La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport des commissions mixtes paritaires, du projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles (no 3656) et du projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales (no 3657).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme Catherine Kamowski, rapporteure des commissions mixtes paritaires.
Nous voici réunis pour mettre le point final à deux projets de loi ad hoc, relatifs à la tenue d'élections partielles très attendues, qu'elles soient législatives, sénatoriales ou municipales. En premier lieu, je soulignerai que nos deux chambres ont été animées, au cours de leurs travaux, du même souhait de défendre et maintenir l'organisation républicaine de notre pays, en garantissant la tenue la plus rapide possible d'élections nécessaires à la continuité de notre vie démocratique. En effet, depuis neuf mois, nous sommes plus soumis au rythme de l'épidémie de covid-19 qu'à celui de nos échéances électorales habituelles, et nous avons dû modifier notre calendrier électoral à plusieurs reprises.
Ces décisions de report ont été fondées sur une seule considération : la meilleure conciliation possible de deux principes, celui de sincérité du scrutin d'une part, celui de préservation de la santé publique d'autre part. La recherche de cet équilibre a permis à nos deux chambres de toujours s'accorder sur une position commune, dans l'intérêt des candidats et des électeurs. Nous pouvons donc tous nous féliciter de cet esprit de dialogue et de recherche de compromis, et je tiens à saluer personnellement l'esprit d'ouverture dont a fait preuve Mme la rapporteure du Sénat, car il a grandement contribué à nous permettre d'adopter rapidement les dispositions nécessaires au report des diverses échéances électorales.
C'est de cet objet très circonscrit que traitent les deux projets de loi présentés par le Gouvernement. Ces derniers permettent en effet de déroger au délai de droit commun pour organiser les élections partielles à venir dès que la situation sanitaire le permettra et, au plus tard, le 13 juin 2021.
En première lecture, l'Assemblée a complété les dispositions du Gouvernement sur deux points. Tout d'abord, en commission, nous avons introduit la possibilité, pour chaque mandataire, de disposer de deux procurations au lieu d'une seule, comme le prévoit le droit en vigueur. Nous avions déjà adopté cette disposition pour le second tour des élections municipales. Par ailleurs, nous avons adopté un amendement du Gouvernement, qui répondait à une demande de la commission, permettant de majorer le plafond des dépenses de campagne si la durée de cette dernière se trouvait allongée. Je me réjouis que, s'agissant de ces deux points, le Sénat soit en accord avec l'Assemblée.
Il a d'ailleurs utilement complété ces dispositions en permettant, d'une part, que les OPJ – officiers de police judiciaire – se déplacent au domicile des personnes vulnérables pour établir ou retirer les procurations et, d'autre part, en précisant que les équipements de protection des bureaux de vote seraient pris en charge par l'État. Je me rallie à ces ajouts, qui reprennent des mesures que nous avions déjà adoptées pour le second tour des municipales.
En CMP, nous nous sommes accordés sur la date jusqu'à laquelle les vacances de sièges constatées pourraient donner lieu à des élections partielles jusqu'au 13 juin. Nous l'avons fixée au 13 mars 2021, pour plusieurs raisons. En particulier, le Sénat a donné au Premier ministre ou aux préfets les moyens concrets d'organiser effectivement l'élection partielle concernée, dès que la situation sanitaire le permettra, en fondant explicitement cette décision sur les données épidémiologiques locales qui devront être rendues publiques par les ARS – agences régionales de santé – tous les quinze jours. Ce suivi précis et transparent permettra en effet de convoquer les électeurs le plus tôt possible au regard des circonstances locales.
Par ailleurs, dans le cas où la demande d'un électeur que l'élection soit organisée serait refusée, le Sénat a également prévu que celui-ci puisse saisir le juge des référés, dans un délai de quinze jours, s'il considère que le report n'est pas justifié. Il n'y a donc plus de risque que l'élection soit reportée pour d'autres motifs que la seule situation épidémiologique locale.
Pour conclure, je souhaiterais souligner la qualité des dispositions introduites par le Sénat, qui rendent acceptable le report des élections partielles en permettant de mieux l'objectiver ou, le cas échéant, de le contester. Il me semble qu'au travers des textes de compromis que nous vous proposons, nos deux assemblées auront fait oeuvre utile en améliorant les rédactions initiales proposées par le Gouvernement et en défendant avec force la continuité de notre vie démocratique, socle de notre bien commun, de notre res publica.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Les débats, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous ont permis d'enrichir utilement les deux textes proposés par le Gouvernement, que je suis venue vous présenter la semaine dernière. Les débats de la commission mixte paritaire ont permis de trouver un équilibre tenant compte, comme la rapporteure l'a rappelé, des apports des deux chambres. Je tiens donc avant tout à vous remercier très sincèrement pour la qualité de vos travaux, et à saluer tout particulièrement l'implication et le travail de votre rapporteure, Mme Catherine Kamowski, qui ont permis ce résultat.
Au final, les textes organique et ordinaire qui sont présentés à votre assemblée à l'issue de la commission mixte paritaire répondent, je crois, à l'objectif commun que nous visions ensemble : permettre un décalage des élections partielles tout en fixant une borne temporelle claire pour l'organisation de ces élections. L'esprit de cette ligne de crête, qui a conduit l'intégralité des débats que nous avons pu avoir, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, est pleinement respecté dans le texte final.
Les circonstances sanitaires particulières, que vous connaissez toutes et tous dans cette assemblée, pourront ainsi être bien prises en compte lors de l'organisation d'élections sur l'ensemble du territoire national. En particulier, le temps de la campagne, ce temps essentiel de notre démocratie – ce n'est pas à vous, parlementaires, que je vais l'apprendre – , sera préservé, et le décalage de l'élection ne sera opéré que si la situation sanitaire l'exige : c'est une précision importante, et il me semble utile de la rappeler.
En outre, vous avez souhaité ajouter des modalités particulières relatives à la période épidémique que nous traversons : le travail de la CMP aboutit donc à de nouvelles modalités, comme la double procuration, la hausse du plafond des dépenses de campagne ou encore l'éclairage des agences régionales de santé sur la situation sanitaire. Le Gouvernement a également relevé l'introduction de la possibilité d'un recours dans le cas où certains électeurs estimeraient que l'organisation des élections tarderait par trop.
Les échanges entre les deux chambres, comme avec le Gouvernement, ont été, à mon humble avis, riches et constructifs. Cela se retrouve d'ailleurs dans les textes finaux. Je pense que l'ensemble des mesures temporaires décidées nous permettront, dans le contexte sanitaire difficile que nous connaissons, d'adapter la vie démocratique de notre pays sans jamais la remettre en cause : c'est bien là l'essentiel.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Raphaël Schellenberger.
Nous voici donc réunis pour la lecture des textes organique et ordinaire organisant le report des élections partielles, tels qu'adoptés par les commissions mixtes paritaires. Conclusives, celles-ci ont notamment permis la reprise de plusieurs dispositions proposées par le Sénat et qui nous semblent utilement compléter les deux textes. C'est le cas, par exemple, de l'instauration d'une date butoir pour le fait générateur permettant le décalage des élections partielles, de la territorialisation de l'analyse de l'épidémie, qui nous semble en effet particulièrement importante, notamment s'agissant des élections municipales partielles, ou de l'introduction d'une voie de recours pour les électeurs qui considéreraient que l'État a tendance à un peu trop tarder à organiser les élections dans une circonscription. Deux circonscriptions législatives sont actuellement vacantes, dans le Pas-de-Calais et à Paris, et il y a lieu d'organiser un scrutin dès que possible pour les pourvoir.
L'enjeu dont nous discutons aujourd'hui fera en quelque sorte jurisprudence : en effet, nous discuterons en janvier d'un nouveau texte permettant d'organiser le report des élections départementales et régionales, renouvellement général de deux grandes collectivités.
Je redis ici ma surprise : alors que nous sommes à trois mois de l'organisation initialement prévue de ce scrutin, nous n'avons toujours pas le texte organisant son report, ni de date de report ou même de vision claire de la situation d'un point de vue juridique. Nous n'avons pas non plus de stratégie s'agissant des questions techniques, mais ô combien essentielles pour que vive la démocratie, relatives aux comptes de campagne et aux conséquences que pourrait avoir un report de plusieurs mois de la campagne électorale et du renouvellement général que représentent les élections départementales et régionales.
C'est important, car nous ne saurions nous complaire dans cette situation d'incertitude pour ces grandes collectivités. Nous avons besoin de relancer l'économie dans les territoires et, pour cela, la commande publique. Or, les départements et les régions sont de grands donneurs d'ordre en la matière : de trop longues périodes d'incertitude risqueraient de tarir les projets et, partant, la commande publique, rendant impossible la relance économique auprès des acteurs essentiels. Il est donc important, aujourd'hui, d'organiser au plus vite les élections départementales et régionales.
Lors de la commission mixte paritaire, une précision a été apportée, à l'initiative de Mme la rapporteure, sur la possibilité d'organiser les trois scrutins à une même date, qui est l'un des points sur lesquels nous avions appelé votre attention en première lecture. Tenir au même moment les scrutins départementaux et régionaux est déjà beaucoup ; il n'est pas possible d'y ajouter une troisième élection, quand bien même celle-ci ne serait que partielle – d'autant que dans d'éventuels cas d'espèce, il pourrait même s'agir de deux élections partielles, l'une législative et l'autre municipale. Préciser cette impossibilité était donc utile, tant sur le plan technique– pensons aux collectivités qui doivent organiser les scrutins et qui, d'un point de vue matériel, ne disposent pas d'assez de salles, d'isoloirs et d'urnes – que s'agissant de la lisibilité et la clarté du choix pour les électeurs.
Il sera déjà difficile pour les collectivités détentrices des différentes compétences de mener de front deux campagnes – celle pour les élections départementales et celle pour les élections régionales – aux enjeux politiques différents. Ajouter cette année une élection municipale, avec sa clause de compétence générale, ou une élection législative partielle, ce serait à n'y plus rien comprendre – peut-être même pour les candidats que nous pourrions tous être ici. Notre système est tout de même relativement complexe !
Je conclurai en rappelant ce que j'ai déjà dit en commission mixte paritaire : on peut tirer un peu sur l'élastique des règles électorales, qui présentent une certaine souplesse en matière d'organisation, mais point trop n'en faut. À un moment donné se posera la question de la façon de faire campagne, car aujourd'hui, le risque sanitaire n'est pas lié au vote : celui-ci, rappelons-le encore et encore, est tout à fait sécurisé et ne pose aucun problème.
En revanche, il y a un problème sanitaire au moment de faire campagne. In fine, nous favorisons donc la sécurité sanitaire plutôt que la créativité dont il faudra pourtant demander aux candidats de faire preuve pour que vive la démocratie – car d'un point de vue sanitaire, je le répète, le processus de vote est totalement sécurisé.
Le groupe Les Républicains votera en faveur de ces textes, afin de ne pas tirer davantage sur l'élastique ; mais il ne faudrait pas tirer plus.
Le Premier ministre l'a dit hier aux Français : la partie n'est pas gagnée. La crise sanitaire est là, tenace ; elle conduit le Gouvernement à prendre des mesures qui, bien que nécessaires, peuvent être mal perçues, voire incomprises. Celles qui nous sont imposées aujourd'hui visent à répondre à une situation d'urgence ; celles que nous examinons dans le cadre de ces projets de loi ordinaire et organique relèvent de l'anticipation.
Les dispositions de ces textes tirent les leçons de la séquence électorale du début de l'année, notamment du report du second tour des élections municipales afin de préserver la santé des Français et la vitalité démocratique de notre pays, comme l'a souligné Mme la ministre déléguée. Elles sont empreintes de bon sens et de responsabilité. Reporter une élection n'est jamais une décision facile, une décision que l'on puisse prendre à la légère : elle touche au coeur du processus démocratique. Pour le Conseil constitutionnel, elle relève d'ailleurs d'un motif impérieux d'intérêt général.
En matière d'élections, la situation sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui est différente de celle de ce printemps. Dans son avis du 16 novembre sur ces projets de loi, le Conseil d'État relève : « Le cas des élections partielles que visent les projets repose sur un mécanisme différent : à la suite, le plus souvent, d'une annulation contentieuse définitive ou, plus rarement, en cas de vacance d'un ou plusieurs sièges pour un autre motif, les opérations électorales permettant la désignation de nouveaux élus peuvent être différées au-delà du délai légalement prévu, alors même que le mandat concerné n'est plus exercé par aucun élu. » Ainsi, lorsque les circonstances le justifient, les législateurs que nous sommes peuvent reporter une élection partielle, pour peu que le délai demeure raisonnable et adapté à la situation qui le motive.
Isabelle Florennes l'a dit en commission des lois : la date arrêtée prend en considération les recommandations du Conseil scientifique ; elle résulte d'un compromis entre les exigences de la crise sanitaire et celles de la bonne tenue du scrutin, afin que nos concitoyens puissent faire entendre leur voix en toute sécurité. Elle répond à l'objectif constitutionnel de protection de la santé publique au regard d'une dégradation de la situation sanitaire qui a motivé le rétablissement de l'état d'urgence jusqu'au 16 février 2021, de nouvelles mesures de confinement depuis le 30 octobre, un nouveau couvre-feu à partir du 15 décembre.
Par ailleurs, Raphaël Schellenberger a souligné les difficultés qu'il pouvait y avoir à organiser simultanément deux scrutins, voire trois en certains endroits : je pose donc la question du vote par correspondance, qui permettrait de simplifier un certain nombre de choses, et celle du bulletin unique, sur lequel on coche le nom des candidats de son choix pour plusieurs élections. Quasiment tous les pays démocratiques, me semble-t-il, ont déjà expérimenté ce dernier dispositif ; nous devrions bien en faire autant. Il fonctionne à l'étranger, pourquoi pas chez nous ? Cela nous vaudrait pas mal d'économies concernant la manutention, les urnes et autres.
La deuxième vague de covid-19 a déferlé sur notre pays plus violemment que la première. Le Président de la République l'a clairement expliqué lors de son allocution du 24 novembre : nous devons continuer d'être vigilants et responsables, comme le Premier ministre le rappelait hier encore. La continuité et la vitalité de notre démocratie dépendent donc de notre capacité à anticiper tous les scénarios possibles et à prévoir des réponses adaptées ; c'est ce que font ces deux textes. Avec pragmatisme, avec bon sens, ils satisfont les attentes du groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés. C'est pourquoi nous nous réjouissons des accords obtenus en commission mixte paritaire et voterons en faveur des textes qui en résultent.
M. Rémy Rebeyrotte et Mme Catherine Kamowski, rapporteure, applaudissent.
Comme nous avons déjà pu le constater au printemps, lors du renouvellement général des conseils municipaux, la crise sanitaire que nous traversons n'a pas seulement des répercussions économiques et sociales : elle affecte aussi notre vie démocratique. Ainsi le second tour des élections municipales a-t-il été décalé du 22 mars au 28 juin ; ainsi la loi organique du 3 août a-t-elle reporté l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France ; ainsi le fonctionnement de notre Assemblée a-t-il été perturbé.
Les deux textes que nous examinons relèvent de cette nécessaire adaptation de notre vie politique à la situation sanitaire. Compte tenu des incertitudes qui entourent l'évolution de l'épidémie, il est effectivement sage de se donner la possibilité de reporter les élections partielles à venir, qu'elles soient législatives, sénatoriales ou municipales. Les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront donc pour ces projets de loi, d'autant plus que la plupart de leurs amendements ont été adoptés, ce qui n'est certes pas habituel. Nous souhaitions que chaque mandataire puisse disposer de deux procurations, comme lors du second tour des municipales : cet amendement a été adopté la semaine dernière par la commission des lois. Nous voulions, comme lors de ce second tour, augmenter de 20 % le plafond de remboursement des dépenses électorales : notre chambre a adopté en première lecture un amendement qui va dans le même sens, prévoyant une majoration de ce plafond de 5 % par mois au-delà du délai de convocation figurant dans le code électoral.
Il nous reste un léger regret : nous aurions aimé que les groupes et partis politiques soient associés, en cas de report, à la fixation des dates de ces élections ; pour le coup, nos amendements ayant trait à ce sujet ont été rejetés. Néanmoins, la navette parlementaire a débouché sur des évolutions positives. S'agissant des élections législatives, sénatoriales et municipales partielles, les agences régionales de santé compétentes devront présenter tous les quinze jours, jusqu'à la tenue du scrutin, un rapport épidémiologique circonstancié, rendu public sans délai, qui permettra d'évaluer la situation sanitaire dans les circonscriptions en cause. En outre, lors des élections municipales partielles, l'autorité administrative compétente en matière de convocation des électeurs pourra être saisie par toute personne faisant partie de ces derniers ; son silence durant quinze jours vaudra rejet de la demande de convocation des électeurs ; cette décision sera alors contestable devant le juge des référés.
Pour finir, j'insisterai sur la lisibilité qui devra être garantie aux candidats et aux électeurs. L'élection législative partielle dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais pourrait servir de contre-exemple en la matière : initialement prévue les 22 et 29 novembre, elle a déjà été repoussée aux 13 et 20 décembre ; on comprend l'urgence d'adopter ces deux textes afin de la décaler une seconde fois, et l'on peut déplorer les conséquences de ces reports successifs sur les électeurs comme sur les candidats. J'en profite d'ailleurs pour souhaiter bonne chance au socialiste Bastien Marguerite.
Sourires.
Ce n'est malheureusement pas la première fois que notre institution est amenée à se pencher sur des textes dont l'opportunité se justifie par les circonstances sanitaires actuelles. Ces dernières semaines, ces derniers mois, nous avons examiné des projets de loi similaires, qu'ils soient relatifs aux élections municipales et consulaires ou aux rectifications budgétaires. Ceux que nous étudions ce matin pourraient n'être que le début d'initiatives législatives visant à décaler le calendrier électoral au vu des effets de l'épidémie de covid-19. Mme la rapporteure a rappelé la possibilité de voir déboucher sur un projet de loi les conclusions de la mission confiée à M. Jean-Louis Debré, ancien président de l'Assemblée nationale puis du Conseil constitutionnel, sur la pertinence d'un report des élections départementales et régionales de mars 2021.
En attendant, les textes aujourd'hui soumis à notre examen sont d'une part un projet de loi organique portant sur les délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles, d'autre part un projet de loi ordinaire portant sur ceux des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales. Le premier prévoit la possibilité de reporter l'organisation des scrutins au-delà du délai de trois mois suivant la constatation de la vacance du siège que prévoit le droit en vigueur : elle interviendrait alors « dès que la situation sanitaire le permet », notamment au regard des recommandations du Comité scientifique, et au plus tard le dimanche 13 juin 2021.
Seuls les députés et sénateurs représentant les Français établis hors de France ne seraient pas soumis à cette disposition, mais au dispositif dérogatoire prévu par l'article 3 de la loi organique du 3 août 2020 : à l'intention de ceux qui nous regardent et nous écoutent, je rappelle que cette exception se fonde sur le fait que les élections partielles, pour ces parlementaires, ne se tiennent qu'après les élections consulaires, lesquelles devront avoir lieu aussitôt que la situation sanitaire mondiale le permettra, et au plus tard en mai 2021.
Le deuxième texte, quant à lui, prévoit de reporter d'une part les élections municipales partielles, d'autre part celles des membres des commissions syndicales, afin de tenir compte des risques sanitaires qui, dans le contexte actuel, pourraient découler de l'organisation d'une campagne et d'un scrutin. Selon l'étude d'impact, la première mesure concernerait soixante-trois communes, la seconde entre 20 000 et 100 000 sections gérées par ces commissions. Celles-ci administrent en effet les biens appartenant en propre à une section de commune, au profit des membres de celle-ci, c'est-à-dire des habitants de la commune dont le domicile se trouve dans le territoire de la section. Une telle section est constituée lorsqu'une partie de la commune possède à titre permanent et exclusif certains intérêts, par exemple des biens ou des droits particuliers résultant d'un don ou d'un legs ; cela peut notamment être le cas de hameaux ou d'anciennes communes ayant fusionné avec d'autres pour former une commune nouvelle.
Étant donné les circonstances sanitaires actuelles et l'équilibre des mesures proposées, le groupe Agir ensemble soutiendra ces projets de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'épidémie de coronavirus qui frappe la France depuis le début de l'année a bouleversé nos modes de vie, nos habitudes, notre capacité à édifier des projets d'avenir. Cette crise violente n'a pas seulement mis à mal notre économie : elle trouble aussi la vie démocratique de notre pays. Les parlementaires et les élus locaux ont réussi à adapter leurs pratiques et leur action, pour que le coeur de notre démocratie ne cesse pas de battre, pour que des réponses continuent d'être apportées aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.
Il n'en demeure pas moins que l'organisation d'élections paraît difficilement réalisable en ces temps dangereux. La pandémie nous a d'ores et déjà imposé le report de plusieurs échéances électorales, dont le second tour des municipales, qui a finalement pu avoir lieu en juin ; cependant, des adaptations restent nécessaires. En effet, la vie démocratique française est également faite de démissions, de nominations, d'annulations d'élections, de décès, de vacances électorales, qui conduisent naturellement à la tenue de nouveaux scrutins. Deux sièges de député doivent ainsi faire l'objet d'élections partielles, de même que de nombreux exécutifs communaux et, éventuellement, plusieurs sièges de sénateur.
