Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Accessibilité des magasins de la grande distribution aux personnes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Vivre avec des troubles du spectre de l'autisme a trop longtemps signifié vivre isolé, incompris, voire moqué. Si les Françaises et les Français portent aujourd'hui un regard moins discriminant sur les personnes atteintes de troubles autistiques, la route reste longue avant qu'elles ne soient pleinement intégrées dans notre société.

Elle reste longue parce qu'en dépit de la mise en oeuvre de plans successifs et de plusieurs avancées en matière de repérage, de diagnostic et d'accompagnement, il manque toujours des moyens pour la scolarisation, pour la recherche ou encore pour la formation des professionnels de la santé et de l'éducation. Elle reste longue car notre société peine encore aujourd'hui à franchir le cap qui lui permettra de passer d'une logique de protection, qui isole, à une logique d'inclusion, qui accueille, selon les mots du Président de la République.

Pourtant, et je suis bien placée pour le savoir en tant qu'élue régionale, il suffit parfois de tout petits progrès pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et permettre l'accessibilité de tous aux infrastructures.

L'ambition initiale de la proposition de loi consistait à permettre quelques avancées concrètes pour que les personnes ayant des troubles du spectre de l'autisme puissent faire leurs courses plus facilement, comme vous l'avez rappelé avec beaucoup d'émotion, madame la rapporteure. Un tel dispositif me semblait facile à mettre en oeuvre : il s'agissait d'imposer aux commerces de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, une réduction de l'intensité lumineuse et une interruption des annonces sonores et de la musique pendant au moins une heure par semaine. Cette initiative, qui n'aurait représenté ni surcoût ni contrainte excessive pour les commerçants, aurait permis de réduire la surcharge sensorielle des personnes vivant avec une forme d'autisme, voire de rendre plus agréable les courses hebdomadaires de toute personne indisposée par le bruit et la lumière excessive dans les grandes surfaces. Les sons, les couleurs, les odeurs particulièrement intenses dans ces lieux sont susceptibles d'engendrer de l'anxiété chez toutes les personnes ayant une manière hors norme de ressentir le monde.

En outre, le dispositif proposé reprenait une initiative de la société civile. S'il n'était pas parfait, il avait le mérite de répondre aux besoins les plus urgents, déterminés par les associations d'accompagnement des personnes porteuses de TSA et leurs familles. Je veux ici renouveler mes remerciements à ces associations, véritables fers de lance de l'incluvisité, ainsi qu'aux premières enseignes qui se sont montrées réceptives et ont mis en oeuvre de manière volontaire ce dispositif, très largement salué par les associations, par les familles ou plus largement par les consommateurs. C'est bien la démonstration que ce petit pas est à notre portée.

Je reconnais bien volontiers que la proposition initiale laissait de côté quelques questions comme l'accès aux caisses ou encore l'organisation des rayons, mais je reste convaincue qu'elle constituait un premier pas utile et nécessaire et qu'elle n'empêchait pas d'avancer sur d'autres problématiques.

C'est pourquoi, vous le savez, madame la rapporteure, je regrette la réécriture opérée par la commission des affaires économiques. Que reste-t-il de l'ambition première de cette proposition de loi dans un texte qui se borne désormais à demander la mise en oeuvre d'une négociation entre acteurs concernés et associations représentant les personnes en situation de handicap, en concertation avec les ministres ? Quel message cela renvoie-t-il aux personnes atteintes de TSA et à leurs familles ? Je passe sur le fait que cette invitation à la concertation ne relève, de notre point de vue, pas de la loi. En tant qu'ancienne ministre du commerce, je sais que des négociations ont lieu tous les jours dans les ministères sans qu'il soit nécessaire de recourir à un texte législatif.

Pour ces raisons, le groupe Libertés et territoires considère que cette heure silencieuse peut d'ores et déjà être instaurée, ce qui n'empêchera pas d'apporter par la suite des ajustements grâce à des négociations entre les acteurs de la grande distribution et les associations. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Nous partageons votre objectif : rendre notre société plus inclusive. Pour l'atteindre, je crois en la politique des petits pas. Elle consisterait ici à voter en faveur de l'instauration d'une heure silencieuse dans les grandes surfaces et à poursuivre avec Mme la secrétaire d'État la concertation sur les autres aspects développés, particulièrement importants. Le groupe Libertés et territoires soutiendra néanmoins votre proposition de loi.

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