Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du mercredi 2 décembre 2020 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Je ne peux pas saluer la présidente de la commission car, à cet instant même, ladite commission est réunie pour discuter d'une autre réforme très importante : celle de l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs. Je regrette un peu la méthodologie qui consiste à faire se chevaucher des textes qui sont tous très importants et à l'examen desquels nous voudrions participer pleinement. Je n'en salue pas moins la présence de M. Jean-François Eliaou, secrétaire de la commission.

L'adoption est, comme cela a été rappelé, une institution ancienne, qui ne cesse d'évoluer en fonction non seulement de l'évolution de la société, mais aussi des besoins des enfants placés dans des situations où ils n'ont plus de parents, ou que des parents défaillants. Au plan international, cette adoption diminue fortement depuis près d'une décennie. L'adoption nationale a connu plusieurs réformes, dont la dernière en 2016, mais des lacunes demeurent. Une grande disparité perdure en effet entre les départements, le paysage institutionnel se révèle d'une grande complexité, les procédures sont parfois très longues, les placements d'enfants peuvent s'éterniser et l'adoption des enfants dits « à besoins spécifiques » est rendue particulièrement difficile. Il résulte des défaillances du système actuel un écart entre le champ des possibles et la réalité concrète de ce qu'est l'adoption. Chaque année, des enfants adoptables ne trouvent pas de famille, malgré près de 14 000 agréments en cours de validité.

Au-delà de ces constats, la loi doit donc refléter deux changements majeurs : l'ouverture de l'adoption à toutes les formes de couples, qui était du reste une demande du groupe UDI et indépendants dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, car on ne pouvait pas justifier de l'ouverture de la PMA aux femmes non mariées et aux femmes mariées comme étant l'une des voies possibles de la parentalité, sans faire en sorte que l'adoption elle-même en soit une autre voie – plus altruiste encore, si je puis dire, puisque l'enfant est déjà là et qu'il s'agit donc de donner une famille à un enfant, ce qui évite d'encourir la critique selon laquelle cette ouverture de la PMA serait désormais un droit à l'enfant. Cet élément figure donc en toute logique dans la présente proposition de loi.

Deuxième changement de paradigme : conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant, on cherche non plus nécessairement à maintenir les liens biologiques, mais plutôt à offrir à l'enfant la meilleure famille, celle qui pourra lui apporter la plus grande sécurité, la plus grande sérénité et la plus grande garantie d'épanouissement.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à ces deux exigences et nous nous en félicitons. Elle propose aussi une harmonisation dans certains domaines comme l'accompagnement des familles, la procédure d'obtention de l'agrément et la formalisation du projet pour l'enfant, ainsi qu'un recours facilité et mieux reconnu à l'adoption simple. Nous saluons cette avancée.

Notre groupe souhaite également apporter sa pierre à l'édifice : il l'a fait en commission et le fera à nouveau en séance publique. Tout d'abord, nous pensons que l'instauration d'une autorité nationale permettant d'homogénéiser les pratiques, de guider les administrations et de recenser les agréments est un préalable indispensable à toute nouvelle réforme. Cela permettrait, en fédérant les acteurs, de renforcer l'efficacité de la recherche d'une famille pour tous les enfants adoptables. Le suivi post-adoption, ainsi que la prise en charge des jeunes majeurs doivent être renforcés pour assurer à chaque enfant le meilleur parcours.

D'autres mesures feront l'objet de débats. Ainsi, si nous saluons l'ouverture de l'adoption à toutes les formes de couples, celle-ci ne doit pas nous faire oublier que toutes les situations n'emportent pas les mêmes effets juridiques. Nous avons amorcé l'examen de ces questions en commission et maintiendrons nos amendements à ce propos, car il n'est pas possible d'occulter les bases du droit de la famille.

Nous souhaitons également rendre leurs compétences en matière d'adoption nationale aux organismes autorisés pour l'adoption. Sur ce point, nous n'avons pas compris les changements souhaités par la rapporteure.

Les questions de seuils et d'écart d'âge feront encore débat, parmi les points à préciser ou à enrichir dans cette proposition de loi.

Il est, enfin, une ligne rouge qui ne doit pas être franchie : cette proposition de loi ne peut pas être un véhicule législatif qui introduise subrepticement des mesures relevant des lois de bioéthique – je veux évidemment parler de la filiation automatique des enfants nés de GPA ou de PMA à l'étranger. S'il s'agit ici de faciliter et de sécuriser l'adoption, il ne doit s'agir en aucun cas de court-circuiter la navette parlementaire en cours sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que le premier alinéa de l'amendement no 491 , qui vous autorise à procéder par ordonnance, n'est pas en réalité un cheval de Troie visant à introduire la filiation automatique des enfants nés de PMA et de GPA à l'étranger ? Cette assurance obtenue, nous serons favorables à la proposition de loi.

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