Le droit en vigueur prévoit l'organisation de ces élections dans un délai de trois mois à compter de la vacance d'un siège de parlementaire ou de conseiller municipal, mais le contexte épidémiologique nous contraint à déroger à ces dispositions. Ces projets de loi organique et ordinaire prévoient justement la possibilité de reporter les élections partielles au moment où la situation sanitaire le permettra, et au plus tard au 13 juin 2021. Hier, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord au sujet de ces textes, ce dont se réjouissent les députés du groupe UDI et indépendants. Depuis mars, nous n'avons eu de cesse d'interpeller le Gouvernement sur la nécessité d'une gestion décentralisée de la crise sanitaire, afin que les décisions puissent être adaptées : pourquoi imposer les mêmes mesures sanitaires à Vendôme, à Belfort, à Marseille, alors que ces territoires sont résolument différents et que l'épidémie ne les frappe pas de la même façon ? La gestion centralisée de cette crise par l'État a montré ses limites et ses incohérences, ce que nous regrettons.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous réjouir que la commission mixte paritaire ait décidé de remplacer les recommandations du comité scientifique quant à l'organisation des élections par une expertise sanitaire à l'échelle territoriale. Grâce à ces nouvelles dispositions, les rapports rendus publics par les agences régionales de santé tous les quinze jours permettront aux autorités compétentes de décider de façon impartiale et objective d'organiser ou non les élections, afin que celles-ci aient lieu dans les meilleures conditions possibles.
Enfin, nous saluons le doublement des procurations par mandataire ainsi que la possibilité que les autorités compétentes se déplacent au domicile des plus fragiles, qui rencontrent des difficultés pour se déplacer, afin d'établir ou de retirer leur procuration. Ces dispositions de bon sens prouvent que l'accès aux urnes de nos concitoyens peut-être facilité sans nécessairement recourir à des pratiques dangereuses telles que le vote par correspondance, auquel nous souhaitons rappeler notre opposition. Nous en avons déjà fait part à M. le Premier ministre lorsqu'il nous a interrogés sur les recommandations du rapport de M. Jean-Louis Debré. C'est justement parce qu'il permettait toutes les fraudes que ce mode de vote a été supprimée en 1975.
Le problème de la non-participation aux élections ne sera pas résolu par une solution technique, mais par notre capacité à intéresser de nouveau nos concitoyens, à les faire renouer avec la politique. Il est étrange de constater qu'alors que les Français sont sans doute les citoyens les plus intéressés par la politique en Europe, ils sont aussi ceux qui s'en désintéressent le plus aujourd'hui. La lutte contre l'abstention est fondamentale. Prenons garde à ne pas ouvrir une boîte de Pandore aux conséquences potentiellement désastreuses. Posons-nous les bonnes questions, notamment quant à l'attractivité de nos débats et de nos élus, mais surtout, ne jouons pas aux apprentis sorciers.
Ces remarques mises à part, les députés du groupe UDI et indépendants voteront ces deux textes, qui vont dans le bon sens.
Les deux projets de loi, ordinaire et organique, présentés par le Gouvernement et inscrits aujourd'hui à notre ordre du jour ont pour objet de prévoir les modalités de report des élections partielles qui pourraient découler de la vacance d'un siège de député, sénateur, conseiller municipal ou de membre d'une commission syndicale. Le projet de loi organique prévoit que la vacance d'un siège de député ou de sénateur puisse donner lieu à l'organisation d'une élection partielle au-delà du délai de trois mois après la constatation de la vacance prévu par le droit en vigueur. Le projet de loi ordinaire prévoit quant à lui des dispositions semblables au projet de loi organique pour les élections partielles relatives à un siège de conseiller municipal, de conseiller d'arrondissement ou pour l'élection des membres des commissions syndicales. Les élections se tiendraient dès que la situation sanitaire le permettra, au plus tard le 13 juin 2021
Le texte voté par notre assemblée prévoyait que la situation sanitaire soit appréciée au regard notamment des recommandations générales sur les conditions d'organisation des consultations électorales partielles que le Gouvernement demande au comité scientifique. Le groupe Libertés et territoires avait regretté cette disposition qui donnait au seul Gouvernement, sur avis du Conseil scientifique, le pouvoir de décider de cette date. Le Sénat a trouvé une solution, reprise par le texte de la CMP : la situation sanitaire sera notamment appréciée au regard des données épidémiologiques locales rendues publiques par l'ARS concernée tous les quinze jours jusqu'à la tenue de l'élection partielle – je me dispenserai de tout commentaire sur le fonctionnement des ARS dans nos territoires. Cette approche territoriale de l'information sanitaire, visant à tenir compte des circonstances locales pour les élections partielles, nous semble constituer une meilleure proposition. Il conviendrait néanmoins que les évaluations soient rendues publiques.
Cette mesure n'éludera toutefois pas la nécessité d'une concertation maximale avec la représentation nationale, ainsi qu'avec les partis politiques et les élus locaux, afin d'éviter les soupçons sur les critères retenus pour convoquer une élection. À l'instant où nous débattons, ce sont pas moins de soixante-trois élections municipales partielles, deux élections législatives et potentiellement dix élections sénatoriales qui sont concernées – ces chiffres étant susceptibles d'augmenter, tout du moins pour les élections municipales. Au sujet des élections municipales, justement, le texte de la CMP prévoit par ailleurs une voie de recours spécifique bienvenue pour que les électeurs d'une circonscription puissent contester la décision de l'autorité administrative qui refuserait de convoquer les élections municipales partielles alors que la situation sanitaire le permet.
Nous notons également que la CMP a suivi le Sénat pour sécuriser les conditions d'organisation des élections partielles, en s'inspirant du dispositif mis en oeuvre pour le second tour des municipales en juin 2020. Elle maintient d'abord la possibilité introduite à l'Assemblée de disposer de deux procurations contre une seule actuellement. Nous souhaitons la pérennisation et la généralisation de cette mesure à l'ensemble des scrutins car, adoptée par les Français, elle sera de nature à favoriser la participation sans avoir à aller jusqu'au vote obligatoire – sur lequel nous pourrions d'ailleurs plancher.
La commission mixte paritaire a introduit la possibilité pour les personnes vulnérables d'établir une procuration depuis leur domicile sans justificatif, sur simple demande adressée aux autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou, le cas échéant, par voie électronique. Il ne s'agit pas encore d'un vote par correspondance – qui ne fait pas l'unanimité au sein du groupe Libertés et territoires – mais l'on s'en rapproche, dans la mesure où ces demandes de procuration seraient faites par correspondance. Tel que je l'appelais de mes voeux, le vote par correspondance est de nature à décharger un peu plus les services de police judiciaire, de gendarmerie et de police nationale, dont je tiens à souligner le dévouement. Les missions liées aux procurations empiètent en effet sur leur coeur de métier. Quant à la nouvelle disposition rappelant l'obligation pour l'État de fournir aux communes concernées les équipements de protection adaptée pour les électeurs et les membres de bureaux de vote, elle est de nature à rassurer les personnes hésitantes quant au faible risque que présente le déplacement jusqu'à l'isoloir.
Enfin, nous réitérons notre appel au Gouvernement en faveur d'une plus grande concertation, telle qu'elle a pu avoir lieu dans le cadre de la commission présidée par Jean-Louis Debré chargée de travailler sur le report des élections départementales et régionales, dont je salue l'excellent travail – même s'il est vrai que cette concertation ne simplifie pas les choses.
Madame la ministre déléguée, confirmez-vous l'information issue de l'avant-projet de loi concernant le report de ces élections, selon laquelle un rapport rédigé par une personnalité qualifiée désignée par le Premier ministre devrait être remis au Parlement au plus tard le 15 avril 2021, pour statuer définitivement sur la possibilité d'une tenue des scrutins à la fin du mois de juin ? Les annonces gouvernementales intervenues hier nous rappellent que le virus circule toujours au sein de la population et que le retour à la normale prendra du temps. Face à cette situation qui s'impose à nous et comme il l'a fait en première lecture, le groupe Libertés et territoires soutiendra les deux projets de loi prévoyant les mesures d'ajustement que vous avez présentées. Celles-ci permettront à nos concitoyens de concilier exercice de la vie démocratique et respect des conditions sanitaires qui s'imposent à nous. Il ne nous paraît en effet pas souhaitable pour la démocratie d'organiser des élections et, surtout, de mener campagne dans les conditions actuelles de restriction des déplacements et des réunions.
La période que nous traversons est marquée par de très nombreuses incertitudes qui bouleversent la vie des Françaises et des Français : incertitudes sur leur santé et celle de leurs proches, sur leur emploi, sur le parcours scolaire de leurs enfants, sur leur quotidien, mais aussi sur leur avenir et même sur leurs droits et leurs libertés, comme celle de circuler, que les mesures requises par la crise sanitaire ont bousculées. Les incertitudes sont aussi liées aux décisions politiques. S'il n'est certes pas facile de gouverner par temps de covid-19, reconnaissons que nombre de décisions, d'ordres et de contrordres, ont contribué à jeter le trouble dans les esprits. Prenons garde à ce que l'incertitude généralisée n'alimente pas la défiance qui s'aiguise à l'égard de nos institutions démocratiques.
C'est pourquoi, dans ce climat incertain, il n'était que temps que les textes que nous examinons apportent un cadre et un peu de visibilité à notre vie démocratique, avec les conditions d'organisation des élections partielles. Ces dispositions étaient d'autant plus nécessaires que l'évolution de la pandémie n'exclut pas, malheureusement, l'hypothèse de nouveaux confinements.
Les deux projets de loi que nous examinons conjointement constituent un premier et tout petit pas vers davantage de clarté, auquel le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne peut que souscrire. Notons que cette clarté fait encore défaut aujourd'hui quant à la tenue des élections départementales et régionales, initialement prévues en mars prochain et probablement reportées en juin. S'assurer de la tenue de nos échéances démocratiques dans les meilleures conditions est un enjeu d'une portée considérable : la démocratie ne peut rester sous cloche, pour ainsi dire. Il s'agit aussi de garantir une participation au scrutin, trop souvent incertaine. En effet, la modeste participation aux dernières élections municipales est une très mauvaise nouvelle : elle affaiblit l'institution communale, alors même que celle-ci est bien souvent en pointe dans la lutte contre la pandémie et dans l'accompagnement des populations.
Sans surprise, nous voterons donc ces deux textes. À ce stade, nous souhaitons toutefois formuler plusieurs suggestions, dont certaines figurent dans le rapport de Jean-Louis Debré sur la tenue des prochaines élections départementales et régionales, et faire quelques remarques visant à garantir la participation du plus grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens au prochain scrutin, et à assurer leur implication et leur information.
Citons d'abord le raccourcissement du délai entre l'inscription électorale et le premier tour de l'élection, qui est une mesure de bon sens, tout comme la possibilité de porter plusieurs procurations et de faciliter le recours au vote par ce moyen. Les personnes présentant des facteurs de vulnérabilité au covid-19 pourraient ainsi demander aux autorités compétentes de se déplacer pour établir une procuration. Nous attirons en revanche l'attention sur les possibles risques de fraude liés au vote par correspondance ou par internet. Je sais que le recours à cette solution fait débat mais quoi qu'il en soit, il me semble indispensable de réfléchir dès à présent aux moyens de contrecarrer ces risques, afin de ne pas créer de situations dans lesquelles la sincérité du vote serait entamée. Enfin, ne perdons pas de vue que le vote n'est qu'un moment d'un processus électoral. Il conclut une longue séquence, celle de la campagne…
… dont nous savons tous, chers collègues, qu'elle est un moment privilégié pour recueillir, exposer et confronter les idées, les propositions et les projets.
Même si elles sont bien sûr légitimes, les restrictions sanitaires entravent le déroulement normal d'une campagne électorale et empêchent la proximité entre électeurs et candidats qu'offrent les porte-à-porte, toujours appréciés des uns et des autres, et les rassemblements de militants. C'est pourquoi, même s'il s'agit de questions qui dépassent les textes que nous examinons aujourd'hui, le législateur devrait en urgence trouver les moyens de faciliter la tenue du débat public pour les élections à venir. Nous pensons par ailleurs qu'une majoration du plafond des dépenses de communication électorale devrait être envisagée pour permettre la diffusion d'une plus ample information des citoyennes et des citoyens, au travers par exemple du déploiement d'outils numériques pour échanger avec eux.
Voilà, chers collègues, quelques réflexions que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine souhaitait vous livrer avant de renouveler son avis favorable sur ces textes.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Les députés du groupe La République en marche sont naturellement heureux du succès, hier, des deux commissions mixtes paritaires. Cet aboutissement permettra d'organiser dans les meilleures conditions possibles les élections partielles futures – législatives, sénatoriales et municipales – ainsi que les élections des commissions syndicales, en cette période de crise sanitaire mondiale majeure, si difficile à gérer.
Contre mauvaise fortune nous faisons bon coeur, et nous aurons bon courage pour les campagnes à venir et pour les scrutins indispensables à notre vie démocratique.
Les deux questions en suspens, relatives d'une part aux dates et délais, d'autre part à l'organisation des procédures de procuration, ont fait l'objet d'un accord entre les deux chambres. Je tiens à saluer les rapporteures respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale, en particulier Catherine Kamowski qui a mené d'une main de maître le travail nécessairement délicat sur ces textes – il en effet toujours délicat de toucher à l'organisation des élections. Je remercie également nos administrateurs, sans lesquels nous ne serions que des législateurs dans la nuit – MPs in the night, en quelque sorte.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs.
Comme vous le savez, la commission présidée par Jean-Louis Debré a rendu son rapport et un projet de loi est actuellement en cours d'examen et de relecture par le Conseil d'État ; nous serons ainsi amenés à décider en janvier de la date de report des élections régionales et départementales et des conditions dans lesquelles ces élections pourront être organisées, compte tenu bien sûr des incertitudes actuelles.
Le groupe La République en marche acquiesce bien sûr aux conclusions des CMP et votera les deux textes présentés ce matin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM. et Dem.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L'ensemble du projet de loi organique est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 243 portant article additionnel après l'article 4.
L'amendement no 243 de M. Fabien Di Filippo est défendu.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable.
L'amendement no 243 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 42 .
Avec cet amendement, nous demandons l'abandon de l'exception de minorité prévue pour les plus de 16 ans, quelle qu'en soit la juridiction. En ajoutant la possibilité d'une exception de minorité au tribunal de police, ce nouveau code va au-delà du régime actuel. Or, le tribunal de police n'est pas une juridiction spécialisée formée aux enjeux relatifs à l'enfance. Nous proposons donc qu'à tout le moins, le tribunal de police ne puisse pas écarter les règles d'atténuation de responsabilité.
Nous avons déjà eu hier soir un débat sur ce point avec Mme Faucillon. S'agissant des infractions de 1ère et de 4ème classe, il me semble pertinent de laisser la possibilité au juge de retenir l'exception de minorité. J'émets donc un avis défavorable.
Défavorable.
Je m'étonne que le tribunal de police, compétent pour les infractions de 1ère et de 4ème classe, puisse décider d'une excuse de minorité. En commission, nous avions considéré que les infractions concernées n'avaient rien à voir avec la juridiction spécialisée du juge des enfants. Pouvez-vous nous indiquer ce qui justifie d'accorder cette possibilité au tribunal de police ?
Nous n'avons pas encore évoqué le point qui nous occupe : hier soir, vous nous avez simplement expliqué que vous estimiez que, pour des mineurs entre 16 et 18 ans ayant commis des crimes et certains délits particulièrement graves, il devait être possible d'écarter l'excuse de minorité – à titre exceptionnel et aux termes d'une décision encadrée et motivée. En tout état de cause, l'excuse de minorité est rarement invoquée et, quand elle l'est, c'est essentiellement pour des mineurs ayant pratiquement atteint l'âge de 18 ans.
Si je ne suis pas d'accord avec l'argumentation que vous avez exposée hier soir en matière criminelle, je peux encore la comprendre. Il en va tout autrement en matière contraventionnelle, où rien ne justifie la position que vous défendez : au nom de quoi voulez-vous qu'un mineur paye une amende de 68 euros plutôt que de 34 euros ?
L'amendement no 42 n'est pas adopté.
Conformément à une position que nous avons défendue hier soir, ces amendements prévoient que, pour les mineurs âgés de 16 ans ou plus, la juridiction saisie puisse se prononcer en considérant la responsabilité pénale de l'accusé, c'est-à-dire en ayant la possibilité de ne pas faire application des règles d'atténuation des peines.
Comme hier, je vous renvoie aux dispositions de l'article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs et j'émets un avis défavorable.
L'article L. 122-1 prévoit que les dispositions relatives au travail d'intérêt général sont applicables aux mineurs âgés de 16 à 18 ans au moment de la décision, lorsqu'ils étaient âgés d'au moins 13 ans à la date de la commission de l'infraction.
Cette disposition instaure une inégalité de traitement entre les condamnés, qui dépend non pas de l'individualisation de la peine mais des délais de traitement de chaque juridiction, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d'inscription au casier judiciaire, de premier terme de récidive ou d'emprisonnement encouru. Elle crée une atteinte forte tant au principe d'égalité qu'à celui de légalité des peines.
Concrètement, quand deux mineurs de 15 ans et demi ont commis une infraction similaire, l'un pourrait, si l'enquête de police est rapide et les délais du tribunal raisonnables, n'encourir qu'une mesure éducative – étant précisé que les peines de stage et de confiscation sont bien moins fréquemment prononcée que les travaux d'intérêt général – tandis que l'autre, pour peu que les services d'enquête soient chargés ou que les délais d'audiencement soient plus longs, pourrait encourir une peine de TIG.
Nous proposons donc que, pour encourir une peine de travail d'intérêt général, le mineur soit âgé d'au moins 16 ans au moment de la commission de l'infraction, et non au moment du prononcé de la peine.
Ce que vous appelez une inégalité de traitement, je le considère comme une souplesse laissée au juge d'apprécier, en fonction de la personnalité du mineur, l'opportunité de prononcer une mesure éducative ou une peine. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Défavorable.
Le code de la justice pénale des mineurs commence par rappeler, en un article préliminaire, les principes fondateurs de la justice pénale des mineurs que sont, notamment, la primauté de la réponse éducative, le principe de spécialisation des juridictions et l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs par l'application de l'excuse de minorité, avant que ces principes se trouvent relativisés à mesure qu'on avance dans le code.
On se rend compte que, pour vous, l'âge de 13 ans n'est finalement pas si important que ça, en tout cas pas toujours ; l'éducatif doit peut-être primer sur le répressif, mais il faut quand même du répressif ; quant à l'excuse de minorité, à quoi bon la prévoir quand la peine prévue pour les majeurs peut très bien convenir pour un mineur ?
Nous abordons là le problème fondamental de ce texte et la principale raison qui fait que nous nous y opposons, à savoir qu'il n'applique pas réellement les principes qu'il commence par rappeler – ce qui est d'autant plus dommage qu'on ne procède pas tous les quatre matins à une réforme complète de la justice des mineurs… Au lieu de décrire comment les grands principes vont être mis en application, le texte ne fait qu'énumérer les raisons pour lesquelles ils seront mis de côté. Je le redis solennellement, je trouve cela vraiment dommage.
L'amendement no 66 n'est pas adopté.
Revenant sur un débat que nous avons eu hier au sujet d'autres articles, notre groupe entend supprimer la possibilité pour le juge pour enfants de prononcer une peine de TIG en chambre du conseil, en affirmant qu'il revient au tribunal pour enfant de prononcer ce qui est bien une peine, avec toutes les conséquences que cela implique – je pense notamment à l'inscription au casier judiciaire : même s'il ne s'agit que du B1, ce n'est pas neutre.
En d'autres termes, nous souhaitons que la décision de sanctionner un mineur par une peine soit assortie de toutes les garanties nécessaires, notamment en termes de collégialité de l'instance et de publicité des débats. Sur ce point, le projet suit la même logique que pour les majeurs, puisque la dernière loi de programmation pour la justice a largement étendu les cas où une décision pouvait être rendue par un juge unique plutôt que par une instance collégiale.
Nous ne pouvons que nous ranger à l'avis de la défenseure des droits, qui a estimé que le droit pénal des majeurs irriguait de plus en plus le droit pénal des mineurs, ce dont nous avons ici une nouvelle illustration. Pour notre part, nous défendons le principe selon lequel les peines prononcées à l'encontre des mineurs ne doivent l'être que dans un cadre spécifique, un cadre d'exception, à savoir le tribunal pour enfants.
Nous estimons toujours qu'il est pertinent que le prononcé de cette peine adaptée qu'est le TIG puisse être effectué par le seul juge pour enfants. Avis défavorable.
Défavorable.
Le sujet n'est pas, monsieur le rapporteur, de savoir si la peine est adaptée ou non. Je ne suis pas opposé par principe au travail d'intérêt général, mais une telle mesure constitue une peine qui, si elle n'est pas effectuée, peut entraîner l'application d'une peine de prison. Une peine, quelle qu'elle soit, n'est jamais quelque chose de neutre ; c'est pourquoi nous souhaitons qu'elle soit prononcée par un tribunal, et non dans le cabinet d'un juge.
Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, et c'est précisément sur ce point que nous avons des inquiétudes : il y a, lors d'un jugement rendu par le tribunal, une solennité qu'on ne retrouve pas dans le cabinet d'un juge. Je le répète, cela n'a rien à voir avec la peine en tant que telle, avec sa qualité ou sa pertinence : il s'agit simplement des conditions dans lesquelles cette peine est prononcée, et nous avons manifestement un désaccord de fond sur ce point. Pour nous, c'est au tribunal de juger si la peine de TIG est la plus adaptée ou pas.
