L'amélioration des conditions de détention est vraiment un serpent de mer de la République. Simone Veil, lorsqu'elle était à la tête de l'administration pénitentiaire au début des années 1970, parlait déjà du mauvais état des prisons, des problèmes que posent la détention provisoire et la surpopulation carcérale, ainsi que des alternatives à la prison. Depuis, beaucoup de choses ont été faites. On a créé de nouvelles places de prison et de nouvelles alternatives à l'emprisonnement, et je vous rejoins lorsque vous dites que tous les leviers d'action existent déjà. Le problème, c'est que la magistrature ne se sert pas forcément de l'ensemble des outils à sa disposition.
La diminution de la surpopulation carcérale n'est pas la seule solution, mais elle améliorerait de manière significative la vie en prison et l'on pourrait envisager la détention et l'insertion dans d'autres conditions. À votre avis, comment faire évoluer dans notre pays cette culture de la prison, notamment chez les magistrats ? Y a-t-il chez ces derniers – je vais en faire hurler certains – une forme de paresse professionnelle qui les pousserait à prononcer des peines d'emprisonnement pour éviter d'avoir à se poser trop de questions et à utiliser des outils alternatifs correspondant mieux aux besoins des condamnés, mais beaucoup plus complexes à mettre en oeuvre ? Ou bien les magistrats cèdent-ils simplement à la pression sociale, tout en connaissant les limites de l'emprisonnement, en matière d'apprentissage et de réinsertion ? Serait-il nécessaire, pour sortir de cette culture de la prison, de faire de la pédagogie et de mettre cette question au centre des débats de société ? Je pose la question, car pendant longtemps les décès sur la route ont été considérés comme une fatalité, jusqu'à ce qu'un beau jour on prenne les choses en main. Comment éviter que l'emprisonnement soit, lui aussi, une fatalité ?