Je vais, par anticipation, répondre sur l'amendement du Gouvernement et reprendre la chronologie de nos débats sur l'article 3.
Au préalable, je rappellerai que les mesures de sûreté dont nous discutons font obligation, à ceux auxquels elles s'appliquent, de déclarer leur adresse, de justifier de leurs changements de domicile et d'avertir les autorités lorsqu'ils quittent le territoire français.
La commission spéciale a adopté l'article 3 du projet de loi qui élargit le FIJAIT aux personnes condamnées ou mises en cause pour des infractions aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal : le premier punit « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes », et le second, « le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes ». Par rapport au texte initial, la commission spéciale a renforcé la portée de cet article, en imposant aux personnes condamnées pour ces délits l'obligation de déclarer leur adresse et leurs éventuels changements d'adresse aux services de police et de gendarmerie, ainsi que de signaler leurs déplacements à l'étranger, comme doivent déjà le faire les personnes condamnées ou mises en cause pour des actes de terrorisme.
Le Gouvernement souhaite revenir au texte initial car il considère, comme le précise l'exposé sommaire de l'amendement n° 2189 , que ces mesures de sûreté sont « excessives » dès lors que les délits ne répriment que « des abus de la liberté d'expression ». Cette position est discutable et je ne la partage pas. D'une part, l'apologie du terrorisme et la provocation au terrorisme ne relèvent pas, heureusement, du débat d'idées ni même de l'abus de la liberté d'expression : leur incrimination figure non pas dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais dans le code pénal, à côté des crimes et délits de droit commun. D'autre part, le texte issu de la commission spéciale est très mesuré : les auteurs d'apologie du terrorisme ou de provocation au terrorisme sont astreints à une obligation déclarative de cinq ans pour les majeurs et de trois ans pour les mineurs, tandis que les auteurs d'actes de terrorisme sont tenus à cette obligation pour dix ans s'agissant des majeurs et cinq ans pour les mineurs.
De plus, et c'est également l'objet de mon amendement, seuls les condamnés seront astreints aux mesures de sûreté, alors que pour les auteurs d'actes de terrorisme, une simple mise en examen entraîne la soumission aux obligations déclaratives. Le texte issu de la commission respecte, à mon sens, une proportionnalité entre les mesures de sûreté imposées aux apologistes et aux provocateurs – qui sont parfois aussi dangereux, voire plus, que les exécutants puisque, cela a été rappelé, les paroles peuvent conduire aux actes – , et celles imposées aux auteurs d'actes de terrorisme.
Comme je le rappelle souvent, je suis très sensible au contrôle de constitutionnalité et, plus particulièrement, au respect de la proportionnalité. Au regard du texte auquel nous pouvons aboutir, le risque de censure ne me semble pas réel.
Par ailleurs, je suis surprise que le Gouvernement ne voit dans l'inscription au FIJAIT qu'un moyen de permettre aux administrations d'effectuer un criblage des personnes qu'elles emploient ou qu'elles recrutent. Je l'ai dit dès le début de l'examen de l'article 3 : c'est une vision réductrice de la nature du fichier qui, aux termes de la loi, a pour objet de prévenir le renouvellement des infractions en matière de terrorisme et de faciliter l'identification de leurs auteurs. Cela justifie pleinement la mesure de sûreté adoptée par la commission spéciale et que, je l'espère, notre assemblée va maintenir.