L'amendement no 189 n'est pas adopté.
Par cet amendement, notre groupe parlementaire entend modifier l'article L. 122-2 du code, qui liste les obligations que la juridiction de jugement peut imposer au mineur condamné. Notre amendement supprime de cette liste des obligations qui ne peuvent pas être imposées à un mineur et qui sont issues du code pénal auquel l'article fait référence, à savoir justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ; ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels, et ne pas prendre part à des jeux d'argent et de hasard.
Nous sommes bien d'accord sur le fait que les dispositions de l'article 132-45 du code pénal ne sont pas applicables aux mineurs et ne seront donc pas prononcées par le juge des enfants. Avis défavorable.
L'amendement no 190 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement concerne la peine de confiscation. Comme pour les travaux d'intérêt général, nous souhaitons que ce soit le tribunal pour enfants et non le juge pour enfants, en cabinet, qui la prononce.
Ceux qui avaient prévu dans l'ordonnance de 1945 que le tribunal soit compétent pour de telles peines étaient-ils complètement fous ? Ont-ils retenu une solution disproportionnée ? Je ne le crois pas. Ils y ont bien réfléchi et ont considéré que, parce que l'on rentrait dans le domaine des peines – même si une confiscation peut sembler anodine – , il fallait réunir toutes les garanties pour la prononcer, en faisant juger l'affaire par le tribunal pour enfants, ce qui permet la collégialité.
Nous estimons toujours qu'il est pertinent que le juge pour enfants puisse prononcer des sanctions comme celles-ci. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 190 n'est pas adopté.
Il vise également à préserver la collégialité.
Je ne sais pas si c'est parce qu'il est encore tôt ce matin, mais j'ai l'impression que le ministre s'en fiche un peu, des histoires de collégialité… C'est dommage pour un avocat, car c'est une revendication récurrente de sa profession. Cela apporte des garanties pour toutes et tous, y compris pour le magistrat.
Mais que se passe-t-il, monsieur le ministre ?
Continuez à défendre votre amendement, c'est l'essentiel. Nous sommes là pour vous écouter.
L'essentiel est aussi que M. le ministre me réponde, et je m'interroge sur la manière dont je dois analyser sa communication non verbale !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Si on commence à analyser les communication non verbales, on ne va plus s'en sortir. Poursuivez, monsieur Bernalicis…
Mais vous savez, monsieur le président, la communication verbale est quelque chose d'essentiel – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je m'oppose au recours à la visioconférence. Elle fait partie des éléments que le magistrat et l'avocat ont à apprécier.
La collégialité, vous n'en avez rien à faire, monsieur le ministre. Je le comprends bien : votre préoccupation est plutôt de gérer les flux, de faire des économies, d'éviter que les magistrats soient trop occupés à des tâches inutiles comme rendre la justice collégialement pour les peines de confiscation. Vous ne voulez pas l'assumer, c'est dommage : cela nuit à la qualité du débat. Ou alors le débat, vous ne l'avez accepté que pour hier et aujourd'hui, vous préférez enchaîner les « Défavorable ». Je crois que nous commençons mal la journée…
Avis défavorable à nouveau. Nous considérons que la collégialité n'est pas l'alpha et l'omega pour rendre la justice d'une bonne manière. La peine de stage est efficace et il revient au juge des enfants de la prononcer.
Une fois pour toutes, monsieur Bernalicis, ces gestes, je les ai faits comme un mime qui sculpte le silence. Je me suis dit que vous les comprendriez peut-être davantage que ce que nous disons trente, quarante, cinquante fois. Vous, vous élevez le débat, n'est-ce pas – et heureusement que les plafonds sont très hauts – , mais vous connaissez la formule d'Audiard : « À force de prendre les gens pour des chaises, on finit toujours par s'asseoir à côté ».
Vous n'aimez pas le dialogue. Quand j'étais avocat, voyez-vous, je parlais pour convaincre ; vous, vous parlez pour parler. Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, cela ne sert strictement à rien. Vous évoquez mes gestes, mais je constate que vous demandez déjà à répondre alors que je viens à peine de me lever pour prendre le micro. J'en conclus que ce que je dis vous importe peu. Comme je n'ai pas le goût de l'effort inutile, je vais désormais à l'économie. Je suis défavorable à votre amendement. Entendez-le une fois pour toutes, et il y a de fortes chances pour que nous raccourcissions – en tout cas en ce qui me concerne – cette succession de monologues qui n'a rien à voir avec le dialogue que vous appelez de vos voeux. C'est un dialogue de sourds que vous souhaitez m'imposer, mais vous n'y parviendrez pas : racontez ce que vous voulez, pensez ce que vous voulez, monsieur Bernalicis, ce sera désormais ainsi que je répondrai !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit aussi.
Monsieur le ministre, entre ma prise de parole et la vôtre, il y a celle de M. le rapporteur, donc je lève parfois la main pour répondre à ce que M. Terlier ou un autre collègue a dit. Mais ce n'est pas grave, on s'en fiche.
C'est vrai, il y a parfois dans cet hémicycle des successions de monologues. Pourtant, il existe des procédures comme le temps législatif programmé qui permettent d'avoir un débat plus construit – nous en discutions avec le président Waserman hier en aparté. Pour ce texte, elle ne s'applique pas et je me plie aux contraintes des deux minutes dont nous disposons pour défendre nos amendements : cela m'oblige à attendre l'amendement suivant pour reprendre la parole ou à lever la main pour compléter mon argumentation.
Oui, monsieur le ministre, je vous le dis : nous ne sommes pas dans un prétoire mais à l'Assemblée nationale, et cela ne se passe pas de la même manière que dans une salle d'audience. Je sais que c'est pénible, l'ambiance était peut-être pour vous plus sympathique auparavant, mais ici, les choses se passent ainsi. Et je ne suis pas en train de dire que le mode d'organisation des prises de parole est quelque chose de génial, mais contrairement à vous, monsieur le ministre, je ne désespère jamais de convaincre. Jamais !
Après, je suis sûr que vous avez été bien briefé et que l'on vous a dit que ça ne servait à rien de répondre à Bernalicis et qu'il valait mieux se contenter de dire « Défavorable ». Je constate toutefois que vous ne pouvez pas résister à reprendre le micro et j'en suis très heureux, parce que c'est aussi cela qui fait que l'examen de ce texte ressemble un peu à un débat.
L'amendement no 194 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement no 72 .
J'aimerais d'abord rappeler que le droit à l'amendement est un droit essentiel pour chaque parlementaire
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et UDI-I
Il est normal que chaque parlementaire défende ses amendements et expose des arguments pour convaincre. Construire une loi, c'est s'écouter les uns les autres et, par les amendements, chercher à améliorer la rédaction du texte ou contester certains de ses aspects. C'est cela le travail des parlementaires, avec le contrôle de l'action du Gouvernement. Acceptez donc que nous défendions nos amendements. Nous écoutons toujours avec beaucoup d'attention les réponses du rapporteur et de M. le ministre.
J'en viens à la défense de mon amendement. Parce que l'enfant est un être dépendant de l'adulte, que sa personnalité est en construction, nous voulons inscrire dans le code de la justice pénale des mineurs que la peine d'emprisonnement est prononcée à titre exceptionnel. Nous savons toutes et tous ici que la peine de prison est la pire des réponses. Insister sur le caractère exceptionnel de l'emprisonnement des mineurs nous paraît nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable. L'amendement est déjà satisfait : la peine d'incarcération est toujours prononcée à titre exceptionnel et doit toujours être spécialement motivée. Pour ces raisons, il ne nous paraît pas utile de le préciser à nouveau.
Madame la députée, cet amendement est en effet satisfait, notamment par l'article L. 123-1 du code de la justice pénale des mineurs.
Je m'interroge sur notre capacité à nous convaincre mutuellement et à nous écouter. Hier, nous avons discuté d'un amendement – vous vous en souvenez, monsieur le président – visant à mettre en place des activités culturelles dans les centres éducatifs fermés – CEF. Sa potentielle irrecevabilité financière a été pointée et il a été répondu qu'un décret prévoyait déjà que de telles activités se déroulent dans les CEF, mais il a tout de même été adopté. Tout le monde était d'accord.
Ici, il ne s'agit même pas d'inscrire dans le code quelque chose qui existe déjà : « à titre exceptionnel » ne veut pas dire la même chose que « spécialement motivée ». On peut imaginer que le fait que la peine soit spécialement motivée découle de son caractère exceptionnel, mais celui-ci n'est pas inscrit dans le code en tant que tel.
Si vous considérez que la peine de prison doit être exceptionnelle, alors, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, donnez un avis favorable à cet amendement. Ce serait le signal que nous avons un vrai débat où chacun est considéré correctement et qu'il y a une volonté de faire avancer les choses. Ou alors n'acceptez pas les amendements qui visent à inscrire dans notre droit que des activités culturelles doivent se tenir dans les CEF alors que c'est déjà prévu.
Comment traduire ce genre de message, sinon ? Faut-il comprendre que vous n'en avez rien à faire des oppositions et que vous êtes prêts à vous passer les plats à l'intérieur de la majorité pour vous glorifier d'avoir fait adopter tel ou tel amendement sans portée ? Ce n'est pas cela, un bon débat parlementaire !
Au Sénat, au moins, cela ne se passe pas comme ça – c'est la seule chose que l'on puisse dire.
J'y songerai peut-être plus tard, je ne suis pas encore assez âgé. J'attendrai d'avoir le privilège de pouvoir moi aussi dire aux plus jeunes : « Vous n'étiez pas né que… ».
Pour la clarté de nos débats, je tiens à préciser que s'agissant de l'amendement d'hier, mon intervention, juste avant sa mise aux voix, concernait sa recevabilité et donc l'appréciation des objectifs qu'il poursuit, et non de l'opportunité ou non de procéder à un tel ajout dans la loi.
L'amendement no 72 n'est pas adopté.
Un enfant délinquant est un enfant en danger. Emprisonner un adolescent n'est pas une peine anodine. Celle-ci doit être appliquée en dernier recours dans un parcours de délinquance, quand les mesures déjà prononcées n'ont, au moment du jugement, donné aucun résultat sur le comportement du jeune mineur.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la peine de prison prononcée soit obligatoirement assortie d'une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, pour assurer le suivi éducatif du jeune mineur.
Pour le coup, madame Lebon, monsieur Bernalicis, une telle mesure est déjà prévue. Je vous renvoie à l'article L. 124-1, qui précise que le mineur incarcéré bénéficie de « l'intervention continue d'un service de la protection judiciaire de la jeunesse ». Il serait superfétatoire de faire un tel rappel. Avis défavorable.
C'est effectivement déjà prévu. Avis défavorable.
L'amendement no 45 n'est pas adopté.
L'article L. 124-2 prévoit que « à titre exceptionnel, un mineur détenu qui atteint la majorité en détention peut être maintenu dans ces établissements jusqu'à ses dix-huit ans et six mois » et qu'il « ne doit avoir aucun contact avec les détenus âgés de moins de seize ans ».
Par cet amendement, nous souhaitons relever cette limite d'âge à 21 ans pour ne pas mettre fin brutalement, à 18 ans et six mois, au travail entrepris par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et les enseignants de l'éducation nationale.
La fédération Citoyens et Justice note à cet égard qu'il « convient de permettre aux jeunes incarcérés durant leur minorité de poursuivre leur détention dans les quartiers mineurs et les établissements pénitentiaires pour mineurs jusqu'à leurs vingt et un ans, le cas échéant, sauf situation exceptionnelle sur décision écrite du juge des enfants. »
Certes, des exceptions seront toujours possibles, mais nous voulons fixer un principe directeur.
Nous avons eu ce débat en commission et nos collègues de la majorité semblaient intéressés par cette possibilité offerte aux personnes devenues majeures en détention de rester dans les quartiers dédiés aux mineurs pour finir de purger leur peine.
Les établissements pénitentiaires pour mineurs et les quartiers pour mineurs ne se distinguent pas simplement par une séparation entre mineurs et majeurs, mais aussi par un rythme et un encadrement propres. L'accompagnement renforcé permet d'accomplir le travail éducatif sur lequel insistent nos collègues du groupe GDR. C'est cela qui fait que ces établissements et ces quartiers ont un coût journalier plus élevé que les établissements pour majeurs.
Nous devrions pouvoir avancer et inscrire ce principe des 21 ans. Cela impliquerait peut-être de créer des ailes spécifiques ou des cellules séparées des autres – et encore, je ne suis pas sûr que cela soit la solution la plus adéquate. En tout cas, ne faisons pas d'un potentiel problème matériel un obstacle à la poursuite du suivi renforcé au-delà de la limite d'âge actuelle pour les jeunes condamnés quand ils étaient encore mineurs.
Le problème que vous soulevez est intéressant. C'est une préoccupation louable de vouloir protéger les jeunes majeurs âgés de 18 à 21 ans de l'univers carcéral des majeurs. Toutefois, il pourrait être délicat voire dangereux de les faire cohabiter avec les mineurs le plus jeunes. Ma circonscription abrite un établissement pour mineurs, à Lavaur, et je discute très souvent avec la directrice, qui me dit veiller tout particulièrement à ce que les mineurs de 13 ou 14 ans ne soient pas à proximité de ceux de 17 ou 18 ans. Les écarts d'âge posent en effet des difficultés.
Étendre la limite d'âge à 21 ans, comme l'avait proposé M. Rupin en commission, me paraît difficile à appréhender et à mettre en oeuvre compte tenu de la protection que l'on doit aussi aux jeunes mineurs incarcérés. Cette question a déjà été abordée, je crois, dans le code de la justice pénale des mineurs en ce qui concerne la poursuite de la mesure éducative au-delà de 18 ans et jusqu'à 21 ans. Avis défavorable.
Évidemment, la mesure que vous proposez est louable, mais elle pose un certain nombre de difficultés. Comme je l'ai dit hier, à 18 ans moins un jour vous êtes mineur, et à 18 ans plus un jour vous êtes majeur. La question n'est plus celle de la protection des jeunes majeurs, mais davantage celle des petits qui sont au contact de ceux qui sont devenus majeurs. Le propre de la loi, c'est de fixer les règles. Avis défavorable.
Nous sommes sensibles aux arguments que vous développez, auxquels nous avons évidemment pensé en déposant cet amendement.
Nous proposons que des jeunes qui étaient déjà détenus puissent rester dans le quartier des mineurs au-delà de l'âge de 18 ans et six mois. Nous parlons de jeunes qui ont commis des actes pour lesquels ils ont été jugés alors qu'ils étaient mineurs.
Nous estimons que lorsqu'ils arrivent en fin de peine, le basculement vers le quartier des majeurs n'est pas nécessairement la meilleure étape de réinsertion vers la sortie, et qu'il peut même créer une brutalité supplémentaire sur cette fin de peine avant la sortie. Bien évidemment, nous ne proposons pas d'en faire la règle, mais qu'un avis soit rendu par les personnels pénitentiaires qui accompagnent ce jeune qui est là depuis un certain temps, depuis avant ses 18 ans, et dont on sait que la peine va durer encore quelques mois, sur le fait de savoir s'il est ou non dangereux pour les autres mineurs présents, sur la manière dont il s'est comporté, afin qu'il puisse rester jusqu'à la fin de sa peine dans ce quartier où les conditions ne sont pas les mêmes que dans le quartier des majeurs.
Peut-être faut-il mieux encadrer la disposition que nous proposons et que vous avez la possibilité de sous-amender. En tout cas, elle nous semble vraiment aller dans l'intérêt à la fois de la société et de cette personne, pour qu'elle puisse se réinsérer.
J'entends les arguments du rapporteur, qui nous dit qu'il y a dans ces établissements de très jeunes mineurs de 13 ou 14 ans. C'est pourquoi, et je vous le dis parce que ce que nous proposons suit une logique argumentative, nous sommes pour la présomption irréfragable en dessous de 14 ans, c'est-à-dire pour qu'il n'y ait pas de mineurs de moins de 14 ans dans les établissements pénitentiaires pour mineurs. Nous avons même proposé de fixer un seuil à 15 ou 16 ans, en dessous duquel il ne pourrait y avoir de peine d'incarcération.
Si on avait adopté toutes nos propositions, il n'y aurait potentiellement dans les établissements publics pour mineurs que des mineurs âgés de plus de 16 ans, et la question se poserait sans doute un peu différemment.
Monsieur le ministre, vous dites qu'à 18 ans et un jour le jeune est majeur et qu'il ne peut donc plus rester avec les autres mineurs, parce que cela pourrait être dangereux pour eux. Mais était-il moins dangereux à 18 ans moins un jour ? Il y a quelque chose dans le raisonnement qui ne fonctionne pas, ou alors les arguments sont complètement réversibles dans un sens et dans l'autre, auquel cas ils ne sont pas très bons.
Avec cet amendement, nous offrons une possibilité : ce n'est pas une obligation. Nous ne demandons pas que tous les mineurs de plus de 18 ans restent dans les établissements publics pour mineurs ; il y a donc bien une marge substantielle d'appréciation.
Madame Faucillon, je comprends ce que vous dites, qui s'entend humainement. Je vous rappelle, pour que le débat soit tout à fait complet sur cette question, que les 18 à 21 ans ont un régime dérogatoire, plus protecteur, et qu'ils sont séparés des détenus plus âgés. Il y a des sas. Ils sont soumis à l'isolement de nuit et bénéficient d'un accès élargi à l'enseignement et à la formation. C'est un bémol qu'il est nécessaire de rappeler : cette catégorie de détenus – pardon de m'exprimer ainsi – n'est pas projetée dans la détention des majeurs sans qu'un certain nombre de précautions soient prises.
Je vais prolonger le débat sur ce sujet que j'avais en effet évoqué en commission. J'avais alors été convaincu par la réponse du garde des sceaux et j'ai retravaillé mon amendement. Celui que je vous propose ici est plus souple que ceux que nous venons d'examiner.
Comme vous le savez, l'article L. 124-2 prévoit qu'un mineur détenu qui atteint la majorité en détention peut être maintenu dans un établissement pour mineurs jusqu'à ses 18 ans et six mois, sans contact avec les détenus âgés de moins de 16 ans. Or on sait que la période comprise entre les âges de 18 et 20 ans est cruciale s'agissant des perspectives d'avenir du jeune. Éviter un contact avec des détenus plus âgés lorsque cela paraît pertinent peut favoriser une réinsertion plus facile du jeune majeur à l'issue de sa période de détention, ce qui permettra peut-être d'éviter la récidive. Le maintien dans un établissement pour mineurs peut en outre permettre de continuer le travail éducatif existant dans ces établissements et d'éviter la rupture qui se produit en cas de transfert dans un établissement pénitentiaire pour majeurs.
Le présent amendement vise donc à éviter que les très jeunes majeurs dont la libération doit intervenir dans un délai proche soient immédiatement et automatiquement transférés dans un établissement pénitentiaire pour majeurs à l'âge de 18 ans et six mois. Il propose que le jeune majeur qui effectue une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans puisse voir sa situation réexaminée par le juge de l'application des peines avant cet âge, afin de déterminer s'il serait pertinent de le maintenir dans l'établissement pour mineurs pour quelques mois supplémentaires seulement, éventuellement jusqu'à sa libération s'il reste quelques mois jusqu'à la fin de sa peine, ou d'aménager sa peine.
C'est vrai, vous entourez votre amendement de nouvelles dispositions permettant effectivement de pallier tous les risques qui ont été évoqués. Comme vous, j'ai entendu le ministre, qui a rappelé qu'il existe, dans les établissements pénitentiaires pour majeurs, des sas permettant d'accueillir les jeunes majeurs de 18 à 21 ans. Cela me semble plutôt aller dans le sens de ce que vous proposez, même s'ils ne sont pas là dans un établissement pour mineurs. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Je veux compléter ce bémol que j'évoquais à l'instant. Des liens sont maintenus entre le jeune majeur et la PJJ jusqu'à l'âge de 21 ans. C'est un régime dérogatoire. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le jeune majeur n'est pas projeté avec cette brutalité que vous craignez à juste titre dans la détention des majeurs sans qu'un certain nombre de précautions aient été prises préalablement. Avis défavorable.
L'amendement no 180 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 131 .
Il s'agit de compléter ce nouveau code de la justice pénale des mineurs par un article L. 124-3 ainsi rédigé : « Le mineur non accompagné en situation irrégulière ayant commis une infraction est expulsé du territoire national et confié à l'autorité administrative compétente de son pays d'origine. »
Le parquet de Paris a révélé que près de 75 % des mineurs jugés sont des mineurs étrangers en situation irrégulière. Ce phénomène n'est malheureusement pas isolé, puisque selon le parquet de Nanterre, 58 % des mineurs mis en examen sont des mineurs non accompagnés en Haut-de-Seine.
Vous me répondrez très certainement, comme hier, que les conventions internationales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, interdisent le renvoi des mineurs étrangers. C'est vrai, excepté dans le cadre de conventions bilatérales qui pourraient être conclues entre la France et les pays d'origine.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même conclu un accord avec votre homologue marocain pour qu'un centre d'hébergement soit créé au Maroc afin de prendre en charge les mineurs non accompagnés renvoyés dans leur pays d'origine. Mon amendement vise simplement à généraliser cet excellent accord que vous venez de signer avec les autorités marocaines.
