La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi. Elle a entendu la présentation, par leurs auteurs, des amendements nos 2349 , 1629 rectifié , 2353 et 1819 , en discussion commune, à l'article 19 bis, sur lesquels la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable.
Je vous rappelle en outre que, sur l'amendement no 1629 rectifié , j'ai été saisi, hier soir, par le groupe Les Républicains, d'une demande de scrutin public, lequel est de nouveau annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre IV du titre Ier.
Je reviens sur le débat que nous avons engagé hier soir et qui, malheureusement, a été interrompu de manière un peu sèche, et en particulier sur la capacité d'identifier ou non les personnes qui diffusent des contenus haineux, qui sont des pourvoyeurs de haine sur les réseaux sociaux.
Hier, j'ai regardé l'interview de Richard Malka, l'avocat de la jeune Mila, qui est passé dans l'émission de télévision « C à vous ». Il expliquait les circonstances dans lesquelles cinq personnes avaient été mises en garde à vue le jour-même – au total, treize l'ont été récemment dans cette affaire.
Depuis un an, la mère de la jeune Mila conserve tous les messages haineux qu'elle reçoit de personnes qui sont sous pseudonyme, puisque, comme je vous l'ai expliqué hier, il n'est pas question d'anonymat mais de pseudonymat, et les transmet au parquet et à son avocat. Ils envoient les réquisitions aux États-Unis, où personne ne leur répond : ils sont confrontés à un mur, Twitter ne coopère pas.
Depuis le 4 janvier, le parquet numérique a été mis en place. C'est nous qui l'avons voté dans la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, laquelle n'a pas été intégralement censurée : deux dispositions relatives au parquet numérique et à l'observatoire de la haine en ligne ont été validées, nous pouvons en être fiers. L'action du parquet numérique commence à produire ses effets puisque, depuis le 4 janvier, il assure la coopération avec les plateformes. C'est grâce à la pression qu'exerce le parquet numérique et aux liens qu'il entretient avec les plateformes qu'on arrive enfin à récupérer les informations d'identification des utilisateurs.
Dès lors, le problème, ce ne sont pas les éléments permettant l'identification puisque les plateformes en disposent. Vous pouvez d'ailleurs constater qu'en matière de contenu à caractère terroriste, lorsqu'une réquisition judiciaire est adressée, on reçoit des réponses de la part des plateformes dans 99 % des cas.
La difficulté, en revanche, c'est qu'elles transmettent ces informations ; c'est bien là que tout se joue. Ainsi que le disait Richard Malka hier soir dans l'émission évoquée : rien ne pourra avancer tant que nous n'aurons pas un représentant en France, que l'article 19 bis crée, ayant pour mission de recevoir, de traiter les réquisitions judiciaires et d'y répondre dans les plus brefs délais. Le représentant en France nous permet de changer la donne.
Je veux bien que vous considériez cela comme accessoire mais, pardonnez-moi, sur un sujet aussi important et sur lequel nous nous battons depuis aussi longtemps, lorsque je vous entends nous demander de passer à autre chose, je vous réponds que non, messieurs, nous ne passons pas à autre chose !
Mme Florence Provendier applaudit.
Nous débattons d'un sujet très important : il s'agit de pouvoir retrouver, poursuivre et traduire en justice des personnes qui sont aujourd'hui des pourvoyeurs de haine et qui harcèlent en ligne une jeune fille.
Permettez-moi d'expliquer en quoi nous avons réussi à avancer sur ce sujet très important, grâce à des dispositions efficaces dont nous pouvons nous réjouir car nous apportons une nouvelle pierre à l'édifice : nous allons pouvoir poursuivre les en justice ceux qui se livrent au harcèlement en ligne et sanctionner les plateformes qui ne coopéreront pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Je souhaite apporter quelques précisions à l'attention de M. Pupponi qui, je crois, n'a pas pu participer à l'ensemble du débat hier soir.
D'abord, si la question revient à demander la conservation des informations de connexion qui ne sont pas relatives à l'identité – comme une carte d'identité – , les plateformes le font déjà et cette exigence est donc superfétatoire.
Ensuite, Si la question est de demander aux plateformes de récupérer la carte d'identité, nous pensons que ce n'est pas souhaitable, compte tenu du nombre d'informations dont elles disposent déjà. Il faut, sur ce dernier point, savoir dans le détail ce que cela signifie. S'il s'agit de scanner un document d'identité et de l'envoyer sur la plateforme, des milliers de scans peuvent être transmis. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'identité électronique aujourd'hui, elle n'a pas du tout la capacité de vérifier réellement l'identité de la personne.
Enfin, ce n'est même pas le problème puisque, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer hier, les études scientifiques montrent que l'anonymat n'aggrave rien.
M. Éric Ciotti proteste.
C'est pourtant bien ce que montrent les études scientifiques, monsieur Ciotti. Les gens profèrent des insultes, des menaces aussi bien sous leur nom que de manière anonyme et, dès qu'on veut les retrouver, on les retrouve.
Il nous semble donc disproportionné, juridiquement très incertain et, par ailleurs, techniquement quasiment impossible de vous suivre. C'est pourquoi j'ai émis hier un avis défavorable sur les amendements en discussion et pourquoi mon avis sera également défavorable sur les amendements suivants, jusqu'au no 2351, qui tous portent sur l'anonymat.
Je ne veux pas monopoliser le temps de parole de la majorité ; je croyais qu'il y avait d'autres demandes de parole.
J'ai été très surprise en lisant ces amendements, dans lesquels on confond encore le pseudonymat et l'anonymat, alors que cela a été très bien expliqué par la rapporteure et le secrétaire d'État hier soir. Je suis surprise également qu'on veuille donner un pouvoir de police à une plateforme ; je croyais qu'on voulait au contraire renforcer leur régulation et leur contrôle. Alors que Facebook a créé sa propre cour de justice, dont la plateforme suit les avis, va créer une monnaie, on lui donnerait un pouvoir de police, celui de contrôler l'identité de ses utilisateurs.
Nous devons nous rappeler qu'il est possible d'identifier ces personnes. Ces amendements visent peut-être à toucher les professionnels de la haine qui se cachent derrière des réseaux privés virtuels – VPN. Or, ce qui me pose problème, c'est qu'ils ne sont peut-être pas en France, c'est qu'ils sont peut-être bien armés, s'ils sont capables de se cacher derrière un VPN ou une fausse carte d'identité. Étant donné qu'ils ont comme vocation et pour ambition de semer la zizanie dans nos relations sur les réseaux sociaux, ils trouveront tous les moyens et ce n'est pas une fausse carte d'identité qui les en empêchera.
Je ne pense donc pas que ce soit la solution. On est capable d'identifier les émetteurs et il faut qu'on continue dans cette voie, notamment grâce aux moyens que nous avons donnés à la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements – PHAROS – et au parquet numérique, afin de les poursuivre.
Toutes ces dernières interventions vont complètement dans le sens de nos amendements, en particulier du mien, dans lequel il n'est pas question de la carte nationale d'identité.
Madame la rapporteure, vous avez évoqué le très bon travail effectué par le parquet numérique. Vous avez bien raison, mais ce n'est pas la question : il faudrait précisément lui éviter ce travail.
Monsieur le secrétaire d'État, juste avant la levée de la séance, hier, vous rappeliez qu'il y avait de multiples moyens de contourner une connexion anonymisée. C'est vrai, mais à condition, d'une part, que les plateformes se dotent des moyens de le faire vraiment, d'autre part, qu'elles communiquent ces données sur requête judiciaire.
Le fameux décret en Conseil d'État relatif à la conservation et à la communication des données permettant d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne, détermine les données qui doivent être transmises et conservées, parmi lesquelles ne sont visées que quelques données déclaratives et l'identifiant de la connexion. Or il n'a pas été actualisé depuis dix ans, alors que nos plateformes, elles, ont évolué.
Je propose donc que les plateformes soient soumises à une obligation de moyens et que le décret fixe les données minimales qui doivent être collectées pour assurer que les enquêtes puissent facilement aboutir.
Applaudissements sur les quelques bancs du groupe Dem.
J'approuve d'autant plus ces amendements qu'ils ne me semblent pas suffisants.
Au fond, les réseaux sociaux sont devenus très délétères dans beaucoup de domaines et sur de nombreux sujets. On y rencontre, sous couvert d'un pseudonymat, qui, en réalité, aboutit à l'anonymat en raison de la difficulté des poursuites, la bêtise, la violence, la diffamation, l'insulte. Fort heureusement, on y rencontre parfois autre chose, même si on ne peut pas dire qu'ils permettent d'élever le débat public sur la plupart des sujets de société un peu sensibles.
On y rencontre également des gens et des groupements organisés qui cherchent à faire taire une idée qui ne leur plairait pas ; à dégrader ou à détruire l'image de quelqu'un qu'il conviendrait d'intimider. Et même si on nous explique qu'on fait tout ce qu'on peut, force est de constater que cela ne marche pas.
Vous avez cité les exemples rarissimes de poursuites – et vous l'avez fait de nouveau ce matin, madame la rapporteure – qui peuvent, parfois, conduire à la condamnation de quelqu'un. Certes, mais la question n'est pas cette jeune lycéenne, la question est celle de n'importe quel Français qui, se trouvant dans cette situation et cherchant à se défendre, ne le peut pas. Vous êtes en train de nous dire qu'on va améliorer les choses, parce qu'on va avoir un correspondant numérique.
Nous sommes toujours faibles face à ces opérateurs de nombreux d'États, certes moins démocratiques que le nôtre, qui ont fait en sorte de contrôler les réseaux sociaux, voire de les interdire lorsqu'ils ne respectent pas les règles. En ce qui nous concerne, nous allons leur demander gentiment d'avoir un correspondant numérique en France, lequel répondra peut-être, éventuellement, aux plaintes formulées contre des gens recourant parfois à un VPN, organisés, irresponsables et qui profitent d'être cachés pour faire ce qu'ils ne feraient pas dans l'espace public.
J'estime que la solution se trouve dans la sanction la plus lourde des réseaux sociaux qui, à la demande de la personne visée par un acte malveillant, n'accepteraient pas de lever le pseudonymat. À cet égard, l'intervention de la police ou de la justice ne devrait pas être requise, car, sinon, on les mobiliserait inutilement ou, du moins, de manière déraisonnable compte tenu du volume d'affaires qu'il leur faudrait traiter – et qui inciterait les victimes à renoncer aux poursuites.
Que sont, au fond, les réseaux sociaux ? Des places publiques virtuelles. Accepterions-nous, dans l'espace public réel, que quelqu'un puisse dire et faire n'importe quoi en se cachant, en se dissimulant, en ne permettant pas de retrouver facilement qui il est ? Non ! Or nous l'acceptons dans les espaces publics virtuels. Pour ma part, je suis pour l'édiction d'une règle simple selon laquelle on peut écrire sous pseudonyme, ce dernier devant pouvoir être levé par les autres utilisateurs de la plateforme. Voilà ce qu'il conviendrait d'imposer aux réseaux sociaux. Et qu'on ne nous dise pas que c'est impossible, parce que, je le répète, nombre d'États ne se privent pas de leur imposer des règles, voire de très lourdes sanctions lorsqu'ils le souhaitent.
Ce n'est pas la piste que vous choisissez, aussi attendrons-nous encore pendant des années que des sociétés, américaines mais pas seulement, condescendent éventuellement à aider la police et la justice à poursuivre certains utilisateurs. Et comme la police et la justice ne sont pas en mesure de poursuivre efficacement toutes les personnes qui devraient l'être, nous ouvrons un boulevard à toute cette haine, pas nécessairement raciale ou religieuse, qui se diffuse en ligne. Nous évitons que les utilisateurs aient recours aux poursuites, car ils savent bien que le processus est très difficile et hors de leur portée.
Si vous êtes riche et bien portant vous obtiendrez peut-être, in fine, satisfaction devant un juge. Mais le commun des mortels n'en aura pas la possibilité. C'est pourquoi le plus simple serait de faire en sorte que le pseudonymat soit levé dès lors que la personne visée le demande à un réseau social, sans avoir besoin de passer par la police. Et si la plateforme refuse, elle risque une amende ou une fermeture.
À ce stade du débat, je crois que notre assemblée s'honorerait de faire un geste très significatif. Il me semble que nous partageons un même sentiment de révolte face aux déchaînements que nous constatons et subissons tous. Madame la rapporteure, vous en avez été victime, comme chacun d'entre nous – même si là n'est peut-être pas l'essentiel – et nous voyons bien que les réseaux sociaux se transforment de plus en plus en déversoirs de haine. Vus au départ comme des instruments de liberté, nous pensions qu'ils renforceraient la démocratie, mais nous nous apercevons progressivement qu'ils véhiculent une forme de tyrannie.
Les réguler est compliqué techniquement, j'en conviens. Il n'y pas forcément une solution miracle dans ce que nous proposons. J'estime néanmoins que si l'anonymat, qui dissimule le visage de la haine, de l'antisémitisme, de la violence, de l'intimidation, de l'insulte, se trouvait aboli par une volonté du Parlement, nous ferions oeuvre utile. Il nous resterait à discuter des modalités.
Pour ce qui me concerne, j'ai proposé la fin de l'anonymat par la présentation obligatoire d'une pièce d'identité lors de l'inscription sur un réseau social, comme cela se fait sur d'autres supports numériques. Cette mesure est peut-être compliquée à appliquer, mais j'estime qu'elle constituerait un message simple et compréhensible.
À cet égard, je ne crois absolument pas, monsieur le secrétaire d'État, au fait que l'anonymat n'a pas d'incidence sur la diffusion de messages de haine sur les réseaux sociaux. Naturellement, l'anonymat facilite la diffusion de la haine.
Mme Valérie Beauvais applaudit.
Pour que les choses soient claires, je rappelle que les deux amendements de notre collègue Blandine Brocard sont satisfaits – je l'ai déjà dit hier soir. Ils le sont dans la mesure où ils reprennent presque mot pour mot des dispositions figurant dans la LCEN – loi pour la confiance dans l'économie numérique. Vous l'indiquiez tout à l'heure, vous considérez que le décret relatif à l'identification des utilisateurs qui en découle n'est pas satisfaisant.
Or son évolution relève de la voie réglementaire. Et ce n'est pas votre amendement qui changerait quoi que soit, car la loi prévoit déjà qu'un décret définit les modalités d'identification des utilisateurs. Aussi, madame Brocard, si je comprends votre démarche, je vous assure que vos amendements sont satisfaits.
