécutif, sur le sujet. Si nous demandons des rapports, c'est bien parce que nous ne disposons pas des informations.
Je suis ravie que vous ayez entendu les sages-femmes, mais je souhaite insister sur un point : la rémunération des sages-femmes libérales continue d'être bien moindre que celle de leurs homologues infirmiers libéraux. En effet, ces derniers gagnent en moyenne 45 000 euros par an, alors qu'une sage-femme libérale ne gagne en moyenne que 26 000 euros par an. Pourtant, les consultations sont beaucoup plus longues, approchant parfois l'heure, et se déroulent souvent, vous le savez, à domicile. C'est donc un travail particulier.
Les sages-femmes demandent également à pouvoir intervenir davantage en matière de prévention des infections sexuellement transmissibles.
Travaillez-vous également avec elles pour que leur reconnaissance dans le milieu hospitalier soit alliée à une plus grande reconnaissance dans le secteur libéral, et que leur rémunération soit à la hauteur de leur formation et de leur engagement en matière de santé et d'accompagnement des femmes lors de leur grossesse ?
Est-ce vous qui avez écrit l'amendement ?
Il a été déposé par ma collègue Isabelle Valentin. À l'instar de Mme Bonnivard, je m'étonne que vous nous disiez travailler sur le sujet, alors que nous avons reçu des amendements…
Voilà ! Vous avez donc reçu cet amendement ! Merci !
… qui montrent que l'information ne circule pas autant que vous le dites. Elle ne nous est d'ailleurs pas parvenue non plus, sans quoi nous aurions sûrement déposé des amendements différents. Si vous communiquiez sur les dispositions auxquelles vous travaillez, …
J'ai répondu ici même à deux questions au Gouvernement, monsieur le député !
Certes, il y a les QAG, mais ce n'est pas la même chose que de recevoir un document que l'on peut analyser.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement no 247 .
Après de nombreux échanges sur la profession de sage-femme dans la nuit de lundi à mardi, il y a effectivement eu des avancées. Sage-femme est un métier en tension : elles ont beaucoup de patientes à voir, d'autant que nous savons que, partout en France, nous manquons de gynécologues.
Je pense donc qu'il est nécessaire d'établir ce rapport pour évaluer les avancées et voir comment les accompagner mieux encore, en matière de statut, de rémunération et surtout d'efficacité sur le terrain, afin qu'elles puissent répondre aux nécessaires besoins des patientes.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 379 .
Presque tout ayant été dit par mes collègues, je ne formulerai que quelques observations supplémentaires.
Je tiens à défendre derechef la demande d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur l'exercice et l'évolution de la profession de sage-femme. Ce n'est pas la première fois que nous abordons le problème de leur statut au cours de la législature ; cela correspond à une véritable demande car, sur nos territoires, les sages-femmes vont mal.
Or, avec la désertification médicale, les sages-femmes ont un rôle fondamental à jouer ; leur profession reprend tout son sens, et plus encore, dans le cadre de l'accompagnement des femmes, des familles. Ce texte constitue donc pour elles une véritable avancée. Je vous demande de tenir compte de nos demandes, qui visent à assurer leur bien-être ainsi qu'à préserver et à promouvoir leur profession.
L'amendement no 379 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 213 .
Depuis quelques années, on ne débat plus en France des enjeux liés à la profession de sage-femme, pourtant considérables, tant ces professionnels de santé sont soumis à des règles strictes. Mes collègues l'ont rappelé, les sages-femmes ne pratiquent pas seulement des actes médicaux, mais oeuvrent à la prévention et à l'éducation thérapeutique, notamment en faveur de l'accès des femmes à leurs droits. J'ajoute qu'elles jouent en la matière un rôle majeur au moment de la grossesse, en orientant les futures mères qui subissent des violences.
Cependant, les étudiants sages-femmes rencontrent nombre de difficultés au cours de leurs études : deux écoles sur trois réclament des frais complémentaires, dont le montant varie de l'une à l'autre ; les tenues de stage sont payantes, ainsi que leur nettoyage ; la rémunération des étudiants est insuffisante. Ce manque de reconnaissance pourrait à terme entraîner une crise des vocations. Une enquête de décembre 2018 consacrée au bien-être des étudiants sages-femmes révèle que plus d'un tiers d'entre eux considère leur statut comme mauvais ou très mauvais. Ils se sont toutefois trouvés au rendez-vous de la crise sanitaire, mobilisés tant à l'hôpital public que dans le secteur privé, faisant fonction de sages-femmes, d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture, gardant parfois même les enfants des personnels soignants.
Même si j'imagine, monsieur le ministre, que votre décision est déjà prise, le présent amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de ce texte, un rapport portant sur l'activité et les conditions d'exercice de ces étudiants, dans le but évident d'en relever les failles et de pouvoir ainsi améliorer la condition des futures sages-femmes.
L'amendement no 213 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous quittons les sages-femmes pour la direction des centres hospitaliers, plus précisément celle des CHU, les centres hospitaliers universitaires. Cet amendement vise en effet à ce que le Gouvernement nous remette, dans les six mois suivant la promulgation de ce texte, un rapport au sujet de la pertinence de leur éventuelle codirection bicéphale. Je constate d'ailleurs qu'il a touché juste car, ce matin, lors de la réunion de la commission d'enquête consacrée à la gestion de la crise du covid-19, dont le rapport a largement fuité dans la presse, le rapporteur, M. Ciotti, préconise le retour du corps médical dans la direction des établissements hospitaliers.
Monsieur le ministre, peut-être vous souvenez-vous de l'époque des médecins directeurs d'hôpitaux.
Confier cette direction aux seuls médecins serait se priver d'une approche budgétaire globale, mais il faut parvenir à un équilibre, remettre de l'humain, du médical, dans la direction des établissements, où l'on réfléchit d'ailleurs à la manière de concilier l'efficience et la pertinence des soins avec la tarification à l'activité. Nous sommes en train d'évoluer vers une tarification au parcours, plus équilibrée ; dans ce contexte, je trouve qu'une approche médicalisée de la direction prendrait tout son sens.
L'amendement no 50 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 420 .
La crise du covid-19 ne frappe pas seulement les corps : elle a durement et durablement atteint les esprits, révélant les défaillances de notre système de soins. Un nombre considérable de personnes qui, d'habitude, ne consultaient pas en psychiatrie ont déclaré des affections sérieuses. Le Gouvernement ne semble pas mesurer l'urgence de la situation, notamment chez les jeunes, lycéens ou étudiants, confinés dans des conditions parfois très difficiles, en famille ou seuls dans des logements minuscules. Il est fondamental que nous nous saisissions rapidement de cette question : c'est l'objet du rapport demandé par cet amendement.
L'amendement no 420 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Contrairement à ceux de l'hôpital public, les praticiens des établissements de santé privés d'intérêt collectif, comme les centres de lutte contre le cancer, ne peuvent exercer d'activité libérale. Par conséquent, ils ne pratiquent aucun dépassement d'honoraires, aucune limitation de l'accès aux soins, et ces structures assurent une part importante du service public hospitalier. Or, malgré leur engagement, le Gouvernement tarde à leur appliquer les mêmes revalorisations qu'il a consenties aux professionnels de santé de l'hôpital public. C'est pourquoi cet amendement prévoit un rapport consacré à l'attractivité des postes de praticiens dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif, qui ferait notamment le point sur l'évolution de leur traitement indiciaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous allez encore nous dire que vous travaillez sur le sujet. Malheureusement, cela n'est pas arrivé jusqu'à nos oreilles, croyez bien que nous le regrettons tous.
En l'espèce, un rapport permettrait de dresser un constat précis de la situation. À terme, nous craignons une perte d'attractivité de ces postes, donc de ces établissements, et in fine une dégradation de la qualité de la prise en charge, comme de celle des travaux de recherche, domaine dans lequel les structures privées d'intérêt collectif se trouvent souvent en pointe. Voilà pourquoi nous insistons sur cette demande de rapport.
L'amendement no 387 de M. Thibault Bazin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Vous avez été médisant, monsieur Vatin : …
Sourires sur les bancs du groupe LR
… l'avis sera favorable, …
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
Rires.
… pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure. Je remercie les députés du groupe Les Républicains d'avoir déposé ces amendements identiques. Il s'agit là d'une question que j'avais évoquée, je crois, le premier jour de l'examen de ce texte : les pratiques tarifaires et l'encadrement des dépassements dans le secteur privé non lucratif. Je m'étais alors engagé à faire réaliser ce rapport en attendant un vecteur législatif ad hoc.
L'amendement no 231 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je connais l'engagement de Marie Tamarelle-Verhaeghe, et cette question est intéressante. J'émets donc un avis de sagesse.
L'amendement no 231 est adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 370 .
Il s'agit d'une demande de rapport afin d'évaluer l'application de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Ce rapport présenterait les mesures à prendre pour freiner la rotation des personnels dans les établissements de santé publics et pour créer une cohésion au sein des équipes. En outre, il évaluerait l'opportunité d'instaurer dans ces établissements un pourcentage maximal de personnels non statutaires.
L'amendement no 370 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est de nouveau à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 374 .
L'amendement no 374 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 520 , tendant à supprimer l'article 15.
Il s'agit d'un amendement classique de levée de gage.
L'amendement no 520 est adopté ; en conséquence, l'article 15 est supprimé.
Je vous rappelle que, suivant la décision de la Conférence des présidents, le vote par scrutin public de la proposition de loi aura lieu mardi 8 décembre, après les questions au Gouvernement et l'éloge funèbre de notre collègue Jean-François Cesarini.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Dharréville.
C'est toujours un exercice singulier que de s'expliquer au sujet d'un vote qui n'aura lieu que quelques jours plus tard. Qui sait, peut-être aurons-nous changé d'avis dans l'intervalle ? À l'heure où nous sommes, en tout cas, même si ce texte est moins pire…
… qu'on ne l'imaginait, que ce qui était proposé au départ, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine demeure opposé à la philosophie qui le sous-tend principalement. Même si nous souscrivons à quelques-unes de ses dispositions, il reste une proposition de loi de déréglementation, de managérisation, ne vous en déplaise. Il véhicule toujours une conception de l'hôpital dans laquelle nous avons beaucoup de mal à nous retrouver ; en revanche, il n'apporte toujours pas les réponses nécessaires.
Par ailleurs, ce texte est censé traduire une partie des mesures issues du Ségur de la santé, ce que le Gouvernement aurait peut-être dû assumer lui-même. Pourquoi seulement une partie, alors qu'a été créé un comité de suivi du Ségur, dont la composition est du reste contestée ? Chacun des volets du Ségur lui-même avait déjà suscité des interrogations. Si nous voulions nous hisser à la hauteur des enjeux, sans doute y aurait-il un certain nombre de suggestions à faire ; pour notre part, nous avons déposé plus d'une proposition de loi auprès du bureau de l'Assemblée nationale.
A priori, je le répète, nous nous opposerons donc à ce texte.
Nous arrivons au terme de plusieurs heures de débat au sujet d'une proposition de loi très enrichie en commission puis largement amendée par l'ensemble de nos bancs. Au cours de ces discussions parfois animées, le progressisme a malgré tout guidé nos échanges. Le texte qui en résulte témoigne de la volonté des parlementaires de s'emparer d'un sujet précieux, essentiel : la santé de nos concitoyens. Il donne une traduction législative des mesures issues du Ségur de la santé et tire les enseignements d'une crise sanitaire inédite. Il se veut pragmatique : son ambition est d'apporter des réponses aux professionnels engagés sur le terrain, qui se heurtent aux freins et aux blocages d'un système trop rigide, sources de difficultés, de pertes d'énergie.
Ce texte demande au Gouvernement de s'engager en matière de développement des auxiliaires médicaux en pratique avancée, dans l'optique d'un décloisonnement des professions de santé et d'un meilleur accès aux soins.
Il fait un pas majeur dans la coopération entre professionnels grâce à un amendement, adopté à l'unanimité, qui étend les protocoles locaux de coopération aux établissements du secteur médico-social et à l'exercice coordonné en ville. Au nom du groupe La République en marche, je salue cette initiative parlementaire commune qui constitue un apport majeur. Le texte inscrit dans la loi les principes clés du service d'accès aux soins, ce qui améliorera les conditions de cet accès partout et pour tous.