Ce débat a déjà eu lieu hier soir. Avis toujours très défavorable sur ce sujet.
Madame la députée, vous confondez deux choses qui sont différentes.
En matière pénale, il n'est pas possible d'expulser un mineur. J'ai rappelé hier les conventions internationales – qui, comme vous le savez, ont valeur supranationale.
Vous évoquez l'accord obtenu au Maroc. Je m'y suis effectivement rendu avec deux de vos collègues, M. Savignat, qui est ici et qui peut donc en témoigner, et M. Eliaou. Il s'agit évidemment d'envisager l'expulsion, le retour au pays devrais-je dire, de mineurs non accompagnés – MNA. Mais il faut d'abord les identifier, et ce n'est pas simple. Derrière cet acronyme, il y a une réalité humaine absolument insupportable. D'abord, certains ne sont pas mineurs. On a beaucoup parlé des MNA marocains, mais certains sont majeurs non accompagnés et pas marocains – ils ont une autre nationalité. L'accord dont vous parlez vise à pouvoir identifier ces enfants. Pour ce faire, il y a bien sûr différents moyens, et nous avons exploité des pistes qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, comme la téléphonie. S'il y a, dans une journée, vingt appels avec le préfixe 212, cela signifie sans doute que cet enfant a encore des attaches vivaces avec des Marocains. Une autre piste est celle de la langue parlée, puisqu'il existe des langues dialectales différentes sur lesquelles un interprète aguerri peut reconnaître la provenance. Il existe d'autres pistes encore. Voilà pour l'amont.
En aval, il s'agit évidemment d'envisager le retour des mineurs au pays dans ces structures, pour ce qui concerne le Maroc, dont les magistrats qui les ont visitées disent qu'elles sont de grande qualité.
Oui, madame Faucillon, les magistrats français du tribunal de Paris se sont rendus au Maroc avec le magistrat de liaison…
… où ils ont constaté que les structures, ne vous en déplaise, sont de bonne qualité. Vous dites « Ah ! », c'est extraordinaire ! Je ne sais pas si ceux que vous consultez et qui vous filent les amendements sont allés au Maroc, mais nous avons des magistrats dont le métier est de s'occuper des enfants qui disent que ces structures sont de bonne qualité. Voilà pour ce « Ah ! » qui s'élève là encore vers le plafond.
Je le répète, les structures sont de bonne qualité et c'est nous qui expertisons la PJJ, qui est également de bonne qualité.
Madame Ménard, quand on libère ces mômes, soit ils repartent dans la banlieue, auquel cas c'est une catastrophe absolue et l'intérêt de l'enfant n'est pas là, …
… soit ils retournent dans leur pays d'origine dans des conditions humaines, acceptables. Les droits de l'homme ne sont pas qu'une posture, c'est une réalité. Je le dis sans honte : il est préférable que ces enfants retournent dans leur pays d'origine dans de bonnes conditions et soient acceptés dans des structures expertisées – non par mes services mais par les magistrats – comme étant de bonnes structures.
J'ajoute, pour être tout à fait complet, que cela ne peut pas se faire par le vecteur de la sanction pénale, car les conventions internationales l'interdisent. C'est possible, en revanche, dans le cadre de la protection de l'enfance, qui ne relève pas du pénal, mais du civil. Voilà la réponse que je tenais à vous faire sur cette question qui vous préoccupe légitimement, comme elle me préoccupe, ainsi que la représentation nationale et le pays tout entier.
Monsieur le ministre, nous nous entourons en effet, dans notre travail de parlementaires, de personnes qui travaillent avec nous pour nous donner tous les éléments de la réflexion. Ce n'est pas un déshonneur pour un député ; au contraire, cela fait honneur à son travail en ce que cela contribue à en assurer la qualité.
Madame Ménard, lors d'une audition de la commission d'enquête sur les conséquences du covid-19 sur les enfants et les jeunes, présidée par Mme Sandrine Mörch, nous avons pu constater que le plus profond désir des mineurs non accompagnés que nous entendions était de s'inscrire dans un cursus scolaire pour pouvoir s'intégrer par l'apprentissage de la langue, acquérir des connaissances et, demain, travailler dans notre pays. C'était aussi de trouver un lieu d'hébergement correct, car la plupart de ceux que nous avons auditionnés résidaient dans des hôtels, où ils étaient en outre isolés, notamment pendant les confinements, avec des visites très rares, car très difficiles, des éducateurs – mais avec tout de même de nombreux coups de téléphone qui leur ont permis de tenir le coup. À l'occasion du démantèlement d'un camp comme celui de Saint-Denis, on constate que la plupart de ces jeunes viennent du Yémen ou d'Afghanistan. Je leur souhaite de pouvoir être en France et y vivre dignement, car ces pays connaissent de très grandes difficultés. Donnons leur chance à ces jeunes. Ils le méritent, avec les efforts qu'ils font pour pouvoir s'intégrer dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame Buffet, vous dites qu'un mineur non accompagné n'a qu'une envie : s'intégrer en France dans de bonnes conditions. C'est en effet le souhait de tous les mineurs et majeurs qui sont entrés en France en situation irrégulière – nous sommes tous d'accord là-dessus.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Monsieur le ministre, je suis ravie de votre réponse, car je suis absolument d'accord avec tout ce que vous avez dit. Le seul hiatus avec ce que je propose est que vous dites que cette procédure est interdite en matière pénale et que l'accord que vous avez conclu avec votre homologue marocain portait sur le civil, au titre de la protection de l'enfance. Or la mesure que prévoit mon amendement s'applique précisément en cas d'infraction commise par le mineur non accompagné, qui serait alors confié – ce en quoi nous nous rejoignons pleinement, même si vous n'êtes pas favorable à mon amendement– à l'autorité admirative compétente, c'est-à-dire aux services sociaux d'aide à l'enfance.
Je suis mille fois d'accord avec vous pour dire que le Maroc dispose de structures tout à fait compétentes pour accueillir les mineurs qui reviendraient dans ce pays après avoir tenté d'entrer en France par le biais de certaines filières ou du fait de circonstances qui se seraient imposées à eux. Il existe cependant une petite différence entre nos positions, car si je suis bien consciente, comme je l'ai d'ailleurs clairement précisé, que les conventions internationales interdisent aujourd'hui la mesure proposée par mon amendement, je tiens aussi à souligner qu'elle pourrait être rendue possible par une convention bilatérale signée entre la France et le pays d'origine – en l'occurrence, le Maroc.
Madame Ménard, je vous ai déjà répondu en détail. Les cas d'infraction, que vous évoquez à nouveau, relèvent du pénal et n'ont donc rien à faire dans la discussion du CJPM, le code de la justice pénale des mineurs, même si les mineurs non accompagnés, puisqu'ils sont des mineurs, peuvent avoir à connaître, le cas échéant, de ce que nous sommes en train de construire ici.
Madame Buffet, ce que vous dites me touche et ne me laisse pas insensible. Vous aurez compris que ce qui est possible ici dans le cadre civil ne l'est pas dans le cadre pénal. Pour avoir été confronté à des situations dans lesquelles des enfants étaient remis dans la rue, souvent dans des situations sanitaires déplorables et parfois ravagés par la drogue, je puis dire que dans ces conditions, il vaut mieux pour ces enfants être accueillis dans des structures qui ont été expertisées par nos magistrats – plutôt que par les services de mon ministère, même si les expertises de ces derniers ne sont pas moins objectives.
Vous soulevez un point fondamental, et j'ai moi-même été victime d'un défaut que je dénonce en permanence : celui du manichéisme qui entoure la notion d'expulsion. Certains gamins adhèrent aux parcours qui leur sont proposés en France : ceux-là sont pris en compte et nous n'avons pas la volonté de les expulser. Il y a des mômes – c'est le mot qui convient – qui arrivent parfois à l'âge de 8 ans. Les petits Marocains, par exemple – qui ne sont d'ailleurs pas majoritaires parmi les mineurs non accompagnés, même si la presse en a souvent parlé – , arrivent à la frontière avec leur famille, parfois avec un visa, parfois sans, car les familles passent parfois quotidiennement la frontière, notamment à Ceuta et Melilla, puis sont abandonnés là et, remontant vers l'Europe, traversent la péninsule ibérique et arrivent en France. Ce sont des parcours de vie absolument incroyables !
Les gamins qui adhèrent aux programmes éducatifs, je le répète, ont leur place, et l'expulsion n'est pas de mise. J'entends ce que vous dites, madame Buffet, et j'y souscris. C'est notre honneur que de nous occuper aussi de ces gamins et, je le redis, l'expulsion et le retour au pays doivent rester dans le cadre civil. Le processus doit cependant être amélioré, car certaines situations sont insupportables. Je dois à la vérité de dire qu'au nom d'une certaine posture droits-de-l'hommiste, on laisse repartir des enfants dans la nature : c'est insupportable.
Il faut résoudre ce problème. Il faut régler les questions d'identification. Il faut que les autorités marocaines nous donnent un coup de main – et je puis vous assurer, madame la députée, qu'elles se sont engagées à le faire et que nous attendons, dans les jours ou les semaines qui viennent, les premiers résultats de cette démarche. Il est indispensable que nous travaillions main dans la main avec le Maroc, et M. Savignat pourra vous dire à cet égard comment nous avons plaidé notre cause et vous confirmer que les Marocains nous ont entendus et sont disposés à régler cette question avec toute l'humanité qui convient à l'âge de ces enfants.
L'amendement no 131 n'est pas adopté.
Il porte sur la spécialisation des juridictions. Nous avons eu cette discussion en commission et savons bien que l'article L. 211-1 s'applique dans des cas très précis, notamment d'empêchement, mais il ne faut pas contourner la nécessité de la spécialisation. Si donc nous avons besoin de moyens supplémentaires, mettons-les, car il faut pouvoir confirmer que le principe de spécialisation des juridictions en droit pénal des mineurs ne doit pas souffrir d'exceptions.
Nous avons acté, au début de l'examen de ce texte, la spécialisation de la justice des mineurs et de tous ses acteurs. Nous souhaitons en effet que 100 % de ces acteurs soient spécialisés. Cela vaut en particulier pour les magistrats du parquet – et je rappelle à ce propos qu'un peu plus 50 % des réponses pénales sont des alternatives aux poursuites gérées au niveau du parquet, qui ne vont pas jusqu'au juge des enfants ni au tribunal pour enfants. Il est donc important, sachant en outre que les outils que prévoit le code dont nous débattons dessinent une trajectoire qui se traduit par une montée en puissance du parquet, d'avoir la garantie que la justice pénale des mineurs sera systématiquement rendue par des magistrats spécialisés, et pas seulement lorsque c'est possible. J'y insiste d'autant plus que je soulignais cet aspect hier encore, en citant un extrait du rapport de M. Terlier et de Mme Untermaier évoquant précisément cette spécialisation du parquet. Je sais bien que vos réticences tiennent au fait que cette position est celle d'un syndicat qui n'a plus les grâces du rapporteur et qui n'a jamais eu celles du ministre, mais il n'empêche que c'est la réalité ! Il faudrait donc que nous avancions dans ce domaine. L'amendement de notre collègue Zumkeller a le même objet : au parquet comme au siège, un mineur doit avoir en face de lui un magistrat spécialisé, un point c'est tout.
La spécialisation du parquet demeure le principe, et il faut le saluer, mais ce principe doit parfois souffrir des exceptions, qui sont très encadrées. L'expression « en cas d'urgence ou d'empêchement », même si elle est juridiquement assez inexacte, exprime le fait qu'en cas de force majeure, ce n'est pas un parquetier spécialisé qui assurera cet office. Il faut pouvoir maintenir ces exceptions, mais le principe demeure.
Ces amendements ne sont pas réalistes, car la continuité du service public est obligatoire. Faut-il arrêter toute activité si dans une juridiction comptant un seul parquetier spécialisé, ce dernier est absent pendant six mois pour des raisons de santé ?
La réalité, c'est que premièrement, le parquet – et c'est là une très grande règle – est un et indivisible. Deuxièmement, tous les magistrats reçoivent une formation consacrée à la justice des mineurs et sont donc tous spécialisés – pardon de le rappeler ! À ce titre, d'ailleurs, je précise à l'intention de ceux qui s'inquiètent de la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs que les formations sont déjà prêtes et n'attendent plus que le vote des parlementaires pour être diffusées. Formation de tous les juges, parquet indivisible, continuité du service public : je n'ai rien à ajouter. Avis défavorable.
On demande à un enfant dans quel pays il voudrait vivre. L'enfant répond : « Je voudrais vivre en Théorie, parce qu'en Théorie, tout est toujours parfait. » Et pour ce qui nous occupe ici, monsieur le ministre, vous vivez, vous aussi, en Théorie. Vous nous demandez ce qu'il faut faire lorsqu'un juge est absent. C'est très simple : on le remplace ! Or vous êtes en train de nous dire que s'il manque un professeur d'histoire, ce n'est pas grave, le principal le remplacera pendant six mois ! Ce n'est pas comme cela que les choses devraient se passer. C'est, là encore, une question de moyens. La justice française manque de moyens. Vous n'en êtes pas personnellement le responsable, …
… mais si vous continuez, vous le serez. Allez à Bercy, allez vous plaindre, et nous serons derrière vous ! En France, le budget de la justice est l'un des plus faibles d'Europe. Il faut que cela cesse ! Ce ne sont pas les mesures cosmétiques, les petits moyens que vous avez rajoutés dans les budgets et que nous avons dénoncés à l'époque, qui suffiront. Le monde est en train de changer : profitons-en et donnons à la justice française les moyens dont elle a besoin. Au bout du compte, ce n'est pas un coût, mais ce sont des économies pour les années qui viennent.
Si je n'étais pas aussi convaincu du bien-fondé de mon amendement, je vous dirais de faire ce que vous avez déjà instauré, peu ou prou, pour les cas où il n'y a pas de procureur à moins de deux heures : si vous n'avez pas de procureur spécialisé sous le coude, faites donc une visioconférence !
Monsieur le ministre, quand on pose un principe comme celui de la compétence du juge des enfants, il faut se débrouiller pour que ce soit le juge des enfants qui intervienne, sans recourir à n'importe quel juge qui passe par là ! La décision que vous avez prise vous oblige à y mettre les moyens nécessaires. Il est vrai que pour ce qui concerne les moyens, je n'ai pas pu participer à la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances en séance publique, car j'avais attrapé ce fichu covid-19 – mais c'est bien parce que les règles m'y obligeaient car si cela n'avait tenu qu'à moi, je serais venu vous embêter dans l'hémicycle. Comme quoi, il n'y a que le covid qui peut venir à bout de Bernalicis – je vous entends d'ici, chers collègues !
Voilà qu'il parle de lui à la troisième personne, maintenant ! Mais vous n'êtes pas le centre du monde, monsieur Bernalicis !
Cinquante : c'est le nombre de magistrats supplémentaires pour le budget 2021 dans le projet annuel de performance, alors que le budget 2020 voté en 2019 prévoyait 100 postes supplémentaires. Une partie était destinée à la justice économique et financière et une autre à la justice des mineurs.
Certes, cela continue d'augmenter, je ne dis pas le contraire, mais on est quand même très en deçà des objectifs quand l'essentiel du budget est consacré à l'administration pénitentiaire. Si votre budget est contraint, il faut rendre des arbitrages : un peu moins de prison, un peu plus de magistrats, ce ne serait peut-être pas plus mal !
Vous ne pouvez pas toujours nous renvoyer à l'état des choses pour justifier l'exception, non ! Ce n'est pas possible, et j'espère, monsieur le ministre, que vous n'arguerez pas de l'amendement de repli que je vais défendre après celui-là pour prétendre que finalement, je serais favorable à la substitution par tout magistrat du parquet !
Je note, monsieur Bernalicis, que vous parlez de vous à la troisième personne. Nous avons compris que vous étiez inoxydable.
Monsieur Bernalicis, quel rapport entre la spécialisation d'un procureur et la façon dont, à titre tout à fait exceptionnel, il peut intervenir, soit en présentiel soit par visioconférence ? Il faudra que vous m'expliquiez, parce qu'en dépit de votre talent, je n'ai pas compris – sans doute parce que je manque des qualités qui sont les vôtres.
Monsieur Zumkeller, notre budget est en augmentation de 8 % : cela n'était pas arrivé depuis vingt-cinq ans ! Cela nous permet d'embaucher 2450 agents supplémentaires d'ici la fin de l'année prochaine. Or le groupe UDI n'a pas voté ce budget ! À un moment, il faut être cohérent !
C'est la cinquième fois que vous me parlez de moyens budgétaires, alors que vous avez refusé de voter une augmentation de 8 %, inédite depuis vingt-cinq ans
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Et en plus, vous m'indiquez la marche à suivre ! Vous me dites qu'il faut aller à Bercy ! Eh bien, j'y suis allé ! Résultat : le budget de la justice est celui qui augmente le plus. Alors pardon, je veux bien recevoir des leçons avec beaucoup d'humilité, je ne parle pas de moi à la troisième personne – ça viendra peut-être à force de vous fréquenter, monsieur Bernalicis – , mais il ne faut pas exagérer ! 8 % d'augmentation ! 2450 embauches ! Alors si vous me demandez si j'aurais préféré un budget cinq fois supérieur, la réponse est oui, évidemment ; mais à l'impossible nul n'est tenu, monsieur Zumkeller !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Personnellement, quand je suis contre une augmentation aussi faible, je vote contre, mais à chacun sa cohérence.
À vous de voir, et si vous trouvez que c'est trop compliqué, avec 8 % d'augmentation, de financer des parquetiers spécialisés, si vous pensez que ce n'est pas possible, laissez votre place ! Je m'en occupe, pas de problème !
C'est un débat qui me semble plus que légitime. Quand l'essentiel de l'augmentation des moyens en matière pénale est absorbé par l'augmentation des frais d'expertise judiciaire, je me demande comment un tel arbitrage est possible. Soit il y avait beaucoup trop de charges à payer, beaucoup trop de factures en retard – je sais comment ça se passe dans les ministères – , soit ce n'était peut-être pas l'objectif prioritaire.
Dites-nous donc, monsieur le ministre, combien de ces 2450 postes supplémentaires étaient des postes de magistrats.
Cinquante.
Cinquante ! Cinquante magistrats, ce n'est peut-être pas assez. Les arbitrages entre Bercy et vous, c'est une chose, mais il y a aussi les arbitrages à l'intérieur de votre budget, et c'est aussi pour ça que j'ai voté contre, comme le reste de mon groupe.
Vos propres arbitrages budgétaires ne sont pas à la hauteur des enjeux et des besoins, c'est tout.
Par cet amendement de repli, nous vous proposons que cette substitution soit au moins motivée, afin que cela ne devienne pas une routine pour certains parquets sous prétexte que la loi permet de déroger à l'obligation d'une magistrature spécialisée et qu'ils ne pourraient pas faire autrement.
Défavorable.
On nous dit que les formations sont prêtes et qu'il suffirait d'appuyer sur le bouton. J'aurais cependant une petite question, monsieur le ministre, pour éviter les déconvenues que nous avons connues par exemple avec la loi de programmation pour la justice ou Cassiopée – on en parle, de Cassiopée ? Tout est-il vraiment prêt ou faudra-t-il, comme pour la saisine unique des juridictions, en repousser la mise en oeuvre, quand il apparaîtra finalement que ça ne fonctionne pas ? Quitte à descendre dans le détail, le concret, quitte à faire preuve de pragmatisme et de réalisme, expliquez-nous ce qu'il en est de Cassiopée !
J'ai été surpris, monsieur le président, que vous ne m'ayez pas permis de répondre quand le ministre met en cause le groupe UDI, dont je suis le représentant.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a un droit de réplique après l'avis du rapporteur et du ministre. En l'occurrence, ce droit de réplique a pu s'exercer, à la suite de quoi le ministre a repris la parole, comme il en a le droit. Cela ne rouvre pas un droit de parole et un droit de réplique. Il s'agissait donc de l'application classique du règlement.
Vous avez la parole pour deux minutes : je vous la laisse.
Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas un fonctionnement très intelligent : j'aurais pu faire un rappel au règlement ou demander une suspension de séance.
J'ai préféré ne pas le faire, mais puisque le ministre a mis en cause l'ensemble du groupe UDI, il me semblait normal de pouvoir lui répondre – c'est une conception de la démocratie qui peut s'entendre !
Nous n'avons pas voté ce budget, comme nous n'avions pas voté non plus la loi de programmation de Mme Belloubet, parce que nous avions démontré qu'il était possible d'aligner notre budget de la justice sur celui de l'Espagne, qui n'est pas le plus élevé en Europe, mais simplement un petit peu plus élevé que le nôtre. Nous sommes donc bien cohérents, et nous continuons à dire ce que nous disons depuis des années : la justice française manque de moyens. Nous continuerons à le dire et si vous allez toquer à la porte de Bercy, nous serons à vos côtés. Ne dites donc pas que le groupe UDI n'est pas cohérent ou que nous ne sommes pas favorables à une justice de meilleure qualité. Nous sommes au contraire très favorables à une justice de meilleure qualité, et elle ne sera possible que si l'on s'en donne vraiment les moyens.
C'est ça !
Nous passons donc au vote sur l'amendement no 199 , dont nous n'avons finalement pas parlé…
L'amendement no 199 n'est pas adopté.
