Je suis convaincu que cet article peut être adopté à l'unanimité par notre assemblée, ce qui serait souhaitable compte tenu de son importance politique et pratique.
Dans la trilogie de la laïcité française que M. le ministre de l'intérieur se plaît régulièrement à rappeler, la neutralité des services publics occupe une place centrale ; c'est ce principe qui distingue fondamentalement notre modèle d'autres en usage à l'étranger – dans les pays anglo-saxons en particulier – , là où le communautarisme est la règle, où les fonctionnaires ne sont pas protégés, où une religion est officielle, où des règles particulières sont supérieures à l'exercice de l'intérêt général. En ce sens, la neutralité de l'État garantit l'égalité et la liberté. Or ce sont précisément les services publics qui assurent le respect de ce principe.
Or que constate-t-on depuis au moins deux décennies ? Premièrement, la neutralité représente une notion beaucoup trop vague pour les agents. Ainsi, dans la commune que j'ai dirigée, trois ans auront été nécessaires pour former tous les personnels communaux en relation avec le public.
Deuxièmement, les services publics – les services municipaux, les hôpitaux, les organismes sociaux – sont de plus en plus souvent confrontés aux coups de boutoir de réseaux prétendument religieux qui exacerbent les exigences séparatistes au nom de la liberté individuelle. Et face à ces derniers, beaucoup d'élus, de responsables administratifs ou d'organismes ne sont pas ou très peu armés.
Troisièmement, le périmètre du service public a considérablement évolué au cours des trente dernières années, puisque les organismes privés comme publics peuvent obtenir des délégations de service public. Il semble donc évident qu'ils doivent tous respecter le principe de neutralité. Il faut regretter, chers collègues, que trop peu d'entreprises qui concourent à l'action publique aient engagé en leur sein des négociations sur le sujet, alors même qu'elles y sont obligées. La réaffirmation du principe cardinal de neutralité des services publics et son extension à de nouveaux acteurs doivent donc inverser une tendance dont l'islamisme politique a profité, celle qui nous a conduits à accepter de trop nombreux accommodements. Lorsque la crainte de stigmatiser ce qui n'est que l'instrumentalisation de la liberté religieuse à des fins idéologiques l'emporte sur toute autre considération, c'est tout l'édifice de la laïcité française qui vacille.