En ce qui concerne l'amendement de M. Ciotti, et cela concerne aussi M. Lagarde, la présentation obligatoire d'une pièce d'identité pour s'inscrire sur une plateforme ne nous exonérerait pas de devoir saisir la justice ou la police. Quel que soit le contexte, on ne peut avoir accès aux éléments d'identification de quelqu'un sans passer par la justice ou la police. Cet amendement n'instaurerait donc que l'obligation de présenter une pièce d'identité et, j'y insiste, ne nous éviterait pas d'en passer par les mécanismes de coopération pour obtenir ces éléments d'identification. Encore heureux, d'ailleurs, car nous sommes en démocratie !
Tout un chacun ne peut demander les éléments d'identification de quelqu'un sans passer par le système judiciaire ou policier.
Dans la rue, vous ne vous promenez pas avec votre nom inscrit sur votre front.
Certes, monsieur Lagarde, vous êtes connu comme le loup blanc et les gens vous reconnaissent, mais tout un chacun ne peut connaître le nom d'une personne qu'il croise dans la rue. Si je veux obtenir le nom de quelqu'un qui aurait commis un méfait dont j'aurais été victime, je me tourne vers la police. Voilà comment les choses fonctionnent. Voilà ce qui préserve notre État de droit.
Je le répète encore une fois : nous passerons toujours par le juge et la police et nous protégerons toujours l'État de droit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous prenez l'hypothèse, madame la rapporteure, de vous trouver dans la rue et de croiser un inconnu qui commettrait un méfait à votre encontre. Franchement, je ne suis pas persuadé que vous passiez votre temps à vous faire insulter par des inconnus dans la rue. En revanche, en tant que personnalité politique, chef d'entreprise, responsable associatif ou simple citoyen, lorsque vous émettez une opinion et que quelqu'un vient débattre avec vous, qu'il vous insulte ou se répande sur vous ou non, cette personne doit pouvoir être identifiée.
Je vous prie de me pardonner, monsieur le secrétaire d'État, mais, comme notre collègue Ciotti, je ne crois pas une seconde, en dépit des études américaines sur lesquelles vous vous appuyez – vous conviendrez que la mentalité française est différente – , que le fait d'agir dissimulé, avec l'impression, souvent vérifiée, de ne pouvoir être poursuivi, n'accroît pas l'immodération sur internet. En réalité, en refusant de pouvoir identifier, on favorise même ce phénomène.
Si je débats avec quelqu'un dans une réunion, une association ou un troquet, je sais qui se trouve en face de moi. Sur les réseaux sociaux, je n'ai pas le droit de le savoir. Je milite donc, certes pas avec mon amendement dont ce n'est pas l'objet, pour que nous puissions avoir cette information. La place publique virtuelle n'est pas différente de la place publique réelle s'agissant de mon droit, du vôtre, de celui de tout citoyen, à se protéger contre le déferlement de la crétinerie.
L'amendement no 2349 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 25
Contre 72
L'amendement no 1629 rectifié n'est pas adopté.
Puisque les dispositifs précédemment proposés ne vous conviennent manifestement pas, je vous en soumets trois autres. L'amendement no 2350 , vise à obliger les plateformes à vérifier, lors de l'inscription, que l'utilisateur final n'utilise pas de système d'anonymisation. Le no 2352 tend à charger la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés – et le Conseil d'État de définir les données minimales qui doivent être collectées pour permettre effectivement l'identification. Quant au no 2351, il vise à compléter le dispositif figurant dans la LCEN relatif aux données minimales d'identification des utilisateurs devant être collectées par tous les hébergeurs de contenus, en chargeant la CNIL et le Conseil d'État de définir ces données.
Il s'agit du même débat que précédemment, l'avis reste donc défavorable.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 1801 .
Il est inspiré par nos deux collègues de Nouvelle-Calédonie.
Vous prévoyez un seuil de connexions à partir duquel s'appliqueront les règles relatives aux opérateurs de plateforme en ligne. La préoccupation de nos collègues calédoniens – qui peut se retrouver sur d'autres territoires de la République – est que s'il n'existe qu'un seuil national, certains petits opérateurs locaux, particulièrement ultramarins, pourraient se trouver en-deçà et donc ne pas voir les règles s'appliquer à eux.
Soyez sensibles, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, au fait que la Nouvelle-Calédonie est un territoire – il y en a d'autres – où les tensions, la haine et l'affrontement sont toujours possibles, particulièrement ces temps-ci. Il serait regrettable de ne pas prévoir la possibilité de fixer un seuil différent, de ne pas bien réguler et de ne pas adapter notre législation aux réseaux calédoniens, polynésiens ou encore guadeloupéens. J'ajoute que l'instauration de plusieurs seuils n'obérerait en rien la capacité d'action de l'État. Si vous n'en prévoyez qu'un, vous vous interdisez de pouvoir vérifier ce qui se passe localement.
J'appelle vraiment votre attention sur ce point, parce que la préoccupation de nos collègues est réelle. Contrairement à la métropole, la haine en ligne peut se traduire par de la violence physique dans ce territoire sous tension et en crise depuis plusieurs années, pour ne pas dire décennies.
Non, pas comme d'habitude. Je vous rappelle qu'à l'initiative de vos collègues nous avons voté pareille disposition dans la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, néanmoins pour des motifs très différents. Nous avions été clairs, il ne pouvait s'agir de seuils territoriaux, mais de seuils fondés sur différents critères de décompte, comme le nombre d'utilisateurs ou de connexions. C'est pourquoi nous avions alors choisi de retenir plusieurs seuils. Or, depuis, la Commission européenne a pris position sur la manière dont on peut définir ces seuils, établissant une définition claire et large pour tous les États membres et retenant le critère du nombre d'utilisateurs uniques par mois. Aussi, dès lors que le débat sur le mode de comptabilisation est tranché, il n'est plus nécessaire de prévoir plusieurs seuils.
Je précise qu'en ce qui concerne des situations particulières comme celle de la Nouvelle-Calédonie, ce ne sont pas nécessairement les dispositions prévues à l'article 19 bis qui s'appliqueront. Celles-ci concernent les grands réseaux sociaux comme Twitter et Facebook, lesquels sont d'ailleurs également utilisés en Nouvelle-Calédonie. S'agissant des sites locaux et des blogs, ce sont des dispositions de l'article 6 de la LCEN qui s'appliquent, lesquelles ont d'ailleurs été renforcées par l'instauration de sanctions plus lourdes.
Même avis.
Je ne peux que regretter le refus de Mme la rapporteure. Ce n'est pas parce que la Commission européenne a fixé un mode de calcul qu'on ne peut pas retenir plusieurs seuils. Si j'ai pris l'exemple de la Nouvelle-Calédonie, c'est parce que c'est le plus sensible ; mais, partout, tout un chacun aura intérêt à passer sous le seuil que vous allez définir pour pouvoir faire ce qu'il souhaite.
L'amendement no 1801 n'est pas adopté.
L'amendement no 1700 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2148 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2510 .
Cet amendement précise que nous aurons, pour chaque opérateur de plateforme, un interlocuteur qui sera une personne physique, située en France.
L'amendement no 2510 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Pacôme Rupin, pour soutenir l'amendement no 1937 , qui fait l'objet d'un sous-amendement de Mme Laetitia Avia, rapporteure.
Je crois, moi, que l'anonymat existe sur internet ; je dirais même qu'il pullule, et qu'internet, c'est le monde de l'anonymat. Mettons-nous d'accord sur la définition : l'anonymat, c'est le fait de dissimuler aux autres son identité. Bien sûr qu'après plusieurs mois d'enquête, on peut remonter à l'identité d'une personne, et heureusement ! Mais cela n'empêche pas que ces millions de personnes qui sont menacées ou insultées chaque jour ont bien un anonyme en face d'eux.
Même si, monsieur le secrétaire d'État, une étude prétend qu'il y a sur internet autant de haine sous couvert d'anonymat qu'à visage découvert, je ne crois pas que l'impact soit le même pour la victime. Être menacé ou insulté par un anonyme ou par quelqu'un qui agit sous son nom, ce n'est pas la même chose : dans le second cas, on peut essayer d'engager le dialogue, ou bien porter plainte.
Cet amendement est modeste : il vise, dans la logique de la rapporteure, à accélérer la levée de l'anonymat en facilitant l'aboutissement des requêtes effectuées par l'autorité judiciaire lorsqu'elle est saisie dans des cas de contenus haineux en ligne. Cet amendement fait clairement porter au point de contact unique, qui constitue une avancée, la responsabilité de transmettre les requêtes « dans les plus brefs délais » aux responsables de la plateforme, capables de lever l'anonymat – et qui sont rarement en France, mais la plupart du temps aux États-Unis.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 2717 .
Le sous-amendement est rédactionnel ; sous réserve de son adoption, je suis très favorable à l'amendement.
C'est un amendement qui n'est pas modeste, cher collègue : c'est la dernière étape qui nous permettra de coopérer vraiment avec les plateformes. Nous n'aurons plus besoin d'envoyer des réquisitions, traduites en anglais, aux États-Unis, pour qu'ensuite les Américains nous répondent que le premier amendement de leur Constitution leur interdit de nous transmettre ces éléments d'identification. Nous pourrons envoyer ces réquisitions en France, selon les lois françaises, et donc obtenir des réponses très rapides.
Même avis.
Le sous-amendement no 2717 est adopté.
L'amendement no 1937 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2511 .
L'amendement no 2511 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 861 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de quatre amendements de précision. Le premier, no 2512, précise que les informations recueillies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – sont celles qui concernent le territoire français. Le deuxième, no 2513, indique que le CSA est également chargé de surveiller les réponses aux injonctions et demandes d'information des autorités judiciaires et administratives, celles que nous évoquions à l'instant. Le troisième, no 2514, est un amendement rédactionnel. Le dernier, no 2515, est un amendement de précision concernant le caractère proportionnel des dispositions de cet article 19 bis.
L'amendement no 2154 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2516 .
Il précise que le CSA sera également chargé de donner aux plateformes des lignes directrices pour l'application des mesures relatives à la modération.
L'amendement no 2516 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2597 .
Il précise les conditions dans lesquelles le CSA pourra se brancher sur les machines de plateforme pour vérifier les algorithmes et ainsi s'assurer du bon fonctionnement de leur modération.
L'amendement no 2597 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2517 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
L'amendement no 2517 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2518 .
Cet amendement de clarification vise à répondre à des questions posées par ces acteurs que l'on appelle les « places de marché », et qui s'interrogeaient sur l'application de l'article 19 bis à leurs activités : il précise que ces acteurs ne sont pas concernés, puisque cet article est relatif au partage de contenus haineux.
La précision apportée ici par Mme la rapporteure est nécessaire et utile. Néanmoins, …
… je lui confirme que les plateformes d'échange ou de commercialisation de biens ou de services ne sont pas incluses dans le champ de l'article. Pour exclure les comparateurs et plateformes de bien et de services sans créer de nouvelle catégorie juridique, nous avons repris la formulation des 1o et 2o de l'article L. 111-7 du code de la consommation, en excluant délibérément les termes « de biens ou de services » et en conservant les « contenus », qui doivent donc s'entendre comme excluant les biens ou services.
Cette explication est, je crois, de nature à rassurer les plateformes d'échange ou de commercialisation de biens ou de services. Je vous invite donc, madame la rapporteure, à retirer votre amendement.
L'amendement no 2518 est retiré.
L'amendement no 2168 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 97
Contre 2
L'article 19 bis, amendé, est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des commissions.
Nos jeunes doivent disposer des outils nécessaires pour se montrer vigilants face aux messages haineux et aux injures en ligne dont ils sont parfois les premières victimes. Si l'article L. 312-9 du code de l'éducation prévoit une formation à l'usage responsable des outils numériques, il nous semble essentiel d'étendre le champ de cette formation. Nous proposons d'y inclure les « injures racistes, en raison d'une orientation sexuelle, une identité de genre, une religion, un handicap, et tout appel à la mise en danger de la vie d'autrui par la diffusion d'informations ».
Nous savons tous, hélas, le rôle du numérique dans la tragédie qui a coûté la vie à Samuel Paty. C'est pourquoi je propose cet amendement.
Je comprends pleinement votre démarche ; un vrai travail de prévention doit être mené auprès des plus jeunes. Toutefois, la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet a déjà modifié l'article L. 312-9, pour viser les contenus haineux que vous détaillez ici et qui font l'objet d'un travail – essentiel – de prévention auprès des plus jeunes. Votre amendement est donc satisfait, et je vous demanderai de le retirer.
Même avis.
L'amendement no 2265 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 754 , 2503 , 2584 , 2504 et 2585 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 754 , 2503 et 2584 d'une part, nos 2504 et 2585 d'autre part, sont identiques.
L'amendement no 754 de M. Robin Reda est défendu, de même que l'amendement no 2503 de Mme Laetitia Avia, rapporteure.
La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l'amendement nos 2584 .
J'ai l'honneur de défendre l'amendement no 2584 , identique à ceux de M. Reda et de Mme la rapporteure, au nom du groupe La République en marche.
Comme vient de le dire Mme Silin, la prévention est indispensable pour venir à bout de ce fléau. Il s'agit ici de la renforcer, à l'école primaire et au collège. On le sait, 38 % des jeunes de 9 à 11 ans sont sur les réseaux sociaux ; 56 % des 11 à 20 ans ont déjà subi des cyberviolences, du cyberharcèlement, été exposés à un contenu haineux ou pornographique. Il faut aussi compter avec les phénomènes d'addiction aux écrans et aux likes, qui peuvent également conduire nos jeunes à des dépressions. Enfin, 24 % des jeunes de 11 à 20 ans disent eux-mêmes avoir été auteurs de cyberviolences.
Il existe déjà des dispositifs de prévention : la police et la gendarmerie font passer aux jeunes, en CM2, un « permis internet ». Je m'adresse aux « gentils trolls » qui se disaient, il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux, opposés à cette idée : une simple recherche sur internet leur indiquera qu'il ne s'agit pas là d'une autorisation d'aller sur les réseaux sociaux, mais d'une formation. Un fascicule est remis une fois que l'élève a suivi cette formation très sérieuse, qui couvre l'ensemble des risques que j'ai évoqués.