Nous pouvons également nous réjouir d'avoir acté l'élargissement du champ de compétences des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes.
Avec ce texte, nous offrons davantage de reconnaissance aux équipes qui oeuvrent chaque jour sur le terrain, dans nos établissements de santé.
Aussi le groupe La République en marche votera-t-il pour cette proposition de loi et je vous invite, chers collègues qui avez contribué à son enrichissement grâce à vos amendements, à faire de même.
Au terme de l'examen du texte, le groupe Les Républicains note avant toute chose une méthode quelque peu brouillonne, le texte ayant été réécrit au moins trois fois : avant la commission, en commission puis en séance.
Néanmoins, ces réécritures ont eu le mérite de revenir sur des propositions rejetées par toutes les professions, qu'elles soient médicales ou administratives. Il en va ainsi de l'article 1er, relatif à une profession médicale intermédiaire, ou encore de l'article 7, qui prévoyait l'intégration forcée des établissements dans les GHT.
Il subsiste toutefois dans ce texte des dispositions qui nous dérangent.
L'article 3, qui devait être porteur de simplification, a ainsi été alourdi par l'adoption d'un amendement prévoyant des mesures réglementaires qui risquent d'aggraver la situation actuelle.
L'article 4 va toujours à l'encontre de la confiance en prévoyant des créations de postes par les GHT, à rebours d'une approche pragmatique.
L'article 7 bis procède certes une réécriture, mais à la hussarde et sans concertation, alors que des expérimentations sont en cours. Par ailleurs, il prévoit des mesures réglementaires, alors qu'aucune vision claire ne se dégage.
L'article 10 reste dangereux et illusoire.
Pour toutes ces raisons et considérant que l'essentiel des mesures décrites relèvent davantage d'un choc de simplification à l'initiative du Gouvernement, le groupe Les Républicains, à ce stade de la navette, votera contre le texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Oh ! Alors que vingt de vos amendements ont été adoptés !
Là où certains voient un verre à moitié vide, nous voyons un verre à moitié plein. Sur la forme, je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, pour nos échanges autour de la construction des différents articles de la proposition de loi. J'aime que des délibérations intelligentes aient lieu dans l'hémicycle, et ce fut le cas grâce à vous.
Sur le fond, le groupe Dem est ravi d'avoir pu voter les articles 2, 5 et 10. N'oublions pas en effet, comme l'a rappelé M. le ministre, que c'est au service des patients que nous oeuvrons, au travers des soignants. Or, de ce point de vue, la situation va s'améliorer. Nous sommes satisfaits de l'abandon du numéro national 113 concernant le SAS – service d'accès aux soins – , car nous considérons que les concertations ne sont pas totalement achevées.
J'anticipe quelque peu l'adhésion du bureau et de Mme la présidente de la commission – que je remercie d'avance – pour me réjouir, au nom de mon groupe, de l'organisation d'une mission flash : celle-ci permettra à notre Assemblée, après qu'elle a été elle-même à l'initiative de la PPL, de se saisir du sujet de la coordination et de la pratique avancée. C'est la raison pour laquelle le groupe Dem aura plaisir à voter le présent texte.
Comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, le groupe Socialistes et apparentés regrette que cette proposition de loi n'ait pas permis à l'Assemblée de s'appuyer sur une évaluation et une expertise sérieuses pour arbitrer des choix pouvant se révéler lourds de conséquences pour l'hôpital public.
Nous saluons la suppression de l'article 1er, la reconnaissance des infirmières en pratique avancée, la suppression de l'article 7 tel qu'il était rédigé et sa réécriture, l'adoption de trois de nos amendements et les avancées réalisées en faveur de la profession des sages-femmes.
Cependant, nous regrettons le manque de vision de cette PPL qui, au fond, règle peu de problèmes. Nous aurions souhaité que soient abordés les sujets de la désertification médicale et des inégalités territoriales d'accès aux soins ; tous les amendements de notre collègue Guillaume Garot ayant été jugés irrecevables, cela n'a pas été possible.
Nous déplorons l'introduction d'un projet managérial dans les établissements.
Nous regrettons enfin des mesures inadéquates, comme l'introduction du bénévolat à l'hôpital public plutôt que le soutien aux associations existantes qui font un travail admirable.
En conclusion, nous pensons que le Ségur de la santé et les mesures proposées par l'ensemble des organisations professionnelles méritaient un plus large débat. À ce stade, nous voterons donc contre ce texte.
Nous arrivons au terme de l'examen d'une proposition de loi qui contient nombre de mesures positives que le groupe Agir ensemble tient à saluer particulièrement.
L'article 2, qui élargit les possibilités de prescription pour les sages-femmes et masseurs-kinésithérapeutes, à la suite de travaux menés en commission et en séance, constitue, à nos yeux, une avancée majeure. Nous espérons que nous pourrons poursuivre le débat sur ce sujet, en particulier pour les sages-femmes dont la profession a également grand besoin d'une réforme statutaire.
De même, l'article 5, concernant les chefs de service à l'hôpital, va dans le bon sens ; il était très attendu.
L'article 10, qui concerne l'encadrement de l'intérim médical, constitue selon nous une avancée majeure. Il est l'un des signaux très positifs envoyés par ce texte.
La transformation de l'article 1er en demande de rapport constitue, j'en suis convaincue, un choix sage, tant la création d'une profession médicale intermédiaire suscitait de critiques. Il ne sera pas possible d'avancer sur ce sujet, sinon en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs. L'article 1er a été utilement complété en séance pour remettre sur la table la question essentielle d'une réingénierie de la profession des auxiliaires médicaux, ce dont nous sommes particulièrement reconnaissants.
Nous saluons également, bien sûr, la suppression de l'article 7, dont l'aspect contraignant constituait une ligne rouge absolue pour notre groupe. Cette approche était d'ailleurs contradictoire avec la loi relative à l'organisation et la transformation du système de santé, adoptée par notre assemblée, qui, selon nous, consacre la liberté de choix et le volontariat – l'article 7 les aurait supprimés. L'adoption d'un dispositif qui imposait une direction commune entre établissements, à la main des ARS, constituait réellement, je le répète, une ligne rouge.
En revanche, j'aurais apprécié d'obtenir des explications au sujet de l'article 14.
On m'avait dit que je disposais de cinq minutes… Bref, je conclus.
Nous saluons le travail réalisé avec Mme la rapporteure, qui illustre parfaitement l'écoute dont elle a fait preuve. Néanmoins, ce texte a été tellement remanié que vous comprendrez que notre groupe ne puisse exprimer sa position dès aujourd'hui. Le vote devant avoir lieu la semaine prochaine, nous nous réservons un temps d'échange préalable.
Dès l'examen du texte en commission, le groupe UDI et indépendants a indiqué que son vote dépendrait de l'évolution des débats, car certains articles, tels que rédigés initialement, étaient pour nous rédhibitoires.
L'article 1er, qui portait la création d'une profession intermédiaire, constituait un point noir du texte. Alors que le Ségur a prévu une consultation sur le sujet, la majorité nous présentait un texte avec un cadre législatif prêt à l'emploi. Résultat : l'article ne porte plus qu'une demande de rapport. Si nous saluons la capacité d'écoute dont vous avez su faire preuve, madame la rapporteure, nous continuons de penser que cet article traduit la précipitation de son auteur.
L'article 7, qui consistait à confier la direction d'un hôpital à l'établissement support du GHT en cas de vacance de poste – aboutissant à mutualiser la direction de deux ou plusieurs établissements – , constituait pour notre groupe une autre ligne rouge à ne pas franchir. Nous nous réjouissons que vous ayez entendu les professionnels et les oppositions.
Il en va de même pour l'article 7 bis, relatif au numéro d'urgence. Sur le fond, nous sommes convaincus de l'intérêt de faire du 112 le numéro de toutes les urgences, ce qui simplifierait et rendrait le dispositif plus lisible pour nos compatriotes. Sur la forme, nous considérons que ce sujet mérite un débat spécifique et non pas un débat au détour de l'adoption d'un amendement en commission. Là, encore, vous avez entendu raison.
Les concessions que vous avez su faire et l'assurance d'un enrichissement du texte lors de son passage au Sénat invitent notre groupe à voter cette proposition de loi.
Quand nous avons débuté l'examen de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, le groupe Libertés et territoires a constaté deux problèmes. Premièrement, il n'améliorait pas du tout le système de santé et le complexifiait même jusqu'à le rendre incompréhensible. Deuxièmement, il ne renforçait pas la confiance mais plutôt la défiance, tant il suscitait d'oppositions. Comme disait ma grand-mère, ce n'était vraiment « ni fait ni à faire ». Du reste, quand on voit la façon dont certains partenaires de la majorité chancellent, on s'interroge sur les conditions dans lesquelles ce texte a été écrit.
M. Jean Lassalle applaudit.
Sur la forme, il faut reconnaître que les objectifs n'étaient pas clairs et que la méthode était précipitée ; rien n'avait été concerté. En plus, nous étions en pleine crise du covid-19 ! La démarche était donc vraiment incompréhensible, mais peut-être, dans l'histoire, finirons-nous par comprendre ce qui s'est passé… Ainsi, la volonté de créer une profession médicale intermédiaire n'a fait l'objet d'aucun consensus. Il fallait donc supprimer l'article correspondant. Sur le fond, certaines dispositions allaient à l'encontre des besoins de proximité exprimés lors des débats du Ségur de la santé. Il fallait donc aussi supprimer l'article 7, qui prévoyait que les directeurs de GHT assurent l'intérim de direction des établissements et a fait l'unanimité contre lui.
L'examen en commission et en séance a permis d'améliorer largement le texte. Et encore, je suis généreux : en réalité, il a permis de tout réécrire. Certaines dispositions vont maintenant dans le bon sens mais elles sont très peu nombreuses. De ce fait, une large partie des membres de notre groupe voteront en faveur de la proposition de loi mais, monsieur le ministre, ne nous faites plus des coups pareils ! Cette façon de faire ne valorise ni le Parlement ni l'image de l'Assemblée auprès des organisations et des professionnels de santé qui se sont tant engagés dans la crise.
Ce texte a vocation à mettre en musique les engagements pris lors du Ségur de la santé. Il engage une réforme des établissements de santé selon deux axes majeurs : d'une part, une plus grande autonomie leur est accordée et les instances de gouvernance sont revues ; d'autre part, la mutualisation des services continue à être largement encouragée, alors même qu'elle a produit des effets délétères en réduisant la couverture territoriale et la qualité des soins rendus, au nom d'économies qui, in fine, n'ont jamais été démontrées.
Si nous soutenons certaines dispositions du texte, nous estimons néanmoins qu'il ne permet pas de répondre à la destruction de notre système de santé en général ni à celle de l'hôpital public en particulier. La crise du coronavirus a démontré le dévouement et la qualité du travail des soignants mais aussi les limites d'un fonctionnement en flux tendu. L'hôpital ne peut être géré comme une entreprise. Pourtant, vous ne remettez pas en cause ce fonctionnement.
À cause des articles portant sur l'augmentation de ces mutualisations, facilitant notamment l'implantation de GHT, le groupe de La France insoumise votera, à ce stade, contre la proposition de loi.
Les explications de vote sont terminées.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le scrutin public sur cette proposition de loi aura lieu mardi 8 décembre après-midi.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.
La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La présente proposition de loi est le fruit d'un long travail que j'ai engagé il y a presque deux ans. La première étape s'est concrétisée par la remise au Premier ministre Édouard Philippe et au secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, Adrien Taquet, d'un rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption - Donner une famille à un enfant », que j'ai rédigé conjointement avec la sénatrice Corinne Imbert, du groupe Les Républicains.
