Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du vendredi 11 décembre 2020 à 9h00
Justice pénale des mineurs — Après l'article 6

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Ménard, pour ma part, je ne vous ai pas accusée de mauvaise foi ! Une société qui a peur de ses enfants est une société désespérante. Hélas, le manichéisme se porte bien du côté des extrêmes… J'ai dit ce que je pensais d'un enfant de 12 ans placé en prison et on m'accuse de vouloir y jeter les enfants de 13 ans. C'est faux ! Le seuil de 13 ans a été fixé par l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante – il faut bien un seuil – , mais la détention au-delà de cet âge doit évidemment répondre à des conditions exceptionnelles. L'idée d'un enfant de 13 ans en prison me paraît tout aussi choquante que l'idée d'un enfant de 12 ans en prison ! Il faut cependant bien fixer une limite, ce que l'Europe a fait, comme d'ailleurs tous les grands pays démocratiques. Cette limite est sans doute discutable et l'on peut s'y opposer pour des raisons philosophiques, mais la loi doit en fixer une. Le juste équilibre entre le coeur et la raison est parfois difficile à atteindre.

Vous avez raison, madame Marie-George Buffet, il faut lire les discours parlementaires de Victor Hugo sur les femmes, les enfants, la peine de mort et tant d'autres sujets encore. Pourtant, un point me paraît devoir être clarifié dans ce débat, dont je sais qu'il est attentivement suivi : je ne veux pas que l'on pense qu'au-delà de 13 ans, tout est permis. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas ma conception des choses et je sais que ce n'est pas non plus la vôtre. La détention est parfois nécessaire, malheureusement, à partir de cet âge. C'est la rigueur de la loi, qui ne s'embarrasse pas des sentiments et des émotions car elle doit être effective et efficace. Cette limite de 13 ans, bien sûr, je la déplore. J'aimerais pouvoir vous dire qu'aucun mineur n'ira en prison. Ce ne serait toutefois ni réaliste, ni acceptable : je tiens à le dire clairement.

Reste qu'il n'y a pas d'un côté les moins de 13 ans, pour lesquels on pleurerait, et de l'autre les plus de 13 ans, pour lesquels on laisserait faire. Ce n'est pas la philosophie du projet de loi. Nous l'avons répété à maintes reprises, parce que cela nous tient à coeur, et nous le répéterons encore : la primauté est l'éducatif. Les enfants de 12 ou 13 ans qui commettent des faits graves ont souvent eu une enfance déchirée, déchiquetée. C'est ce que, sur la droite de l'hémicycle, on appelle « la culture de l'excuse » et que je nomme, pour ma part, « la réalité de la vie ». Nous avons le devoir d'examiner leur situation avec beaucoup de compassion, de considération et d'humanité. En la matière, je ne donne de leçons à personne ; j'exprime simplement ce que je pense. C'est un honneur pour moi de défendre ce projet de loi qui réaffirme la primauté de l'éducatif sur le répressif, quoi que puissent en dire certains qui, au nom de leur dogme, refusent de voir le texte comme il est.

Ce texte permettra de réduire la détention provisoire pour les mineurs. J'en ai la conviction et c'est une conviction qui me porte.

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