Un quart de la classe d'âge, soit 200 000 enfants, passe déjà entre les mains des gendarmes et de la police nationale. Nous voulons généraliser ce type de formation à l'ensemble des enfants de l'école primaire pour planter plus tôt la graine de la citoyenneté numérique. Cela nécessite une inscription dans la loi. Il y a trois ans, nous avons adopté la majorité numérique à quinze ans : il est donc indispensable de commercer la prévention au plus tôt. Au collège, la plateforme Pix n'offre pas une formation assez poussée ; elle offre majoritairement des compétences techniques, et nous voudrions aller plus loin dans la sensibilisation à un usage positif des réseaux sociaux.
Notre collègue Robin Reda, qui préside la mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, dont je suis rapporteure, a compris, comme moi, qu'il s'agissait non seulement d'un enjeu de santé des jeunes mais aussi un enjeu de démocratie et de vivre-ensemble, car le racisme débridé sur les réseaux sociaux doit être combattu par la prévention. Bien sûr, l'éducation et la prévention ne changeront pas tout ; mais, malgré les efforts que nous avons faits hier soir et ce matin sur la régulation et la répression, il est indispensable de passer aussi par l'éducation.
J'ai donc déposé deux amendements : l'amendement no 2584 , identique à ceux de M. Reda et de Mme la rapporteure, est très précis, mais j'entends bien que ce n'est pas au législateur de définir dans le détail les programmes scolaires. J'ai donc déposé l'amendement no 2585 , sur lequel nous demandons un scrutin public, visant à donner au ministère de l'éducation nationale la flexibilité nécessaire pour s'adapter à l'outil internet et aux risques qu'il présente, car internet évolue très vite.
Sur les amendements identiques nos 2504 et 2585 , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 2585 vient d'être défendu.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2504 , en même temps que pour donner l'avis de la commission sur cette série d'amendements.
Comme je l'ai dit hier, la lutte contre la haine en ligne repose sur un triptyque : sanctionner les auteurs, réguler les réseaux sociaux et agir en matière de prévention.
Si nous ne nous intéressons pas à ce que les jeunes font très tôt sur les réseaux sociaux, si nous ne leur faisons pas comprendre leur fonctionnement et leurs dérives, nous resterons au milieu du gué. Il faut généraliser la formation pour l'heure aléatoire et parcellaire – notre collègue Caroline Abadie indiquait que seuls 25 % des enfants y avaient droit. Cette généralisation est importante, monsieur le secrétaire d'État, car elle permettra la pleine implication – y compris financière – des pouvoirs publics dans la prévention et la formation des jeunes, et ce dès l'école primaire ; ainsi, quand ils arriveront au collège, ils auront déjà été sensibilisés et, à la fin du collège, avant d'arriver au lycée, ils bénéficieront d'une seconde couche. Il me semble que c'est là un point essentiel.
Je retire donc l'amendement no 2503 au profit du no 2504 – identique au no 2585 – dont la rédaction est plus souple mais qui répond aux mêmes enjeux.
L'amendement no 2503 est retiré.
Évidemment, la question de la formation des plus jeunes à l'utilisation des réseaux sociaux, notamment leur sensibilisation à la haine et au harcèlement, est essentielle : nombre des coupables ne se rendent pas compte de la gravité de ce qu'ils font. Il est donc indispensable de les former à l'utilisation de ces outils, et Jean-Michel Blanquer est déjà mobilisé sur le sujet. Une attestation est déjà délivrée en troisième ; …
… une autre s'y substituera à la fin de l'année 2022 et, à l'initiative, ici, de la majorité et de Caroline Abadie en particulier, une autre attestation pourrait utilement être ajoutée en fin de primaire. Je demande le retrait des amendements identiques nos 754 et 2584 au bénéfice des amendements identiques nos 2504 et 2585 .
L'amendement no 2584 est retiré.
Les députés du groupe Les Républicains m'indiquent pour leur part qu'ils maintiennent l'amendement no 754 .
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Nous sommes tous d'accord pour que les enfants apprennent à mieux gérer internet et l'outil informatique. Toutefois, comme je l'ai déjà dit en commission, la loi ne doit pas être bavarde, comme on dit. Or les textes en vigueur contiennent déjà tout ce qu'il faut : la plateforme Pix est régie par l'éducation nationale ; si l'on veut la modifier, il faut s'adresser à Jean-Michel Blanquer et passer par un arrêté ou par un décret.
Je comprends votre préoccupation concernant le fond du problème, et je la partage, mais j'aimerais savoir ce que ces amendements ajoutent à ce qui se trouve déjà dans les textes. Je peux vous les citer : le décret no 2019-919 du 30 août 2019, l'arrêté du même jour… Tout y est déjà.
Mme Caroline Abadie proteste.
Ces textes datent de 2019, madame Abadie. Travaillons sur ce qui a été voté en 2019 ! Nous sommes en 2021 : si nous ajoutons autre chose, le temps que les arrêtés et les décrets soient pris, les mesures ne seront pas effectives tout de suite.
J'aimerais plutôt, monsieur le secrétaire d'État, que vous preniez l'engagement que le Gouvernement travaille avec nous sur ces décrets et ces arrêtés. Je ne nie pas le fond du problème ; simplement, nous avons déjà tout ce qu'il faut, et les textes de lois sont suffisamment longs.
Madame la rapporteure, vous savez assez nous dire quand un amendement est satisfait ; or c'est typiquement le cas ici.
Le contenu de la formation doit être défini sous l'égide du ministère de l'éducation nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Charles de Courson applaudit également.
Je vais me démarquer de la position précédente car je crois qu'il est parfois important de cristalliser les choses au niveau législatif afin de prendre acte de la situation.
La situation, c'est que les jeunes générations qui, contrairement à la nôtre, n'ont pas vu apparaître internet et les réseaux sociaux mais ont grandi avec, ne disposent d'aucun recul par rapport à eux. Il est donc est indispensable de les former à toutes les étapes de leur scolarité. Nous accueillons ces amendements avec enthousiasme et nous les soutiendrons avec beaucoup de conviction.
Mmes Caroline Abadie et Fabienne Colboc applaudissent.
J'ai bien compris l'explication de notre collègue Perrine Goulet sur le fait que les amendements en discussion étaient satisfaits par plusieurs arrêtés. Nous sommes, au demeurant, favorables à la sensibilisation des jeunes aux réseaux sociaux. Mon interrogation est la suivante : que va-t-on retirer des programmes scolaires et quels moyens supplémentaires seront donnés aux écoles pour assurer cette formation ? Car on les charge toujours plus, sans leur donner les moyens humains et matériels de réaliser ces ambitions.
Ces amendements sont logiques. Les enseignants – je dis bien les enseignants – qui dispensent les cours d'informatique en vue du B2i, le brevet informatique et internet, devraient être formés, afin de pouvoir dire eux-mêmes aux élèves : « Attention, internet peut être dangereux, on peut y trouver des messages de haine. » Il est évident qu'il faut donner aux élèves les moyens de comprendre les contenus en ligne et de lutter contre le fléau des messages de haine ; ce sont des amendements de bon sens auxquels on ne peut pas s'opposer. D'ailleurs, Robin Reda disait à peu près la même chose.
Un des drames de notre législation est qu'elle devient en effet bavarde : c'est le cas pour d'autres dispositions, et c'est le cas pour ces amendements.
Pire encore, comme l'a fait remarquer notre collègue du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, l'éducation nationale n'est aujourd'hui pas capable de former ses propres professeurs. J'ai l'exemple d'une commune qui vient de distribuer 5 500 tablettes aux élèves de cours élémentaire : il faut former 380 professeurs, ce que le ministère n'est pas capable de faire en moins d'un an et demi ! Vous imaginez si ces professeurs seront capables d'aborder ces difficultés avec les élèves… On peut faire de grandes déclarations dans l'hémicycle, mais elles sont inopérantes sur le terrain.
L'amendement no 754 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 84
Contre 6
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il promeut lui aussi la prévention sur l'utilisation d'internet auprès des jeunes.
Selon une étude du think tank Renaissance numérique, réalisée avec l'association Génération numérique, 52 % des jeunes sont exposés à des propos haineux sur internet. Oui, la citoyenneté numérique de ce jeune public reste largement à construire : liberté totale d'expression, absence de règles et de barrières… Ces paramètres font des réseaux sociaux le lieu privilégié des appels à la haine, du repli sur soi et de l'endoctrinement.
Afin de mieux protéger les jeunes et de renforcer la prévention, l'amendement propose d'imposer aux plateformes qui permettent l'inscription de mineurs de moins de 15 ans de délivrer à ces derniers ainsi qu'à leurs parents une sensibilisation à l'utilisation civique et responsable de leurs services, ainsi qu'une information sur les risques juridiques encourus par le mineur et ses parents en cas de diffusion de contenus haineux.
Cette nouvelle obligation renforce le permis internet dont nous venons de voter la création et sensibilise les jeunes au bon usage d'internet.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir le sous-amendement no 2723 .
C'est un sous-amendement rédactionnel.
Avis très favorable à cette disposition présentée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, car elle permet de compléter le dispositif de prévention sur les réseaux sociaux. Avis favorable également au sous-amendement rédactionnel.
Le sous-amendement no 2723 est adopté.
L'amendement no 2599 , sous-amendé, est adopté.
Notre attention à tous, jeunes et moins jeunes, est de plus en plus captée par les réseaux sociaux au point que peut se produire une forme d'enfermement informationnel pouvant aller jusqu'au changement d'opinion sur tel ou tel sujet, voire à la radicalisation, comme nous l'avons évoqué à plusieurs reprises.
L'amendement no 2214 vise à donner aux utilisateurs les moyens techniques nécessaires, délivrés par la plateforme, pour évaluer leur action et leur activité sur les réseaux sociaux et comprendre le fonctionnement de ceux-ci en termes de contenu vu, de likes, d'information absorbée et de temps passé.
Quant à l'amendement no 2219 , il vise à protéger les mineurs, puisque, comme mes collègues – notamment Mme Abadie – l'ont déjà indiqué, ceux-ci sont exposés à des contenus haineux, ou même pornographiques, alors que c'est interdit.
Parfois, ces contenus émanent du secteur culturel et ont déjà été traités par le CSA qui a soumis leur consultation à une limite d'âge, mais ne sont pas présentés comme tels sur les réseaux sociaux. L'amendement vise donc à contraindre les plateformes à reproduire les métadonnées ajoutées par le CSA.
Je vous remercie, madame Faure-Muntian pour ces deux amendements denses, qui reflètent le travail que vous menez depuis de nombreux mois. Ils visent à construire un véritable système de prévention, placé entre les mains des plateformes, afin que celles-ci donnent toutes les informations nécessaires à leurs utilisateurs, leur permettent de connaître les risques auxquels ils s'exposent, et les aident à réguler leur utilisation des réseaux sociaux.
Cette approche me semble positive et porteuse. Toutefois, ces amendements, au contenu très fourni, doivent encore être travaillés, notamment en lien avec la Commission européenne, puisqu'ils concernent des éléments structurants de la régulation.
Faut-il renforcer le volet prévention ? À mon avis, oui, y compris en passant par des mesures de régulation.
Je suis prête à défendre ces projets avec vous auprès de la Commission européenne, parce qu'ils sont porteurs pour l'avenir. Je vous invite donc à retirer ces deux amendements, en gardant à l'esprit la nécessité d'avancer dans leur sens.
Madame Faure-Muntian, je partage l'idée qu'il faut mieux protéger les mineurs de certains contenus. Adrien Taquet et moi-même avons d'ailleurs annoncé il y a quelques jours la mise en ligne d'une plateforme de sensibilisation des parents à l'exposition des mineurs à la pornographie, qui est une forme de violence, notamment pour les plus jeunes – je rappelle qu'un enfant de moins de 12 ans sur trois y a déjà été exposé.
Toutefois, les questions dont vous traitez dans l'amendement no 2219 , ont récemment fait l'objet d'initiatives au niveau européen. Je pense notamment à la directive sur les services de médias audiovisuels, dite SMA, transposée en France par une ordonnance du 21 décembre 2020, qui confie au CSA le rôle de veiller à ce que les plateformes de partage des vidéos prennent des mesures appropriées, concernant précisément leur signalétique, le signalement des contenus choquants, l'instauration de contrôle parentaux ou encore l'éducation aux médias.
L'amendement no 2214 nous semble intéressant, quoiqu'il tende à fixer des obligations quelque peu disproportionnées aux plateformes. Ainsi, la troisième obligation que vous prévoyez imposerait une modification structurelle du modèle de fonctionnement des plateformes.
Par ailleurs, l'objet de l'article 19 bis est d'anticiper dans le droit national les dispositions du DSA – Digital Services Act – , or le dispositif que vous proposez s'en éloigne. Restons-en aux dispositions initialement prévues.
Je vous propose de continuer à discuter de ces deux sujets et vous invite à retirer vos amendements au bénéfice de ce travail.
Madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre engagement à travailler sur ces sujets auprès de la Commission européenne et retire mes amendements.
Lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, nous avons déjà dit notre opposition de fond à la procédure de comparution immédiate. Nous n'avons pas changé d'avis : elle désavantage très largement la défense. En bonne logique, nous demandons la suppression de cet article qui vise à en étendre l'application.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 2013 .
Ces dernières années, le champ d'application des procédures de jugement rapide s'est étendu, souvent, d'ailleurs, au nom d'un souci de gestion des flux dans les tribunaux plutôt qu'au nom de la qualité de la justice rendue.
Or l'article 20 vise à étendre ces procédures à une matière sensible. Un jugement rapide ne permettrait pas, selon nous, d'assurer l'équilibre nécessaire entre la liberté d'expression et répression des abus auxquels elle donne lieu. Il ne faut donc pas traiter ceux-ci selon cette procédure.
Sur l'article 20, je suis par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
En commission, M. Coquerel avait déjà formulé son opposition de principe à la procédure de comparution immédiate. C'est aussi, semble-t-il, votre cas, madame Faucillon ?
Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de justice au rabais. Les différentes procédures s'appliquent chacune dans un cadre dédié et nécessaire.
La comparution immédiate, si elle permet en effet un jugement rapide, ne supprime pas les droits de la défense ! Ce n'est pas de la justice expéditive ou au rabais !
Cette procédure est en effet utilisée pour les dossiers dénués de complexité, mais sur proposition du parquet, et après que le prévenu l'a acceptée. Certains dossiers sensibles nécessitent pour leur part une instruction longue, des mois parfois, pour trouver la ligne de crête entre respect de la liberté d'expression et sanction des abus. Mais d'autres ne demandent pas tant de débats – quand les insultes « sale juif », « sale négresse » ont été proférées, par exemple. Ce sont ceux que nous visons ici.