Le constat que nous avons dressé est clair : trop de mineurs protégés restent placés en établissement ou en famille d'accueil sans qu'aucune autre solution ne puisse vraiment leur être proposée. Dans ces conditions, deux principes fondamentaux doivent guider l'éthique de l'adoption : l'intérêt de l'enfant et le souci de lui donner une famille. D'autres préconisations sont cependant essentielles : mieux préparer et accompagner les familles à l'adoption ; harmoniser les pratiques de délivrance de l'agrément aux personnes qui souhaitent adopter ; mettre l'enfant au centre des décisions qui le concernent ; faciliter l'adoption des enfants qui peuvent l'être ; apporter une formation adéquate aux personnes chargées des décisions en matière d'adoption, en particulier les membres du conseil de famille.
Aussi la présente proposition de loi a-t-elle pour objet de refonder le modèle de l'adoption, afin de permettre à chaque enfant de trouver le projet de vie le plus adéquat à son profil et d'en faire un outil majeur de protection de l'enfance.
À cet effet, elle poursuit deux grands objectifs.
Le premier est de faciliter et de sécuriser l'adoption, conformément à l'intérêt de l'enfant. Dans cette perspective, elle valorise l'adoption simple, ouvre l'adoption aux couples non mariés, prévoit un écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté, favorise l'adoption plénière des enfants de plus de 15 ans, en particulier par les personnes qui les ont accueillis au titre de l'aide sociale à l'enfance – ASE. Par ailleurs, elle renforce la protection des enfants en sécurisant la période de placement en vue de l'adoption, en prévenant l'adoption entre ascendant et descendant – et donc une confusion des générations – , en replaçant au coeur du processus d'adoption les notions de consentement et d'agrément, et en consolidant les droits des pupilles de l'État.
Le deuxième objectif est de renforcer le statut de pupille de l'État et d'améliorer le fonctionnement du conseil de famille. La proposition de loi définit ainsi l'objet du statut de pupille de l'État, clarifie les conditions d'admission dans ce statut et crée un droit d'information du pupille par son tuteur pour toute décision le concernant. Elle améliore également l'organisation et le fonctionnement du conseil de famille en revoyant sa composition et en instituant une formation pour ses membres. Elle garantit un examen régulier du statut des enfants de moins de trois ans et, enfin, affirme le caractère supplétif de la tutelle départementale par rapport à la tutelle des pupilles de l'État.
En vue de l'examen de ce texte, j'ai mené de nombreuses auditions qui ont permis de constituer une base de travail fournie et constructive, fruit d'un travail tant personnel que collectif – je tiens à cet égard à remercier tout particulièrement les membres de la commission des lois pour leur implication. Ces auditions ont contribué à enrichir cette proposition de loi, avec toujours comme boussole l'intérêt de l'enfant.
Nous ouvrons l'accès à l'adoption en abaissant la condition d'âge de 28 à 26 ans et en réduisant de deux ans à un an la condition de durée de communauté de vie. Nous portons l'écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté de quarante-cinq à cinquante ans et prévoyons une possibilité de dérogation en cas d'accord du conseil de famille, sous réserve de justes motifs. Cette mesure devra servir de guide aux professionnels lors de la procédure d'agrément, raison pour laquelle elle apparaîtra dans le code de l'action sociale et des familles. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet lors de l'examen des articles 3 et 10, sur lesquels j'ai déposé des amendements.
Pour les couples de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée – PMA – avant l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi qui seraient séparés, au cas où la femme ayant accouché s'oppose à la reconnaissance de l'enfant par son ex-conjointe, nous prévoyons un dispositif transitoire permettant d'établir la filiation par l'adoption, grâce à un acte judiciaire. Nous fixons la durée de validité de l'agrément en vue d'adoption à cinq ans renouvelables, pour les personnes qui en font la demande, et précisons que tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé. Nous rétablissons l'octroi d'une aide financière versée par le département aux personnes adoptant un enfant confié à leur garde par les services de l'aide sociale à l'enfance.
Nous rétablissons les dispositions relatives aux organismes autorisés pour l'adoption – OAA – , tout en les encadrant et en recentrant leurs missions sur l'intermédiation de l'adoption de mineurs étrangers. En conséquence, nous étendons à l'adoption internationale l'infraction d'exercice illégal de l'activité d'intermédiaire, dont le champ est aujourd'hui limité à l'adoption nationale. Pour simplifier et aider au mieux les OAA travaillant à l'international, leur autorisation d'exercer sera délivrée pour cinq ans renouvelables pour le territoire français par le ministère des affaires étrangères, après avis du ministère des solidarités et de la santé. Cette compétence s'élève ainsi de l'échelon départemental à l'échelon national, ce qui permet de sécuriser l'existence de ces organismes tout en les encadrant.
Pour les OAA travaillant en France, nous souhaitons désormais que le recueil d'enfants soit une compétence exclusive de l'aide sociale à l'enfance, afin que ceux-ci bénéficient du statut de pupille de l'État, statut le plus protecteur pour eux. En revanche, nous confortons les OAA dans leur rôle d'accompagnant des départements pour la recherche de familles s'agissant des enfants à besoins spécifiques. Nous ne pouvons tout simplement pas nous passer de leurs compétences. Nous avons prévu l'obligation pour les personnes souhaitant adopter un mineur étranger d'être accompagnées par un organisme autorisé pour l'adoption ou par l'Agence française de l'adoption – AFA.
Enfin, nous modifions la composition du conseil de famille, afin notamment d'y inclure une personnalité qualifiée en matière d'éthique et de lutte contre les discriminations et une personnalité qualifiée dans les disciplines en relation avec le développement de l'enfant. Nous encadrons l'exercice du mandat des membres du conseil de famille, nous exigeons une formation pour ceux-ci et nous insistons sur la motivation des décisions prises par le conseil de famille et nous précisons les conditions dans lesquelles le pupille peut exercer un recours contre ses délibérations.
Pour finir, j'aborderai trois sujets qui ne pourront être évoqués lors de l'examen des amendements.
Certains d'entre vous souhaitent une évolution du régime de l'accès aux origines dans le cadre de l'accouchement sous le secret. Comme vous, je considère que la connaissance de ses origines fait partie intégrante de la construction de l'enfant. Dans un souci d'équilibre, nous devons toutefois aussi prendre en compte le droit de la femme à sauvegarder le secret de son identité. Il semble donc nécessaire, avant toute modification législative sur ce point, de s'appuyer sur un premier bilan de la loi de 2002 qui a créé le Conseil national d'accès aux origines personnelles – CNAOP. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous dire si un tel bilan pourra être réalisé ?
Par ailleurs, au moment où les parents sont sur le point de prendre la décision de confier leur enfant à l'ASE, il est nécessaire de les informer et de les accompagner du mieux possible. Cette information devrait prendre la forme d'un guide qui leur serait remis pour garantir leur pleine compréhension des enjeux du délaissement parental pendant la période de réflexion et avant le recueil de leur consentement définitif. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, me donner des garanties quant à la mise en place d'une réglementation sur ce sujet ?
Comme je l'ai indiqué, nous revoyons la composition du conseil de famille et rendons obligatoire la formation de ses membres. Pour compléter ces dispositions, il me semble important d'augmenter leur défraiement pour leur éviter de se retrouver dans une situation proche du bénévolat et pour les inciter à tenir ce rôle absolument essentiel. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, prendre un engagement en ce sens ?
En conclusion, vous l'aurez compris, cette proposition permettra d'ouvrir et de faciliter l'adoption de tous les enfants dont le projet de vie passe par une adoption, que celle-ci soit simple ou plénière. Il s'agit de donner la possibilité à l'enfant de vivre au sein d'une famille à laquelle il se sent appartenir, car c'est bien dans ce cadre-là qu'il peut être aimé, qu'il peut être éduqué et donc qu'il peut exister et se construire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
La proposition de loi que Mme Limon et ses collègues de groupe La République en marche soumettent aujourd'hui à votre examen va susciter un débat sur des sujets rarement évoqués : chacun, en s'y penchant, prend conscience de la délicatesse avec laquelle il convient de légiférer sur des questions à ce point sensibles. Même sous sa forme codifiée légale, l'adoption existe depuis des siècles. De l'Antiquité à la période actuelle, ses motivations et son encadrement ont évolué, mais il n'en demeure pas moins que cette volonté, ce besoin de créer par un jugement un lien de filiation entre deux personnes qui n'ont pas de lien de sang traverse les époques. Certains y ont eu recours pour sauver des lignées dynastiques ou pour réaliser des alliances, d'autres pour préserver des patrimoines ou encore pour favoriser une plus grande égalité sociale.
Depuis le début du XXe siècle, la France – ce qui tout à son honneur – poursuit à travers sa législation sur l'adoption l'un des buts les plus nobles qu'il soit : donner une famille à chaque enfant qui n'en aurait pas. Cette évolution, marquée par des décisions exemplaires comme la création du statut de pupille de la nation en 1917, a trouvé une résonance forte dans la société française.
Chacun le mesure, ces questions dont nous allons discuter renvoient pour nombre d'entre nous à des histoires personnelles ou à celles de proches. Ce n'est jamais avec indifférence ou légèreté que le sujet de l'adoption nous saisit. C'est bien un débat sociétal qui va, au cours de ces prochaines heures, avoir lieu ici et je sais que nombre de nos concitoyens y seront tout particulièrement attentifs. Parce qu'ils relèvent de l'intime, parce qu'ils renvoient à des parcours de vie souvent heurtés, ces sujets doivent encourager le législateur à ne prendre la plume qu'avec précaution. 1966, 1976, 1996, 2006, 2016 : les lois de la Ve République consacrées à l'adoption se comptent sur les doigts d'une main. C'est cependant l'honneur et la responsabilité du Parlement que d'avoir à évaluer régulièrement la cohérence de notre cadre législatif lorsque celui paraît incomplet, d'en identifier les faiblesses ou les manques, d'en corriger les éventuelles défaillances. Et c'est le cas en matière d'adoption.
Nous le savons très précisément depuis qu'en octobre 2019 la députée Monique Limon, aujourd'hui rapporteure de cette proposition de loi, et la sénatrice Corinne Imbert ont rendu le rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption, donner une famille à un enfant », à l'issue d'une mission que j'avais eu le plaisir de leur confier. C'est pour moi l'occasion de les remercier pour ce travail.
Le constat posé alors, que partage le Gouvernement, tient en une phrase : nous n'en faisons pas assez pour trouver une famille dans laquelle grandir, s'épanouir, se sentir en sécurité aux enfants de notre pays dont la famille n'est plus là, dont la famille n'assume pas ses responsabilités ou n'est plus apte à le faire. Nous nous satisfaisons de procédures complexes qui privent encore d'adoption des enfants pour lesquels elle est pourtant la promesse d'un horizon adapté, d'une véritable stabilité affective, de nature à combler ce que le Dr. Marie-Paule Martin-Blachais qualifiait, dans le cadre de la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant, de « méta-besoin », celui sans lequel rien ne peut se construire ou se reconstruire, ce besoin de sécurité affective, physique et matérielle.
Quand la part des enfants adoptés, parmi ceux que nous protégeons à l'aide sociale à l'enfance, est cent fois moindre que dans certains pays voisins, quand un pupille de l'État sur deux ne trouve pas de famille d'adoption, quand les futurs parents attendent en moyenne plus de trois ans après l'obtention de l'agrément pour que leur projet d'adoption se réalise, alors il faut agir, agir pour mieux protéger ces enfants, pour mieux accompagner ces parents et pour corriger les lacunes identifiées par les professionnels. C'est ce que propose ce texte.
Il développe l'adoption en ajoutant de nouvelles garanties et de nouvelles sécurités nécessaires au bien-être de l'enfant, avec une ambition politique et sociale très forte : donner les mêmes chances et les mêmes droits à toutes les petites filles et à tous les petits garçons de notre pays, à commencer par ceux que la vie a souvent fait grandir trop vite mais qui restent fragiles, comme les enfants qu'ils demeurent, comme tous les enfants. Je sais que c'est là votre objectif, madame la rapporteure, et le Gouvernement vous soutient pleinement dans cette démarche à laquelle je suis d'autant plus sensible qu'elle met clairement la notion d'intérêt de l'enfant en son coeur.
