Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du jeudi 11 février 2021 à 9h00
Respect des principes de la république — Article 19 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

J'approuve d'autant plus ces amendements qu'ils ne me semblent pas suffisants.

Au fond, les réseaux sociaux sont devenus très délétères dans beaucoup de domaines et sur de nombreux sujets. On y rencontre, sous couvert d'un pseudonymat, qui, en réalité, aboutit à l'anonymat en raison de la difficulté des poursuites, la bêtise, la violence, la diffamation, l'insulte. Fort heureusement, on y rencontre parfois autre chose, même si on ne peut pas dire qu'ils permettent d'élever le débat public sur la plupart des sujets de société un peu sensibles.

On y rencontre également des gens et des groupements organisés qui cherchent à faire taire une idée qui ne leur plairait pas ; à dégrader ou à détruire l'image de quelqu'un qu'il conviendrait d'intimider. Et même si on nous explique qu'on fait tout ce qu'on peut, force est de constater que cela ne marche pas.

Vous avez cité les exemples rarissimes de poursuites – et vous l'avez fait de nouveau ce matin, madame la rapporteure – qui peuvent, parfois, conduire à la condamnation de quelqu'un. Certes, mais la question n'est pas cette jeune lycéenne, la question est celle de n'importe quel Français qui, se trouvant dans cette situation et cherchant à se défendre, ne le peut pas. Vous êtes en train de nous dire qu'on va améliorer les choses, parce qu'on va avoir un correspondant numérique.

Nous sommes toujours faibles face à ces opérateurs de nombreux d'États, certes moins démocratiques que le nôtre, qui ont fait en sorte de contrôler les réseaux sociaux, voire de les interdire lorsqu'ils ne respectent pas les règles. En ce qui nous concerne, nous allons leur demander gentiment d'avoir un correspondant numérique en France, lequel répondra peut-être, éventuellement, aux plaintes formulées contre des gens recourant parfois à un VPN, organisés, irresponsables et qui profitent d'être cachés pour faire ce qu'ils ne feraient pas dans l'espace public.

J'estime que la solution se trouve dans la sanction la plus lourde des réseaux sociaux qui, à la demande de la personne visée par un acte malveillant, n'accepteraient pas de lever le pseudonymat. À cet égard, l'intervention de la police ou de la justice ne devrait pas être requise, car, sinon, on les mobiliserait inutilement ou, du moins, de manière déraisonnable compte tenu du volume d'affaires qu'il leur faudrait traiter – et qui inciterait les victimes à renoncer aux poursuites.

Que sont, au fond, les réseaux sociaux ? Des places publiques virtuelles. Accepterions-nous, dans l'espace public réel, que quelqu'un puisse dire et faire n'importe quoi en se cachant, en se dissimulant, en ne permettant pas de retrouver facilement qui il est ? Non ! Or nous l'acceptons dans les espaces publics virtuels. Pour ma part, je suis pour l'édiction d'une règle simple selon laquelle on peut écrire sous pseudonyme, ce dernier devant pouvoir être levé par les autres utilisateurs de la plateforme. Voilà ce qu'il conviendrait d'imposer aux réseaux sociaux. Et qu'on ne nous dise pas que c'est impossible, parce que, je le répète, nombre d'États ne se privent pas de leur imposer des règles, voire de très lourdes sanctions lorsqu'ils le souhaitent.

Ce n'est pas la piste que vous choisissez, aussi attendrons-nous encore pendant des années que des sociétés, américaines mais pas seulement, condescendent éventuellement à aider la police et la justice à poursuivre certains utilisateurs. Et comme la police et la justice ne sont pas en mesure de poursuivre efficacement toutes les personnes qui devraient l'être, nous ouvrons un boulevard à toute cette haine, pas nécessairement raciale ou religieuse, qui se diffuse en ligne. Nous évitons que les utilisateurs aient recours aux poursuites, car ils savent bien que le processus est très difficile et hors de leur portée.

Si vous êtes riche et bien portant vous obtiendrez peut-être, in fine, satisfaction devant un juge. Mais le commun des mortels n'en aura pas la possibilité. C'est pourquoi le plus simple serait de faire en sorte que le pseudonymat soit levé dès lors que la personne visée le demande à un réseau social, sans avoir besoin de passer par la police. Et si la plateforme refuse, elle risque une amende ou une fermeture.

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