Si l'on soumet ces prévenus à une comparution immédiate, la décision judiciaire pourra s'inscrire dans le temps rapide des réseaux sociaux. Si elle est prononcée suffisamment vite, la peine produira pleinement l'un de ses effets nécessaires, celui d'exemplarité, non pas seulement sur l'opinion publique, mais aussi sur la personne condamnée, qui songera : « J'ai commis une faute, j'ai été sanctionné ; je ne récidiverai pas. » Une telle vertu pédagogique de la peine est importante.
Je vous rappelle en outre que la procédure ne s'appliquera évidemment pas aux dossiers qui relèvent de la responsabilité en cascade, soit ceux où le contenu incriminé s'inscrit dans une ligne éditoriale, et a été validé par un éditeur – qui est, en tant que tel, soumis aux règles de procédure de la loi du 29 juillet 1881.
Enfin, la procédure de comparution immédiate restera toujours soumise au consentement du prévenu.
Avis défavorable sur les amendements de suppression.
Rappelons d'abord que la comparution immédiate n'est possible que quand le dossier est en état d'être jugé, comme l'indique le texte.
Actuellement, des haineux en ligne, hélas de plus en plus nombreux, se lovent dans les protections apportées par la loi du 29 juillet 1881, pour bénéficier du statut particulier nécessaire aux journalistes et à la presse au sens large du terme. Or dans ce domaine, le délai entre les faits commis et le jugement est très long, parce que les journalistes ont besoin d'apaisement et que de vraies discussions sont nécessaires. Les journalistes, au sens très large du terme, ont besoin de ce texte de 1881.
Hier, nous parlions ici de liberté de la presse et de liberté tout court – c'est le lieu par excellence pour cela. J'ai beaucoup consulté les syndicats de journalistes, les avocats en droit de la presse et les patrons de presse ; tous ont manifesté leur attachement viscéral à cette loi de 1881. Dès lors, comment faire ? Nous ne touchons pas à cette dernière mais nous proposons des procédures pénales pour que les haineux en ligne qui ne sont pas journalistes puissent être sanctionnés très rapidement.
Madame la rapporteure a rappelé qu'il s'agissait souvent de jeunes qui diffusent la haine en toute impunité. Est-il normal qu'ils soient jugés dix-huit mois après les faits, comme le seraient les journalistes ? Non. Alors même que je ne crois pas toujours à la vertu exemplaire des peines, c'est-à-dire à leur capacité à entraver la délinquance – Robert Badinter disait que l'on ne commet pas une infraction avec un code pénal sous le bras – , je sais que la rapidité, ça parle aux gamins.
Ceux qui, le lundi, diffusent la haine en ligne, ce véritable poison de notre société, pourront être jugés le mardi, si le dossier le permet : voilà qui parle au justiciable, voilà qui fait véritablement exemple. Les gamins doivent savoir qu'il n'est plus possible de raconter impunément n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Je suis très attaché à l'article 20. Bien sûr, il ne réglera pas tous les problèmes, mais il interdira certains cas de diffusion de haine en ligne ; si vous l'adoptez, ni vous ni moi n'aurons perdu notre temps.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 115
Contre 10
L'article 20 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La notion d'« identité de genre » apporte la confusion dans le droit. M. Breton, M. Hetzel et moi-même proposons donc de la supprimer de cet article.
L'identité de genre n'est pas une question idéologique, mais une réalité. Il faudra bien un jour que vous l'entendiez. Avis défavorable.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis très surpris, monsieur le garde des sceaux. J'ai connu un avocat, qui, alors qu'il n'était pas encore ministre, expliquait au prétoire qu'il était parfaitement normal de dire « madame le président », et qu'il ne fallait pas modeler la langue selon les revendications.
La notion d'identité de genre conduit, comme on le voit d'ailleurs au Canada et au Québec, à réclamer l'écriture inclusive, puis des pronoms neutres, …
… pour éviter de discriminer ceux qui ne se reconnaissent pas dans la « binarité » de genre.
La non-discrimination crée ensuite des formes de délit, liées à la dysphorie de genre, pour les cisgenres, à savoir ceux qui se reconnaissent comme hommes ou bien comme femmes et qui refusent de se retrouver dans la non-binarité.
Cette dernière pourrait, avec le concept d'identité de genre, se limiter à trois catégories, mais il n'en est rien : au-delà de l'homme et de la femme, il y a toute une série de variations – non-binaires gris, non-binaires A… – qui se positionnent sur une échelle, de mon point de vue assez subjective, entre l'homme et la femme.
Au-delà de ce que vous appelez une réalité, il y a une réalité sociale. Comment avoir demain des interactions humaines si votre interlocuteur vous accuse de le discriminer si vous n'utilisez pas les pronoms qu'il s'est choisis ?
Un jour, j'ai voulu organiser un colloque sur l'écriture inclusive : avant même l'ouverture de celui-ci, quelqu'un m'a menacé de m'accuser de le discriminer si une autre personne s'adressait à lui, au cours des interventions, avec des pronoms différents de ceux qu'il avait choisis.
Si nous nous appliquions cette règle, nous ne serions pas près, à 577, de voter certaines lois !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai entendu des propos surprenants depuis le début du débat, mais ceux de Mme Aubert
Rires
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Pardon, c'est M. Aubert, peut-être ?
Nous sommes en train de parler de l'intimité. Si le concept vous échappe, c'est dommage.
Brouhaha sur les bancs du groupe LR.
Le genre s'apparente à l'orientation sexuelle en cela qu'il appartient à chacun. En effet, chacun décide de sa vie et s'épanouit dans le genre qui lui convient. J'ai du mal à comprendre votre acharnement.
Mme Agnès Thill proteste.
Hier, vous défendiez la conformité des petites filles à l'image que vous vous faites des petites filles ; aujourd'hui, vous nous dites qu'il n'existe que deux états – petite fille et petit garçon : votre vie doit être bien triste.
Protestations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Il est regrettable que vous souhaitiez, au nom de convictions essentiellement religieuses, …
La France a fait l'objet de plusieurs condamnations en matière de conformation sexuée et de discriminations à l'égard de personnes fondées sur leur orientation ou leur identité de genre. Je regrette que vous défendiez des positions qui conduisent à des condamnations de notre pays. C'est sidérant !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Laetitia Avia, rapporteure, applaudit également.
J'invite chacun à prendre la parole sans tomber dans la caricature ni dans l'admonestation personnelle, qui ne font pas du tout avancer les débats sur le fond du texte.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 70 du règlement : « Peut faire l'objet de peines disciplinaires tout membre de l'Assemblée qui se livre à des manifestations troublant l'ordre ou qui provoque une scène tumultueuse [… ]. »
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Lorsqu'on prétend défendre l'identité de genre, refuser à quelqu'un le genre masculin qu'il s'est assigné est pour le moins contradictoire : …
… vous venez de provoquer une dysphorie de genre et vous venez de me discriminer, cher collègue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Après l'article 20
Sourires sur les bancs du groupe LR.
« Monsieur » le garde des sceaux, mes chers collègues, « madame » la rapporteure,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
le débat auquel vous nous invitez, monsieur le ministre, est très intéressant : l'identité de genre est un concept qui relève de la sociologie…
… et de la psychanalyse : il n'a rien à faire dans le droit. Ce dernier vise à parler ensemble des mêmes choses, donc à évacuer le subjectif.
Je ne sais pas si je dois vous dire « monsieur » ou « madame » le garde des sceaux, parce que vous venez peut-être de décider que votre genre était féminin. Je comprends que cela existe dans la vie, mais je le récuse pour les rapports juridiques. Vous nous dites que cette notion recouvre une réalité : tout de suite les grands mots ! Quelle est cette réalité ? Pouvez-vous définir l'identité de genre et donner le nombre de catégories de genre – Facebook en compte cinquante-deux ? Puisque vous êtes un militant de la théorie du genre, éclairez-nous sur ces aspects très concrets !
Encore une fois, mon intention n'est pas d'aller sur le terrain de la sociologie et de la psychanalyse : nous sommes là pour faire du droit, c'est-à-dire pour nous accorder sur certains points qui permettent de vivre en société. Le concept de genre vise à déconstruire et même à détruire tous les rapports sociaux fondés, eux, sur une réalité.
Chacun d'entre nous y est confronté tous les jours, mais certains n'acceptent pas le corps, soit parce qu'ils ont un problème avec lui – ce que nous respectons – , soit parce que, dans leur lutte idéologique contre tous les héritages, ils le refusent en tant qu'entité donnée car ils pensent que l'homme doit se créer complètement, de A à Z.
Vous êtes complices de cette théorie, car, ministres fantoches,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. le garde des sceaux proteste également
vous suivez des associations militantes qui vous tirent par le bout du nez. Ayez le courage de définir précisément le genre ! Au lieu de cela, vous allez encore nous abreuver de grands mots ne recouvrant aucune réalité juridique, pourtant l'objet de notre débat.
Monsieur Breton – et ceci vaut pour tout le monde – , j'invite chacun à tenir des propos respectueux, ceux-ci n'empêchant pas les discussions de fond.
Je considère que « ministre fantoche » n'est pas une expression respectueuse, madame Genevard. Je me permets de le dire à M. Breton, car elle n'apporte rien à son argumentation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous nous avez invités avec raison à la modération, car nos discussions ne sont pas, depuis quelques minutes, à la hauteur de notre mandat. Les avis peuvent être diamétralement opposés sur une question comme celle-là, mais aucun d'entre nous ne doit se croire autorisé à juger, à invectiver ou à tenir les propos que l'on a entendus.
Vous avez raison, monsieur le garde des sceaux, l'identité de genre est une réalité, mais elle est aussi une idéologie. Les propos de M. Gérard montrent que, comme toute idéologie, elle cherche à imposer son point de vue. Cela n'est pas acceptable.
Sachez que la rigidité sur ces questions, et c'est une réalité pour le coup incontestable, provoque des souffrances infinies.
En outre, ce n'est pas le droit qui fait évoluer la société, mais c'est la société qui nous contraint à faire évoluer le droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est une réalité ! Notre monde n'est pas binaire. Je peux très bien entendre que cela puisse interpeller et interroger certaines personnes, mais nous ne pouvons pas nier cette situation, pas plus que nous ne pouvons nier que celle-ci engendre des discriminations qui heurtent les individus concernés.
Bien sûr !
Nous devons nous réjouir que le Parlement ait inscrit dans la loi, en 2017, la possibilité d'incriminer ces discriminations. C'est une très belle chose, que nous ne pouvons pas imaginer supprimer. Nous ne reculons pas, nous progressons en la matière !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 752 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 250 , 641 , 2100 , 1764 et 1894 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 641 et 2100 sont identiques, de même que les amendements nos 1764 et 1894 .
Les amendements nos 250 de Mme Marine Brenier, 641 de M. David Lorion et 2100 de M. Jean-Luc Poudroux sont défendus.
La parole est à Mme Catherine Osson, pour soutenir l'amendement no 1764 .
Il est issu des travaux menés avec l'Autonome de solidarité laïque. Le délai de prescription pour poursuivre les auteurs de délits à l'encontre d'agents du service public est de trois mois. Un délai aussi court n'est assurément pas dissuasif pour les personnes qui voudraient s'en prendre aux fonctionnaires ; surtout, il limite la capacité des victimes à agir en justice. L'amendement vise donc à étendre à un an le délai de prescription.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 1894 .
Le délai actuel de prescription pour poursuivre les auteurs de délits à l'encontre d'agents du service public est de trois mois. Ce délai étant trop court, nous proposons également de le porter à un an.
Le délai de prescription est toujours lié au délit et non à la qualité de la victime. Il n'est pas possible de le moduler en fonction de la victime.
En commission, nous avons allongé le délai de prescription pour certains délits prévus par la loi de 1881 – les contraventions conservant un délai de prescription de trois mois – , que l'association à laquelle vous avez fait allusion avait mis en avant : il s'agit notamment du délit de provocation à la haine, prévu par l'article 24 de la loi, pour lequel le délai de prescription est passé à un an.
Votre amendement étant satisfait, j'en demande le retrait. Si vous le mainteniez, l'avis serait défavorable car il n'est pas possible, je le répète, de fonder un délai de prescription sur la qualité de la victime.
Avis défavorable.
L'amendement no 1764 est retiré.
L'amendement no 250 n'est pas adopté.
L'amendement no 1894 n'est pas adopté.
Sur les articles 20 bis et 20 ter, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutins publics.
Les deux scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 753 de M. Robin Reda est défendu.
L'amendement no 753 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1698 de Mme Caroline Abadie est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement no 1698 est retiré.
On ne va pas refaire le débat sur l'identité de genre. Ce serait pourtant très intéressant car plus on avance plus on se rend compte des contradictions. La preuve en est que la rapporteure parle des personnes intersexuées : cela n'a rien à voir !
Madame la rapporteure, vous confondez le sexe et le genre, mais, j'y insiste, cela n'a rien à voir.
L'intersexuation fait justement référence au corps, alors que le genre, s'il intègre le corps, n'en fait pas sa référence principale. Vous êtes vous-même en pleine confusion, aussi, de grâce, arrêtez d'introduire dans le droit des concepts que vous ne maîtrisez pas.
Nous avons déjà eu ce débat sur la théorie du genre. Mais, monsieur le garde des sceaux, tout comme le ministre de l'intérieur, vous ne répondez pas à la question : qu'est-ce que l'identité de genre ? C'est problématique, car vous l'introduisez dans le droit, mais sans la définir. Il faut que vous fassiez part de votre définition de ce concept.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 115
Contre 21
L'article 20 bis est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 111
Contre 13
L'article 20 ter est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à dix heures.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement no 1212 , portant article additionnel avant l'article 21.
Cet amendement rédactionnel est un amendement d'appel, destiné à modifier l'intitulé de la section 1 du chapitre V : « Dispositions relatives à l'instruction en famille », en : « Dispositions relatives à la restriction de l'instruction en famille ». Car l'objet de l'article 21 est bien de restreindre l'instruction en famille, en la faisant passer d'un régime de droits et de libertés à un régime d'interdictions et de dérogations, où la liberté est désormais l'exception.
Que l'on ne nous dise pas que l'instruction en famille existera toujours : dès lors qu'il faudra demander une autorisation, une dérogation, elle sera de fait interdite.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Mme Anne-Laure Blin applaudit également
La parole est à Mme Anne Brugnera, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre V du titre Ier, pour donner l'avis de la commission.