Vous mentionnez à très juste titre dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 dont l'article 20 rappelle que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et à une aide spéciales », pouvant prendre notamment la forme de l'adoption. Ce n'est bien évidemment pas la seule voie et l'action que je m'évertue à mener depuis que j'ai l'honneur d'exercer les fonctions qui sont les miennes au sein du Gouvernement se fonde sur cet apport fondamental de la Convention internationale des droits de l'enfant, afin de déployer tout un éventail de mesures adaptées aux besoins et aux attentes des enfants. Mais cette mention explicite montre bien qu'en encourageant et en facilitant le recours à l'adoption, en ajoutant de nouvelles garanties, nous ancrons fermement, définitivement l'adoption dans la protection de l'enfance. Quand nous disons que l'adoption doit être développée, ce n'est ni plus ni moins dans l'intérêt de l'enfant. Il ne s'agit pas de changer pour changer ou même d'être dans l'air du temps. Vous avez raison, madame la rapporteure, de présenter ce texte comme offrant des opportunités nouvelles aux enfants.
À cet égard, je salue les mesures qu'il propose, notamment la création d'une base nationale des agréments en vue d'adoption qui permettra de faciliter la recherche d'une famille pour chaque enfant, y compris lorsque les besoins spécifiques de ce dernier impliquent d'élargir cette recherche en dehors du ressort du conseil départemental. Le nouveau rôle que nous confierons à l'Agence française de l'adoption y contribuera également.
Je salue aussi les nouvelles possibilités d'adoption non seulement des enfants de plus de 15 ans par les personnes qui les ont accueillis au titre de l'aide sociale à l'enfance – je parle ici des assistantes familiales, dont je veux saluer l'engagement – , mais aussi des enfants à besoins spécifiques hors d'état de consentir, lorsque c'est dans leur intérêt. Je salue encore l'instauration d'un écart d'âge maximum entre les enfants et les adoptants, la sécurisation de la période de placement en vue de l'adoption, ou l'interdiction explicite de l'adoption entre ascendant et descendant en ligne directe – autant de mesures qui contribueront à renforcer la protection d'enfants ayant besoin de stabilité et de repères, et non d'incertitude et de confusion. Ces mesures ne sont pas cosmétiques : elles faciliteront la recherche d'une famille pour chaque enfant, et mettront fin à l'augmentation, observée ces dernières années, du nombre d'enfants ne trouvant pas de famille adoptante.
L'intérêt de l'enfant réside également dans l'inscription des parents et des enfants dans de véritables parcours. Les mesures précitées n'offriraient pas de garanties suffisantes, si Mme Monique Limon et l'ensemble des acteurs concernés ne s'étaient pas attachés tant à l'encadrement des procédures qu'à l'accompagnement des parents. Cet accompagnement est d'autant plus important que le profil des enfants admis au statut de pupille de l'État change : ils sont de plus en plus nombreux à présenter des besoins spécifiques, liés à l'âge ou à une situation de handicap. Le Gouvernement approuve les garanties proposées par la rapporteure, qui concourent toutes à sécuriser les parcours et les droits des enfants. Je pense en particulier à l'effort accru de formation des membres des conseils de famille, dont la composition sera d'ailleurs diversifiée ; à la précision des droits des pupilles et au renforcement de leur information pour les décisions qui les concernent ; ou encore à l'encadrement de certaines activités exercées par les organismes autorisés pour l'adoption. Ce dernier point, je le sais, a suscité des inquiétudes, mais je suis convaincu que la discussion fera ressortir la nécessité de mettre fin à des démarches, certes rares, qui ne présentent pas de garanties suffisantes concernant l'intérêt de l'enfant et la non-discrimination des candidats à l'adoption ; dans le même temps, les démarches remplissant ces deux objectifs devront être pérennisées.
L'extension de l'adoption aux couples non mariés participe d'une même logique. Elle est emblématique des échanges qui suivront. Ne nous trompons pas dans les termes du débat : prendre en considération ces nouvelles configurations familiales, c'est, strictement, renforcer la protection de l'enfant. Alors que celui-ci ne pouvait, jusqu'à présent, être adopté que par un parent non marié, il aura demain la chance et le droit de compter sur la sécurité de deux parents : c'est un progrès fondamental pour les enfants concernés.
Je salue toutes ces propositions. Le Gouvernement les enrichira en présentant, notamment, un amendement visant à étendre encore l'accompagnement des familles adoptantes dans les premiers mois suivant l'arrivée de l'enfant.
Les changements seront donc nombreux et transformeront profondément le paysage de l'adoption en France. C'est pourquoi le Gouvernement sollicitera, de la part de la représentation nationale, une habilitation à légiférer par ordonnance, …
… afin de mieux harmoniser et coordonner le code civil et le code de l'action sociale et des familles, et donc de préserver la parfaite lisibilité de ces questions. Soyons au rendez-vous de ces évolutions, sans nous enfermer dans des oppositions qui n'ont pas lieu d'être entre adoption nationale et adoption internationale, enfants et parents, couples mariés et non mariés, anciens et modernes. Nous devons nous rassembler autour d'une seule exigence : l'intérêt de l'enfant.
Être parent est une expérience unique ; il n'y a pas deux parentalités qui se ressemblent, mais autant de parentalités qu'il y a de familles, d'enfants et de parents. Il n'existe pas de parcours tout tracé, identique d'une famille à une autre. C'est pourquoi le Gouvernement travaille, en ce moment même, dans le cadre de la démarche Les 1 000 premiers jours, à la définition de parcours adaptés prenant en considération les spécificités de chaque situation. Ce sera le cas s'agissant de l'adoption, avec la définition d'un parcours spécifique dont les premières grandes modalités ont été annoncées, complétant la proposition de loi : allongement du congé d'adoption de dix à seize semaines ; meilleure articulation avec l'école, pour favoriser la création du lien affectif ; accompagnement en santé spécifique des enfants adoptés. Ces dispositions – que vous avez déjà votées dans la loi de financement de la sécurité sociale, ou qui sont en cours d'élaboration par le Gouvernement – , compléteront utilement les évolutions fondamentales que comporte la proposition de loi, au plus grand bénéfice des enfants – eux pour qui l'adoption ouvre un horizon, gage d'épanouissement.
C'est tout le paradoxe et la richesse du texte : derrière une apparence technique, il touche intimement chacun d'entre nous, car il nous renvoie, d'une façon ou d'une autre, à notre propre histoire ou à celle de nos proches. Il en fut de même lorsque vous avez débattu de l'ouverture de la procréation médicalement assistée, de l'accès aux origines, dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, ou encore de la douloureuse thématique du deuil d'enfant. Ce sera encore le cas aujourd'hui. Avant d'être des législateurs, nous sommes des hommes et des femmes qui ont été confrontés à ces histoires, à ces parcours souvent délicats, parfois jalonnés de drames, mais où la résilience des principaux concernés surprend toujours. Nourrissons le débat par nos expériences, mais sachons aussi, parfois, nous en détacher. Suivons ensemble la seule boussole qui vaille : celle de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Depuis le décret du 18 janvier 1792, introduisant l'adoption dans le droit français, jusqu'à la loi de 2016, dix-sept lois ont réformé l'adoption. Ces réformes suivent les évolutions de la société, mais doivent aussi, et surtout, prendre les dispositions nécessaires pour rendre notre système aussi protecteur que possible du bien-être des enfants reconnus pupilles de l'État.
Dans son exposé des motifs, la proposition de loi affirme la volonté d'agir en faveur de « l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à l'enfant et non l'inverse ». Nous partageons cet objectif. Le texte s'appuie sur les préconisations du rapport, rendu public le 1er octobre 2019, issu des travaux menés par la rapporteure Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert. Je salue leur travail sérieux, ainsi que les nombreuses et riches préconisations issues de leur rapport.
Je regrette néanmoins les conditions dans lesquelles la représentation nationale examine une réforme aussi importante que celle de l'adoption. Nous parlons de l'avenir d'enfants délaissés et d'enfants nés sous le secret : un sujet aussi sensible mérite que les parlementaires prennent le temps d'y travailler sereinement, pour y apporter des réponses adaptées. Malheureusement, une fois encore, nous examinons une proposition de loi qui n'est assortie ni d'une étude d'impact, ni d'un avis du Conseil d'État. Comment nous assurer que les mesures que nous voterons n'auront pas d'effets négatifs, mal évalués en raison d'un examen trop rapide ? Pourquoi avoir choisi d'enclencher la procédure accélérée, nous privant de plusieurs navettes entre les deux chambres, propices à affiner les mesures ?
Ces questions paraissent légitimes, alors que Mme la rapporteure a modifié sa proposition initiale par plusieurs amendements en commission des lois. À vouloir trop vite légiférer, on se prive aussi de l'apport des acteurs associatifs.
Pourtant, le texte vise trois objectifs majeurs : faciliter et sécuriser l'adoption, tout en améliorant le fonctionnement des conseils de famille ; renforcer le statut de pupille de l'État ; améliorer les autres dispositions relatives au statut de l'enfant. Nous partageons pleinement ces objectifs, et la quasi-totalité des dispositions prévues par la proposition de loi nous paraissent aller dans le bon sens.
Nous nous félicitons ainsi de l'ouverture du droit à l'adoption aux couples en concubinage et pacsés, et non plus aux seuls couples mariés : la proposition de loi mettra fin à des différences de traitement entre les couples hétérosexuels et homosexuels mariés, et les couples hétérosexuels et homosexuels non mariés. Le texte consacre par ailleurs le double lien de l'enfant, afin de valoriser l'adoption simple. Enfin, le renforcement des droits des pupilles de l'État constitue une mesure importante pour les droits de l'enfant.
Toutefois, le rapport de Caroline Limon et Corinne Imbert nous alerte sur la non-application de la loi de 2016 dans certains départements. Il appartient à l'État de la faire respecter partout dans le territoire. Nous nous inquiétons que la présente loi ne soit pas non plus appliquée, si l'État ne confère pas les moyens afférents aux départements.
Nous nous interrogeons également sur plusieurs articles, tels qu'ils ont été rédigés à l'issue de l'examen en commission. L'article 9, qui autorise à modifier le prénom de l'enfant sans son consentement jusqu'à l'âge de 13 ans, pose ainsi problème quant à l'identité de l'enfant. Le prénom est un élément d'identification, et représente une part non négligeable de l'identité. Quel motif pourrait nécessiter un changement brusque du prénom de l'enfant, sans son consentement, jusqu'à l'âge de 13 ans ?
L'article 9 bis pose également question. Lors de séparations, il permet aux femmes qui ont accompagné leur compagne dans une PMA, sans porter l'enfant, d'adopter ce dernier malgré le désaccord de la mère ayant porté l'enfant. Ce sujet aurait dû être tranché lors de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Or il ne l'a pas été ; nous devons donc en débattre à nouveau dans l'hémicycle, bien que le texte soit examiné dans des conditions rapides et sans commission spéciale, contrairement au projet de loi relatif à la bioéthique.
Nous regrettons également que le Gouvernement cherche, une fois de plus, à passer outre le Parlement, avec son amendement n° 491 visant à l'autoriser à légiférer par voie d'ordonnance. Nous désapprouvons cette méthode – devenue une habitude – , qui ne nous permet pas de remplir notre rôle de parlementaires.
Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine arrêtera son vote à l'issue des débats, en espérant que ceux-ci apporteront toutes les réponses nécessaires pour légiférer positivement sur un sujet complexe mais essentiel pour tant d'enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'adoption compte parmi les gestes les plus généreux qui soient. Adopter, c'est offrir à un enfant ou à un adulte non seulement son soutien et son amour, mais également son nom, son héritage ; c'est le faire entrer dans sa lignée ; c'est l'inscrire au sein de sa généalogie.
Si l'adoption est une pratique ancienne pour les majeurs, elle n'est permise pour les enfants mineurs que depuis 1923, au lendemain de la première guerre mondiale, qui a fait apparaître une cohorte d'orphelins. Alors que l'adoption était, à l'origine, uniquement reconnue sous une forme additive, une nouvelle forme effaçant le lien de filiation biologique est apparue en 1939. Cette dualité a été consacrée par la loi du 11 juillet 1966, qui a érigé en modèle l'adoption plénière – celle qui crée un lien de filiation se substituant à la filiation d'origine – , par rapport à l'adoption simple qui additionne les filiations biologique et adoptive.
