Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 21h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur Bernalicis, ce que vous dites est faux : le procureur européen délégué n'est pas en même temps procureur et juge d'instruction ; il est d'abord procureur, comme lors d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, et, quand des actes d'investigation poussés ou quand la complexité de l'affaire le nécessitent, il peut exercer les prérogatives de juge d'instruction. Ce n'est pas la même chose.

Je ne vois pas, madame Lorho, en quoi le procureur européen délégué serait au-dessus de la Constitution. Que dit la Constitution ? Elle dit que la protection des libertés fondamentales des individus requiert l'intervention du juge judiciaire. C'est bien ce qui est prévu par le texte, puisque les mesures de sûreté – le mandat d'arrêt – et tous les actes qui portent atteinte à la vie privée – géolocalisation, mise sur écoute – seront décidés avec l'intervention du juge des libertés et de la détention. Toutes les voies de recours seront ouvertes, comme c'est le cas en droit interne, garantissant ainsi le respect des droits des parties, y compris, bien évidemment, de ceux de la défense. Le procureur européen délégué ne pourra pas agir seul, sauf dans un sens plus favorable, par exemple pour lever un contrôle judiciaire ou mettre fin à une détention provisoire par une remise en liberté.

En réalité, le sujet est plus compliqué. Le Conseil constitutionnel se fonde sur la gravité des faits de l'infraction et sur les garanties qui encadrent la mise en oeuvre des mesures. Ce n'est donc pas qu'une question de juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel a validé la réalisation de perquisitions au cours de l'enquête préliminaire avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention, ainsi que la possibilité de procéder à des géolocalisations, uniquement si elles sont autorisées par le parquet, pendant quinze jours. La problématique est donc plus large que la simple phrase : « Il faut un juge judiciaire », puisque le Conseil constitutionnel indique qu'il faut tenir compte de la proportionnalité entre les faits et les atteintes portées aux libertés.

Avis défavorable.

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