Votre amendement propose effectivement de changer l'intitulé de la section 1 du chapitre V, qui concerne l'article 21, lequel traite de l'instruction en famille : nous en discuterons longuement, qu'il s'agisse de ses modalités, des familles ou des enfants concernés ou de la façon dont nous souhaitons faire évoluer ce dispositif. L'instruction en famille restera une possibilité offerte aux familles…
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, pour donner l'avis du Gouvernement.
Vous avez évoqué un amendement rédactionnel, mais je pense qu'il est au contraire très politique. Vous cherchez à qualifier cet article de restrictif et c'est votre droit. Mais c'est contre-productif par rapport à l'objectif que vous visez, puisque l'intitulé actuel indique précisément qu'il s'agit de préciser une liberté, ce qui est le cas pour toutes les libertés. C'est justement lorsque les libertés ne sont pas précisées, qu'elles ne sont que peu garanties. Adopter l'intitulé que vous proposez irait au contraire dans le sens d'une restriction de l'instruction en famille. Vous devriez donc vous-même voter contre votre amendement !
Rires sur quelques bancs du groupe LaREM.
La liberté d'instruction est une liberté fondamentale, de valeur constitutionnelle, et ne saurait donc connaître de restriction autre que celle de ne pas nuire à la liberté d'autrui, principe de même nature.
Il existe également, monsieur le ministre, un objectif de valeur constitutionnelle, qui est celui de l'intelligibilité de la loi. Avec l'article 21, vous encadrez une liberté fondamentale et la restreignez à certaines situations, à certains enfants, à certaines familles. Il est donc normal, dans la mesure où le législateur souhaite se conformer au principe constitutionnel d'intelligibilité de la loi, qu'il vous propose d'inscrire la notion de « restriction » dans l'intitulé de la section 1 du chapitre V, puisqu'il s'agit précisément de votre objectif.
Monsieur le ministre, en passant d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation, vous restreignez une liberté. Pour qu'une liberté soit effective, il faut ne pas avoir à lever le doigt pour demander à l'État : « S'il te plaît, monsieur l'État, est-ce que je peux exercer cette liberté ? », ou alors ce n'est plus une liberté. Une décision du Conseil constitutionnel relative aux libertés fondamentales a déjà invalidé une disposition comportant un régime d'autorisation préalable.
Eu égard au texte proposé, le mot « restriction » est très juste. Nous pourrions ne pas modifier l'intitulé de la section 1 du chapitre V, à condition que vous vous engagiez à revenir sur ce régime d'autorisation très encadré, qui restreindra la liberté des familles. Mais j'ai cru comprendre que telle n'était pas votre intention. Je considère donc cet amendement comme très pertinent.
L'amendement no 1212 n'est pas adopté.
Respectons chacun dans ce débat : l'instruction en famille est une question trop importante pour être caricaturée, d'un côté comme de l'autre, trop sensible pour être traitée de manière simpliste, trop essentielle pour être traitée de manière annexe : c'est un sujet d'éducation en soi. Cependant, il faudrait être naïf pour ne pas voir que l'instruction en famille peut couvrir des tentations de séparatisme, sans qu'il soit question de confondre les familles séparatistes avec les autres, dont le choix de recourir à l'instruction en famille doit être protégé.
Le phénomène existe, certes marginal, mais croissant. Il faut lire Jean-Pierre Obin, qui nous alerte à ce propos. Nous ne pouvons pas passer à côté de ce sujet, non, nous ne le pouvons pas en feignant de ne pas voir la situation. Nous sommes législateurs : il nous faut être lucides.
L'objet de ce projet de loi est précisément de donner à l'État les moyens d'agir contre des phénomènes qui échappaient jusqu'alors à sa vigilance. Le groupe Agir ensemble est, bien entendu, attaché aux droits fondamentaux que sont la liberté d'enseignement et la liberté de choisir les modalités d'instruction de son enfant. Mais le devoir républicain d'assurer l'égalité des chances pour tous sans aucune distinction existe aussi. Oui, nous sommes favorables à une forme de contrôle préalable pour l'instruction en famille. D'autres députés du groupe Agir ensemble exprimeront plus tard un avis personnel, différent de celui que je défends.
La maîtrise de la langue est à nos yeux une condition nécessaire avant toute autorisation, faute de quoi surgiraient des inégalités de chances très fortes, au détriment de l'enfant. Mon collègue Benoit Potterie défendra, pour notre groupe, un amendement en ce sens.
Il me semble pertinent de distinguer l'instruction en famille simple, de l'instruction en famille qui s'inscrit dans le système de l'enseignement à distance, qu'il s'agisse du CNED – Centre national d'enseignement à distance – ou d'organismes privés. Pourquoi cela ? Parce que ces structures garantissent un cadre, un suivi et un accompagnement. Dès lors, le contrôle est plus simple. C'est la raison pour laquelle il nous semble justifié de préserver une certaine souplesse pour ce cadre précis. Nous avons également déposé un amendement en ce sens, afin de maintenir le système de dérogation préalable, pour les élèves scolarisés en établissement d'enseignement à distance.
Il nous faut protéger les familles qui, jusqu'à aujourd'hui, ont choisi, en toute liberté et en toute responsabilité, l'instruction en famille, sans jamais poser de problèmes. Mais nous devons agir avec force et conviction contre les familles qui contournent le droit et qui sont dans une logique de séparatisme.
Ce débat parlementaire requiert une certaine hauteur de vue. Nous devons respecter les positions des uns et des autres, sans oublier que nous devons aussi agir pour protéger les enfants, susceptibles de se retrouver dans des situations délicates, parce que leur famille veut clairement contourner la loi et le droit, et s'inscrire dans une logique de séparation de la République.
Je demande une suspension de séance, pour dix minutes.
La parole est à M. Benoit Potterie. La séance sera suspendue après qu'il se sera exprimé.
Le droit de pratiquer l'instruction en famille est aussi ancien que l'instruction obligatoire. Il fait l'objet, depuis son existence, de débats passionnés, tant au sein de la société que dans cet hémicycle. Ce droit a pourtant, malgré 140 ans d'histoire et de débats, toujours été maintenu, parce qu'il a su prouver sa pertinence. Il répond en effet à une multitude de situations particulières auxquelles l'école, malheureusement, n'apporte pas de réponse.
Si l'instruction en famille ne représente aujourd'hui qu'environ 0,5 % des enfants de notre pays, la liste des raisons pour lesquelles elle est pratiquée est infinie. Je me suis, à cet égard, entretenu avec un grand nombre de familles concernées. J'ai ainsi rencontré des enfants qui ont quitté l'école parce qu'ils subissaient des situations de harcèlement : dans leur cas, l'instruction en famille a constitué une bouffée d'oxygène et leur a permis de reprendre confiance en eux.
J'ai également rencontré des enfants à haut potentiel : l'instruction en famille, assurée par des parents très investis, leur a permis d'acquérir des niveaux de connaissance et de maturité bien supérieurs à ce qui est normalement attendu.
J'ai aussi rencontré des enfants qui avaient des difficultés scolaires, qui se sentaient humiliés par leurs échecs à l'école et qui ont retrouvé le goût d'apprendre grâce à des pédagogies différentes.
Dans l'ensemble, l'instruction à domicile est une pratique positive : plus de 90 % des inspections dans les familles donnent lieu à des avis favorables. Il faut se réjouir de l'implication des parents dans l'instruction de leurs enfants, car cette diversité pédagogique est une richesse et permet la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
L'article 21 entend restreindre le droit à l'instruction en famille dans le but de lutter contre les pratiques séparatistes. Il cible plus spécifiquement les familles radicalisées qui retirent leurs enfants de l'école et leur proposent, au mieux, une instruction minimale et, au pire, un endoctrinement.
Bien sûr, l'islamisme radical existe et nous devons activer l'ensemble des leviers qui sont à notre disposition pour contrer cette idéologie mortifère. Nous devons par ailleurs, et c'est une évidence, lutter contre l'évitement scolaire et faire revenir dans nos radars les enfants déscolarisés.
C'est pourquoi, bien que je n'adhère pas à cet article, je tiens quand même à saluer l'adoption de certains amendements lors de l'examen du texte en commission spéciale. La généralisation des cellules de prévention de l'évitement scolaire, adoptée sur proposition de la rapporteure, est une très bonne chose : ces structures, qui regroupent les services de l'éducation nationale et du conseil départemental, ainsi que les caisses d'allocations familiales, sont déjà expérimentées dans le Nord et ont apporté des résultats.
Je salue également le principe de l'attribution d'un numéro d'identification à chaque élève, …
… y compris à ceux qui étudient dans des écoles privées hors contrat ou à domicile. Cette attribution permettra de suivre l'ensemble des enfants durant toute leur scolarité et d'éviter, de cette manière, que certains d'entre eux n'échappent à la République.
Par ailleurs, je ne suis pas opposé à un certain encadrement de l'IEF – instruction en famille. Il me semble, par exemple, absolument nécessaire que les parents qui choisissent d'instruire leurs enfants en famille aient un niveau minimal en français. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
En revanche, une interdiction par défaut, avec une liste très restreinte de situations donnant accès à des dérogations, me paraît très dommageable. Elle pénaliserait des milliers de familles qui pratiquent l'instruction en famille dans un contexte sain et dans le respect de la loi, avec un projet de vie et un investissement personnel et familial permanent.
En cas de maintien de l'article 21, je soumettrai un amendement autorisant une plus grande souplesse dans les dérogations. La solution au séparatisme se situe, à mon sens, à un autre niveau. Nous devons créer du commun à travers la culture, les opportunités économiques ou encore l'affirmation d'un projet républicain positif, plutôt que par toujours plus de contraintes.
Vous souhaitez, monsieur le ministre, que la séance soit suspendue pour dix minutes. Je vous rappelle que le Gouvernement a déjà, juste auparavant, demandé une suspension de quinze minutes, et que la séance a été suspendue pendant vingt-sept minutes. Donc, si le Gouvernement souhaite que la séance soit suspendue pour dix minutes, elle le sera, mais elle reprendra dans dix minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt-cinq.
Article 21
Dans un ouvrage intitulé Idéal laïque… Concorde du monde, publié en 1963, Jean Cotereau cite le vers d'un poète du XVIe siècle, resté gravé dans sa mémoire : « Il méditait en lui la concorde du monde ». Ce vers était dédié à un humaniste, Guillaume Postel, né en 1510 et mort en 1581, qui avait écrit, entre autres, quatre livres consacrés à la concorde, dont La Concorde du monde et Le Livre de la concorde entre le Coran, ou loi de Mahomet, et les évangélistes – je tenais à mentionner ce dernier ouvrage, dont le titre dit beaucoup de choses.
À la même époque, un autre grand humaniste, Montaigne, énonçait dans un célèbre chapitre de ses Essais, intitulé « De l'institution des enfants », quelques principes pédagogiques, qui seraient d'ailleurs intégrés ultérieurement dans la conception de base de l'enseignement public. Ces principes s'adressaient au précepteur et à son élève : « Qu'il lui fasse tout passer par l'étamine et ne loge rien en sa tête par simple autorité et à crédit [… ]. Qu'on lui propose cette diversité de jugements : il choisira s'il peut, sinon il demeurera en doute. » Montaigne ajoutait à la suite un vers de Dante : « Non moins que savoir, doute m'agrée ».
Comme beaucoup d'entre nous ici, je suis souvent en doute, je l'avoue. Je garde en mémoire une phrase entendue lorsque j'étais nouveau député, prononcée, je crois, par Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, citant lui-même un auteur du code civil : il ne faut légiférer que d'une main tremblante.
Autrement dit, il faut bien mesurer toutes les conséquences de ce que l'on va graver dans le marbre de la loi. Je suis moi-même très souvent en doute, …
… et c'est le cas à propos de ce texte. Je suis d'autant plus en doute que je me considère, comme beaucoup d'autres, comme un produit de l'école républicaine, dont je connais néanmoins les insuffisances et qui inflige parfois des humiliations. À cet égard, je vais parler un peu de moi, veuillez m'en excuser, mais c'est pour que l'on comprenne bien.
J'avais 9 ans et nous allions déménager. Mon père était un ouvrier, je dirais, brut de décoffrage. Très attaché à l'école publique, il nous avait conduits, mes deux frères et moi, dire au revoir à l'instituteur. Nous avons monté les escaliers jusqu'au logement de fonction, frappé à la porte. L'instituteur, d'abord surpris, a discuté avec mon père. En parlant de mes deux frères, il a dit à quel point ils allaient réussir dans la vie. En parlant de moi, il a eu ce mot terrible : « Le gros, vous n'en ferez jamais rien. »
Puis, je suis arrivé dans les cités Michelin. Fréquentant toujours l'école publique, j'ai rencontré des instituteurs formidables, et le gros, ils en ont fait quelqu'un. Comme chacun d'entre nous, je me souviens du nom de mes instits : M. Bertrand, Mme Boithias, M. Mavel. Ils m'ont fait comprendre que l'on pouvait reprendre confiance en soi et que, même si l'on avait peu de facilités, on pouvait, par le travail, arriver à quelque résultat.
En fin de compte, cela n'a pas donné un cheval de course, mais plutôt un cheval de labour.
Sourires.
Néanmoins, en labourant, on parvient quelquefois à changer des choses. C'est du moins ce que j'espère avoir montré délicatement et humblement dans ma vie, modeste comme l'est celle de chacun d'entre nous. Je suis donc viscéralement attaché à l'école publique.
J'ai fait le collège, et j'ai réussi, après la classe de troisième, le concours de l'école normale d'instituteur. J'ai peut-être été témoin de la première émotion de mon père le jour où celui-ci l'a appris, sachant qu'il n'en manifestait jamais aucune. Pour la famille, c'était une promotion. À partir de la classe de seconde – c'était ainsi à l'époque – , je suis donc devenu un élève-maître, l'un de ceux que l'on appelait « les hussards noirs de la République ». Je tiens beaucoup à cette expression, car ces enseignants ne se contentaient pas de transmettre la connaissance ; ils avaient la volonté d'inscrire l'élève dans la République, faisant leur ce vers du poème « Écrit après la visite d'un bagne » de Victor Hugo : « Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne ». Je suis viscéralement attaché, je le répète, à l'école publique.
C'est d'ailleurs un domaine que je connais bien, pour avoir été ensuite principal de collège et maire. Durant cette période, je n'ai pas connu de famille concernée par l'instruction en famille ; je n'ai découvert que plus tard de quoi il s'agissait.
J'ai conscience du rôle de l'école dans la formation des citoyens. Respecter par principe ce qui fonde l'égale dignité de tous les hommes, c'est à l'école que cela s'apprend, non seulement par l'éducation à la raison et au savoir, mais aussi par la pratique habituelle, quotidienne, de la collectivité par les élèves. Je le répète, l'école apprend à être un citoyen responsable de ses actes à l'aune de la loi commune qu'elle impose en son sein. La nécessité de prendre soin de l'environnement, commun à tous, ne fait pas exception à cette règle. L'école éduque les élèves à la raison non seulement par l'apprentissage des connaissances, mais aussi en organisant les pratiques quotidiennes qui accompagnent et illustrent ces apprentissages.
Je prends la peine de vous rappeler tout cela afin de souligner que, loin de remettre en cause le rôle de l'école, je le considère comme indispensable ; je pourrais d'ailleurs multiplier les citations à ce propos. Or j'ai la conviction qu'aujourd'hui, c'est une erreur que de vouloir non pas supprimer, certes, mais encadrer trop strictement l'instruction en famille, à la suite de quelques excès, certes indéniables, et sur lesquels insistent entre autres nos collègues de banlieue parisienne, qui connaissent la réalité des quartiers. Au sein même de notre groupe, les élus urbains n'ont pas de l'instruction en famille la même approche que l'élu rural que je suis. La connaissance en est différente ; les effets de ce mode d'instruction le sont sans doute aussi. Toutefois, les choses ont évolué – encore que les principes établis par Montaigne et par les précepteurs qui s'en sont inspirés aient pu ensuite inspirer l'école républicaine.
Je le répète, monsieur le ministre, vous commettriez une erreur. La réalité est tout autre, comme je l'ai découvert en recevant des familles ou en m'entretenant avec elles au téléphone – me faisant violence pour cela, étant donné ma conception de l'école et de son rôle dans la société. Il faut mesurer la profondeur de la blessure que ces dispositions infligeraient à beaucoup de familles, à leur conception même de la vie.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, UDI-I, LT et Agir ens.
Elles provoqueraient des douleurs – j'allais dire des clivages ou encore des polémiques – qui ne sont pas nécessaires, en tout cas pas opportunes, compte tenu des combats que nous avons à mener aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, Dem, SOC, UDI-I, LT et Agir ens.
Comme j'ai de grandes idées sur l'école, je me suis efforcé de vous en communiquer quelques-unes. Afin de vous faire sourire, j'aimerais étayer mon propos par une belle formule de Karl Marx – il faut le faire, quand même –
Sourires sur divers bancs
tirée de L'Idéologie allemande : « Le problème de descendre du monde des pensées dans le monde réel se change en cet autre problème : sortir du langage pour descendre dans la vie. »
Nous devons prendre conscience de la réalité actuelle. Comme je le dis souvent, ma génération était dirigée, voire obsédée par cette question : « Qu'allons-nous faire dans la vie ? » Les réponses résidaient dans le travail ou l'engagement civique. Aujourd'hui, la question se pose en ces termes : « Qu'allons-nous faire de notre vie ? », et certains choisissent d'en faire tout autre chose que ce que nous pouvions concevoir. Dans ma circonscription scolaire, qui regroupe quelque 35 000 habitants, j'ai fait le point avec l'inspectrice de l'éducation nationale : il doit y avoir soixante élèves instruits dans leur famille. Les choses se passent bien ; les contrôles suivent leur cours.
Je n'ai eu vent d'aucun dysfonctionnement, d'aucun enseignement litigieux. Les gens que j'ai reçus, avec qui je me suis entretenu, ont la volonté de bien faire. Souvent, ils ne sont même pas en rupture avec l'enseignement scolaire : ils ont fait ce choix, tout simplement – et nous nous apprêtons à déclencher des tragédies dans ces familles !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem, SOC, UDI-I, LT et Agir ens.
En entendant cela, beaucoup d'élus de ma circonscription, de maires, diront que le Dédé a perdu la tête : …
… « Supprimer l'instruction en famille amènerait des élèves supplémentaires dans nos classes menacées de fermeture. » Certains m'en ont fait la remarque. Je suis capable de leur répondre : je vis en effet dans un milieu d'enseignants, je connais les DDEN – délégués départementaux de l'éducation nationale – , les associations laïques. Je me doute que beaucoup ne partagent pas mon avis, mais je parle avec la connaissance du terrain.
Je ne développe pas mon propos, car de nombreux collègues s'exprimeront sur le sujet : encore une fois, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, ce serait une erreur d'entériner ces dispositions, même adaptées. Passons sur le fait que cette demande d'autorisation préalable constitue une atteinte à la liberté : nous savons très bien qu'elle sera accordée, si je puis dire, à géométrie variable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-I et LT. – Mme Maud Petit applaudit également.
Les critères précis qui seront à remplir ne sont pas définis, pour la bonne raison qu'ils sont impossibles à définir : la rédaction de l'article le montre bien. La dérogation dépendra donc du directeur des services départementaux de l'éducation nationale et de son entourage. Monsieur le ministre, nous nous nous dirigeons tout droit vers des conflits, nous allons provoquer des souffrances,
Mme Agnès Thill applaudit
nous allons remonter des familles qui n'en ont pas besoin, je le répète, au moment où nous avons d'autres combats à mener.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, Dem, UDI-I et LT.
En tant que président de groupe, je n'ai pas déposé d'amendement de suppression de l'article 21, compte tenu de nos approches différentes sur le sujet – un collègue de mon groupe, en revanche, l'a fait. Je voterai bien évidemment en faveur de ces amendements de suppression, puis, si par malheur ils n'étaient pas adoptés, en faveur des amendements visant à modifier la rédaction de l'article.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, Dem, UDI-I et LT et sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
À la rentrée 2020, 62 000 élèves étaient instruits à domicile. Les familles concernées ont fait ce choix pour de multiples raisons : …
… l'adaptation des programmes scolaires au rythme de l'enfant, par exemple, ou encore le souhait de s'impliquer davantage dans son éducation. Vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre : au fond, les bénéficiaires de ce dispositif poursuivent exactement les mêmes objectifs que nos établissements scolaires, à savoir l'apprentissage et l'épanouissement des enfants.
Inscrite dans le droit français depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882, l'instruction en famille est déjà contrôlée et encadrée par l'État.
J'insiste sur ce qu'implique cette notion : contrôle de l'académie tous les ans, de la mairie au moins tous les deux ans ; si un manquement est constaté, obligation de scolariser l'enfant dans les quinze jours, à quoi peuvent s'ajouter une peine de prison et 7 500 euros d'amende.
Même si moins de 0,5 % des élèves français en bénéficient, l'instruction en famille constitue un mode d'enseignement auquel nos concitoyens sont attachés, comme le prouve son développement continu depuis dix ans. Le Conseil d'État s'est prononcé en sa faveur et le Conseil constitutionnel l'a reconnue comme liberté à valeur constitutionnelle. Or l'autorisation prévue par l'article 21 restreint considérablement le nombre d'enfants qui pourraient prétendre à l'instruction en famille et contrevient, dès lors, à la liberté – je dis bien : la liberté – donnée aux Français de choisir le mode d'instruction de leurs enfants.
Parce que la liberté d'enseignement est un principe fondamental, parce que, concrètement, des familles ont organisé leur vie entière en fonction de ce mode d'instruction, le libre choix des parents ne saurait être remis en cause par le législateur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Maud Petit applaudit également.
J'appelle par ailleurs votre attention sur le fait qu'aucun lien n'a été établi entre l'instruction en famille et la radicalisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous demande de retirer l'article 21.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes UDI-I et LT.
Il nous faut entendre nos nombreux concitoyens qui nous demandent la suppression de l'article 21. Les orateurs, ainsi que les auteurs des amendements dans leur exposé sommaire, ont rappelé les bonnes intentions de l'écrasante majorité des familles concernées. Nous en avons tous rencontré un grand nombre : elles ne sont pas radicalisées ! Celles qui le sont, très minoritaires, ne scolarisent d'ailleurs généralement pas leurs enfants, ce qui leur permet d'échapper aux contrôles.
L'instruction est obligatoire : il conviendrait de mieux organiser les recoupements des fichiers de l'éducation nationale et des caisses d'allocations familiales, afin de s'assurer du respect du principe de l'instruction obligatoire pour tous les enfants. Comment peut-on pénaliser ces milliers de familles qui instruisent leur enfant à domicile dans des intentions tout à fait louables et pour son plus grand profit ? Les contrôles doivent être plus efficaces, voilà tout. Monsieur le ministre, c'est un enseignant de l'école publique qui vous le rappelle : la liberté d'enseignement a rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République ; par le passé, ceux qui l'ont attaquée s'en sont lourdement repentis.
En résumé, oui à la liberté d'enseignement, oui au contrôle accru du respect de l'instruction obligatoire, oui au contrôle de l'instruction à domicile, oui à la suppression de cet article !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Avant de devenir député, le 8 octobre dernier, j'ai enseigné durant trente ans dans un réseau d'éducation prioritaire. J'ai eu la chance d'exercer à tous les niveaux du premier degré et j'ai été aussi bien directeur d'école que coordonnateur du réseau. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, il faut beaucoup aimer pour bien comprendre et tout admettre : l'amour que je porte à l'école ne m'empêche pas d'admettre qu'elle est loin de constituer, aujourd'hui, pour tous les élèves, l'idylle républicaine qu'avait imaginée Condorcet.
J'ai été confronté à des enfants victimes de violences et de harcèlement ou souffrant de phobie scolaire : pour eux, l'école n'était pas adaptée. Certes, les raisons différaient de l'un à l'autre ; certes, ils ne représentaient qu'une minorité ; mais, comme toute minorité, celle-ci mérite que nous l'écoutions. Face à eux, je me sentais démuni, impuissant, ne pouvant que constater la nécessité de les déscolariser. Je n'étais pas le seul : psychologues scolaires, collègues enseignants, directeurs, conseillers pédagogiques, jusqu'aux inspecteurs, tous les professionnels de l'éducation partageaient mon désarroi.
J'avais découvert à l'époque des familles instruisant leur enfant en leur sein, pour des motifs variés. Certaines avaient choisi ce mode d'instruction pour des raisons pédagogiques, mais la plupart l'avaient fait par nécessité, en raison d'un handicap ou de l'exercice par l'enfant d'une activité culturelle ou sportive de haut niveau. Les enfants en IEF étaient étroitement contrôlés chaque année par des inspecteurs. Ils étaient souvent pleins de vie, très loin des caricatures d'êtres asociaux que l'on en dresse parfois.
Fort de cette expérience, je me suis engagé en faveur du maintien de la liberté pour les parents de choisir l'instruction à domicile, dès que j'ai entendu le discours du Président de la République aux Mureaux. Depuis cinq mois, j'ai eu l'occasion d'auditionner près de 300 parents pratiquant l'IEF, soixante enfants étudiant à domicile et quarante enseignants. Tous ont renforcé ma conviction : la liberté de l'instruction à domicile est une richesse inestimable pour de nombreuses familles, qui doit être préservée.
Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre, sur l'étrangeté de la présence de l'article 21 dans ce projet de loi – je sais que mes collègues vous rappelleront l'instabilité constitutionnelle sur laquelle il repose – , ni sur l'utilisation abusive de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, ni encore sur les propos que vous avez tenus en juin dernier lors de votre audition au Sénat, selon lesquels l'instruction à domicile possède des bases constitutionnelles sérieuses. Je souhaite en revanche vous rappeler qu'au-delà du fait qu'il réduira l'IEF à de maladroites catégories d'exceptions et qu'il détruira des familles dont le rythme est adapté à l'instruction à la maison, l'article 21 ne réduira en rien – vous le savez – les pratiques séparatistes dévoyant l'IEF et n'aura de conséquences que pour des familles attachées aux valeurs de la République.
Et ne nous dites pas que les familles pratiquant l'IEF en conformité avec la loi actuelle pourront continuer de le faire ! Pour de nombreuses familles, le régime d'autorisation sera un régime d'interdiction.
L'article 21 doit donc soit être supprimé, soit devenir une coquille vide, soit voir ses catégories d'exceptions élargies pour que l'intérêt supérieur de l'enfant soit réellement respecté et que celui-ci puisse choisir librement l'instruction à domicile. Les amendements que je vous présenterai au cours de la discussion répondent à cette triple volonté. J'espère vous convaincre, en les défendant, de la nécessité de maintenir la liberté, pour chaque parent, de choisir l'instruction à domicile pour ses enfants.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si, en dépit du récit de mon expérience, que je viens de partager, ou de celle de mon collègue Chassaigne, vous n'êtes toujours pas convaincus de la nécessité de supprimer cet article, je vous encourage à prendre connaissance des constats effectués par des inspecteurs, professeurs, maires, juristes, défenseurs des droits de la Commission nationale consultative des droits de l'homme – CNCDH : selon eux, les motifs de l'article sont éloignés des motifs du projet de loi et son contenu est peu susceptible d'apporter des réponses – la loi actuelle devrait déjà le faire, du moins lorsqu'elle sera mise en oeuvre : doit-on reconnaître que l'État est défaillant, en matière de contrôle notamment ? Comme le demande le Conseil d'État, il faut assurer aux familles respectant les lois qu'elles n'ont pas de raisons de s'inquiéter pour le respect de leur droit à poursuivre leur projet d'IEF. Avec le régime d'autorisation, même si les conditions d'accès étaient élargies comme je le souhaite au minimum, ce droit resterait précaire.
Monsieur le ministre, je voudrais simplement vous rappeler que l'époque de la punition générale est derrière nous. Quand un seul élève perturbe le cours, l'enseignant ne sanctionne pas la classe entière…
Il fait preuve de pédagogie et de dialogue. Pourtant, ce que vous proposez au travers de ce projet de loi revient à punir l'intégralité des familles instruisant leur enfant à domicile pour la défaillance d'une poignée d'entre elles. Il vous est encore possible de revoir votre copie !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs des groupes LR et LT. – MM. André Chassaigne et Cédric Villani applaudissent également.
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 58, relatif à l'organisation de nos travaux.
Aussi curieux que cela puisse paraître, pendant que nous débattons sur l'article 21, ceux qui sont attentifs au remarquable outil mis en place par l'Assemblée, Eloi, auront constaté que le Gouvernement dépose toute une série d'amendements – quatre précisément.