Après avoir encadré l'adoption internationale en 2001, et facilité l'accès à l'adoption pour les enfants délaissés par leurs parents en 2016, il convenait de donner une nouvelle ambition à l'adoption : permettre à chaque enfant de trouver le projet de vie le plus adéquat, grâce à une libéralisation des conditions d'accès à l'adoption, à une revalorisation de l'adoption simple et à une sécurisation du statut des pupilles de l'État.
C'est grâce à l'engagement et au travail de longue haleine de notre collègue Monique Limon que la présente proposition de loi est examinée par la représentation nationale : qu'elle en soit sincèrement remerciée. Le texte repose sur trois principes : l'égalité, la sécurisation et l'équité. Il affirme haut et fort le principe d'égalité qui fonde le droit de la filiation. Cette égalité vaut, tout d'abord, entre les filiations : toutes les formes de familles – qu'elles soient biologiques ou non, fondées sur le mariage ou non – , créent des droits et des obligations similaires entre leurs membres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Oui, ces filiations, qu'elles soient biologiques ou électives, sont parfaitement égales.
L'égalité vaut, ensuite, entre les deux formes d'adoption, simple et plénière. Parce qu'elle permet aux deux filiations qui se succèdent de coexister, l'adoption simple est parfois plus adaptée à la situation de certains enfants, pour lesquels une rupture avec la famille d'origine n'est pas possible, justifiée ou souhaitable. Pourtant, l'adoption simple est mal connue, voire déconsidérée. Elle est souvent perçue comme une adoption au rabais, alors qu'elle crée un lien de filiation de même valeur que celui qui découle de l'adoption plénière.
L'égalité vaut, enfin, entre tous les couples.
Égalité entre tous les couples enfin. Jusqu'alors l'adoption était réservée aux seuls couples mariés. Ce texte ouvre l'adoption à tous les couples – mariés, concubins, partenaires d'un pacte civil de solidarité – sans aucune discrimination liée à la forme de l'union ou liée au sexe, parce que ce n'est pas le statut matrimonial qui fait de l'adulte un bon parent mais sa capacité à s'engager dans un projet de vie pour un enfant.
Égalité, mais également sécurisation : parce que l'adoption est un projet de vie, un engagement pour la vie pour les adoptants, ce texte aborde la question de la sécurisation du placement, garantie d'un apparentement de qualité.
Une refonte en profondeur des règles de l'agrément est, de plus, opérée, fondée sur la transparence des critères pour obtenir ce sésame, reposant également sur un accompagnement renforcé des candidats à l'adoption et une formation accrue de tous les acteurs de l'adoption. Sécurisation, aussi, du statut des pupilles de l'État, qui passe par la nécessité de s'assurer qu'il puisse être vérifié pour chaque pupille si un projet d'adoption simple ou plénière est possible et, le cas échéant, encouragé. Aucun pupille ne doit être assigné à ce statut si son projet de vie est une adoption.
Il fallait aussi faire du pupille un acteur à part entière de son adoption, ce qui se traduit par une information stricte de tout projet le concernant et par un élargissement des hypothèses pour lesquelles son consentement est nécessaire.
En conclusion, cette proposition de loi est fondée sur l'équité. À l'heure actuelle, les parents ont la possibilité de remettre leur enfant soit à l'Aide sociale à l'enfance soit à un organisme autorisé pour l'adoption, ce qui aboutit à une disparité de statut entre les enfants. Il y est remédié en imposant la remise de tous les enfants aux services de l'Aide sociale à l'enfance, ce qui permet à tous de se voir accorder le même statut protecteur de pupille de l'État. Le rôle des organismes autorisés pour l'adoption n'est pour autant pas nié. En France, ils resteront les intermédiaires privilégiés pour la recherche de famille pour les enfants à besoins spécifiques. À l'international, leur mission d'intermédiaire à l'adoption est renouvelée, chaque organisme étant dorénavant soumis à une procédure d'autorisation régulière et renforcée.
Le groupe La République en marche est fier de soutenir ce beau texte dont l'objet est d'augmenter les chances données aux parents et aux enfants de se trouver et de former une famille.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Avec cette réforme de l'adoption, nous abordons un sujet sensible parce qu'il touche à la vie des personnes et qu'il fait appel à des parcours avec des attentes, des espoirs, parfois des déceptions et des souffrances. Dans tous nos propos, nous veillerons à ne pas froisser ceux qui nous entendent et qui peuvent être directement intéressés par la question de l'adoption. Cela dit, il nous faut légiférer, inscrire dans le marbre de la loi certaines dispositions. Si le sujet est sensible, c'est aussi parce que nous allons toucher au droit de la filiation, droit qui s'est établi à travers des décennies et même des siècles et qu'il faut faire évoluer avec toute la prudence qui convient, de façon que la famille demeure toujours la cellule de base de la société, là où on partage une mémoire, une histoire, des épreuves pour le présent et des projets pour l'avenir.
Permettez-moi, au nom du groupe Les Républicains, de remercier la rapporteure pour le rapport qu'elle a rédigé avec la sénatrice Corinne Imbert et pour le travail qu'elle a réalisé lors de la préparation de cette proposition de loi. Comme je l'ai dit en commission des lois, pour avoir assisté aux auditions, je peux dire que son travail, dû à son expérience professionnelle, est reconnu par le monde de l'adoption. Il a débouché sur des propositions concrètes, pragmatiques qui visent à adapter le droit de l'adoption dans le code de l'action sociale et des familles afin qu'il soit plus opérationnel et à lever certains blocages.
Au-delà de ces mesures concrètes et pragmatiques, quelques dispositions nous inquiètent, soit parce qu'elles sont bancales juridiquement, soit parce qu'elles relèvent d'une idéologie qui n'est pas la nôtre.
Tout d'abord, les mesures bancales au plan juridique : je m'associe aux propos de notre collègue Marie-George Buffet qui a regretté la méthode avec laquelle nous allons examiner ce texte. Comme il s'agit d'une proposition de loi, il n'y a pas eu d'étude d'impact permettant d'évaluer les dispositions pour l'avenir, ni d'avis du Conseil d'État qui aurait été précieux quant à la réforme du droit de la filiation. Par ailleurs, l'examen de ce texte fait l'objet d'une procédure accélérée, ce qui est incompréhensible sur un tel sujet car une telle procédure ne permet pas d'avoir cet échange, cette navette indispensable entre notre assemblée et le Sénat pour préciser, voire affiner les points qui le méritent. Par ailleurs, en commission, la rapporteure a présenté non seulement les amendements habituels de cohérence rédactionnelle, mais aussi d'autres amendements sur le fond qui ont montré qu'on était bien en train de modifier le texte à la dernière minute. Enfin, l'absence en commission des ministres tant de la solidarité et de la santé que et de la justice nous a empêché de connaître l'avis du Gouvernement.
Et aujourd'hui, cerise sur le gâteau, l'amendement no 491 prévoit de confier à une ordonnance le soin de rédiger à nouveau l'ensemble du titre VIII du code civil, relatif à la filiation adoptive, parce que nous sommes en pleine improvisation et bricolage juridique sur des sujets qui auraient mérité, pourtant, que nous prenions le temps de bien mesurer ce que nous écrivons. Nous regrettons cette méthode.
Avec l'article 1er, qui vise à définir l'adoption simple, on voit bien que le texte n'est pas encore stabilisé, puisqu'il s'agit, en définitive, d'un mécanisme d'adoption forcée pour les couples de femmes qui ont eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger. On est en train d'initier un mode d'établissement de la filiation complètement inédit sans que le dispositif soit assuré au plan constitutionnel.
Les mesures qui posent problème idéologiquement ensuite : je pense, bien sûr, à celles qui renvoient à la conception de la filiation. Nous ne sommes pas favorables à une famille contractuelle qui serait établie uniquement à partir du désir des adultes. On sait qu'au sein des familles peuvent exister des déséquilibres, des pressions, parfois même des violences : or le rôle de la société est d'instituer ce cadre familial pour protéger le plus faible. Nous défendrons des amendements visant à rappeler que le statut juridique de la famille est fait pour protéger le plus faible, notamment l'enfant adopté qui est celui qui a sûrement le plus besoin de protection.
D'autres mesures idéologiques concernent les organismes autorisés pour l'adoption, qui réalisent actuellement un travail formidable : on voulait les supprimer complètement de la loi et on s'efforce maintenant de les rétablir. Alors qu'ils font un travail formidable pour des enfants à besoins spécifiques, notamment les malades ou les handicapés, on s'apprête à donner à l'État le monopole de la gestion de ces enfants et à priver les parents d'origine du choix de leur mode d'éducation.
Le groupe Les Républicains sera là pour améliorer les mesures concrètes, pragmatiques, pour essayer de stabiliser les mesures bancales au plan juridique et pour combattre les mesures idéologiques, en défendant une conception de la famille et de la filiation que nous assumons complètement et qui n'est pas la vôtre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les chiffres de l'adoption nous renvoient une image, certes insuffisamment précise, mais explicite de la situation. Ils nous révèlent que 12 000 enfants en moyenne sont adoptés chaque année en France. En 2018, les juges ont statué sur près de 10 000 requêtes. Et, alors que quelque 3 000 enfants bénéficient du statut de pupille de l'État, à peine 1 000 d'entre eux sont confiés à une famille en vue de leur adoption, les 2 000 autres vivant dans des familles d'accueil pour les trois quarts d'entre eux, ou dans des établissements. Quant aux enfants qui ne sont pas confiés en vue de l'adoption, la majorité concerne des mineurs ayant des besoins spécifiques. Alors oui, monsieur le secrétaire d'État, nous n'en faisons pas assez.
La proposition que nous examinons aujourd'hui fait suite aux conclusions du rapport de 2019 de notre collègue et rapporteure Monique Limon et de la sénatrice Corinne Imbert intitulé « Vers une éthique de l'adoption : donner une famille à un enfant ». Je souhaite saluer leur travail. Les dispositions qui en découlent ambitionnent de placer l'intérêt de l'enfant au coeur du processus d'adoption, ainsi que de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance, lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt.
Ce rapport met en lumière le fait que la loi du 14 mars 2016 connaît une application territoriale hétérogène et nécessite une harmonisation dans de nombreux domaines, tels que l'accompagnement des familles adoptantes, la formalisation du projet pour l'enfant, la mise en place des commissions des statuts ou encore la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de délaissement. Il révèle également un déficit de formation des acteurs de l'adoption auquel d'ailleurs il faudra remédier.
Mes chers collègues, avant d'aborder le fond, je souhaite vous faire partager un regret du groupe démocrate : l'examen de cette proposition de loi en procédure accélérée. Nous devons laisser travailler le Parlement pour ne pas nuire à la qualité des dispositions que nous souhaitons adopter et inscrire le travail de Monique Limon dans une véritable réforme de l'adoption.
Sur le fond, le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés s'oppose majoritairement à l'évolution apportée aux organismes autorisés pour l'adoption. À titre personnel, je souscris au recentrage de l'adoption des enfants français sur l'Aide sociale à l'enfance. Le Gouvernement, et vous aussi madame la rapporteure, avez déposé des amendements de compromis sur le sujet ; je souhaite qu'ils permettent de faire toute la lumière sur le futur rôle des OAA dans l'intérêt des enfants. J'espère qu'ils seront de nature à rassurer mes collègues.
Bien évidemment, la question des moyens financiers et humains alloués à l'Aide sociale à l'enfance se posera au regard de la mission exclusive que vous souhaitez lui confier à l'égard de l'adoption des enfants français. Comme lors de l'examen en commission, nous avons déposé des amendements en séance, dont plusieurs sont rédactionnels afin de prendre en compte l'ensemble des couples qui peuvent avoir accès à l'adoption et utiliser les mots justes pour que le droit soit clair et lisible. D'autres amendements visent à abaisser l'âge du consentement des mineurs à 12 ans, afin de renforcer le droit de l'enfant et, comme le propose notre collègue Erwan Balanant, d'ouvrir l'adoption à partir de l'âge de 25 ans.
