Beaucoup a été dit ou écrit sur la crise sanitaire actuelle, sur son ampleur, ses racines, ses développements et les inquiétudes qu'elle suscite. Sa dimension sociale est brutale, violente. Elle accroît la précarité dans notre pays, dégradant dangereusement les conditions de vie d'une partie des Français – toujours les mêmes.
Quelle erreur d'appréciation que de considérer que l'aggravation de la pauvreté depuis mars 2020 est un phénomène strictement conjoncturel ! Les chiffres catastrophiques que nous pressentions se sont confirmés. En fin d'année, le RSA a vu ses bénéficiaires augmenter de 8 % et ses dépenses de 10 %. Ces dernières pourraient encore progresser de 15 % en 2021. Selon les associations caritatives, la barre des 10 millions de Français sous le seuil de pauvreté aurait été franchie en 2020. Sur le terrain, la situation devient difficilement soutenable. Associations et CCAS – centres communaux d'action sociale – sont sursollicités et confrontés à de nouveaux publics, comme les jeunes ou les travailleurs précaires ou saisonniers.
La situation des jeunes est particulièrement inquiétante. Merci à notre collègue Marie-George Buffet d'avoir souligné cette préoccupation dans son récent rapport d'enquête sur la jeunesse face au covid-19. Que le Gouvernement le lise et s'en inspire ! L'inquiétude est d'autant plus grande que la situation des jeunes s'était déjà dégradée avant cette année noire.
Si des mesures significatives de soutien au revenu des ménages comme en direction des entreprises ont été prises par le Gouvernement, nous regrettons que le plan de relance et la stratégie de lutte contre la pauvreté continuent d'oublier un certain nombre de nos concitoyens. Les plus fragiles, ceux qui sont durablement éloignés de l'emploi, ceux qui participent à l'économie informelle de notre pays, ceux que l'on peut appeler les invisibles, ne sont pas toujours concernés par les mesures d'aide.
Dès lors, agir sur le seul terrain de l'emploi et de l'insertion ne suffit pas. Il est impératif d'appréhender toutes les composantes de la pauvreté, laquelle ne se réduit pas à la précarité économique et au problème d'accès à l'emploi. La pauvreté, ce sont aussi des difficultés d'accès à la nourriture, au logement, à la santé et à la culture notamment. Ce sont aussi des parcours scolaires escarpés, avec des phénomènes de reproduction sociale pourtant évitables.
Avoir un emploi ne protège plus de la pauvreté. Plus d'un million de travailleurs vivent avec moins de 885 euros par mois. Ce phénomène des travailleurs pauvres s'est accentué depuis 2017, car l'amélioration de l'emploi s'est faite au prix de sa flexibilisation et de sa précarisation.
Évoquons aussi la pauvreté du grand âge. Si nous pouvons nous féliciter des augmentations du minimum vieillesse depuis 2017, il ne faut pas sous-estimer la dégradation de la situation des personnes âgées pauvres.
Enfin, plutôt que de chercher un remède contre la pauvreté, nous devons surtout changer de regard sur celle-ci. Nous devons sortir du mythe de l'effet désincitatif des aides sociales sur le travail, qui n'est corroboré par aucune étude sérieuse. Ce discours conditionne pourtant largement nos politiques avec pour conséquence de laisser un nombre croissant de personnes sur le bord de la route.
Le changement de regard sur la pauvreté doit aussi nous mener à des actions concrètes et urgentes : il faut tout d'abord abandonner la réforme de l'assurance chômage qui a déjà pénalisé des chômeurs en fin de droits dans un marché du travail dégradé, …