J'entends parfaitement les arguments de mes collègues qui sont contre et qui présentent des amendements de repli ; qu'ils entendent les nôtres en retour. À quoi voulons-nous parvenir ? À ce que progressivement – car il semble qu'il n'y ait pas de moyens de procéder autrement – on accepte définitivement l'idée qu'un être vivant ne peut être à la disposition des autres dès lors qu'il combine sensibilité et conscience de soi, autrement dit qu'un animal ne peut être considéré comme un bien meuble. Un jour viendra où la société se libérera totalement de la nécessité d'asservir les animaux.
Car c'est bien d'asservissement qu'il s'agit. Pour établir la preuve que la liberté est une condition naturelle chez les êtres vivants, La Boétie consacre toute une partie de son Discours de la servitude volontaire aux animaux en en citant toute une série qui regimbent contre la servitude. Que postule l'humanisme à ses débuts ? Que l'être humain produit sa propre existence par son cerveau, par ses actes, qu'il est un animal comme les autres mais qu'il est responsable de sa propre destinée. Il ne cède pas à son instinct. Qui voudrait s'amuser de tout, comme le font les enfants, qui pensent qu'ils peuvent disposer de toute chose autour d'eux ? La conscience adulte s'élève jusqu'à la responsabilité, et la responsabilité consiste à dire que toutes les espèces doivent pouvoir suivre leur propre dynamique de vie dès lors qu'elle ne vient pas contredire la possibilité même de l'existence humaine. Je ne suis évidemment pas favorable à ce que les virus se développent tranquillement – mais les dauphins et les orques, oui.
Voilà pourquoi la responsabilité vient contre l'instinct et nous appelle à libérer les animaux.