Monsieur le président, vous ne m'avez pas bien écouté : j'ai dit que l'amendement no 199 tendait à imposer la motivation de la substitution. M. le ministre a d'ailleurs bougonné et fait non de la tête. Il a certes été rapidement défendu, mais il s'insère dans un ensemble et l'argumentaire que j'ai développé précédemment vaut pour cet amendement-là aussi, puisque nous vous proposons que le juge d'instruction soit lui aussi spécialisé.
En matière de justice des mineurs, les délais sont extrêmement longs : on dit qu'il faut mettre en place la césure dans les trois mois parce qu'il faut que ça aille plus vite, mais ça ne concerne pas l'instruction. Pourtant, ce sont les dossiers d'instruction qui sont les plus longs. De ce point de vue-là, ça ne changera rien – et c'est bien dommage – si l'on n'octroie pas de moyens supplémentaires pour avoir davantage de juges d'instruction, qui plus est spécialisés.
Cet amendement applique au cas des juges d'instruction un des grands principes que nous avons énumérés au début de l'examen de ce texte : celui de la spécialisation.
La précision est inutile, puisque déjà satisfaite : je vous renvoie à l'article 12-1, qui prévoit bien la spécialisation du juge d'instruction. Défavorable.
Le garde des sceaux est défavorable. C'est bien, la troisième personne !
Sourires.
L'amendement no 200 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 94 rectifié .
Par cet amendement, nous souhaitons conférer à la cour d'assises des mineurs une véritable spécialisation. Nous proposons que les membres du jury soient des assesseurs auprès du tribunal pour enfants. Ces assesseurs spécialisés sont reconnus pour leur niveau de compétences dans le domaine particulier de l'enfance. Nous considérons que le jury de la cour d'assises des mineurs doit être un jury de spécialistes, ou au moins de connaisseurs de l'adolescence et de l'enfance.
Je suis très surpris par votre défiance envers les jurés populaires tirés au sort : avis défavorable.
Pardonnez-moi, madame Faucillon, mais c'est une usine à gaz ! Je ne sais pas comment on va trouver des jurés en nombre suffisant, comment ils pourront être tirés au sort, etc. Cela traduit en outre une forme de défiance à l'égard du jury populaire. Rappelons que celui-ci bénéficie déjà des conseils de magistrats spécialisés, puisque la cour d'assises des mineurs est déjà une juridiction spécialisée. J'ai du mal à comprendre : je suis totalement défavorable à cet amendement.
On peut débattre de la pertinence ou non de notre proposition – je n'ai pas de souci avec cela, cela fait partie du travail parlementaire. Mais que vous prétendiez que notre proposition est une marque de défiance envers le jury populaire, voilà un procès d'intention. Que la recherche de spécialisation soit forcément de la défiance, je trouve que c'est un argument un tout petit peu « limite » alors que notre proposition va dans le sens du principe de spécificité de la justice des enfants, auquel vous tenez tout autant que nous.
L'amendement no 94 rectifié n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Je demande une suspension de séance de quelques instants pour permettre au ministre de méditer sur l'usage des première et troisième personnes dans la langue française.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement no 202 portant article additionnel après l'article 5.
L'amendement tend à préciser que juge des libertés et de la détention intervenant dans des affaires concernant des mineurs doit être spécialisé dans la justice des mineurs. Le sujet étant présenté autrement et traité ailleurs dans le texte, j'en profite pour faire deux remarques.
D'une part, je déplore que ce qui a été possible pour le juge des libertés et de la détention ne le soit pas de façon aussi formelle pour les autres intervenants de la justice. D'autre part, le fait que nous ratifiions une ordonnance au lieu d'examiner un projet de loi classique nous amène à enchaîner les choses un peu dans le désordre. Si le code de la justice pénale des mineurs avait été présenté sous la forme d'une succession d'articles d'un projet de loi, nous aurions abordé les sujets à peu près dans l'ordre et nous aurions pu nous inscrire pour intervenir sur chacun des chapitres. Les débats auraient sans doute été plus clairs et plus efficaces. Au contraire, lorsque nous examinerons notre prochain amendement, nous devrons revenir sur ce que nous nous sommes dit il y a deux jours. Nous risquons d'être un peu perdus, mais nous ferons avec.
Nous arriverons à suivre, monsieur Bernalicis. Ne vous inquiétez pas !
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
Avis défavorable. De nombreuses garanties sont apportées qui, selon nous, ne rendent pas nécessaire la spécialisation du juge des libertés et de la détention. En tout état de cause, vous aurez ultérieurement satisfaction, puisque nous élargirons les prérogatives du JLD.
L'amendement no 202 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à modifier l'article L. 231-2 du code de la justice pénale des mineurs afin que le juge des enfants connaisse de toutes les contraventions – de la première à la cinquième classe – commises par les mineurs, alors que certaines d'entre elles relèvent en l'état du tribunal de police.
Peut-être s'agit-il fréquemment de petites infractions mais, dans certains cas, en particulier lorsque les contraventions se multiplient, nous pouvons avoir affaire à des enfants « en conflit avec la loi », ce qui cache souvent d'autres choses que le juge des enfants est à même de mieux saisir, notamment parce qu'il a une compétence au civil. Le cas des infractions au code de la route est complexe, en particulier pour les mineurs de moins de 16 ans – et je ne parle pas de ceux de moins de 14 ans, même si nous aurions pu introduire une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale, je n'y reviens pas.
Nous voyons tout l'intérêt que le juge des enfants intervienne dès la première infraction, d'autant qu'il est à la fois bienveillant à l'égard des mineurs – cela a été répété tout au long des débats – et spécialisé.
Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet à plusieurs reprises.
C'est la dixième fois que nous disons la même chose et, pour la dixième fois, avis défavorable.
Peut-être la onzième fois sera-t-elle la bonne ; il ne faut désespérer de rien ! Et puis, parfois les choses changent : vous n'étiez pas encore garde des sceaux et j'étais déjà député lorsque les membres du groupe La République en marche affirmaient par exemple qu'ils ne laisseraient jamais, en aucun cas, les maires accéder au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – c'est un fichier de renseignement nous expliquaient-ils, les maires n'ont pas à le consulter.
Quel est le rapport ?
Six ou sept mois plus tard, M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, devenu président de ce même groupe dans notre assemblée, prenait un arrêté pour autoriser les maires à accéder au FSPRT. Même si ce revirement ne nous convient pas, il montre du moins qu'il faut parfois tenir bon. Qui sait ?
Monsieur Bernalicis, M. Jean-Luc Mélenchon était ministre socialiste et il est devenu révolutionnaire à 70 ans : tout le monde change, et tout le monde a le droit de changer.
L'amendement no 203 n'est pas adopté.
Il relève de la même logique que le précédent – le tribunal pour enfants doit connaître de l'ensemble des contraventions commises par les mineurs – et permet de rappeler l'importance du principe de spécialité.
Monsieur le garde des sceaux, rien ne vous y oblige, mais il est tout de même préférable que vous vous adressiez aux personnes présentes plutôt qu'à ceux qui ne sont pas là.
Et M. Castaner, il est là ?
Certes, j'ai moi-même cité M. Castaner – si on pouvait le contacter et le faire venir, cela m'arrangerait, nous pourrions discuter.
Sur le fond de votre remarque, avant que François Hollande ne passe par là avec Manuel Valls, il était explicite dans les statuts du parti socialiste qu'il s'agissait d'un parti révolutionnaire.
M. Gilles Le Gendre et M. Pacôme Rupin s'exclament.
J'ai moi-même fait un passage express au parti socialiste… Monsieur le garde des sceaux, vous ne m'écoutez pas !
Monsieur Bernalicis, s'il vous plaît, continuez de soutenir l'amendement !
À cette occasion, j'avais voté contre le retrait de la référence au caractère révolutionnaire de ce parti. J'ai ensuite suivi une autre trajectoire politique qui m'amène dans cet hémicycle, en toute cohérence.
C'est très intéressant, monsieur Bernalicis, mais pourriez-vous défendre votre amendement ?
L'amendement décline le principe de spécialité que nous avons inscrit dans le titre préliminaire du code afin que les contraventions relèvent du juge des enfants et non du tribunal de police. Et cela à quelque chose à voir avec le socialisme révolutionnaire.
Avis défavorable. Monsieur Bernalicis, je le concède volontiers, ce n'est pas bien de parler des gens lorsqu'ils ne sont pas là, mais c'est vous qui avez commencé : je cherche M. Castaner… Je ne le vois pas. C'est la réponse du berger à la bergère, si vous me permettez cette métaphore.
L'amendement no 204 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 346 rectifié et 399 rectifié .
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement no 346 rectifié .
Sourires.
Nous avons eu en commission un très intéressant débat sur la détention provisoire et l'implication du juge des libertés et de la détention. Nous y reviendrons à l'occasion d'un autre amendement, mais celui-là vise spécifiquement à donner compétence à la chambre spéciale des mineurs pour connaître des recours contre les décisions du juge des libertés et de la détention statuant en matière de détention provisoire des mineurs. Seul le recours contre la décision du juge des libertés et de la détention prise dans le cadre d'une procédure d'information judiciaire resterait de la compétence de la chambre de l'instruction.
Nous sommes tous particulièrement attachés au principe de spécialisation que l'amendement concilie avec celui d'impartialité.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 399 rectifié .
Dès lors que le juge des libertés et de la détention intervient dans la détention, il est cohérent d'adopter ces amendements. C'est le bon sens même. Avis favorable.
Même s'il s'agit pour nous d'une position de repli – ce n'est pas notre état d'esprit de nous demander qui joue quel rôle dans le cadre de l'incarcération – , il nous semble plutôt positif d'aller dans ce sens. Je suis donc plutôt favorable aux amendements, mais, monsieur le garde des sceaux, vous aviez déjà exposé les mêmes arguments. Il était inutile de les rappeler. Avançons !
Je veux, monsieur Bernalicis, ce que je veux. Je suis un ministre insoumis, en tout cas je ne vous suis pas soumis.
Les amendements identiques nos 346 rectifié et 399 rectifié sont adoptés.
La cour d'assises des mineurs est compétente pour les crimes commis par des mineurs âgés de 16 à 18 ans au moment des faits. Or, selon l'article L. 231-10 du code de la justice pénale des mineurs : « Les deux assesseurs de la cour d'assises des mineurs sont pris, sauf impossibilité, parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel. » Nous rappelons qu'en application du principe de spécialisation de la justice des mineurs, le mineur délinquant doit être soustrait aux juridictions pénales de droit commun, car il doit être protégé en même temps que puni. Le caractère particulier de sa situation exige d'en confier le traitement à des magistrats spécialisés, tant au stade de l'instruction qu'à celui du jugement. C'est pourquoi nous demandons que les mots « , sauf impossibilité, » soient supprimés de l'article L. 231-10.
La dérogation envisagée ne remet pas en cause la spécialisation de la juridiction. Par ailleurs, il est parfois très compliqué de réunir trois juges pour enfants. Avis défavorable.
On ne pourra déroger à la règle qu'à titre tout à fait exceptionnel, vous le savez. Votre amendement a du sens mais, si on ne trouve pas le bon nombre de magistrats spécialisés, il faudra renvoyer l'affaire, ce qui signifie que l'on maintiendrait le mineur en détention ; pensez-vous que cela lui soit favorable ? Je n'en suis pas convaincu du tout. Il a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable.
La situation dont vous parlez sera tout à fait exceptionnelle. Il me semble que la suppression de ces termes présenterait plus d'inconvénients que d'avantages. Je suis en conséquence défavorable à votre amendement.
Je suis certain que, si nous adoptions l'amendement, sur lequel votre avis est plutôt favorable semble-t-il avant que n'arrive un « mais », la DSJ, la direction des services judiciaires, ferait quelques efforts pour ne pas renvoyer les affaires et pour s'assurer qu'une éventuelle détention provisoire ne se prolonge pas au détriment du mineur concerné. Je suis persuadé que l'on prendrait toutes les mesures afin que le nombre de juges des enfants soit suffisant pour qu'on trouve des assesseurs. Seulement, il est plus simple de rejeter l'amendement, c'est-à-dire de permettre que toutes les exceptions soient progressivement validées, alors que l'on a précédemment reconnu un principe pourtant essentiel.
Il faut savoir de quoi on parle. Monsieur Bernalicis, ce n'est pas la DSJ qui renvoie les affaires. Vous êtes hors sol. Je vais vous dire comment cela se passe : le lundi matin, à neuf heures, lorsque l'audience commence, on constate qu'un juge des enfants a malheureusement eu un accident sur son trajet. Il n'est pas là, peut-on trouver un autre juge des enfants ? Non. Peut-il être remplacé par un autre magistrat ? C'est la question qui se pose dans des situations exceptionnelles. Qu'est ce que la DSJ vient faire là-dedans ? Qu'est ce que vous racontez ?
L'amendement no 74 n'est pas adopté.
Cet amendement, sur la transmission des informations, me tient à coeur. L'article L. 241-2 du code la justice pénale des mineurs peut apparaître comme relevant du bon sens puisqu'il permet aux professionnels, qui encadrent un jeune au titre de mesures éducatives, de communiquer entre eux et d'échanger différentes informations précisées dans le texte de l'article.
Mais, s'agissant des établissements scolaires, cela signifie concrètement que l'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse qui suit le mineur communiquera les informations qui lui sembleront utiles – selon les critères de l'article L. 241-2 – au conseiller principal d'éducation – CPE – qui n'est pas soumis au même secret professionnel qu'une assistante sociale ou une infirmière dans le milieu scolaire.
C'est un cas de figure fréquent : parce qu'il y a un problème ou qu'il n'y a pas d'assistante sociale, le CPE – ou le chef d'établissement – est l'interlocuteur de l'éducateur. De ce fait, l'information circule auprès de différentes catégories de professionnels alors que, jusqu'à présent, il relevait de la responsabilité du magistrat de décider quelles informations – parfois sensibles – pouvaient être transmises et à qui elles pouvaient l'être.
C'est d'autant plus important que, par ailleurs, le fonctionnement de la protection judiciaire de la jeunesse a changé. À une époque, elle gérait tout à la fois les matières civile et pénale ; ainsi, quand un éducateur arrivait dans un établissement scolaire pour encadrer un jeune, on ne savait pas si ce dernier était pris en charge pour des faits de délinquance ou non. Désormais, on sait – à coup sûr – que, s'il est accompagné, c'est parce qu'il a commis une infraction pénale. Je laisse cet aspect de côté qui, néanmoins, s'ajoute à la situation.
Quand il s'agit de mesures éducatives et d'un suivi pour des faits parfois assez graves – liés, par exemple, à des agressions sexuelles – , je ne suis pas sûr que tout le monde ait besoin de les connaître.
Le fait que la transmission des informations demeure entre les mains d'un magistrat me semble apporter un minimum de garanties.
C'est un avis défavorable : il n'est pas pertinent de faire intervenir le juge à ce stade-là, en tant qu'interface entre la protection judiciaire de la jeunesse et les établissements scolaires ; cela ajouterait de la lenteur et de la lourdeur. Les juges des enfants déjà suffisamment à faire pour ne pas servir de boîte aux lettres transmettant à Pierre, à Paul ou à Jacques des informations que ces derniers peuvent échanger entre eux avec fluidité.
Avis défavorable
Je comprends l'idée : protéger la vie privée des enfants. Mais, en pratique, on parle de personnels scolaires – un chef d'établissement, un CPE, une infirmière scolaire, professionnels qui protègent les enfants tous les jours. Leur travail s'articule autour de l'éducation et de l'intérêt des enfants. Ils y tiennent beaucoup. Faisons leur confiance.
Quant aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, ils connaissent très bien les mineurs qu'ils encadrent…
… et Dieu sait qu'ils agissent dans leur intérêt. Monsieur Bernalicis, vous voulez qu'ils passent par un juge pour échanger, au quotidien, des informations : cet alourdissement de la procédure n'a pas de sens, va à l'encontre de l'intérêt des mineurs et marque une certaine défiance à l'égard de ces professionnels. Ils doivent pouvoir travailler ensemble, dans l'intérêt des mineurs, ce qui requiert parfois certaines informations. Un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse ne diffusera des informations que si elles sont strictement nécessaires.
En outre, nos concitoyens doivent savoir que le texte apporte des garanties : les professionnels concernés peuvent échanger entre eux toutes les informations relatives à un mineur à la condition qu'elles soient strictement nécessaires à sa prise en charge, à son suivi judiciaire ou à la continuité de son parcours ; c'est tout de même très encadré.
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Je comprends tout à fait l'intention de notre collègue Ugo Bernalicis. Dans le cadre de la mission d'information sur la justice des mineurs, nous avons beaucoup travaillé sur le lien entre l'éducation, la justice des mineurs et le décrochage scolaire. Il nous a ainsi paru essentiel que le conseil de discipline appelé à statuer sur l'exclusion d'un élève de l'établissement scolaire soit informé des problèmes qu'il avait rencontrés. L'article L. 241-2 me semble donc aller dans le bon sens.
Monsieur le garde des sceaux, je voulais tout de même vous alerter sur un point : l'éducation nationale affirme qu'il n'y a pas d'enfant exclu de la liste des établissements. Cela ne correspond pas à la réalité : beaucoup d'enfants sont sous les radars de l'éducation nationale et, en cas d'exclusion, très souvent l'établissement a intérêt à rayer le nom de l'enfant. Il nous semble donc essentiel de préciser, au niveau réglementaire – pas dans le présent texte – , que tout enfant exclu doit être rattaché à un établissement scolaire. Quand on s'intéresse à la justice des mineurs, il faut aussi se préoccuper de cela.
L'exclusion d'un établissement ne doit pas être l'exclusion définitive du système scolaire.
Mme Marie-George Buffet, Mme Sandrine Mörch, M. Erwan Balanant applaudissent.
L'amendement no 205 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 149 .
Le seul critère pour juger du caractère non acceptable de l'adulte approprié doit être l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est d'ailleurs sur ce critère que se baseront le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d'instruction pour désigner l'adulte approprié si le mineur n'a pas désigné, de lui-même, un adulte acceptable pour l'autorité compétente.
Hier, l'Assemblée a adopté un amendement intégrant, dans l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. J'y étais évidemment très favorable.
Je ne vais pas revenir sur ce qui s'est passé la semaine dernière dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à réformer l'adoption : en matière civile, s'agissant de l'adoption, la notion d'intérêt supérieur de l'enfant n'a pas été retenue… Dans un but d'harmonisation des textes, j'estime que cette notion devrait apparaître à l'article L. 311-2 du code de la justice pénale des mineurs.
C'est un avis défavorable : la notion d'intérêt supérieur de l'enfant ayant déjà été introduite dans l'article préliminaire du code, votre demande me semble satisfaite.
Avis défavorable. Madame Ménard, nous parlons depuis plus de dix heures de l'intérêt de l'enfant ; c'est le seul critère qui vaille.
L'amendement no 149 n'est pas adopté.
L'amendement no 363 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 291 rectifié .
Je change de sujet, même si l'intérêt supérieur de l'enfant sous-tend évidemment tous les textes qu'on examine ici dès lors qu'ils traitent des mineurs.
En toutes circonstances, les avocats de la partie civile devraient avoir accès au dossier unique de personnalité. Cela permettrait à la victime de préparer au mieux le procès tout en constituant un gage d'égalité des armes devant le juge et en assurant un meilleur respect du principe du contradictoire.
Les juges pour enfants avec lesquels j'ai abordé ce sujet ne voient pas d'inconvénient à ce que la partie civile ait accès au dossier unique de personnalité. En effet, la personnalité du mineur auteur de l'infraction étant déjà beaucoup décrite au cours de la procédure, le dossier unique de personnalité contient assez peu d'éléments secrets ou privés. Dans le respect du principe du contradictoire, il pourrait être intéressant, pour l'avocat de la partie civile, d'en avoir connaissance.
L'article L. 322-10 du code de la justice pénale des mineurs permet au juge des enfants de s'opposer à la communication, aux avocats des parties civiles, de certaines informations, uniquement si elles ont été recueillies dans le cadre de procédures d'assistance éducative dont le mineur a fait l'objet – et qui n'intéressent donc pas forcément la procédure. De plus, le refus de communication de pièces doit être motivé par l'intérêt de l'enfant. Les exceptions sont ainsi très circonscrites. Avis défavorable.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Certaines informations, d'une particulière sensibilité, n'ont pas à être portées à la connaissance de tous. Là encore, c'est une forme de protection : certains enfants se trouvent dans une situation telle que ce qui leur est arrivé ne regarde pas toujours la terre entière.
Serait-il utile aux avocats de la partie civile, de savoir, par exemple qu'un enfant a été victime d'inceste ? Je n'en suis pas du tout convaincu. C'est, certes, une entorse spécifique à la règle du contradictoire mais elle me paraît indispensable, car elle va dans le sens de la protection des mineurs que vous avez invoqué, madame la députée, en défendant l'amendement précédent.
J'entends tout à fait ce que vous dites, monsieur le garde des sceaux. Petit bémol : vous dites que certaines informations n'ont pas à être portées à la connaissance de la terre entière ; en l'occurrence, il s'agit uniquement de l'avocat des parties civiles. Néanmoins je comprends vos arguments…
Vous retirez votre amendement, alors ?
L'amendement no 291 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 365 rectifié .
L'amendement no 365 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'interdire que soit prononcée une mesure éducative en l'absence du mineur. Le code prévoit cette possibilité au motif – le sujet a été évoqué en commission – que si le mineur ne se présente pas, il faut tout de même pouvoir avancer, prononcer la peine et rendre son exécution provisoire.
