Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Lors de son discours d'introduction au débat sur le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, en 2013, la ministre de la justice de l'époque, Christiane Taubira, rappelait qu'ouvrir le mariage et l'adoption aux couples de même sexe était un acte de liberté, d'égalité et de fraternité.

Pourtant, malgré la réaffirmation de ces enjeux, la promesse d'égalité n'avait été que partiellement tenue, puisque l'adoption est restée réservée aux couples mariés. La proposition de loi que nous examinons a pour objectif de remédier à plusieurs lacunes demeurant dans le système juridique de l'adoption, en respectant, je cite, « les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à un enfant et non l'inverse. » Figure également dans le texte la volonté « de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance, lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt ».

Nous partageons ces intentions louables et les objectifs qui sont ainsi dessinés. Nous ne pouvons en revanche que déplorer que ce texte, d'une nature et d'une importance relevées par tous et par toutes, soit discuté dans un cadre et un contexte qui ne permettent pas d'avoir un débat au-delà de cette assemblée. Nous regrettons qu'il s'agisse d'une proposition de loi, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, et qu'elle soit examinée en procédure accélérée. Cela nous prive, de notre point de vue, d'un temps de débat, de réflexion et d'approfondissement qui aurait été utile pour le texte et plus largement, pour l'ensemble de la société.

Je voudrais revenir sur un sujet qui nous semble important justement de ce point de vue : l'article 2 prévoit d'ouvrir l'adoption aux couples pacsés ou en concubinage sans discrimination. C'est une avancée importante que nous saluons et que nous soutenons, parce que la norme sociale dominante avait fermé jusqu'à présent l'accès de l'adoption aux couples non mariés, considérés comme n'ayant pas vocation à devenir une famille. L'ouverture à ces personnes marque un aboutissement progressiste vis-à-vis d'une conception de la famille ainsi libérée du carcan d'une hétéro-normativité, qui ne correspond plus aux aspirations de la société et qui ne permet plus de remplir la mission fondamentale de la poursuite de l'intérêt des enfants et de celui de la société.

Dans l'ensemble, si nous soutenons la plupart des dispositions qui composent cette proposition de loi, nous pensons que certaines nécessitent d'être précisées ; d'autres nous semblent problématiques et contre-productives. C'est le cas notamment de l'article 3, qui établit un écart d'âge maximum entre le plus jeune adoptant et le plus jeune enfant adopté ; il nous semble que la jurisprudence existante permet de décider en laissant au juge des marges d'appréciation, tout en ayant suffisamment de garde-fous. L'article 5, qui précise les conditions de délaissement d'un enfant, demeure également trop flou. Quant à l'article 6, il pose problème en ce qu'il interdit l'adoption entre ascendants et descendants d'une ligne directe. Parmi les autres points que nous souhaitons relever figurent ceux déjà évoqués sur la situation des organismes autorisés pour l'adoption, qui craignent une confiscation de leur activité au profit de l'État ; la question a en partie évolué lors des débats en commission, mais cette évolution ne nous semble pas encore suffisante.

En définitive, même si les avancées nous semblent sur certains points un peu trop timides, ce texte poursuit des objectifs que partage le groupe de La France insoumise : il espère que les débats permettront de l'améliorer encore. Nous rappelons également au Gouvernement la nécessité de prévoir des moyens pour rendre effectives les mesures garantissant aux enfants la protection que les familles peuvent leur apporter, dans le cadre d'un renforcement de la responsabilité de l'État et des départements. Ce sera le cas si des moyens suffisants sont donnés à ces derniers. Cela a été évoqué : la situation de l'Aide sociale à l'enfance dans le pays est en deçà des exigences attendues et des objectifs que nous défendons. Les principes et les objectifs de la proposition de loi sont certes louables, mais ils ne représenteront que des voeux pieux si le financement et le soutien de l'État aux collectivités territoriales et à tous les organismes qui participent aux dispositifs d'adoption ne sont pas au rendez-vous. Nous espérons, je le répète, que ce sera le cas à l'issue du débat.

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