Par ailleurs, vous savez combien notre groupe est attaché au respect des libertés individuelles. Ainsi, nous avons déposé un amendement qui tend à prévoir qu'un décret en Conseil d'État précisera les données qui pourront être enregistrées dans la base nationale recensant les demandes d'agrément en vue d'adoption et les agréments délivrés.
Mes chers collègues, je ne doute pas que le débat en séance apporte les améliorations encore nécessaires qui permettront, ce que je souhaite, au groupe des députés démocrates de voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Quelques années après l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2016, le régime juridique relatif à l'adoption connaît encore des lacunes auxquelles la proposition de loi, dont nous discutons aujourd'hui, entend remédier. Je ferai trois observations sur ce texte.
La première est le constat d'une situation compliquée, qui reste anormale, à la fois pour de nombreux enfants et pour les candidats à l'adoption.
La deuxième porte sur les dispositions du texte qui améliorent la situation actuelle. Les principes fondamentaux avancés par les auteurs de la proposition de loi sont, d'une part l'intérêt de l'enfant, d'autre part la volonté de donner une famille à un enfant. Le titre Ier de la proposition de loi entend à la fois valoriser l'adoption simple et déconnecter l'adoption du statut matrimonial de l'adoptant pour autoriser l'adoption en cas de PACS ou de concubinage. L'article 1er met fin à une différence de traitement entre couples hétérosexuels et homosexuels mariés et entre couples hétérosexuels et homosexuels non mariés. Si cet article focalise l'attention et suscite de nombreux amendements, je note que d'autres dispositions sont tout aussi importantes. Je citerai rapidement, au regard du temps qui m'est imparti, les dispositions prévues aux articles 3, 4, 5 et 6, ainsi qu'aux titres II et III.
Enfin, il nous semble que certaines dispositions auraient mérité des approfondissements et des adaptations. Il s'agit tout d'abord de la place et du rôle des organismes autorisés pour l'adoption. Ces associations à but non lucratif, constituées de bénévoles et assurant une activité d'intermédiaire pour l'adoption ou le placement en vue de l'adoption des mineurs, étaient les grands oubliés de la version initiale du texte, qui privilégiait un monopole de l'État. Ces OAA ont été réintroduits, et nous nous en félicitons. Ils sont désormais limités dans leurs missions à l'international, alors que, jusqu'à présent, ils pouvaient agir sur le territoire français. J'ai reçu des courriers de familles me signalant que les OAA leur avaient permis d'adopter des enfants en situation de handicap et qu'ils répondaient bien à un projet d'adoption conforme au bien de l'enfant.
Parmi les dispositions importantes qui auraient pu faire l'objet de mesures nouvelles, je pourrais également citer plusieurs qui touchent plus particulièrement l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État. Cet article suscite aujourd'hui des interrogations, en ce qu'il se réfère à la famille comme personne pouvant former recours à la décision d'admission. Or, la notion de famille n'existe pas dans le code civil. Par ailleurs, cette possibilité de recours est aussi rendue difficile par le fait que l'arrêté d'admission ne semble faire l'objet d'aucune information auprès des intéressés.
Dans le même ordre d'idées, il eût été intéressant d'abroger l'alinéa 2 de l'article 370-3 du code civil, évolution qui eût permis de traiter la question des enfants recueillis sous le régime de la kafala : l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi dont il relève prohibe cette institution, « sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ». La France semble donc être l'un des rares pays européens à avoir inscrit dans son droit cette restriction, laquelle pourrait être interprétée comme contraire à l'intérêt de l'enfant.
Il faut enfin citer l'article 13, qui supprime le consentement des parents lorsque le conseil de famille envisage l'adoption de leur enfant pupille de l'État. L'association ATD- Quart monde fait observer que les raisons pour lesquelles un enfant devient pupille de l'État sont multiples. De plus, le caractère automatique de la mesure pourrait poser problème quant à la conformité de la loi avec certaines dispositions de droit international.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés souscrit à l'évolution apportée par le texte, mais souhaite que soit annoncée la possibilité d'améliorer le texte en deuxième lecture en le complétant, comme je l'ai déjà dit, avec les éléments qui lui manquent.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.
Paul Auster écrivait que « négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes », ajoutant que « nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur ». Nos enfants sont le coeur de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans la logique défendue par le Gouvernement et les parlementaires de la majorité depuis le début de ce quinquennat : celle du projet sociétal. Ainsi, ce texte se propose de faciliter et de sécuriser les procédures d'adoption.
Comme cela a été rappelé, les pratiques françaises de l'adoption s'opèrent pour l'essentiel sous le régime juridique de la loi fondatrice du 11 juillet 1966. Ce régime a été partiellement modifié par la loi du 14 mars 2016, fondée sur le constat que trop de mineurs protégés restaient placés en établissement ou en famille d'accueil sans qu'une autre solution soit proposée : cette loi a ainsi réformé la procédure de déclaration judiciaire d'abandon et introduit des commissions d'examen de la situation des enfants confiés, afin qu'un plus grand nombre d'entre eux puissent bénéficier du statut de pupille de l'État et, le cas échéant, d'un projet d'adoption.
Cependant, ce régime juridique connaît encore des lacunes, et c'est pourquoi ce texte est essentiel. Il propose en effet d'y remédier tout en respectant deux principes fondamentaux : le premier est, bien sûr, l'intérêt supérieur de l'enfant ; le deuxième, la volonté de donner une famille à un enfant – et non l'inverse.
En commission des lois, on vous a accusée, madame la rapporteure, d'avoir précipité l'examen de ce texte. Il faut toutefois rappeler que cette proposition de loi résulte d'un long travail, notamment du rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption : donner une famille à un enfant », que vous avez rendu en octobre 2019, soit voilà plus d'un an. Les conclusions de ce rapport relèvent que l'application de la loi de 2016 est hétérogène selon les territoires et nécessite une harmonisation dans de nombreux domaines, tels que l'accompagnement des familles adoptantes, la formalisation du projet pour l'enfant, la mise en place des commissions d'examen des statuts ou la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de délaissement.
Fondée sur un long travail en amont, cette proposition de loi vise donc à renforcer et à sécuriser le recours à l'adoption comme outil de protection de l'enfant, lorsque cet outil correspond à l'intérêt supérieur de ce dernier, et uniquement dans son intérêt.
Le groupe Agir ensemble est conscient que ce texte ouvre un débat sociétal sur les bancs de l'hémicycle. Il questionne nos 577 sensibilités, nos 577 expériences et, finalement, nos 577 parcours de vie. À cet égard, nous appelons à un débat apaisé et constructif, où les opinions viseront, non à stigmatiser, mais à enrichir cette loi. Parfois, une fausse certitude voudrait nous faire croire que les liens du sang primeraient dans la relation affective. Dans ce cas, l'humain serait réduit au seul rang de mammifère. Or, au contraire, c'est par le langage et la culture que les relations deviennent structurantes et humanisantes. Pour mettre en place un sentiment de filiation, il faut davantage qu'un enfant en manque de parents et que des parents en manque d'enfants. Pour se sentir vraiment parents, pour se sentir vraiment « enfant de », il y a des deuils à faire, du sens à donner, des éléments à transmettre. Il faut beaucoup d'amour, bien sûr, mais l'amour ne suffit pas. Il faut aussi de la rigueur, un équilibre psychique, une capacité d'être vrai, ainsi que de l'empathie, pour aider un enfant à affronter cette peur de naître à nouveau.
Nous sommes conscients qu'un débat, certainement âpre mais que, je le répète, nous souhaitons apaisé, portera sur la garantie de stabilité des adoptants. Cette question, nous le savons, est l'un des socles de ce texte qui déconnecte l'adoption plénière du statut matrimonial de l'adoptant, en l'ouvrant notamment aux couples pacsés et concubins. Le groupe Agir ensemble a la conviction que la légitimité du lien affectif se trouve dans la formation d'une famille qui stimulera le processus d'humanisation de l'enfant en le faisant grandir dans la vérité de son histoire.
Nous saluons le travail accompli en commission des lois, avec notamment l'abaissement de l'âge minimal requis pour adopter, ainsi que de la durée de communauté de vie. Nous avons également entendu les craintes légitimes relatives aux organismes autorisés pour l'adoption, qui réalisent quelques rares adoptions nationales et près de 60 % des adoptions internationales : c'est la faculté de recueillir des enfants et d'exercer une activité d'intermédiaire pour l'adoption en France que supprime cette proposition de loi. Le groupe Agir ensemble considère que, bien que partant d'un bon sentiment de la part de la rapporteure, cette interdiction est disproportionnée et ne va pas dans le sens de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous espérons vous convaincre, madame la rapporteure, d'y renoncer pour ne pas nuire à la logique d'un texte auquel nous croyons et que nous voterons sans hésiter.
Je conclurai en vous disant que, recevant assez d'outils pour surmonter la cassure, l'adoption est une aventure qui fait grandir à la fois le coeur et l'âme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne peux pas saluer la présidente de la commission car, à cet instant même, ladite commission est réunie pour discuter d'une autre réforme très importante : celle de l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs. Je regrette un peu la méthodologie qui consiste à faire se chevaucher des textes qui sont tous très importants et à l'examen desquels nous voudrions participer pleinement. Je n'en salue pas moins la présence de M. Jean-François Eliaou, secrétaire de la commission.
L'adoption est, comme cela a été rappelé, une institution ancienne, qui ne cesse d'évoluer en fonction non seulement de l'évolution de la société, mais aussi des besoins des enfants placés dans des situations où ils n'ont plus de parents, ou que des parents défaillants. Au plan international, cette adoption diminue fortement depuis près d'une décennie. L'adoption nationale a connu plusieurs réformes, dont la dernière en 2016, mais des lacunes demeurent. Une grande disparité perdure en effet entre les départements, le paysage institutionnel se révèle d'une grande complexité, les procédures sont parfois très longues, les placements d'enfants peuvent s'éterniser et l'adoption des enfants dits « à besoins spécifiques » est rendue particulièrement difficile. Il résulte des défaillances du système actuel un écart entre le champ des possibles et la réalité concrète de ce qu'est l'adoption. Chaque année, des enfants adoptables ne trouvent pas de famille, malgré près de 14 000 agréments en cours de validité.
Au-delà de ces constats, la loi doit donc refléter deux changements majeurs : l'ouverture de l'adoption à toutes les formes de couples, qui était du reste une demande du groupe UDI et indépendants dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, car on ne pouvait pas justifier de l'ouverture de la PMA aux femmes non mariées et aux femmes mariées comme étant l'une des voies possibles de la parentalité, sans faire en sorte que l'adoption elle-même en soit une autre voie – plus altruiste encore, si je puis dire, puisque l'enfant est déjà là et qu'il s'agit donc de donner une famille à un enfant, ce qui évite d'encourir la critique selon laquelle cette ouverture de la PMA serait désormais un droit à l'enfant. Cet élément figure donc en toute logique dans la présente proposition de loi.
Deuxième changement de paradigme : conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant, on cherche non plus nécessairement à maintenir les liens biologiques, mais plutôt à offrir à l'enfant la meilleure famille, celle qui pourra lui apporter la plus grande sécurité, la plus grande sérénité et la plus grande garantie d'épanouissement.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à ces deux exigences et nous nous en félicitons. Elle propose aussi une harmonisation dans certains domaines comme l'accompagnement des familles, la procédure d'obtention de l'agrément et la formalisation du projet pour l'enfant, ainsi qu'un recours facilité et mieux reconnu à l'adoption simple. Nous saluons cette avancée.
Notre groupe souhaite également apporter sa pierre à l'édifice : il l'a fait en commission et le fera à nouveau en séance publique. Tout d'abord, nous pensons que l'instauration d'une autorité nationale permettant d'homogénéiser les pratiques, de guider les administrations et de recenser les agréments est un préalable indispensable à toute nouvelle réforme. Cela permettrait, en fédérant les acteurs, de renforcer l'efficacité de la recherche d'une famille pour tous les enfants adoptables. Le suivi post-adoption, ainsi que la prise en charge des jeunes majeurs doivent être renforcés pour assurer à chaque enfant le meilleur parcours.