S'agissant d'une mesure éducative, la moindre des choses serait de l'expliquer au mineur. À défaut, sa portée aura un caractère limité.
Vous proposez qu'une mesure éducative ne puisse pas être prononcée en l'absence du mineur. C'est vraiment une mauvaise idée. Imaginez que l'avocat du mineur lui conseille de ne pas se présenter à l'audience, afin d'être sûr qu'une mesure éducative ne sera pas prononcée à son encontre. Ce serait très contre-productif. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Je passe sur le commentaire désobligeant du rapporteur au sujet des avocats qui conseilleraient à leur client des choses un peu bizarres.
Je pensais que vous reprendriez les mêmes arguments qu'en commission – en me disant que la procédure doit pouvoir avancer, même en l'absence du mineur. Le magistrat serait-il dépourvu d'outil permettant que le mineur soit présent à l'audience s'il veut prononcer une mesure et éducative ? Non.
Si le mineur ne se présente pas une première fois, une deuxième fois… , il juge peut décerner un mandat d'amener. C'est un peu moins joli pour le mineur que s'il vient volontairement, mais c'est mieux que s'il ne vient pas du tout et qu'on prononce la mesure éducative en son absence, car il est nécessaire qu'il entende pourquoi on la prend, pourquoi il doit l'exécuter, dans quelles conditions… Faute de quoi, ce n'est plus une mesure éducative mais seulement une peine prononcée, qu'il soit là ou non.
Je vous adjure de comprendre mon sentiment : quand on prend une mesure éducative, le minimum est qu'elle puisse être expliquée à la personne qu'elle concerne.
L'amendement no 206 n'est pas adopté.
Nous réaffirmons, à travers cet amendement, notre opposition à la surveillance électronique pour les mineurs. La détention à domicile sous surveillance électronique, la DDSE, est, pour eux, tout à fait inadaptée. Je déplore au passage que nous n'obtenions pas de réponse argumentée à certains de nos amendements, comme au précédent : comment, en effet, cela se passe-t-il dans la pratique quand on prononce une mesure éducative, comment fait-on pour que le mineur se présente devant le juge ?
Ici, vous considérez que mettre un bracelet électronique au mineur vaut mieux que de placer celui-ci en détention provisoire. On l'a vu hier : même si l'on a construit des centres éducatifs fermés pour offrir une alternative au placement des mineurs dans les établissements pénitentiaires qui leur étaient destinés, on n'a pas pour autant cessé d'incarcérer. Le principe des vases communicants ne fonctionne pas ; les mesures alternatives n'ont pas prouvé leur efficacité, c'est le moins qu'on puisse dire, et les nouveaux outils sont utilisés en plus de ceux auxquels ils sont censés se substituer.
Il est déjà compliqué, pour un majeur, de savoir ce que signifie un bracelet électronique – plusieurs études l'ont montré – , mais pour un mineur, c'est une mesure catastrophique.
Avis défavorable. Le recours au bracelet électronique s'effectue dans des conditions très précises pour un mineur âgé d'au moins 16 ans qui encourt une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à 3 ans. Ce dispositif peut se révéler pertinent pour éviter la détention ou une mesure de placement, notamment quand le mineur doit rester dans son milieu familial et poursuivre sa scolarité ou une formation.
Même avis.
On n'est pas obligé d'aller au-delà de l'assignation à résidence avec surveillance électronique, l'ARSE, on peut rester en deçà : d'autres mesures sont envisageables sans qu'il soit besoin de mettre un bracelet autour de la cheville du mineur et qui permettent d'aboutir au même résultat. Je pense au contrôle judiciaire… Et comment fait-on aujourd'hui alors que la pose d'un bracelet électronique n'est pas en vigueur ? Ne me dites pas que dans 100 % des cas on place le mineur en détention provisoire… Certes, cela arrive, malheureusement, et, encore une fois, je ne suis pas sûr que demain on prononce plus d'ARSE que de mises en détention provisoire.
La manière dont j'analyse le code, dont j'examine le texte, c'est qu'il y aura peut-être moins d'enfants en détention provisoire mais plus en détention tout court.
L'amendement no 207 n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 305 .
Je suis convaincue que la protection judiciaire de la jeunesse doit faire plus. Or on a connu pendant des années une PJJ en recul, notamment pour tout ce qui concerne l'enquête quand un mineur est déféré devant un juge. Les mesures judiciaires d'investigation éducative, les MJIE, sont prises soit par la PJJ, soit par le secteur associatif. En fonction de la décision qui sera prise ensuite, on pourra réintégrer le mineur en question dans le secteur éducatif – qui l'aura évalué. Il faut parvenir à mieux dissocier la PJJ et le secteur associatif afin d'éviter que ce dernier ne soit juge et partie car, même si l'on compte très peu de cas et que, dans la grande majorité, le secteur associatif fait très bien son travail, il est tout de même nécessaire, pour ce dernier, de remplir les places de ses établissements. Il faut donc, à mon sens, que l'évaluation des mineurs soit indépendante.
C'est pourquoi je souhaite que nous profitions de la révision de l'ordonnance du 2 février 1945 pour réaffirmer que c'est la PJJ et elle seule qui doit prendre les mesures judiciaires d'investigation éducative. Je propose par conséquent qu'à la fin du troisième alinéa de l'article L. 322-7 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « ou du secteur associatif habilité » soient supprimés.
Je suis défavorable à votre amendement, madame Goulet. Il faut laisser la possibilité au secteur associatif habilité d'appliquer ces mesures prises, je le rappelle, par le juge, notamment en ce qui concerne l'évaluation des mineurs.
Le secteur associatif habilité l'est par la PJJ et tous les mineurs qui font l'objet d'une mesure judiciaire d'investigation éducative ne sont pas forcément placés. Dans ces conditions, je vous propose aimablement de retirer votre amendement, sinon j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 305 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 151 .
Nous avons entamé la discussion, hier, sur la modification de l'article L. 331-2 du code de la justice pénale des mineurs afin que lorsque le magistrat compétent interdit au mineur d'entrer en contact avec une certaine personne – évidemment sa victime – , cette interdiction prévoie la tentative d'entrer en contact au même titre que le contact effectif. Vous me répondez à chaque fois que mon amendement est satisfait, mais je n'en suis pas convaincue et je considère qu'il vaut mieux être explicite.
Vous voulez que l'interdiction d'entrer en contact avec une certaine personne concerne également l'intention d'entrer en contact avec elle. Nous en avons déjà discuté en commission : il semble très compliqué de prouver cette intention. Avis défavorable.
Même avis.
Je ne parle pas d'intention mais de tentative, ce qui n'est pas pareil.
L'amendement no 151 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 292 .
Cet amendement a pour objet de permettre le placement en rétention d'un mineur qui ne respecterait pas les obligations qui lui incombent au titre de l'article L. 331-2 quelles qu'elles soient. Un mineur peut être placé en rétention sous certaines conditions et lorsqu'il existe plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a manqué à certaines obligations comme ne pas sortir des limites du territoire fixées par le juge, ne pas s'absenter de son domicile ou de la résidence désignée par le juge, ne pas se rendre dans certains lieux mentionnés par le juge… On note également des manquements à certaines obligations qui, eux, ne sont pas sanctionnés, comme la participation à des manifestations sur la voie publique. Le placement en rétention est déjà très réglementé – et c'est heureux car on ne doit pas mettre à la légère un mineur en détention – mais je ne comprends pas pourquoi on y apporte cette distinction, ces exceptions étant de nature à brouiller la lisibilité du dispositif.
Toute la logique de cet article est de prévoir très précisément les obligations dont la violation permet le placement du mineur en rétention judiciaire. Nous voulons les identifier avec précision, j'y insiste. Il n'y a donc pas lieu de supprimer la mention des obligations précisées dans l'article L. 331-7. Avis défavorable.
Vous proposez un alignement du régime des mineurs sur celui des majeurs. Or on a rappelé maintes et maintes fois le grand principe constitutionnel d'atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge. Je suis par conséquent défavorable à votre amendement, madame la députée.
J'entends votre réponse, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mais j'avoue ne pas comprendre la distinction faite par exemple entre le manquement à l'obligation de ne pas se rendre dans un lieu et le manquement à l'obligation de ne pas manifester dans un lieu public. La distinction de la gravité du manquement m'échappe quelque peu, c'est pourquoi je propose la suppression des exceptions prévues à l'article L. 331-7.
L'amendement no 292 n'est pas adopté.
En cohérence avec notre proposition d'instaurer une présomption irréfragable de non-discernement en deçà de l'âge de 14 ans, nous proposons d'interdire tout placement en détention provisoire d'un enfant de moins de 14 ans. D'ailleurs, en vérifiant l'architecture du code, on voit bien que l'ARSE ne peut être prononcée que pour un mineur de plus de 16 ans, précisément parce qu'il s'agit d'une mesure un peu spéciale – que par ailleurs je ne trouve pas bonne pour un mineur.
Je sais que l'objectif affiché par le ministre, par le rapporteur, par la majorité est de diminuer le nombre de mineurs en détention provisoire. Ici, je vous propose un outil qui va dans ce sens : pas de détention provisoire pour les moins de 14 ans. Celle-ci est-elle le seul outil dont nous disposions ? Sommes-nous démunis ? Absolument pas. Nous avons, au fil de l'examen du code, égrené l'intégralité des dispositifs existants, dont certains nous paraissent excessifs. Je n'entends pas faire confiance au juge pour prononcer une telle détention. Je suis favorable à ce qu'il ne puisse pas le faire pour les mineurs de moins de 14 ans.
Nous avons déjà eu ce débat au sujet des mineurs de moins de 13 ans. Avis défavorable.
Défavorable. Pour la centième fois… Nous avons évoqué cette question pendant cinq ou six heures d'affilée, si on les totalise…
Je ne ferai pas un décompte et je ne suis pas sûr que nous ayons passé cinq ou six heures à discuter de cette question. Peu importe : même s'il fallait en parler pendant huit heures ou même cinquante heures, monsieur le ministre, cela ne changerait absolument rien. Nous avons le droit d'en débattre autant de temps que nécessaire et que nous le souhaitons. Je tiens d'ailleurs à vous signifier que, quand nous évoquons des éléments nouveaux qui n'ont rien à voir avec l'âge des mineurs, vous restez parfois muet. Il n'y a donc pas de règle en la matière. Celle selon laquelle, « puisque nous en avons parlé, je ne vous dis plus rien » et celle selon laquelle, « puisque nous n'en avons pas parlé, je vais m'exprimer » ne valent pas… Nous aussi, nous faisons comme nous voulons.
Moi aussi.
Il est ici question de la détention provisoire. Vous pouvez faire de belles phrases sur le thème : « Grâce à notre texte, il y aura moins de jeunes, moins d'enfants en détention provisoire. » Franchement, je l'espère. Mais cela me rappelle quand Nicole Belloubet nous avait dit que les peines inférieures à six mois ne seraient plus prononcées et qu'il y aurait donc moins de gens en prison grâce à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Mme Belloubet n'est pas là pour répondre.
Or le covid-19 a eu un plus fort impact que la loi de programmation, malgré l'application de laquelle on continue de prononcer des peines d'emprisonnement inférieures à six mois, ce qu'on me confirme à chaque fois que je visite un établissement pénitentiaire.
J'ai donc toujours un petit doute sur l'adéquation entre la volonté affichée et ce que produira un texte en discussion. Pour le coup, l'application du présent projet de loi fera qu'on continuera à mettre des jeunes en détention provisoire…
L'amendement no 269 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 136 .
Il s'agit d'un amendement visant à préciser le principe de l'article L. 334-1 du code de la justice pénale des mineurs, qui dispose que le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en détention provisoire.
Ça aussi, si on ne l'a pas vu déjà cent fois !
C'est évidemment un principe absolu, mais je propose, comme nous en discutons depuis hier, de laisser à nouveau une marge d'appréciation au magistrat, en complétant cet article par les mots « sauf circonstances exceptionnelles ». L'ordonnance encadre déjà très strictement le placement en détention des mineurs et, encore une fois c'est heureux, normal, car on parle de mineurs, et de très jeunes mineurs, mais, s'agissant d'une procédure déjà réservée aux cas les plus graves, on peut imaginer que le magistrat, qui a une capacité de discernement et à qui, je l'espère, nous faisons tous confiance, puisse dans des cas extrêmement circonscrits, en cas de circonstances exceptionnelles, déroger éventuellement à cette règle.
Avis très défavorable. Vous souhaitez que l'on puisse placer un mineur de moins de 13 ans en détention provisoire. Même avec des circonstances exceptionnelles, ce n'est pas la philosophie de ce texte.
Le simple fait que l'on puisse imaginer un enfant de 12 ans en prison, madame, me fait frémir. J'y suis totalement, non pas défavorable, mais hostile.
Je trouve cet amendement extrêmement choquant. Un enfant de 10-12 ans n'a pas sa place en détention, et encore moins dans le cadre d'une détention provisoire alors qu'il serait présumé innocent. Un enfant n'a pas le même psychisme qu'un adulte. Le principe de cette réforme est que la détention, particulièrement la détention provisoire, doit être l'exception, son objectif est que les détentions provisoires, trop fréquentes en France, soient moins nombreuses. C'est important pour le mineur car, en pratique, dans la plupart des cas, il a déjà purgé sa peine lorsqu'il est jugé : le juge prononce souvent une verdict qui couvre la détention provisoire. Cela pose d'ailleurs un problème de sens, que l'enfant a purgé sa peine avant d'être jugé. Il faut redonner du sens à la peine et surtout rester fidèles à nos principes : cela fait longtemps que la France n'enferme plus les enfants de cet âge. C'est un beau progrès.
Je souscris aux propos tenus par Mme Louis et par le garde des sceaux, que je remercie. L'adoption de l'amendement nous mettrait à part en Europe, alors que nous travaillons à une justice européenne. Imaginer qu'on fasse de la prison avant 13 ans me paraît hallucinant.
L'amendement no 136 n'est pas adopté.
J'ai bien précisé qu'il s'agissait de circonstances exceptionnelles et que la décision était laissée à l'appréciation du magistrat. J'imagine que cela ne pourrait intervenir que de façon rarissime : pour des raisons de préservation de la preuve ou encore pour éviter une intimidation de la victime ou de son entourage. Ce n'est pas une idée complètement incongrue.
Cela dit, j'ai souligné qu'il était heureux que pour les mineurs, surtout pour les plus jeunes, le principe soit l'interdiction de la détention ; nous sommes d'accord et je ne parlais que de circonstances exceptionnelles.
J'en viens à l'amendement no 135 . Si nous comprenons l'idée de préserver le plus possible le mineur des mesures privatives de liberté, il n'en reste pas moins que, dans certains cas, …
… la détention provisoire est non seulement utile mais peut aussi s'avérer nécessaire, en cas de crime grave, tout simplement. Vous avez l'air de penser qu'un mineur de 12 ans ne peut pas commettre un crime grave mais cela arrive – de façon exceptionnelle, mais cela arrive.
Cet article conditionne tellement la possible détention d'un mineur qu'elle la rend impraticable. C'est pourquoi je proposais la mention de circonstances exceptionnelles et la libre appréciation du magistrat.
Même à titre exceptionnel, il n'est pas envisageable ni même acceptable qu'un mineur de moins de 13 ans soit placé en détention provisoire. Avis défavorable.
Quand je me suis rendu en centre éducatif fermé – CEF – , madame Ménard, j'ai vu des enfants totalement perdus et je me rappelais la pensée de Cioran : « Chaque homme s'accroche désespérément à sa mauvaise étoile. »
J'ai dit à Mme Le Pen hier : « Votre programme, c'est la prison – j'aurais dû dire ''la taule'' – de 7 à 77 ans. » Ce n'est pas parce qu'un enfant de 12 ans commettrait un crime grave que ce n'est plus un enfant. D'ailleurs, ce n'est pas la prison ou rien mais une prise en charge, déjà organisée par l'ordonnance de 1945 : un enfant de 12 ans qui commet un crime grave n'est pas livré à lui-même.
Je n'ai aucun conseil à donner, madame, mais on peut de temps en temps relire les grands auteurs, les grands humanistes, …
… ces hommes et ces femmes qui honorent notre pays. Je pense par exemple à Victor Hugo : « Celui qui ouvre une porte d'une école, ferme une prison », l'éducation, l'éducatif… Il y a de cela trois amendements, vous vouliez consacrer l'éducatif, et à présent vous proposez que l'on mette un gosse de 12 ans en prison. Regardons vers le ciel. C'est quoi, un gamin de 12 ans ? Comment peut-on imaginer qu'un enfant de 12 ans soit jeté en prison ? Ce serait un recul, une négation de nos principes. Je ne comprends même pas que vous puissiez le proposer. C'est vous dire à quel point j'y suis totalement, humainement, viscéralement, personnellement, ministériellement défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci, monsieur le garde des sceaux, pour ces mots empreints d'humanisme. J'allais également citer Hugo. Oui, un enfant peut commettre un crime mais il reste un enfant, un être fragile qui a besoin d'être accompagné.
Madame Ménard, quelles circonstances exceptionnelles permettraient de mettre un enfant en prison ? C'est la question que je me pose, j'aimerais savoir ce qui permettrait, dans notre société moderne, en 2020, de mettre un enfant de moins de 13 ans en prison. C'est hallucinant. Les bras m'en tombent.
À moi aussi !
Je salue l'argumentation et la détermination du ministre, du rapporteur et de notre collègue Balanant en la matière. Qu'est-ce qui justifie que l'on jette un gamin de 12 ans en prison ? Mais un gamin de 13 ans et un jour, je ne suis pas sûr que ce soit beaucoup mieux.
J'aurais aimé que l'on fasse preuve d'autant de détermination, de vigueur, de volontarisme, d'argumentation, d'humanisme pour les gamins de moins de 14 ans, qui restent encore des gamins. Et, pour aller plus loin, je dirais même pour ceux de moins de 16 ans sont aussi des gamins.
Je retiens et je fais mien votre argument selon lequel un enfant qui a commis un crime est d'abord et avant tout un enfant, donc un mineur en danger, un enfant à protéger. Je le dis d'autant plus que nous avons vu quelques exceptions dans ce code et que nous en verrons d'autres. Je regrette que cette argumentation qui est si belle s'arrête à une frontière un peu étrange, à l'âge de 13 ans et un jour.
J'ai bien pris soin, dans mon argumentation, de modérer mon propos en expliquant qu'il s'agissait de circonstances exceptionnelles et que tout cela était laissé à l'appréciation des magistrats, mais vous me répondez que je suis un monstre.
Je n'ai pas dit cela !
J'ai l'habitude, dans cet hémicycle je suis toujours le monstre, mais ce n'est pas très grave. Je veux, dites-vous, « jeter » ces pauvres enfants en prison. Non, il ne s'agit pas de « jeter » les enfants en prison, au milieu de dangereux criminels adultes qui n'en feraient qu'une bouchée. Je ne répondrai pas à M. Balanant car je pourrais malheureusement citer des dizaines d'exemples, mais, monsieur le ministre, quand je nuance mon propos, faites-moi le plaisir de ne pas me répondre de façon caricaturale, car cela dessert le débat. Je ne pense pas être dans l'obstruction parlementaire, …
Ce n'est pas cela !
… je ne pense pas ne pas argumenter en défendant des amendements ; on a le droit de ne pas être d'accord et souvent nous ne sommes effectivement pas d'accord sur les questions pénales, mais au moins ne caricaturez pas mes propos. Il ne s'agit pas d'inhumanité, de monstruosité, et il ne s'agit évidemment pas de jeter de pauvres enfants dans des geôles insalubres.
Vous le savez d'autant mieux – et c'est pourquoi je regrette cette mauvaise foi – qu'un mineur, quelle que que soit la gravité du crime qu'il commet, restera jugé comme mineur, et la détention sera donc évidemment adaptée à son âge, a fortiori quand il s'agit d'un très jeune âge. Ne caricaturez donc pas, car cela dessert le débat.
Souvent je conseille à des jeunes femmes ou jeunes hommes qui s'engagent en politique de lire les discours parlementaires de Victor Hugo, sur les enfants mais aussi les droits des femmes, sujet sur lequel il était particulièrement moderne.
C'est vrai !
Oui, il faut ouvrir des classes et fermer des prisons : tous les États devraient mettre ce conseil en pratique.
Madame Ménard, qu'est-ce une circonstance exceptionnelle ? Un crime ? Mais notre société est capable – ou alors c'est à désespérer – de faire en sorte, malgré un crime, qu'un enfant de moins de 13 ans puisse poursuivre une démarche éducative qui lui permette de se reconstruire et d'être demain un homme ou une femme utile à notre société. C'est le pari que nous devons faire. Nous sommes une société démocratique, portée par l'humanisme, et le pari doit être celui-là.