Tout cela révèle la panique du Gouvernement, confronté, comme chacun l'a compris, à une opposition considérable, non seulement sur nos bancs – ce que l'on savait – , mais aussi de la part du groupe Dem et des oppositions de gauche. Cela révèle également qu'il est répondu à cette panique …
… par de l'amateurisme et de la précipitation. Tout amendement – surtout s'il est important, et certains le seraient – exige au moins la réunion de la commission compétente.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Caroline Fiat et M. Alain Bruneel applaudissent également.
Monsieur le président de la commission spéciale, qui êtes ici présent, vous avez travaillé avec non pas treize mais quatorze voire dix-sept rapporteurs, je ne sais plus ! Il doit donc être possible de travailler en commission spéciale avant d'examiner des amendements du Gouvernement.
Je suis donc très inquiet pour nos travaux. Cette matinée est d'ailleurs très curieuse : nous avons assisté à plusieurs interruptions de séance. Certaines auraient même été refusées, d'après ce qui m'a été rapporté. Objectivement, alors que je prétends à une certaine ancienneté dans cette maison, j'ai rarement vu cela ! C'est révélateur d'une panique gouvernementale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Erwan Balanant proteste.
J'aimerais vous répondre très rapidement, monsieur Le Fur, en commençant par le dernier point. Vous dites que des demandes de suspension de séance n'auraient pas été acceptées. C'est inexact : elles l'ont été, à la suite de demandes du Gouvernement. Comme vous le savez, les suspensions de séance demandées par les groupes politiques sont décomptées de leur temps de parole, ce qui a sans doute refroidi certaines velléités. Quoi qu'il en soit, toutes les demandes ont été acceptées ce matin : une demande de quinze minutes, qui a duré en réalité vingt-sept minutes, et une demande de dix minutes dont je remercie M. le ministre d'avoir respecté la durée. C'est un premier point.
Vous évoquez ensuite des amendements déposés par le Gouvernement. Or il n'y en a pas quatre, mais un seul, …
… dont je sais qu'il a effectivement été mis en ligne, puis retiré et enfin remis en ligne. Il est actuellement traité
Exclamations sur les bancs du groupe LR
et porte sur l'alinéa 15 de l'article. Vous savez mieux que quiconque, monsieur Le Fur, qu'il est traditionnel que le Gouvernement précise par voie d'amendement un texte au fil de son examen. Il est pris bonne note, néanmoins, de votre rappel au règlement.
Article 21
Nous sommes nous aussi, au sein du groupe Socialistes et apparentés, attachés à l'école de la République, comme beaucoup d'entre nous certainement. Mais nous sommes surpris que l'article 21, dont nous discutons aujourd'hui, soit utilisé comme le principal outil d'un texte visant à lutter contre le séparatisme. Alors que les motifs religieux restent exceptionnels dans le cadre de l'instruction à domicile – IAD – , vous utilisez un marteau pour écraser une mouche. Moins de 5 000 enfants sont scolarisés à domicile pour des motifs religieux, soit moins de 10 % des élèves concernés par ce type d'enseignement. Le ministère l'a reconnu lui-même en novembre 2020, dans une étude portant sur l'instruction à domicile : il estime que les cas d'enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l'occasion du contrôle de l'instruction au domicile familial sont exceptionnels. Nous regrettons donc l'amalgame qu'établit l'article 21 entre l'IAD et le séparatisme.
Cette disposition aura pour aussi pour conséquence l'inscription en milieu scolaire d'élèves supplémentaires – 29 000, selon l'étude d'impact citée dans la version initiale du texte – , ce qui impliquera nécessairement le recrutement d'enseignants à hauteur de 840 équivalents temps plein dans le premier degré et 337 dans le second degré, alors que, monsieur le ministre, vous supprimez encore actuellement des postes dans nos territoires pour la rentrée prochaine !
Une fois de plus dans cette loi, vous n'utilisez pas, avec ce marteau, le bon outil. La lutte contre les séparatismes aurait dû consister à appliquer le principe d'autorisation avant tout aux établissements hors contrat. Comment s'assurer que l'on ramène dans le giron de la République les enfants qui en sont éloignés, en se focalisant sur l'instruction en famille tout en maintenant l'existence d'établissements hors contrat ? Il existe en France environ 1 500 établissements de ce type, accueillant un effectif de 85 000 élèves – en hausse de 15 % en 2019. Là est le vrai risque : le refus d'aller au bout des choses, en instaurant un système d'autorisation ou bien une contractualisation obligatoire, aboutira à ce que le vrai problème se pose dès demain dans les établissements hors contrat.
Nous estimons essentiel que l'État garantisse le respect, par l'ensemble des établissements d'enseignement en France, du droit des élèves à l'éducation, et impose des exigences minimales en matière d'enseignement. Je rappellerai à cet égard ce qu'a dit notre collègue André Chassaigne : cet article suscitera des conflits et provoquera des souffrances pour les familles, alors qu'elles ont besoin de sérénité face à des choix pédagogiques qui leur sont quelquefois imposés par la situation de leur enfant. Monsieur le ministre, j'espère que vous reviendrez sur l'article 21.
M. Alain Bruneel applaudit.
Rappel au règlement
Ce rappel se fonde sur l'article 58, alinéa 1, relatif à l'organisation de nos travaux. Il vise à obtenir confirmation que, le Gouvernement ayant déposé des amendements hors délai, il sera fait application de l'article 55, alinéa 6, de notre règlement. Celui-ci dispose en effet que, lorsque des amendements sont déposés par le Gouvernement « après l'expiration du délai opposable aux députés, dans le cadre d'un débat organisé selon la procédure prévue par l'article 49, alinéa 6 », un temps supplémentaire est accordé à chaque groupe et aux députés non inscrits pour qu'ils puissent s'exprimer sur l'article et faire valoir leur point de vue. J'aimerais que vous nous confirmiez l'application de cet article, monsieur le président.
Tout à fait, monsieur Brindeau. Je vous remercie pour ce rappel au règlement qui me permet d'apporter une précision que vous avez vous-même exposée : le Gouvernement ayant déposé un amendement…
… après l'expiration du délai, un temps supplémentaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes aux députés non inscrits est attribué pour la discussion de l'article 21 en application de l'article 55, alinéa 6, du règlement que vous avez évoqué.
La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.
Marc Le Fur m'ayant interpellé précédemment, je souhaite faire une mise au point sur notre façon de travailler. Tout d'abord monsieur Le Fur, je ne peux pas vous laisser dire avec un certain mépris qu'il y aurait treize ou quatorze rapporteurs thématiques sur le texte.
Il y a un rapporteur général, Florent Boudié, et un rapporteur, ou une rapporteure, pour chaque chapitre. Ayant une longue expérience parlementaire, vous savez que cela est fréquent pour les textes de loi importants. Cela ne doit donner lieu à aucun mépris ni à aucun sarcasme.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ceux-ci n'ajoutent rien à nos débats, au contraire. Je vous connais bien monsieur Le Fur, et j'apprécie beaucoup votre combativité sur de nombreux sujets, mais je sais aussi que vous essayez souvent de perturber la séance en créant des incidents inutiles. Ce n'est pas la peine !
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur la question que vous posez, monsieur Le Fur – les collègues de votre groupe devraient être intéressés par la réponse, car j'imagine que vous ne posiez pas cette question à titre individuel – , vous savez bien que la possibilité pour le Gouvernement de déposer un amendement à tout moment des débats est prévue par la Constitution ! Je crois que vous défendez, comme nous, la Constitution de la Ve République, qui existe depuis un peu plus de soixante ans. Il n'y a donc aucune raison de remettre cette possibilité en cause.
La commission spéciale ne va donc pas se réunir pour examiner un amendement du Gouvernement.
Cela les retarderait simplement – peut-être est-ce votre intention. Je tiens en revanche à vous préciser, monsieur Le Fur – ce n'est pas un reproche, puisque vous n'êtes pas membre de la commission – , que notre commission a débattu pendant huit heures trente de l'article 21. Croyez donc bien que j'ai veillé, en tant que président de commission, à ce que cet article soit examiné dans les meilleures conditions possibles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous en avons commencé la discussion en début de journée, comme nous le faisons ce matin. J'ai indiqué au ministre, au rapporteur général et à tous que l'examen de l'article 21 ne commencerait pas à vingt-trois heures trente ou quarante-cinq, et j'y ai veillé. J'ai suivi les débats hier soir et je n'ai pas demandé la réserve de l'article comme j'aurais pu le faire, puisque nous pouvions ainsi l'examiner ce matin.
Il n'y a aucune raison de perturber le débat maintenant. M. le président de séance a par ailleurs rappelé l'ouverture d'un droit à un temps de parole supplémentaire. Nous avons donc largement le temps de débattre au fond de l'article 21 sans retarder nos travaux. Je tiens à répéter que des débats très riches ont déjà eu lieu en commission, ce qui est très bien. Il y aura un débat ce matin, sans doute cet après-midi et peut-être même pendant une partie de la soirée sur l'ensemble du chapitre dédié à l'éducation dans le présent projet de loi – et c'est très bien ainsi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Article 21
Soixante-deux mille jeunes sont concernés par l'instruction en famille et ce chiffre augmente d'année en année, ce qui devrait vous conduire à vous interroger.
Après vingt-cinq années passées dans l'enseignement, si je suis très attachée à la transmission des savoirs, je le suis tout autant à l'épanouissement des enfants. L'instruction en famille n'est pas seulement un principe à valeur constitutionnelle : elle est parfois indispensable à l'épanouissement de certains enfants.
Pensez non seulement à ceux qui ont été victimes de harcèlement scolaire, aux enfants à haut potentiel, mais aussi à beaucoup d'autres enfants. Ces enfants ont besoin de toute notre attention, car l'école ne leur est pas forcément adaptée. Comme toute liberté, l'instruction en famille doit être encadrée en ses différents aspects, qu'il s'agisse de l'acquisition des apprentissages, de celle des enseignements ou, bien sûr, de la progression de l'enfant. À cette fin, une maîtrise parfaite de la langue française par les parents est essentielle – j'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Il est également important que les jeunes puissent participer à la vie sociale en faisant partie d'un club ou d'une association à caractère sportif ou culturel.
Nous ne devons pas perdre de vue que l'embrigadement de certains enfants est un phénomène bien réel, que nous devons combattre. Si nous sommes tous d'accord sur ce point, convenons cependant que cette pratique illégale et dangereuse est minoritaire, et qu'elle ne saurait donner lieu à une généralisation.
J'ai rencontré dans ma circonscription de nombreux enfants et familles concernés par l'IEF. Instruire en famille demande un gros investissement, et je salue les parents qui font le choix d'y consacrer une grande partie de leur temps en privilégiant le bien-être de leurs enfants, bien souvent au détriment de leur carrière professionnelle. N'oublions pas qu'en France, c'est l'instruction qui est obligatoire, et non la scolarisation en établissement. Arrêtez de casser ce qui fonctionne, cessez d'opposer sans arrêt les différentes formes d'enseignement : ils sont très complémentaires et ils ont vocation à correspondre au mieux au besoin d'épanouissement de nos enfants à tel ou tel moment ! C'est ce qui devrait motiver nos choix, c'est ce qui devrait motiver nos votes, et c'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de supprimer cet article 21.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Liberté, Égalité, Fraternité » : tel est le triptyque constituant la devise de notre pays. Or cette loi supprime l'une de nos libertés constitutionnelles fondamentales. Il y a quelques années, Vincent Peillon disait vouloir « arracher les enfants à leurs déterminismes familiaux et religieux ». Alors que cette loi visant l'islamisme radical ne devrait s'attaquer qu'aux déterminismes religieux, elle prétend également remettre en cause la famille, avec tout ce que cela implique : ainsi, la seule éducation serait celle de l'État. Mais le vivre-ensemble, monsieur le ministre, ce n'est pas vivre pareil, et les victimes de cette loi seront les enfants.
Si l'école doit être obligatoire, alors l'école doit être parfaite ! Or vous savez que ce n'est pas le cas : comme le montrent les études PISA, nous sommes les derniers en sciences, notamment en mathématiques et, en raison de la violence, certains fuient l'école dans certains quartiers. L'école n'est pas parfaite, et vous le savez !
L'article 21 est une punition collective et les punitions collectives sont par définition injustes, car elles punissent tout le monde à cause d'une poignée de gens malveillants.
Mme Isabelle Valentin applaudit.
Que l'État fasse des contrôles efficaces et croise les fichiers ! Alors que cette loi était censée être le bras armé de la République contre l'islamisme radical, ce dernier aura réussi une chose : que la France renie son identité fondée sur la liberté. « Liberté, Égalité, Fraternité » : la liberté, c'est aussi la liberté de culte, la liberté de conscience, la liberté d'enseignement ! Il est évident que l'islamisme a gagné, car nous commençons à renier ce que nous sommes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur deux points : nous sommes favorables au fait de lutter contre les séparatismes et nous sommes évidemment toutes et tous attachés à l'école publique, qui a formé nombre d'entre nous sur ces bancs. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Louis Bricout, le problème réside dans le fait que vous prenez un marteau pour écraser une mouche – pour ma part, je dirais même un marteau-pilon !
En 2020, votre ministère a produit une étude sur l'instruction à domicile où l'on pouvait lire : « Les cas d'enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l'occasion du contrôle de l'instruction au domicile familial sont exceptionnels. »
Les mots ont un sens et, puisqu'on considère que moins de 0,5 % des enfants en âge d'être scolarisés sont exposés au risque de radicalisation que vous souhaitez éradiquer, cela ne représente que fort peu d'enfants – quelques dizaines, quelques centaines, tout au plus quelques milliers, personne ne le sait exactement.
Face à ce constat, on ne peut manquer de se demander pourquoi vous liez ces sujets que sont, d'une part, la radicalisation, le séparatisme, d'autre part, l'instruction à domicile. Pour ce qui est de la radicalisation, monsieur le ministre, elle menace en fait aussi bien au sein de l'école de la République qu'en dehors. Je ne le ferai pas maintenant et je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il utile de le faire, mais on peut se demander quel a été le parcours scolaire des enfants qui ont franchi le pas du terrorisme. Combien d'entre eux étaient passés par l'école publique et combien d'entre eux étaient passés par l'instruction à domicile ? Je pense que vous connaissez la réponse.