D'autres mesures feront l'objet de débats. Ainsi, si nous saluons l'ouverture de l'adoption à toutes les formes de couples, celle-ci ne doit pas nous faire oublier que toutes les situations n'emportent pas les mêmes effets juridiques. Nous avons amorcé l'examen de ces questions en commission et maintiendrons nos amendements à ce propos, car il n'est pas possible d'occulter les bases du droit de la famille.
Nous souhaitons également rendre leurs compétences en matière d'adoption nationale aux organismes autorisés pour l'adoption. Sur ce point, nous n'avons pas compris les changements souhaités par la rapporteure.
Les questions de seuils et d'écart d'âge feront encore débat, parmi les points à préciser ou à enrichir dans cette proposition de loi.
Il est, enfin, une ligne rouge qui ne doit pas être franchie : cette proposition de loi ne peut pas être un véhicule législatif qui introduise subrepticement des mesures relevant des lois de bioéthique – je veux évidemment parler de la filiation automatique des enfants nés de GPA ou de PMA à l'étranger. S'il s'agit ici de faciliter et de sécuriser l'adoption, il ne doit s'agir en aucun cas de court-circuiter la navette parlementaire en cours sur le projet de loi relatif à la bioéthique.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que le premier alinéa de l'amendement no 491 , qui vous autorise à procéder par ordonnance, n'est pas en réalité un cheval de Troie visant à introduire la filiation automatique des enfants nés de PMA et de GPA à l'étranger ? Cette assurance obtenue, nous serons favorables à la proposition de loi.
Donner une famille à un enfant plutôt que donner un enfant à une famille : voilà, résumée en quelques mots, la philosophie qui sous-tend la proposition de loi de Monique Limon, dans laquelle le groupe Libertés et territoires souhaite pleinement s'inscrire. Le régime de l'adoption a été en partie modifié par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance, en raison du constat suivant : trop de mineurs protégés restaient placés en établissement ou en famille d'accueil, sans qu'aucune alternative véritable puisse leur être proposée.
Madame la rapporteure, le premier bilan que vous faites dans le cadre de ce texte vous permet d'avancer qu'il faut faciliter l'adoption simple des enfants ayant toujours leur famille d'origine, mais placés en centre ou auprès d'une famille d'accueil parce que leur famille ne les élève pas. L'objectif de la proposition de loi est donc de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance, lorsqu'il correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt.
Nous partageons l'objectif de donner une famille à des enfants dont on sait malheureusement que plus ils restent dans des centres, moins ils sont adoptables. Les conditions de vie dans ces centres sont parfois très difficiles, comme l'a montré un reportage diffusé en janvier 2019 sur France 3 dans l'émission d'Élise Lucet, qui avait défrayé la chronique. Les images, tournées en Gironde, au centre départemental de l'enfance et de la famille d'Eysines, dans ma circonscription, nous avaient tous choqués ; je salue la visite effectuée par Adrien Taquet dans ce centre. À l'origine du reportage, une lettre ouverte de huit éducateurs, très éprouvés par leurs conditions de travail, dénonçant agressions physiques, coups et morsures entre enfants et sur le personnel, abus sexuels entre usagers, qui se seraient multipliés et intensifiés. Cet horrible reportage laissait aussi voir des violences perpétrées par les adultes contre des enfants désoeuvrés.
Le président du conseil départemental de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, responsable à ce titre de l'Aide sociale à l'enfance, reconnaissait avec lucidité qu'il s'agit d'un système qui craque, qui est à bout. Ce qui pose problème dans ces centres, c'est le mélange d'enfants qui relèvent de l'aide sociale avec d'autres qui devraient aller dans des structures pédopsychiatriques sous la responsabilité des agences régionales de santé – ARS – , donc de l'État. Or ces structures n'étant pas assez nombreuses, la majorité des enfants sont renvoyés dans des structures départementales qui n'ont pas les compétences pédopsychiatriques pour les gérer.
Chaque année, 300 000 enfants sont placés ; un quart des sans domicile fixe et 30 % des mineurs délinquants sont d'anciens enfants placés. Aussi comprendrez-vous, mes chers collègues, que nous soutenions cette proposition de loi visant à rendre les enfants placés adoptables plus facilement et plus rapidement, grâce à un recours accru à l'adoption simple. Comme il y a finalement peu de pupilles de l'État, il y a moins d'adoptables que de demandes. Faciliter l'adoption simple nous semble donc une bonne piste à suivre, l'idée étant de privilégier le lien entre l'enfant et la famille d'origine.
Notre priorité, comme celle de l'Association des départements de France – ADF – , avec laquelle je me suis entretenu hier, est bien la protection de l'enfance, c'est-à-dire favoriser l'adoption quand l'enfant y a un intérêt. L'ADF me disait que, dans certains départements, le nombre d'enfants à adopter est plus élevé que dans d'autres. Cela peut aussi expliquer les différences de délais d'un département à l'autre : dans les Hautes-Pyrénées, chez ma collègue Jeanine Dubié, ils sont de neuf ans, quand dans d'autres départements ils sont de trois ou quatre ans. C'est pourquoi nous proposons l'instauration d'un échange de bonnes pratiques entre départements, afin de résorber les disparités de traitement. Rappelons que les départements ont une réelle expertise dans le domaine de l'accompagnement social et que la gestion de l'aide sociale à l'enfance est cohérente, notamment avec celle de la PMI – protection maternelle et infantile.
Nous pouvons néanmoins regretter, à l'unisson avec l'Association des départements de France, qu'il n'existe pas encore un centre unique, regroupant l'ensemble des structures qui entrent en jeu dans la procédure d'adoption. Les départements regrettent également que le suivi post-adoption ne soit pas davantage renforcé, notamment pour les familles qui adoptent des enfants handicapés ou des adolescents qui ont déjà connu des familles au titre de l'Aide sociale à l'enfance.
La proposition de loi entend aussi adapter le dispositif français de l'adoption aux réalités d'aujourd'hui, avec une refonte du dispositif d'agrément – c'est à saluer – , une modification de la composition des conseils de famille ou encore une remise en cohérence des textes législatifs. Il s'agit notamment de prendre en compte l'évolution de la société et de renforcer l'égalité entre adoptants, en ouvrant la possibilité aux couples non mariés d'adopter, ce que nous saluons. Nous défendrons ainsi un amendement visant à interdire les discriminations à l'adoption entre couples mariés ou non mariés – sujet largement débattu en commission – , qu'ils vivent en concubinage ou soient liés par un PACS. Néanmoins, plusieurs membres de notre groupe expriment un regret : l'absence de réécriture du chapitre sur la filiation dans le code civil, en lien avec l'adoption du projet de loi relatif à la bioéthique.
Enfin, nous défendrons également des amendements visant à maintenir l'activité des OAA, laissant ainsi le choix aux parents de la structure à laquelle confier leur enfant. Voilà, mes chers collègues, comment nous abordons l'examen de ce texte ; le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de loi.
Lors de son discours d'introduction au débat sur le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, en 2013, la ministre de la justice de l'époque, Christiane Taubira, rappelait qu'ouvrir le mariage et l'adoption aux couples de même sexe était un acte de liberté, d'égalité et de fraternité.
Pourtant, malgré la réaffirmation de ces enjeux, la promesse d'égalité n'avait été que partiellement tenue, puisque l'adoption est restée réservée aux couples mariés. La proposition de loi que nous examinons a pour objectif de remédier à plusieurs lacunes demeurant dans le système juridique de l'adoption, en respectant, je cite, « les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à un enfant et non l'inverse. » Figure également dans le texte la volonté « de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance, lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt ».
Nous partageons ces intentions louables et les objectifs qui sont ainsi dessinés. Nous ne pouvons en revanche que déplorer que ce texte, d'une nature et d'une importance relevées par tous et par toutes, soit discuté dans un cadre et un contexte qui ne permettent pas d'avoir un débat au-delà de cette assemblée. Nous regrettons qu'il s'agisse d'une proposition de loi, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, et qu'elle soit examinée en procédure accélérée. Cela nous prive, de notre point de vue, d'un temps de débat, de réflexion et d'approfondissement qui aurait été utile pour le texte et plus largement, pour l'ensemble de la société.
Je voudrais revenir sur un sujet qui nous semble important justement de ce point de vue : l'article 2 prévoit d'ouvrir l'adoption aux couples pacsés ou en concubinage sans discrimination. C'est une avancée importante que nous saluons et que nous soutenons, parce que la norme sociale dominante avait fermé jusqu'à présent l'accès de l'adoption aux couples non mariés, considérés comme n'ayant pas vocation à devenir une famille. L'ouverture à ces personnes marque un aboutissement progressiste vis-à-vis d'une conception de la famille ainsi libérée du carcan d'une hétéro-normativité, qui ne correspond plus aux aspirations de la société et qui ne permet plus de remplir la mission fondamentale de la poursuite de l'intérêt des enfants et de celui de la société.
Dans l'ensemble, si nous soutenons la plupart des dispositions qui composent cette proposition de loi, nous pensons que certaines nécessitent d'être précisées ; d'autres nous semblent problématiques et contre-productives. C'est le cas notamment de l'article 3, qui établit un écart d'âge maximum entre le plus jeune adoptant et le plus jeune enfant adopté ; il nous semble que la jurisprudence existante permet de décider en laissant au juge des marges d'appréciation, tout en ayant suffisamment de garde-fous. L'article 5, qui précise les conditions de délaissement d'un enfant, demeure également trop flou. Quant à l'article 6, il pose problème en ce qu'il interdit l'adoption entre ascendants et descendants d'une ligne directe. Parmi les autres points que nous souhaitons relever figurent ceux déjà évoqués sur la situation des organismes autorisés pour l'adoption, qui craignent une confiscation de leur activité au profit de l'État ; la question a en partie évolué lors des débats en commission, mais cette évolution ne nous semble pas encore suffisante.
En définitive, même si les avancées nous semblent sur certains points un peu trop timides, ce texte poursuit des objectifs que partage le groupe de La France insoumise : il espère que les débats permettront de l'améliorer encore. Nous rappelons également au Gouvernement la nécessité de prévoir des moyens pour rendre effectives les mesures garantissant aux enfants la protection que les familles peuvent leur apporter, dans le cadre d'un renforcement de la responsabilité de l'État et des départements. Ce sera le cas si des moyens suffisants sont donnés à ces derniers. Cela a été évoqué : la situation de l'Aide sociale à l'enfance dans le pays est en deçà des exigences attendues et des objectifs que nous défendons. Les principes et les objectifs de la proposition de loi sont certes louables, mais ils ne représenteront que des voeux pieux si le financement et le soutien de l'État aux collectivités territoriales et à tous les organismes qui participent aux dispositifs d'adoption ne sont pas au rendez-vous. Nous espérons, je le répète, que ce sera le cas à l'issue du débat.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Il vise à supprimer l'intitulé du titre Ier. La majorité a l'habitude de rédiger des titres ronflants, dans lesquels il y a beaucoup de littérature, alors que les intitulés des différents titres d'une loi doivent simplement en indiquer l'objet. Lorsque le titre indique « Faciliter et sécuriser l'adoption conformément à l'intérêt de l'enfant », il porte déjà un jugement de valeur, en invitant à penser que les mesures proposées vont à la fois faciliter et sécuriser l'adoption ; on pourrait dire le contraire. Encore une fois, un titre a pour objet non pas de créer des polémiques, mais d'indiquer exactement l'objet des articles qui suivent. C'est pourquoi, dans un souci de modestie dans l'utilisation des termes, l'amendement vise à supprimer l'intitulé du titre Ier.
L'amendement no 214 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable à ces amendements qui proposent de supprimer l'intitulé du titre Ier. Il me semble au contraire utile de préciser que les articles 1er à 11 ont justement pour objet de faciliter et de sécuriser l'adoption, conformément à l'intérêt de l'enfant, qui doit être notre boussole.
Tout en saluant la modestie de M. Xavier Breton, j'émets un avis défavorable sur ces amendements, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.
Il s'agit, dans l'intitulé du titre Ier, d'insérer le mot « supérieur » après le mot « intérêt ». L'adoption est un processus délicat, au cours duquel la priorité doit être la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette notion a été consacrée d'abord par la Conférence de La Haye en 1902, puis implicitement par la Déclaration de Genève en 1924, à nouveau par la Déclaration des droits de l'enfant en 1959 et enfin, lors de la création en 1989 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cette notion doit donc être préservée.