La prison ne peut pas être la solution pour un mineur. Les personnels des prisons, très dévoués, n'ont pas la qualification pour s'occuper d'enfants de cet âge. On ne vous fait pas de procès, madame Ménard. On veut simplement avoir une certaine idée de notre société.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Madame Ménard, pour ma part, je ne vous ai pas accusée de mauvaise foi ! Une société qui a peur de ses enfants est une société désespérante. Hélas, le manichéisme se porte bien du côté des extrêmes… J'ai dit ce que je pensais d'un enfant de 12 ans placé en prison et on m'accuse de vouloir y jeter les enfants de 13 ans. C'est faux ! Le seuil de 13 ans a été fixé par l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante – il faut bien un seuil – , mais la détention au-delà de cet âge doit évidemment répondre à des conditions exceptionnelles. L'idée d'un enfant de 13 ans en prison me paraît tout aussi choquante que l'idée d'un enfant de 12 ans en prison ! Il faut cependant bien fixer une limite, ce que l'Europe a fait, comme d'ailleurs tous les grands pays démocratiques. Cette limite est sans doute discutable et l'on peut s'y opposer pour des raisons philosophiques, mais la loi doit en fixer une. Le juste équilibre entre le coeur et la raison est parfois difficile à atteindre.
Vous avez raison, madame Marie-George Buffet, il faut lire les discours parlementaires de Victor Hugo sur les femmes, les enfants, la peine de mort et tant d'autres sujets encore. Pourtant, un point me paraît devoir être clarifié dans ce débat, dont je sais qu'il est attentivement suivi : je ne veux pas que l'on pense qu'au-delà de 13 ans, tout est permis. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas ma conception des choses et je sais que ce n'est pas non plus la vôtre. La détention est parfois nécessaire, malheureusement, à partir de cet âge. C'est la rigueur de la loi, qui ne s'embarrasse pas des sentiments et des émotions car elle doit être effective et efficace. Cette limite de 13 ans, bien sûr, je la déplore. J'aimerais pouvoir vous dire qu'aucun mineur n'ira en prison. Ce ne serait toutefois ni réaliste, ni acceptable : je tiens à le dire clairement.
Reste qu'il n'y a pas d'un côté les moins de 13 ans, pour lesquels on pleurerait, et de l'autre les plus de 13 ans, pour lesquels on laisserait faire. Ce n'est pas la philosophie du projet de loi. Nous l'avons répété à maintes reprises, parce que cela nous tient à coeur, et nous le répéterons encore : la primauté est l'éducatif. Les enfants de 12 ou 13 ans qui commettent des faits graves ont souvent eu une enfance déchirée, déchiquetée. C'est ce que, sur la droite de l'hémicycle, on appelle « la culture de l'excuse » et que je nomme, pour ma part, « la réalité de la vie ». Nous avons le devoir d'examiner leur situation avec beaucoup de compassion, de considération et d'humanité. En la matière, je ne donne de leçons à personne ; j'exprime simplement ce que je pense. C'est un honneur pour moi de défendre ce projet de loi qui réaffirme la primauté de l'éducatif sur le répressif, quoi que puissent en dire certains qui, au nom de leur dogme, refusent de voir le texte comme il est.
Ce texte permettra de réduire la détention provisoire pour les mineurs. J'en ai la conviction et c'est une conviction qui me porte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Lorsque nous avons présenté cet amendement en commission, le rapporteur s'est engagé à y réfléchir d'ici à la séance publique. Nous y sommes !
Nous proposons, je le rappelle, de ne confier qu'au seul JLD le pouvoir d'ordonner une mesure de détention provisoire à l'encontre d'un mineur âgé d'au moins 13 ans. En effet, le code de justice pénale des mineurs confère au juge des enfants la possibilité d'ordonner ou de prolonger une telle mesure alors qu'il siège déjà au tribunal pour enfants. Le juge des enfants est donc, en quelque sorte, juge et partie. Pour le dire autrement, le système actuel n'offre pas la garantie d'un regard extérieur sur la situation de l'enfant et sur les conséquences, pour lui, d'une mesure de privation de liberté – ce qui nous ramène au précédent débat.
Cet amendement est examiné en discussion commune avec d'autres amendements, dont un amendement identique déposé à l'initiative d'un député de la majorité. Je me réjouis que nous puissions avancer sur ce type de sujet.
Monsieur le garde des sceaux, peut-être y aura-t-il moins de détentions provisoires de mineurs à l'avenir – je le souhaite ! – , mais cette baisse ne doit pas se traduire, à la fin, par un plus grand nombre de détentions tout court ; à défaut, nous aurions manqué l'objectif que vous affichez et que je partage : qu'il y ait moins d'enfants enfermés. Or la mécanique du code de la justice pénale des mineurs et ce à quoi elle tend suscitent en moi quelques doutes…
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement no 434 .
Nous ne rappellerons jamais assez ici que la détention provisoire de mineurs doit être exceptionnelle, y compris pour un mineur de 18 ans moins un jour.
Eh bien oui !
M. Bernalicis vient de le dire, la proposition de ne confier qu'au seul JLD le pouvoir d'ordonner une mesure de détention provisoire à l'encontre d'un mineur âgé d'au moins 13 ans a fait l'objet d'un débat approfondi en commission, de nombreux députés de la majorité ayant exprimé le souhait que la décision de cette mesure ne relève pas du juge des enfants, mais du JLD. Nous estimons en effet qu'il existe un risque potentiel de partialité de la part d'un juge des enfants qui statuerait sur la détention provisoire d'un mineur, puis sur le fond du dossier, c'est-à-dire la culpabilité et la peine. Il s'agit d'un premier écueil, qui soulève des difficultés sur le plan constitutionnel.
Nous sommes par ailleurs plusieurs, parmi lesquels Mme Untermaier, à souhaiter que le placement en détention provisoire – qui doit, je le répète, rester une mesure exceptionnelle – fasse l'objet d'un double regard. C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans un premier temps, l'intervention du juge des enfants, qui connaît bien le mineur et qui peut envisager un éventuel placement en détention provisoire du mineur, et, dans un second temps, lors de la décision finale, l'intervention du JLD, magistrat spécialisé en matière de détention provisoire.
Tel est le sens de cet amendement soutenu par un grand nombre de députés de la majorité. Je crois savoir que le Gouvernement y est favorable. Je salue la convergence de nos positions, qui constitue une réelle avancée.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1 .
Je vais défendre en même temps les amendements nos 1 et 97 , qui s'inscrivent dans la lignée de l'amendement de M. Mazars.
Je veux rappeler, tout d'abord, que la détention provisoire du mineur doit être exceptionnelle, y compris au-delà de 13 ans. Par ailleurs, ne laissons pas penser que les choses se passent toujours mal quand un mineur est placé en détention. Au quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, j'ai constaté, lors d'une visite, qu'un travail extraordinaire était mené par les surveillants pénitentiaires avec les mineurs, que les relations étaient très bonnes et que des personnels de l'éducation nationale intervenaient régulièrement. Veillons donc, chers collègues, à mesurer nos propos sur la détention provisoire des mineurs.
Reste que la détention provisoire du mineur est une mesure grave, qui doit relever, selon nous, d'un juge spécialisé, le juge des libertés et de la détention. Au cours du précédent quinquennat, nous avons renforcé le statut du JLD et élargi sa présence à tous les tribunaux.
S'agissant du risque de partialité, notre collègue Alexandra Louis a longuement rappelé la doctrine en commission des lois. La mesure de détention provisoire doit se fonder sur des données objectives, ce qui ne saurait cependant suffire pour les mineurs. Dans leur cas, le dossier de personnalité doit également être pris en considération, ce qui pose la question de l'impartialité du juge et justifie, selon moi, qu'on confie au seul JLD le pouvoir d'ordonner une mesure de détention provisoire à l'encontre d'un mineur âgé d'au moins 13 ans. Cette mesure peut être proposée par le juge des enfants ou le tribunal des enfants, mais la décision doit revenir au JLD, afin de répondre à l'exigence d'un double regard présentée par M. Mazars.
Sans cette réforme, le dispositif serait plus sévère pour le mineur que pour le majeur et donc contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945.
L'amendement no 97 de Mme Cécile Untermaier a été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je vous remercie sincèrement, chers collègues, pour ces différents amendements. Les débats en commission ont précisément pour but de préparer la séance et d'identifier des difficultés éventuelles. Mme Louis, M. Mazars, Mme Moutchou et Mme Avia y ont évoqué le fait qu'un juge des enfants pouvait placer un mineur en détention provisoire et, quelque temps après, être amené à statuer sur sa culpabilité au cours de l'audience. Ils ont souligné le risque de partialité de la part du juge, donc d'inconstitutionnalité du dispositif. Notre débat a été particulièrement riche, ce dont je remercie chacun.
L'intervention du JLD dans le dispositif permet, vous l'avez dit, un double regard sur la situation du mineur. Le juge pour enfants connaît bien le mineur, mais un autre avis permettra de le rassurer.
Plusieurs amendements proposant la même mesure, mais dans une rédaction différente, seront examinés tout à l'heure. Comme mon collègue Jean-Michel Fauvergue l'a dit récemment lors de l'examen un autre texte, j'ai le coeur qui saigne, mais je vous demande de retirer vos amendements au profit de ces amendements à venir.
Sourires.
Il est identique, pour une simple question de chronologie. Ce sujet, dont nous avons abondamment débattu, est important, mais nous y reviendrons un peu plus loin dans le texte avec plusieurs amendements qui apportent de la cohérence au nouveau dispositif proposé.
En effet, notre débat en commission des lois a été très intéressant et je suis ravie d'avoir convaincu nos collègues de l'opposition et de La France insoumise, Mme Untermaier et M. le garde des sceaux. C'est un exploit dont je suis fort satisfaite. Il est assez rare pour être souligné !
Sourires.
Nous reviendrons sur le sujet lorsque nous examinerons d'autres amendements – il est d'ailleurs un peu dommage de tenir ce débat en deux temps – , mais je veux dès maintenant en dire quelques mots. À la lecture du projet de loi, nous avons estimé que le texte n'apportait pas de garantie suffisante en matière d'impartialité. Or l'impartialité est un principe fondamental dans un État de droit car il conditionne la confiance du justiciable, qu'il soit majeur ou, plus encore, mineur dans la justice.
Lorsqu'un justiciable est placé en détention provisoire par un JLD et qu'il se trouve, quelques mois plus tard, face au même juge, chargé de statuer sur sa culpabilité, on imagine sans peine que la justice ne lui semble pas très impartiale. En tout état de cause, de nombreux professionnels du droit, notamment l'universitaire Mme Haritini Matsopoulou, dont je tiens à saluer les travaux, ont souligné le risque d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité du dispositif actuel. En effet, tant notre Constitution que la Convention européenne des droits de l'homme protègent le principe d'impartialité.
Ces différentes raisons expliquent notre proposition de ne confier qu'au seul JLD le pouvoir d'ordonner une mesure de détention provisoire à l'encontre d'un mineur âgé d'au moins 13 ans. Le principe de spécialisation a été maintes fois évoqué lors de nos discussions en commission des lois. Nous voulons en effet une justice spécifique pour les mineurs, reposant sur des juridictions et des juges adaptés. Mais nous voulons également préserver l'impartialité du juge. Nous proposerons tout à l'heure un amendement dont la rédaction nous paraît répondre à ce double impératif.
Ma collègue Naïma Moutchou a défendu hier un amendement visant à intégrer le JLD dans les magistrats spécialisés dédiés aux enfants. Il s'agissait d'un premier pas, dont nous félicitons. Je reviendrai plus en détail sur la mesure que nous proposons lorsque nous en viendrons à l'amendement correspondant. Il me semblait cependant utile, à ce stade du débat, de rappeler dans quel esprit nous avons travaillé.
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Je suis évidemment satisfaite de tout ce qui vient d'être dit, mais l'article L. 334-2 du code de la justice pénale des mineurs dispose pour le moment, contrairement à l'ordonnance de 1945, que la détention provisoire d'un mineur peut être ordonnée ou prolongée par le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le juge des libertés et de la détention. Les amendements que nous avons déposés visent précisément à corriger cette disposition. Comment allez-vous procéder concrètement pour modifier le dispositif prévu à l'article L. 334-2 ? Nous ne doutons pas de vos bonnes intentions, mais nous sommes curieux.
Le problème technique soulevé par notre collègue Cécile Untermaier est bien réel. Les amendements nos 343 et 398 , qui seront examinés à l'article 7, visent justement à procéder aux modifications voulues, notamment à l'article L. 334-2 du code de la justice pénale des mineurs. L'adoption de ces amendements permettra de satisfaire les vôtres. Je vous demande donc de les retirer.
N'ayant pas encore examiné les amendements annoncés, je vais maintenir les miens.
Pour ma part, j'ai déposé des amendements similaires à l'article 7 ; je retire donc celui-ci.
D'après ce que je lis en diagonale, la modification est prévue plus loin dans le texte. Outre la situation qui nous occupe, il faut éviter, plus largement, que le juge des enfants prononce la mesure coercitive – le placement en détention provisoire – , tout en participant ensuite à la formation de jugement, en délibéré. Je vais donc à titre exceptionnel retirer mon amendement.
On sait qu'une grande partie des mineurs incarcérés l'est en détention provisoire. Par cet amendement, nous souhaitons limiter la détention provisoire aux affaires criminelles et éviter qu'elle ne puisse être étendue aux affaires jugées en correctionnelle.
Même avis.
L'amendement de nos collègues du groupe GDR vise à réaffirmer le caractère exceptionnel de la détention provisoire : ce n'est que dans les circonstances les plus graves et sous le contrôle du magistrat qu'elle peut se justifier à l'encontre de mineurs âgés de 13 à 16 ans.
J'entends l'argument selon lequel la détention provisoire doit être permise en matière correctionnelle, au motif que certains crimes sont correctionnalisés, donc que le tribunal correctionnel statue aussi sur des faits graves. Cependant, je n'ai pas l'impression que votre avis repose sur cet argument.
Par ailleurs, cette possibilité me dérange un peu : je suis pour que l'on restreigne le plus possible, aux exceptions les plus exceptionnelles, le recours à la détention provisoire – en réalité, j'y suis totalement opposé mais, à défaut de son interdiction pure et simple, je me replie sur cette position.
Si l'objectif est de limiter le recours à la détention provisoire, allons jusqu'au bout de la logique en adoptant la restriction proposée et en conditionnant ce type de mesure à la gravité de l'infraction commise.
L'amendement no 47 n'est pas adopté.
L'amendement no 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
… et je vais vous expliquer pourquoi, même si personne ici n'y peut rien.
Notre amendement visait à prévoir que l'âge pris en compte soit celui du mineur au moment où l'infraction a été commise, sauf – nous introduisions nous-mêmes une exception, comme quoi c'est possible – « pour les mineurs de plus de seize ans, pour lesquels l'âge au moment du prononcé de la peine est pris en compte lorsqu'il est envisagé un travail d'intérêt général » ; dans notre esprit, cela valait lorsque le TIG est prononcé par le tribunal pour enfants.
Or le TIG peut désormais être prononcé en cabinet et non par le juge – vous vous en souvenez, monsieur le président, nous en avons beaucoup discuté. Je suis donc embêté, car, si notre amendement était adopté, il entrerait en contradiction avec d'autres dispositions du code.
Cependant, le défendre permet de réaffirmer notre état d'esprit : si, du fait d'un retard dans l'examen de son dossier, l'individu concerné est devenu majeur au moment où l'on discute de la peine qu'il encourt, nous sommes d'accord pour dire que le travail d'intérêt général peut être pour lui une mesure largement préférable à l'incarcération.
Je défends donc le présent amendement mais je déplore que nous n'ayons pu faire adopter les précédents, en cohérence avec celui-ci.
L'amendement no 208 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à permettre que le mineur, qu'il soit auteur ou victime d'un crime ou d'un délit, ne « puisse » pas seulement bénéficier de l'assistance d'un avocat, mais que celle-ci soit assurée en toutes circonstances. Au moment de défendre cet amendement en commission, je ne m'étais pas exprimé assez clairement : j'avais parlé de réaffirmer le « droit » à disposer d'un avocat, alors qu'il s'agit plus largement de garantir l'effectivité de la présence d'un avocat auprès du mineur.
Défavorable également.
Monsieur le rapporteur, aux arguments que j'avais exprimés en commission, vous aviez répondu que le « droit » à l'avocat était garanti. Cependant, comme je viens de vous le dire, j'ai depuis affiné mon argumentaire : ce que nous voulons, c'est garantir que la présence d'un avocat soit effective en toutes circonstances. L'amendement vise donc à clarifier cette exigence, qui ne doit souffrir aucune exception. En effet, dans certains cas particuliers, le magistrat peut décider que la présence d'un avocat n'est pas requise. Je ne comprends donc pas pourquoi vous persistez à refuser de répondre à mes arguments.
On a supprimé cela en commission !
C'est un véritable dialogue de sourds auquel je ne comprends plus rien. Nous avons débattu de l'audition libre en commission et nous avons supprimé les exceptions ; il n'y en a donc plus ! Je ne sais quoi vous dire de plus.
Pour clarifier les débats, à l'intention des personnes qui nous regarderaient et qui pourraient s'y perdre, il ne reste peut-être plus qu'à relire le code de la justice pénale des mineurs – je m'en excuse d'avance, ça va être un peu lourd mais c'est important – qui précise à l'article L. 412-2 : « Lorsque l'enquête concerne un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et que le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat en application des articles 61-1 et 61-3 du code de procédure pénale, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux, qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés en application de l'article L. 412-1. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas sollicité la désignation d'un avocat, le procureur de la République, le juge des enfants, le juge d'instruction ou l'officier ou l'agent de police judiciaire en informe par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu'il en commette un d'office ». Ces dispositions ont été votées !
Je vous avoue donc que je suis un peu agacée : j'entends que vous ayez des convictions et que vous les défendiez ; c'est très bien ! Mais il est un peu vexant, alors que nous avons adopté des amendements défendus par l'ensemble des groupes parlementaires sur cette question, que vous veniez encore soutenir un tel amendement dans l'hémicycle. Excusez-moi, mais ce n'est pas une bonne façon de débattre. Sur d'autres sujets, il est tout à fait louable que vous défendiez vos convictions, mais je trouve qu'en l'espèce, votre manière de procéder ne donne pas une belle image du débat parlementaire. C'est dommage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 209 n'est pas adopté.
L'amendement no 401 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 222 .
Déposé par le Gouvernement, il vise à supprimer un ajout de la commission visant à préciser, à l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, qui détermine les conditions de saisine du tribunal pour enfants aux fins d'audience unique, que le tribunal peut toujours statuer selon la procédure de mise à l'épreuve éducative. Cette précision n'est pas… Attendez, j'ai un petit problème…
Merci beaucoup, madame Untermaier. L'amendement est défendu.
Sourires sur divers bancs.
Quel sens de la synthèse, monsieur le ministre ! Quel est l'avis de la commission ?
L'ajout provenant d'un amendement que j'avais fait adopter en commission est peut-être superflu, dans la mesure où cette disposition existe déjà à l'article L. 521-27. J'émettrai donc un avis favorable à la suppression de la modification introduite en commission.
Sourires sur les bancs du groupe GDR.
Voilà le fameux amendement qui propose une solution au débat que nous avons eu il y a quelques minutes. Nous avions soulevé le fait que le texte actuel pouvait poser un problème d'impartialité. Pour apporter une garantie en la matière, nous proposons que ce ne soit pas le juge des enfants mais le JLD qui intervienne pour décider du placement du mineur en détention provisoire, avant sa comparution pour l'audience de culpabilité mais aussi – c'est important – dans le cas où son contrôle judiciaire est susceptible d'être révoqué, s'il n'en a pas respecté les conditions.
La saisine du JLD par le juge des enfants permettra de disposer d'un examen précis de la situation de l'enfant et de protéger les principes d'impartialité et de spécialisation. Je précise également – la mesure a été défendue hier – que nos JLD seront affectés spécifiquement aux mineurs.
Nous avons donc réussi à satisfaire l'exigence d'impartialité aux deux étapes de la procédure, ce qui constitue une belle avancée ; cela montre que le travail en commission des lois permet d'améliorer et d'enrichir un texte sur les sujets qui nous tiennent à coeur, comme nous l'avons fait par ailleurs s'agissant de l'audition libre.
Il est défendu, car j'ai déjà donné de longues explications tout à l'heure à propos des amendements de notre collègue Stéphane Mazars.
Le Gouvernement y est favorable. Vous avez raison. Pour la détention provisoire des mineurs, qui doit rester exceptionnelle, il faut veiller particulièrement au respect de nos principes. Ainsi, le juge des libertés et de la détention doit statuer sur le placement en détention provisoire des mineurs avant l'audience de culpabilité. J'ai été convaincu par vos arguments, madame la députée Alexandra Louis.
L'article 7, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 87 portant article additionnel après l'article 7.
La procédure de retenue, prévue à l'article L. 413-1 du code de la justice pénale des mineurs, est une mesure de privation de liberté pour les enfants âgés de 10 à 13 ans, qui peuvent ainsi être interrogés par la police ou la gendarmerie sous la contrainte, pour une durée maximale de douze heures. En dépit du fait que ce dispositif soit encadré, nous considérons que la retenue ne doit pas être possible pour les enfants de moins de 13 ans.
Vous disiez en substance, monsieur le ministre, qu'une société qui a peur de ses enfants n'a pas confiance en l'avenir. Je crois en effet que, pour une société, avoir peur de ses enfants n'est pas un bon présage.
J'ai vu ces dernières semaines des choses qui m'ont particulièrement frappée. Lors de l'hommage à Samuel Paty, il était important que dans les écoles, les équipes pédagogiques aient la possibilité d'encadrer celles et ceux qui posaient des questions ou dérangeaient les cérémonies.
D'autres épisodes devraient nous alerter. Une petite fille de 10 ans a été interpellée chez elle par des forces de police cagoulées avant d'être emmenée et retenue au commissariat, où on lui a posé des questions qu'elle n'a probablement pas comprises et qui se sont certainement révélées contre-productives pour évoquer ce qu'elle avait exprimé lors de cet hommage. Au-delà du fait que ce n'est pas ainsi que nous identifierons des cas de radicalisation ou d'emprise terroriste, je crains vraiment que de tels procédés ne nourrissent des rages et des ressentiments – ce qui est bien loin de l'objectif que nous partageons.
J'évoque cet exemple car il a fait l'actualité ces dernières semaines. Pour en revenir à l'amendement, nous estimons qu'une procédure de retenue ne doit pas être possible pour un mineur âgés de 10 à 13 ans. D'autres solutions existent.
Vous proposez, aux termes de votre amendement, de supprimer la retenue pour les mineurs âgés de 10 à 13 ans. Je me permets de rappeler que cette mesure reste tout à fait exceptionnelle. Il peut malgré tout être nécessaire, par exemple lorsque des mineurs de moins de 13 ans sont utilisés par des réseaux pour faire le guet dans le cadre de trafics, de disposer des outils nécessaires pour qu'ils soient entendus.
Je rappelle également que les conditions de recours à cette possibilité sont très restrictives : la retenue ne peut concerner qu'un mineur de 10 à 13 ans à l'encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement. Cette mesure doit être l'unique moyen de parvenir à au moins un des objectifs mentionnés à l'article 62-2 du code de procédure pénale. Elle requiert l'accord préalable et le contrôle du procureur de la République ou du juge d'instruction. La durée fixée par le magistrat ne peut excéder douze heures. Enfin, la retenue est strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent.
Ces conditions très restrictives garantissent le caractère tout à fait exceptionnel de cette disposition, qui peut néanmoins, dans certains cas, paraître utile pour les raisons évoquées précédemment. Avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, il est défavorable.
Je suis quelque peu gêné par le raisonnement qui sous-tend cet amendement. Si nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'est pas question d'enfermer indéfiniment – ou même de quelque manière que ce soit – des mineurs, cette proposition s'appuie sur le présupposé selon lequel les services de police et de justice de l'État seraient constitués d'affreux tortionnaires liberticides qui ne penseraient qu'à arrêter des personnes pour les retenir contre leur gré. À rebours de ce raisonnement, je suis plutôt fier que le législateur permette aux services de police de sortir des enfants de la rue et de ne pas les laisser en déshérence, livrés à des réseaux qui les exploitent – peu importe qu'ils aient 10, 11, 12, 13, 14 ou 15 ans.
Je me réjouis que, lorsqu'ils constatent qu'un mineur se livre à une activité délictueuse, ces services puissent le retenir le temps d'identifier la personne qui en est civilement responsable ou de le placer dans le service idoine, qui les accompagnera et leur permettra, espérons-le, de retrouver une vie normale. Nous devons cette protection à ces mineurs, qui ne disposent pas, chacun en convient, de la capacité de discernement nécessaire pour se reprendre d'eux-mêmes en main lorsqu'ils sont exploités.
Écoutons-nous, chers collègues : Mme Elsa Faucillon, dans son excellente intervention, n'a fait le procès de personne. Pardonnez-moi, mais c'est vous qui avez des fantasmes !
Sourires sur les bancs du groupe GDR.
Nous respectons la police républicaine. Nous nous battons d'ailleurs, chacun et chacune, dans nos circonscriptions, pour qu'il y ait plus de policiers républicains au service de la tranquillité et de la sécurité de nos concitoyens. Vous pouvez nous prêter des intentions, mais la réalité est toute autre.
L'amendement no 87 n'est pas adopté.
Il vise à supprimer la possibilité de retenir, à titre exceptionnel, un mineur dès l'âge de 10 ans et donc à retenir l'âge en vigueur dans le reste du code de la justice pénale des mineurs, à savoir 13 ans – même si cette solution ne nous satisfait pas totalement. Je ne reprendrai pas les arguments développés par le garde des sceaux en réponse à un amendement de Mme Ménard pour s'opposer à l'enfermement des mineurs à partir de 10 ans, mais ils pourraient s'appliquer ici. On m'opposera qu'une retenue de douze heures n'est pas comparable à un enfermement de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. C'est vrai. Néanmoins, pour un gamin, le simple fait d'être enfermé, y compris en retenue, peut avoir un impact psychologique dramatique.
Je tiens par ailleurs à préciser que, d'après les retours dont m'ont fait part plusieurs professionnels, le parquet n'est prévenu qu'une fois le mineur retenu. On ne lui demande pas son avis avant de retenir un enfant, dans le respect des conditions qui ont été listées : il est mis devant le fait accompli. Je comprends que, dans le cadre d'une opération de police contre un trafic de stupéfiants, les forces de l'ordre interpellent toutes les personnes présentes, y compris les mineurs de 11 ou 12 ans. Le code de la justice pénale des mineurs permettant aux policiers de les retenir et de les placer sous un régime qui s'apparente à celui de la garde à vue – même si des conditions particulières s'appliquent – , ils le font. Je le conçois très bien : cela ne me pose pas de difficulté. Je ne considère pas les policiers comme des tortionnaires. S'il peut arriver que certains policiers commettent des actes de torture, cela reste heureusement très minoritaire et j'ose espérer que toutes les mesures sont prises pour faire cesser ces situations quand elles se présentent. Néanmoins, dès lors que cette mesure est autorisée, il est faux de prétendre que les garanties prévues dans le code s'appliquent a priori.
Même avis.
Je souhaite interroger le garde des sceaux sur le point soulevé par notre collègue Bernalicis, même s'il ne pourra pas nécessairement me répondre dans l'immédiat. Le traitement des jeunes embarqués dans le cadre d'une opération de police est-il régi par une circulaire ou des consignes particulières ? Sont-ils, par exemple mis à l'écart du reste du groupe – ce qui pourrait se révéler utile, parce qu'il peut être dangereux de mélanger les adultes et les enfants, notamment dans des situations de tension ? Quand les mineurs arrivent au commissariat ou à la gendarmerie où ils seront retenus et interrogés, des mesures particulières sont-elles prises pour les accueillir dans des pièces adaptées ?
Je serais moi aussi favorable à ce que la retenue ne puisse s'appliquer qu'à partir de 13 ans, mais je comprends que, dans le cadre d'une opération, les policiers éprouvent parfois des difficultés à faire le tri – pour employer une expression détestable – entre les enfants de moins de 13 ans et les autres mineurs. Cependant, une fois les identités relevées, ou si les policiers ont un doute sur l'âge, des mesures particulières de protection sont-elles prévues pour prendre en considération ce jeune âge ?
Notre collègue Elsa Faucillon a décrit tout à l'heure des faits qui ont pu choquer l'opinion publique et nous heurter politiquement et humainement. Ils montrent bien que, lorsqu'un code offre des possibilités, applicables notamment dès le niveau infrajudiciaire, ces moyens sont utilisés. Nous ne sommes pourtant pas démunis quand il est impossible de retenir le mineur : nous avons déjà évoqué les différentes mesures disponibles. Il est vrai qu'elles ne s'appliquent pas exactement dans la même temporalité, mais notre droit s'honorerait, précisément, à considérer qu'en deçà d'un certain âge, un mineur, même s'il fait partie d'un groupe ayant commis des infractions – notamment dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, puisque je constate que c'est l'exemple qui revient souvent – doit être traité d'une manière complètement différente. En revanche, il convient de s'en prendre durement aux adultes qui sont à l'oeuvre – car vous ne me ferez pas croire qu'il existe des trafics de stupéfiants intégralement opérés par des mineurs : un majeur intervient forcément dans le circuit.
Il est indispensable que nous érigions des protections et que nous apportions une réponse à la hauteur des débats que nous venons d'avoir sur l'impossibilité d'enfermer les enfants avant l'âge de 13 ans. Or la retenue des mineurs dès 10 ans fait partie des exceptions problématiques à ce principe. En la supprimant, nous apporterions une amélioration au code de la justice pénale des mineurs, plutôt que de simplement reproduire l'existant.
Enfin, je répète qu'il est faux de prétendre que les parquetiers décident, au cours de l'enquête, de retenir le mineur : en réalité, ils sont informés qu'un mineur est retenu dans les geôles à l'issue d'une opération de police. Les garanties que vous nous opposez ne sont donc pas si effectives que vous le prétendez. J'insiste sur ce point, monsieur le garde des sceaux, parce que vous nous avez souvent rappelés à la réalité, au pragmatisme, au terrain et à ce qu'il se passe dans la vraie vie. En l'occurrence, la vraie vie nous conduit à considérer qu'il y a matière à faire évoluer le code de la justice pénale des mineurs pour mieux protéger les enfants âgés de 10 à 13 ans.
L'amendement no 210 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 308 .
Dans la lignée des échanges précédents, je rappelle que l'article L. 413-1 du code de la justice pénale des mineurs s'applique aux mineurs de 10 à 13 ans. Or, conduire ces enfants dans un commissariat ou dans une caserne de gendarmerie, dans des locaux qui ne sont pas forcément adaptés, et alors que nombre de services ne disposent pas de forces de l'ordre spécialisées dans la prise en charge des enfants, me semble dangereux. Si je comprends parfaitement que cette possibilité existe pour traiter des crimes, je m'interroge fortement sur son extension aux délits.
Qui plus est, pour des enfants âgés de 10 à 13 ans, une retenue de six heures me paraît largement suffisante. Au-delà, s'il est nécessaire, comme vous l'indiquiez, de rechercher l'identité du mineur ou de localiser ses parents, il est tout à fait possible de confier le mineur aux services sociaux, qui sont parfaitement aptes à le prendre en charge.
C'est pourquoi je propose de réduire de douze à six heures la durée maximale de retenue des enfants de 10 à 13 ans et de supprimer la possibilité de retenue pour les délits, la limitant ainsi aux crimes.
Toutes les garanties sont prévues pour encadrer cette mesure, qui ne peut trouver à s'appliquer que dans des circonstances véritablement exceptionnelles. Je ne suis pas certain que des mineurs puissent être placés dans la situation que vous décrivez. Relisez l'article auquel vous faites référence, ainsi que les exceptions et les conditions encadrant la retenue de ces mineurs : elles sont très restrictives. Il me semble néanmoins nécessaire de maintenir cette solution, à titre exceptionnel. Avis défavorable.
Je rappelle que la rétention en matière délictuelle n'est possible que pour des délits punis de 5 ans d'emprisonnement, par exemple pour des violences avec arme ayant causé une ITT – incapacité temporaire de travail – de plus de huit jours. On ne peut pas vider la rétention de sa substance : l'enquête nécessite parfois une rétention, dans les conditions prévues par le texte. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas que votre amendement soit voté, tant parce son adoption diminuerait les délais de retenue que parce que la rétention ne serait plus applicable qu'à la matière criminelle.
Pour le reste, puisque l'on évoque des garanties, je répondrai à M. Balanant que la garantie, en la matière, est offerte par le procureur de la République : la rétention intervient sous ses ordres et sous son contrôle.
Quant au cas soulevé par Mme Faucillon, je ne crois pas que les policiers portent des cagoules pour des interventions visant uniquement à retenir un enfant. Cela étant, il peut arriver dans un dossier bien particulier, comme celui auquel vous semblez faire allusion et auquel nous pensons tous, que les forces de l'ordre, craignant de trouver autre chose que ce qu'ils étaient venus chercher, et de se retrouver face à des adultes, aient mis une cagoule pour assurer leur propre sécurité. Mais c'est autre chose. On ne peut pas dire ni laisser entendre que les forces de l'ordre mettent des cagoules lorsqu'ils vont simplement interpeller un gamin de 10 ans. Ce n'est pas vrai. Si ça l'était, ce serait gravissime et j'espère que cela ferait l'objet de sanctions. On ne peut pas tout amalgamer. La réalité est tout autre : la police ne sait pas ce qu'elle est susceptible de trouver dans un domicile.
J'ajoute que, dans la pratique, d'après ce que me disent mes services – que j'ai naturellement tendance à croire – , les procureurs ne donnent pas l'ordre d'aller chercher les enfants à l'école parce que cela les stigmatiserait vis-à-vis des autres gamins qui verraient un de leurs camarades quitter la classe dans des conditions particulières. Normalement, on va donc les chercher chez eux, dans des conditions contrôlées par le procureur qui est un magistrat de l'ordre judiciaire garant de la liberté. Voilà le déroulement normal des opérations, qui ne correspond pas du tout à ce que vous racontez, monsieur Bernalicis – mais je sais bien que vous êtes fâché avec les procureurs, vous l'avez déjà démontré.
Je souhaite répondre sur plusieurs points. Tout d'abord, concernant l'amendement, il me paraît en effet plus protecteur de réduire la durée de la retenue de douze à six heures et de limiter cette disposition à la matière criminelle. Je voterai donc l'amendement qui me semble aller dans le bon sens même s'il s'agit pour moi d'une solution de repli – j'espère donc, monsieur le ministre, que vous ne me ferez pas dire que je suis favorable dans l'absolu à la retenue de six heures pour les mineurs de 10 à 13 ans.
D'autre part, le fait évoqué par Elsa Faucillon a bien été relaté dans la presse. À la suite de l'hommage à Samuel Paty, des enfants ont vu des policiers cagoulés arriver à leur domicile pour venir les chercher. Il peut arriver que la presse mente, je ne dis pas le contraire, mais en l'occurrence le ministère de l'intérieur n'a publié à ma connaissance aucun démenti.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Vous avez demandé l'ouverture d'une enquête, en vue d'éventuelles poursuites, sinon judiciaires, du moins disciplinaires. On ne peut pas dire que les policiers ne savaient pas ce qu'ils allaient trouver à l'intérieur de ce domicile. Ils savaient très bien qu'ils allaient y trouver le gamin qui avait perturbé l'hommage à Samuel Paty dans l'établissement scolaire. C'est donc bien un exemple concret.
Contrairement à vous, monsieur le ministre, je ne suis pas fâché avec les procureurs. Je sais bien que vous avez une longue expérience en matière de brouilles, en audience, avec des procureurs ou avec des présidents de tribunal. Nous n'allons pas retracer ici votre brillante carrière. Ce qui me pose problème, ce ne sont pas les procureurs mais la Constitution, le cadre dans lequel ils se situent et le manque d'indépendance qui les caractérise…
Puisque vous semblez très à cheval sur la nécessité de formuler des propositions, je vous informe au passage que ma contribution au rapport de la commission d'enquête sur ce sujet peut vous intéresser, car elle en comporte soixante-trois.
J'aimerais apporter des précisions afin que l'on cesse peut-être d'entendre tout et n'importe quoi à propos de l'affaire dont nous parlons depuis quelques minutes et qui a effectivement été relatée dans la presse. Selon la dépêche de l'AFP, le procureur a ainsi justifié son action : « Vu l'âge des élèves, il fallait enquêter sur le milieu familial. On ne pouvait pas seulement les convoquer, il fallait aussi perquisitionner le domicile et on ne savait pas à qui l'on avait affaire [… ] La police a fait son travail, dans le respect de la loi. »
Je souhaite réagir aux propos de M. Bernalicis. Lorsque les policiers se rendent au domicile, ils ne vont pas chercher l'enfant qui a troublé l'hommage à Samuel Paty. Ils vont chercher l'enfant dont on présume qu'il a troublé l'hommage à Samuel Paty et ils le retiennent pour les besoins de l'enquête afin de prouver la véracité des faits. La nuance est très importante. C'est ainsi que la justice travaille et c'est fondamental.
L'amendement no 308 n'est pas adopté.
L'amendement no 88 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 152 .
Il vise à clarifier la rédaction de l'article L. 413-2 du code de la justice pénale des mineurs et à faire en sorte que la prolongation de la retenue judiciaire ne soit pas empêchée par des circonstances qui rendraient impossible la présentation du mineur devant le procureur de la République ou le juge d'instruction. Si cette présentation est évidemment préférable, elle ne doit pas empêcher la retenue ni bien sûr la bonne administration de la justice.
Or, dans sa rédaction actuelle, l'article laisse planer une ambiguïté quant au caractère obligatoire de la présentation du mineur devant le procureur de la République ou le juge d'instruction pour la prolongation de la retenue. On ne sait pas en effet, dans le cas de circonstances empêchant la présentation, si le magistrat peut se passer de celle-ci pour prolonger la retenue ou si cette retenue devient, de ce fait, impossible. Il convient de lever le doute en clarifiant la rédaction. C'est l'objet de mon amendement.
L'amendement no 152 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 89 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 154 .
L'amendement no 154 est retiré.
L'amendement no 90 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à compléter l'article L. 413-4 par une phrase ainsi rédigée : « Cet examen est réservé à l'appréciation de la compatibilité de l'état du mineur avec la retenue. » En effet, dans bien des cas, il est aujourd'hui utilisé, de manière détournée, comme un moyen d'évaluation de la minorité de la personne. Il faut savoir dans quel cadre on se situe. On voit qu'au détour du code, on traite en fait de la question des mineurs non accompagnés en permettant que la retenue soit utilisée pour procéder à un examen médical qui n'a rien à voir avec ce qui était pourtant son objet initial, l'appréciation de la compatibilité du mineur avec la retenue – et non avec la rétention, monsieur le ministre, je le précise car ce n'est pas pareil.
En aucun cas cet examen n'est pratiqué pour déterminer si une personne est mineure. Nous avons déjà eu ce débat en commission. L'avis est très défavorable.
L'amendement no 211 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 91 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement nous proposons que la notification des droits du mineur soit orale et écrite, et non l'un ou l'autre.
C'est déjà le cas !
L'effectivité de ce droit devant être garantie, il serait utile de formaliser l'utilisation d'un formulaire pour s'assurer de la bonne compréhension par le mineur des droits dont il dispose. Cette notification des droits du mineur doit être faite à l'enfant, à ses parents ou à ses représentants légaux.
La non-effectivité de cette notification est une réalité qui trouve d'ailleurs une résonance légale dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui prévoit à titre expérimental l'oralisation des droits du gardé à vue sans exclure le mineur. C'est pourquoi nous souhaitons que ce droit soit aussi mentionné dans ce projet de loi à travers cette proposition d'une notification qui soit à la fois écrite et orale, et dans une langue comprise par le mineur – ce qu'il est inutile de préciser dans le dispositif tant cela paraît évident.
L'amendement no 212 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 59 .
L'amendement no 59 est retiré.
Il vise à ce que les conditions d'extension de la prolongation de la garde à vue s'appliquent également aux mineurs de plus de 16 ans. Encore une fois, dès lors que l'on considère les moins de 16 ans comme des mineurs, les dispositions prévues pour les mineurs doivent s'appliquer à eux – ou alors il ne faut pas les considérer comme des mineurs mais on passerait alors dans une autre juridiction.
C'est finalement en multipliant les exceptions de ce type que la droite parlementaire finit par juger légitime et logique d'abaisser à 16 ans la majorité pénale dans certains cas de figure. Je me souviens d'ailleurs, comme je vous l'avais dit en commission, que dans le contexte un peu particulier de l'épidémie de covid-19, l'ordonnance pénale prévoyait justement que la présentation au magistrat ne serait plus requise pour obtenir une prolongation de la garde à vue des mineurs de plus de 16 ans, ce qui pose tout de même un gros problème. On voit bien comment, étape par étape, lors de circonstances particulières ou à l'occasion des différentes lois, on en arrive à réduire les garanties spécifiques à la justice des mineurs.
Nous avançons dans l'examen de ce texte. Or j'ai du mal à voir quelles sont les nouvelles garanties et protections offertes aux mineurs dans le cadre de ce nouveau code. Je remarque que l'on consacre des exceptions, mais je ne constate aucune évolution, même sur la question de la présomption simple pour l'irresponsabilité pénale des mineurs de 13 ans puisque le ministre commence par nous dire que nous pouvons être rassurés car il sera toujours possible de procéder comme avant. Je ne comprends donc pas bien la logique progressiste ou protectrice de ce nouveau code.
Défavorable. Il me semble pertinent de retenir des conditions de prolongation de la garde à vue différentes selon que le mineur est âgé de plus de 16 ans ou de moins de 16 ans.
Même avis.
Ce n'est pas grave !
C'est cela, oui !
Nous parlons ici d'une prolongation – le jeune a donc déjà passé un peu de temps sur place – , et l'on ne peut donc pas vraiment la justifier par les besoins de l'enquête, à moins de prévoir des moyens particuliers parce que la personne est mineure. En tout cas, la durée de la retenue ne peut pas être la variable d'ajustement. Ce n'est pas possible. Ou alors avouons que, quand ça nous arrange, on se moque des grands principes qui ont été énoncés au tout début de nos débats, comme le principe de spécialité ou l'excuse de minorité.
Je note d'ailleurs que ces articles, et les précédents, relatifs entre autres à la retenue, ont essentiellement trait au trafic de stupéfiants. Pour se donner des garanties, on mentionne tous les actes passibles d'au moins cinq ans de peine de prison, mais comme le quantum de la peine concernant le trafic de stupéfiants n'a cessé d'augmenter, on écope vite de ce type de sanction dans le cadre d'une bande organisée. De surcroît, cela ne règle même pas le problème du trafic des stupéfiants. Nous nous honorerions donc en rendant la loi soit un peu plus protectrice pour les mineurs, c'est-à-dire pour les enfants de moins de 18 ans.
L'amendement no 213 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra