Je tiens tout d'abord à saluer le groupe Les Républicains, qui, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, a inscrit à l'ordre du jour cette proposition de loi adoptée par le Sénat. Elle offre la possibilité d'une expérimentation complémentaire à celle déjà existante en matière de dématérialisation de la carte Vitale, portant sur un autre système de sécurisation de ce document, afin d'éviter des fraudes aux formes multiples et susceptibles de déboucher sur un certain nombre d'actes criminels dont le rapporteur a fait état, notamment le trafic de médicaments. Par ailleurs, elle permet d'entamer le débat sur la nécessité de lutter contre la fraude sociale.
Nous avons entendu – nous l'entendrons certainement encore au cours d'autres interventions – que cette fraude serait celle de la précarité, des fins de mois difficiles, par conséquent en quelque sorte excusable et sur laquelle il ne faudrait pas s'attarder, par opposition à la fraude fiscale, la fraude des riches, des entreprises, contre laquelle il conviendrait de sévir le plus vite et le plus vigoureusement possible. Je répondrai à ceux qui tiennent ce discours que ces deux fraudes sont en réalité de même nature. Elles constituent une même atteinte au pacte républicain ; il faut lutter contre l'une et contre l'autre avec la même décision.
La fraude sociale a fait l'objet des travaux de Carole Grandjean et de la sénatrice Nathalie Goulet, dont je salue la détermination à faire progresser les choses, ainsi que de la commission d'enquête dirigée par Patrick Hetzel : dans un grand nombre de cas, elle n'est pas individuelle, commise par des gens précaires, mais organisée, criminalisée, systématisée, utilisant les failles de la protection sociale française, l'une des plus généreuses en Europe et même au monde, ce qui peut être considéré comme un attrait pour ces réseaux criminels. C'est cela, la réalité des choses.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai été fort intéressé et plutôt favorablement surpris par votre intervention. Contrairement à votre ministre de tutelle, vous n'êtes pas dans le déni : vous reconnaissez que cette fraude peut constituer une atteinte au pacte républicain et une déperdition de fonds publics dont nous aurions grandement besoin, y compris pour assurer la protection sociale de nos concitoyens dans la période que nous vivons. Toutefois, permettez-moi de vous dire que le chiffre de 152 000 cartes Vitale surnuméraires est une fable. À partir des données du GIE Sesam-Vitale et des données de l'INSEE pour chaque tranche d'âge, notre commission d'enquête a pu démontrer de façon incontestable et publier dans son rapport qu'il ne peut exister moins de 1,8 million de cartes Vitale en surnombre.
Certes, toujours dans le cadre de cette commission, nous avons entendu un ancien directeur de la CNAM affirmer péremptoirement que ces chiffres n'étaient plus d'actualité quelques mois plus tard en raison de la mise à jour de ces cartes surnuméraires, et que cet excédent ne concernait plus le régime général mais quelques régimes spéciaux, voire celui des parlementaires. Vous pourrez consulter les comptes rendus de la commission d'enquête. Reste que la réalité est différente : cette fraude peut être massive. Tout instrument supplémentaire serait donc le bienvenu.
Il ne s'agit pas d'instaurer la biométrie partout et tout de suite, mais de l'expérimenter, de la tester pour voir si cela fonctionne, comme nous testons la dématérialisation, qui présente d'ailleurs également des failles. Nous savons que la fraude à la carte Vitale s'appuie sur la fraude à l'ordonnance médicale, puisqu'il faut les deux éléments pour la commettre. Je vous invite donc, comme le demande l'Ordre des médecins, comme nous l'attendons depuis des mois, comme l'Espagne le pratique depuis des années, à dématérialiser également les ordonnances.