En droit interne, elle est également consacrée par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 21 mars 2019 à la suite d'une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – , a déduit, « des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 », « une exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant », imposant « que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge ».
Consacrée par ces différentes mentions, qu'elles appartiennent au droit international ou au droit national, la notion garantit la protection de l'enfant. Le mot « supérieur » est explicitement précisé à chaque occurrence. Il serait pour le moins cohérent que ce soit le cas dans un texte relatif à l'adoption.
Il vise à revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi examinée en commission. La rédaction de l'article 21 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui définit les critères en matière d'adoption, consacre « l'intérêt supérieur de l'enfant », et non simplement « l'intérêt de l'enfant ». Pour une meilleure cohérence de la législation, le critère doit être le même dans tous les textes relatifs à l'adoption. Jusqu'à présent, l'intérêt supérieur de l'enfant a toujours prévalu, ce qui est cohérent tant en droit externe qu'en droit interne.
Soulignons encore une fois que l'objectif est bien de donner des parents à un enfant, et non de donner un enfant à des adultes. La suppression de cette référence amène singulièrement à s'interroger. Nous ne comprenons pas la volte-face à laquelle nous avons assisté en commission sur le sujet, à moins qu'elle ne cache le dessein de balayer une nouvelle fois l'existence d'un intérêt supérieur de l'enfant.
Il est en effet révélateur que le premier amendement adopté en commission ait visé à supprimer l'adjectif « supérieur » dans la mention de « l'intérêt supérieur de l'enfant », ainsi ramené au simple « intérêt de l'enfant ». Tous les orateurs de la discussion générale ont affirmé qu'ils sont guidés par l'intérêt de l'enfant, par son intérêt supérieur. Or, en pratique, quand il s'agit d'inscrire dans la loi que l'intérêt de l'enfant est supérieur à tous les autres, vous le refusez. Madame la rapporteure, le terme apparaissait dans la rédaction initiale de votre proposition de loi, et on vous l'a fait supprimer : l'évolution du texte montre que vous prenez d'abord en considération le désir des adultes, tandis que nous, nous estimons que l'intérêt de l'enfant est supérieur à toute autre considération.
La protection de « l'intérêt supérieur de l'enfant » est devenue la pierre d'angle du droit de l'enfance, et plus généralement du droit contemporain de la famille. Comme mes collègues l'ont dit, cette formulation est largement utilisée dans les textes internationaux depuis des décennies, ainsi que dans notre jurisprudence, tout particulièrement par les plus hautes juridictions françaises. Tout récemment, le Conseil constitutionnel l'a employée pour la première fois, dans sa décision du 6 septembre 2018. Vous comprendrez donc que nous insistions pour y revenir.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 303 .
Par principe, légiférer n'est pas chose aisée, mais il est plus complexe encore de légiférer sur un acte, l'adoption, qui aura des conséquences sur la vie tout entière, tant de l'enfant que des parents. Il est dès lors compréhensible, et même indispensable, que la main du législateur tremble sur de tels sujets, et qu'il prenne toutes les précautions, même les plus infimes. Pour certains, l'ajout de la mention d' « intérêt supérieur de l'enfant » dans ce titre Ier paraîtra accessoire, voire superflu. En réalité, il n'en est rien. Au contraire, cette notion trouve sa source même dans la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990. Ce texte est contraignant pour les États signataires : le respect de ce principe d' « intérêt supérieur de l'enfant » n'est pas une option, comme l'a rappelé le Fonds des Nations unies pour l'enfance – UNICEF. L'article 3-1 de la Convention dispose que cet « intérêt supérieur de l'enfant » doit apparaître comme une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, y compris celles prises par des organes législatifs. Cette référence figurait d'ailleurs dans la version initiale de la proposition de loi, avant d'être retirée par la commission.
Il ne serait pas acceptable de créer une sorte de concurrence entre l'intérêt de l'enfant et celui des parents. En matière d'adoption, « l'intérêt supérieur de l'enfant » doit seul primer. Nous souhaitons par conséquent que sa mention soit rétablie.
Vous avez raison, l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant consacre « l'intérêt supérieur de l'enfant » comme considération primordiale pour toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux et des autorités administratives. Le Conseil constitutionnel a également consacré la notion de protection de « l'intérêt supérieur de l'enfant », par deux décisions du 21 mars 2019, relatives à d'autres domaines que celui de l'adoption. Il lui a reconnu une valeur constitutionnelle, « aux termes des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 ».
Toutefois, cela n'emporte pas de modifier le code civil et le code de l'action sociale et des familles, comme vous le proposez dans des amendements déposés plus avant dans le texte. Si nous introduisons cette notion pour l'adoption – vous avez justement fait remarquer que j'y étais moi-même encline, puisque j'ai utilisé l'expression « intérêt supérieur de l'enfant » – , il faudrait en faire autant dans les autres domaines du code civil, comme celui relatif à l'autorité parentale, et du code de l'action sociale et des familles. Sinon, on risque de susciter des incompréhensions et de mauvaises interprétations.
J'ajoute, et c'est à mon sens le plus important, que les deux expressions ont la même signification et la même portée. On parle bien de l'intérêt de l'enfant, l'avis est donc défavorable.
Il ne s'agit pas seulement de l'avis et du sentiment de la rapporteure. Quand on examine la doctrine, comme vous l'avez probablement fait, les deux expressions emportent les mêmes conséquences. Elles ne sont pas concurrentes. Le choix du titre qui nous occupe vise simplement à être cohérent avec les autres dispositions du code civil, dont la rapporteure a donné quelques exemples. Ainsi, l'article 371-1 dispose : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. » L'article 371-4 conditionne l'exercice du droit de visite des tiers, notamment des grands-parents, à « l'intérêt de l'enfant ».
Les deux expressions se valent. Le texte original de la Convention que vous évoquez mentionne « the best interest », …
… c'est-à-dire ce qu'il y a de « meilleur » pour l'enfant. Il ne s'agit pas nécessairement d'introduire un élément de comparaison, ou de relativité, tel que la traduction française l'induit. Certaines associations estiment d'ailleurs qu'une autre traduction serait plus juste. Quoi qu'il en soit, vous savez bien – pas de faux procès, s'il vous plaît – que c'est l'intérêt de l'enfant qui nous guide tous. La formulation de la proposition de loi a été choisie pour sa cohérence avec l'ensemble du code civil et du code de l'action sociale et des familles. L'avis est donc défavorable.
Depuis deux jours, nous travaillons en commission des lois sur le code de la justice pénale des mineurs. Lors de l'examen de cette proposition de loi en commission, vous nous avez fait la même démonstration ; convaincu que j'étais, j'avais renoncé à déposer des amendements allant dans le même sens pour l'examen en séance. En réalité cependant, je n'étais qu'à moitié convaincu. Or, la commission vient d'adopter la formulation « intérêt supérieur de l'enfant » dans le code de la justice pénale des mineurs, et je pense que c'est très bien.
Je suis désolé, mais il a bien été adopté ! Je trouve qu'il serait logique d'inscrire la même formulation ici. Je n'avais pas saisi l'occasion concernant le titre, mais j'ai déposé un sous-amendement à l'amendement no 442 du Gouvernement, afin d'y faire figurer les mots « intérêt supérieur de l'enfant ». Selon moi, cela nous permettrait d'être en phase avec l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, et tout serait cohérent. Si cela implique de rajouter ailleurs l'adjectif, nous le ferons également.
Votre démonstration n'est pas convaincante. D'ailleurs, vous vous prenez vous-même les pieds dans le tapis en faisant référence au « texte original », alors qu'il existe plusieurs versions, et il n'y a pas que la version en anglais qui fasse foi ; cela étant, « the best interest » comporte un qualificatif, et on peut le traduire par « le meilleur intérêt de l'enfant » ou par « l'intérêt supérieur » : la qualification a donc son importance. En outre, je rejoins M. Balanant : ce n'est pas parce que ça ne se fait pas dans d'autres textes, qu'on ne peut pas le faire dans celui-ci.
L'adoption implique un changement de filiation. Notre collègue Breton a bien montré tout à l'heure qu'on joue quand même un peu aux apprentis sorciers avec certaines notions. L'intérêt de l'adoption n'est pas de donner des droits à des adultes, ce qui est très bien sans doute, mais de donner des parents à un enfant. Voilà l'important, et ce qui justifie d'écrire « l'intérêt supérieur de l'enfant ». D'autant plus que les enfants concernés sont souvent déjà fragilisés. Je ne veux pas tomber dans la caricature, mais il s'agit de situations compliquées, parfois douloureuses, avec beaucoup d'affect. Tout cela justifie la référence à « l'intérêt supérieur de l'enfant », reconnu par la Convention internationale comme par le droit constitutionnel. La rapporteure l'a souligné, le Conseil constitutionnel en a validé le principe. Il n'est donc pas question de se pincer le nez. Certes, on regrette parfois que la loi soit bavarde ; le Conseil d'État et bien d'autres ont dénoncé avant moi et mieux que moi la logorrhée législative et réglementaire. Mais, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de reconnaître effectivement « l'intérêt supérieur de l'enfant », devant lequel parfois l'intérêt de l'adulte doit s'effacer. En effet, l'adoption n'est pas un acte banal, elle donne des parents à des enfants.
J'entends votre préoccupation de préserver les enfants, de garantir la protection de l'enfance. Nous partageons pleinement votre objectif. Il est atteint avec la formulation « intérêt de l'enfant », qui correspond à l'expression générique du code civil. Quelles sont les occurrences en droit de l'expression « intérêt supérieur de l'enfant ? » Elles apparaissent dans les décisions de justice, quand le juge ajoute un qualificatif pour justifier sa décision. Il a mis en balance l'intérêt de l'enfant avec d'autres, souvent des adultes, notamment le droit au respect de leur vie privée. Lorsqu'il considère que l'intérêt de l'enfant est supérieur, il le qualifie comme tel. Laissons le juge qualifier dans les affaires et restons-en à la rédaction actuelle du code.
Nous poursuivons l'objectif commun d'assurer la protection des enfants ; l'inscription de la notion d'intérêt de l'enfant dans le titre Ier est beaucoup plus cohérente avec l'ensemble du code, conservons-la.
Enfin, monsieur Balanant, je suis navrée, mais l'amendement examiné en commission des lois n'a pas été adopté, il a été retiré.
Je suis un peu étonnée : nous respectons les obligations quand elles nous arrangent, mais quand elles ne nous arrangent pas, nous les mettons de côté. C'est ce qui s'est passé avec le projet de loi relatif à la bioéthique, et ça recommence avec la proposition de loi visant à réformer l'adoption. La France a des obligations parce qu'elle a ratifié plusieurs textes de droit international. Dans le cas de la Convention internationale des droits de l'enfant, elle doit insérer « l'intérêt supérieur de l'enfant » dans les textes français. Nous devrions commencer avec cette proposition de loi.
Dans l'observation générale no 14 du Comité des droits de l'enfant, qui remonte à 2013, on lit que, « pour s'acquitter de ces obligations, les États parties devraient prendre un certain nombre de mesures d'application [… ] notamment [… ] examiner et, si nécessaire, modifier la législation interne et les autres sources de droit en vue d'y incorporer le paragraphe 1 de l'article 3 » – c'est-à-dire celui qui demande la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant – « et faire en sorte que la prescription relative à la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant soit reflétée et mise en oeuvre dans la totalité des dispositions législatives et réglementaires nationales ».
Nous avons contracté des obligations internationales, et nous ne pouvons pas nous en servir quand elles nous intéressent, et les mettre de côté le reste du temps ! Cela ne marche pas comme ça. Si nous nous prévalons de la Convention internationale des droits de l'enfant, alors nous devons nous soumettre aux obligations qu'elle nous impose.
Approbation sur plusieurs bancs du groupe LR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Discussion de la proposition de loi relative à la répartition des conseillers de l'Assemblée de Guyane entre les sections électorales ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à réformer l'adoption.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra