Ce débat, sur un sujet important, était nécessaire. Comme cela a été rappelé, la Banque de France a constaté, fin 2020, un encours d'endettement des sociétés non financières dépassant les 1 800 milliards d'euros. De même, les retards de paiement bondissent, atteignant un délai de retard de plus de dix-huit jours.
Les TPE-PME, bien sûr, sont les plus touchées par cette situation, parce que ce sont elles dont les trésoreries sont les plus faibles. Celles d'entre elles qui sont fermées administrativement, tout comme celles qui se trouvent en amont des secteurs à l'arrêt, sont particulièrement fragilisées. Puisque toutes ces entreprises sont liées par des dettes et des créances dont les délais tendent à s'accroître, il est essentiel de cibler le soutien public sur ces petites entreprises et d'imaginer de nouveaux outils dans l'urgence.
Pour éviter une cascade en faillite, avec, bien évidemment, les enjeux d'emploi qui leur seraient liés, il semble essentiel que l'État agisse sur les dettes sur lesquelles il a la main, en premier lieu les PGE, en transformant ces prêts en quasi-fonds propres afin de renforcer les entreprises sans compromettre leur avenir.
Pour autant, malgré l'importance de ce sujet, le groupe GDR souhaite décentrer, voire inverser l'angle de ce débat, en évoquant une problématique dont on ne parle presque jamais : les délais de paiement des ménages. Je parle du paiement de toutes les dépenses automatiques du début du mois, qui deviennent rapidement un poids lorsque la situation économique se dégrade. On a beaucoup entendu qu'à la faveur de la crise et du confinement, les Français avaient pu épargner près de 46 milliards d'euros, voire beaucoup plus, me semble-t-il. Pour autant, ce montant est particulièrement trompeur et marqué par de fortes disparités. Le Conseil d'analyse économique a fait notamment remarquer que les ménages des deux premiers déciles, c'est-à-dire les 20 % des ménages les plus modestes, avaient dû, lors de la crise, désépargner, voire s'endetter pour faire face aux dépenses.
De nombreux signes ne trompent pas. Des fournisseurs d'électricité font état d'une hausse des retards et des impayés, sans donner, à ce stade, de chiffres précis ; ils notent malgré tout que les trois quarts des impayés proviennent actuellement de clients habituellement non précaires. Côté logement, selon les établissements d'assurance, les impayés et les retards de versement de loyers ont augmenté de 30 % pendant la crise sanitaire, et près de 50 % des détenteurs de crédits immobiliers comptent demander un report de mensualité auprès de leur banque. Le constat est similaire pour les autres crédits, comme les crédits automobiles ou les crédits à la consommation, ces fameux crédits plébiscités par les banques pour leur forte rentabilité, donnant lieu à des publicités pousse-au-crime : ils constituent de véritables bombes à retardement pour les budgets des ménages. L'UFC-Que choisir, dans une étude publiée en décembre dernier, a fait état de la forte hausse de ces crédits en 2020 ; avec cette flambée, les risques d'impayés devraient croître sensiblement en 2021, à hauteur de 40 %.
Or nous n'entendons jamais parler des délais de paiement des ménages modestes. Certes, la problématique soulevée par le débat inscrit à l'ordre du jour ne nous amène absolument pas à remettre en cause les aides aux entreprises, dès lors qu'elles sont utiles et encadrées ; nous intervenons d'ailleurs régulièrement sur ce point, essentiel dans la période que nous vivons. Mais votre tropisme vis-à-vis des entreprises est une nouvelle fois à l'oeuvre : le soutien aux ménages s'est limité à quelques aides ponctuelles ; vous n'avez pas annoncé de dispositif pour que les banques, les assurances, les fournisseurs d'énergie et de prestations de première nécessité relâchent la pression sur les ménages endettés. On aurait pu, par exemple, décider de suspendre toute mensualité de crédit en cas de diminution des revenus.
La Banque de France s'attend à un rebond des procédures de surendettement. Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre pour empêcher une spirale de surendettement des ménages, ce qui constitue également un enjeu de la reprise économique ?