Les motifs qui conduisent les parents à opter pour l'instruction à domicile sont variés. Avant de rencontrer des parents ayant fait ce choix, on a souvent des préjugés puissants à leur égard. On peut penser qu'ils vivent dans un certain entre-soi, recourant à une école qui serait celle des précepteurs et des bourgeois, et dont on imagine qu'elle cultive une forme de différentialisme. Cependant, comme l'a très bien expliqué le président Chassaigne, tous ces préjugés disparaissent une fois que l'on a rencontré ces familles.
Comme vous, je suis très attaché à l'école de la République, mais il faut reconnaître qu'elle est une école imparfaite : c'est aussi l'endroit de la violence, du harcèlement, de l'inadaptation à la vie scolaire non seulement pour les enfants à haut potentiel, mais aussi pour ceux auxquels le rythme de l'enseignement en classe ne convient pas. Il existe heureusement des filets de sécurité, dont l'instruction en famille fait partie, pour répondre à toutes ces situations.
L'IEF permet ainsi à des enfants de retrouver le sourire, le goût de l'apprentissage, de la connaissance, et vous ne pouvez décider de sacrifier ces enfants-là sur l'autel de la communication présidentielle, au nom d'une volonté présidentielle exprimée de façon hâtive et un peu caricaturale.
C'est vrai, vous avez évolué depuis le discours des Mureaux, par lequel le Président de la République avait déclaré vouloir rendre la scolarisation obligatoire sauf pour des impératifs de santé. Si vous avez évolué sous la pression des familles, de l'opposition du Conseil d'État, qui vous a rappelé le risque d'inconstitutionnalité, mais aussi de la Convention européenne des droits de l'homme, vous avez cependant voulu maintenir un régime d'autorisation.
Comment ce régime d'autorisation fonctionnera-t-il, monsieur le ministre ? Comment pourra-t-il s'appliquer quand vous serez en présence de parents cherchant à soustraire leurs enfants à l'école de la République pour les radicaliser ? Croyez-vous vraiment que, quand ils viendront se présenter devant les autorités compétentes, ils le feront au nom de l'islam, au nom de la radicalité qu'ils veulent inculquer à leurs enfants ? En réalité, il est probable qu'étant radicalisés eux-mêmes, ils feront en sorte de masquer leurs intentions réelles pour passer à travers les mailles du filet et obtenir l'autorisation de ne pas envoyer leurs enfants à l'école.
Le vrai sujet n'est pas celui de l'autorisation préalable…
… mais celui du contrôle a posteriori, précisément celui que vous n'assurez pas aujourd'hui puisque, comme vous le savez très bien, 70 % seulement des familles sont visitées chaque année, ce qui n'est pas suffisant. Si vous aviez réellement l'intention de lutter contre le séparatisme, il faudrait faire en sorte que chaque famille soit contrôlée chaque année, mais ce n'est pas le cas.
En vous en tenant à un système d'autorisation préalable, plutôt que d'aller voir comment les choses se passent dans les familles et de contrôler que les savoirs, qui constituent les programmes, sont bien transmis aux enfants dans les familles pratiquant l'IEF, vous prenez le problème à l'envers.
Monsieur le ministre, je veux bien que vous nous disiez que les 62 000 enfants concernés par l'IEF ne peuvent plus être instruits par leurs parents et qu'ils doivent regagner les rangs de l'école publique…
… mais, dans ce cas, pouvez-vous nous indiquer combien d'enseignants vont être recrutés, combien de classes vont être ouvertes ? En d'autres termes, qu'allez-vous faire pour donner une consistance réelle à votre souhait de ramener tous ces enfants vers l'école publique ? Comme Jean-Louis Bricout l'a souligné, au moment même où votre projet justifierait d'augmenter le nombre de classes et d'enseignants, vous parlez justement de fermer des classes et de supprimer des postes – bref, vous faites tout à l'envers !
Je conclurai en disant que si vous voulez lutter contre les séparatismes, faire disparaître le terreau sur lequel pousse la haine, il faut permettre à tous les enfants de penser que la promesse républicaine sera tenue pour chacun d'entre eux. Pour cela, il n'est qu'un moyen, et il est simple : il faut commencer par éradiquer la pauvreté, faire en sorte, par exemple que les étudiants de l'enseignement supérieur – les grands frères des élèves concernés par votre projet – , qui n'ont plus de quoi se loger et se nourrir, puissent à nouveau vivre dignement. Voilà l'une des solutions qui permettraient de redonner confiance à chacun dans la République !
Malheureusement, vous prenez le problème à l'envers et cela nous désole, car vous ne résoudrez rien en vous contentant de vouloir restreindre l'IEF.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. - M. André Chassaigne applaudit également.
Nous commençons l'examen du chapitre constituant le versant éducatif de ce projet de loi, une thématique que vous envisagez de manière très restrictive. En effet, les dispositions que nous allons examiner n'abordent que deux pans de l'éducation qui paraissent représenter à vos yeux l'alpha et l'oméga de la lutte contre la radicalisation, à savoir l'instruction en famille et les écoles hors contrat.
Or les événements récents nous ont montré que l'école publique – on peut être un défenseur de l'école publique et le dire – est, elle aussi, confrontée à des cas de radicalisation.
Malheureusement, vous avez fait le choix de recourir à tour de bras à l'article 45 pour nous interdire de déposer de nombreux amendements par lesquels nous faisions des propositions visant à apporter des modifications au fonctionnement de l'école publique et permettre la juste application des principes de la République.
L'article 21 aborde un sujet sensible, celui de l'instruction en famille, que le Président de la République avait évoqué dans son discours des Mureaux. C'est sans doute sur ce point que la volonté du Président de la République sera le mieux respectée : si tous les autres sujets se sont trouvés dévoyés dans votre projet de loi, vous semblez particulièrement déterminés à vous attaquer à l'instruction en famille, à mettre fin à cette liberté dont disposent aujourd'hui aux familles d'instruire elles-mêmes leurs enfants.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi, il y a six mois, vous déclariez devant nos collègues du Sénat que les modalités de contrôle et d'examen de l'instruction en famille étaient tout à fait satisfaisantes, et que la radicalisation au sein des familles n'était pas un sujet. Si tel était le cas, comment pouvez-vous venir nous dire le contraire aujourd'hui ? Cette contradiction nous semble incompréhensible, à moins de considérer que le discours des Mureaux ne soit l'alpha et l'oméga de votre politique en matière d'éducation.
Lors des auditions, menées au pas de course, les intervenants ont évoqué la manière dont l'instruction était dispensée au sein des familles pratiquant l'IEF et dont les contrôles étaient effectués, mais aucun n'a évoqué de cas de radicalisation. Est-ce à dire que les auditions de la commission spéciale ne servent à rien ?
M. François de Rugy, président de la commission spéciale, se voile la face avec les mains.
Non, monsieur le président de la commission, nous ne nous voilons pas la face !
Les chercheurs nous ont indiqué que leurs recherches n'aboutiraient pas avant 2022. Le problème est bien là : vous prenez cette disposition alors que, pour l'avaliser – les familles nous l'ont bien dit – , vous n'avez aucun chiffre, aucune étude…
Si la liberté d'instruction est si importante, c'est que les parents restent les premiers éducateurs de leurs enfants. L'État n'a pas à les remplacer en matière d'instruction. C'est un principe constitutionnel fondamental qu'il nous appartient de garantir. Nous devons indéniablement renforcer les contrôles car, comme cela a été souligné, ils ne sont pas effectués. Donnez donc d'abord à l'État les moyens de les effectuer pleinement et tirons-en les conséquences !
Créons ensuite un numéro de suivi des enfants – une proposition du groupe Les Républicains reprise par la rapporteure. Le véritable enjeu, c'est la déscolarisation, les enfants fantômes et les écoles clandestines, qui ne relèvent pas de la problématique de l'instruction en famille, mais de son dévoiement. La procédure proposée permettrait de pointer précisément le nombre d'enfants qui ne sont pas inscrits régulièrement et de parents qui n'effectuent pas les diligences nécessaires pour l'instruction en famille.
Celle-ci, au-delà du fait qu'elle constitue une liberté fondamentale offerte aux Français et aux familles, est aussi une modalité d'instruction qui répond aux spécificités des enfants. En matière de harcèlement scolaire, tous les dispositifs ne répondent malheureusement pas aux besoins des enfants qui en sont victimes dans les écoles publiques. L'IEF permet aux enfants, auxquels l'enseignement public n'assure pas le confort nécessaire à son apprentissage, de continuer d'être instruits.
Je vais m'arrêter là.
Revenez sur cet article 21.
Quant aux amendements que vous déposez, ils sont inadmissibles, parce qu'ils nous empêchent de travailler convenablement, comme nous pensions pouvoir le faire lors des débats en commission spéciale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mes chers collègues, à travers l'article 21, le Gouvernement commet une quadruple erreur.
« Ah ! » sur plusieurs bancs.
La première erreur porte sur le but poursuivi. Est-ce en soumettant l'IEF à autorisation et en restreignant son accès pour les familles, que vous allez lutter contre le séparatisme ? La réponse est clairement non.
Il y a 62 000 enfants éduqués en famille : des contrôles effectués par les inspections d'académie, il ressort que 90 % ont de bonnes appréciations, que les 8 % faisant l'objet de remarques se redressent et que seuls 2 % des enfants doivent être rescolarisés.
Le vrai problème, monsieur le ministre, n'est pas l'IEF, mais le contrôle dont elle fait l'objet, qui est insuffisant – on parle d'un taux de 70 %.
C'était d'ailleurs la thèse que vous avez exposée devant le Sénat – avant le discours des Mureaux, il est vrai : selon vous, la situation juridique n'avait pas à être modifiée car elle était satisfaisante et il convenait seulement d'appliquer la loi, position que je partage. Il faut donc renforcer les moyens pour aider ces familles à éduquer mieux encore leurs enfants, et vous avez d'ailleurs commencé à nous le dire. Certains ont affirmé que cela allait coûter cher à l'État, mais, mes chers collègues, un contrôle annuel lui coûtera bien moins cher que la scolarisation de ces enfants dans des établissements privés ou publics. Ces familles lui font faire des économies, raison supplémentaire pour augmenter les moyens !
Vous nous avez indiqué – c'était votre grand argument – que vos services avaient découvert en Seine-Saint-Denis deux écoles coraniques dont la moitié des élèves étaient supposés relever de l'IEF. Voilà qui est grave : cela démontre que, dans certains départements, le contrôle n'est pas correctement fait. Comment se fait-il que les familles n'aient pas été contrôlées ?
Cela va dans le sens de la position que nous sommes nombreux à défendre : ce n'est pas l'état du droit qui est en cause, ce sont les moyens consacrés à le faire respecter. Le vrai problème, ce ne sont pas les enfants instruits en famille mais ceux qui ne reçoivent aucune instruction. Or les maires, qui sont chargés du contrôle de l'exhaustivité de l'instruction des enfants âgés de trois à seize ans, …
… ne disposent pas des moyens techniques de contrôle – nous en avons beaucoup discuté en commission spéciale. L'utilisation du code INSEE par l'éducation nationale serait un progrès considérable : cette procédure permettrait de rapprocher les fichiers des caisses d'allocations familiales des fichiers fiscaux, afin de détecter les enfants non scolarisés ne relevant pas de l'IEF.
La deuxième erreur est de nature juridique. L'article 21 constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d'enseignement, puisqu'il veut conditionner à une déclaration préalable et à un renforcement des critères l'exercice d'une liberté fondamentale. Le Conseil constitutionnel n'a pas tranché explicitement, puisqu'il n'a jamais été saisi de ces questions, mais sa jurisprudence concernant l'enseignement privé, que l'on pourrait assez facilement transposer, reconnaît que l'instruction, publique ou privée, est une liberté fondamentale. Le Conseil d'Etat, lui, a une jurisprudence claire. Que lit-on dans son avis du 19 juillet 2017 « Association '' Les Enfants d'Abord'' et autres » ? « Le principe de la liberté de l'enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d'enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l'État, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l'instruction au sein de la famille. »
Je suis également étonné que peu de collègues aient cité la défenseure des droits, dont les conclusions sur l'article 21 sont accablantes. Jugez-en à travers ces morceaux choisis. Première observation : « Quant à l'objectif visé, tout d'abord. En effet, la place de ces dispositions dans ce projet de loi interroge sur la possibilité qu'elles soient motivées par des seuls impératifs sécuritaires plutôt qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. À ce titre, la loi viendrait remettre en cause l'instruction à domicile de nombreux enfants aux besoins fondamentaux desquels elle répond pourtant de manière satisfaisante. »
Deuxième observation : « Quant à sa nécessité et sa proportionnalité ensuite : d'une part, et sous toutes réserves, l'étude d'impact n'apporte aucun élément clair et aucune visibilité sur les profils des enfants et des familles concernées actuellement par l'instruction à domicile et sur le risque de prosélytisme au sein de l'instruction dans la famille » – et les recherches que j'ai faites montrent que pas un des terroristes condamnés n'a été éduqué dans ce cadre.
« D'autre part », poursuit-elle – c'est sa troisième observation – , « la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance vise déjà à clarifier et resserrer l'encadrement des contrôles pédagogiques de l'instruction dans la famille. Il semblerait utile de commencer par faire le bilan du renforcement des modalités et du contenu des contrôles introduit par cette loi. D'autant qu'un vade-mecum » – texte intéressant que vous avez sans doute tous lu – « a été élaboré très récemment par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour présenter le cadre législatif et réglementaire du contrôle de l'instruction en famille. ». Et elle formule ensuite plusieurs réserves, dont celle sur la constitutionnalité de la disposition.
Des justifications du Gouvernement reste l'argument selon lequel sept des pays membres de l'Union européenne ont interdit l'IEF. Je me suis livré à une petite recherche historique. Vous nous citez l'Allemagne, monsieur le ministre, mais savez-vous par qui a été interdite l'instruction en famille ?
Par le régime nazi, en 1938, quand il a décidé de dissoudre tous les mouvements de jeunesse et de mettre la main sur l'ensemble de la jeunesse.
Vous nous citez encore l'Espagne. Savez-vous là encore par qui l'IEF a été interdite ?
Par le régime franquiste, en 1939, qui voulait mettre la main sur l'instruction. Vous mettez aussi en avant la Suède, mais l'étude d'impact est mal renseignée. L'ambassade et les autres services que j'ai contactés m'ont indiqué que l'IEF était autorisée pour les enfants jusqu'à l'âge de sept ans dans ce pays.
Alors, voulez-vous que nous rejoignions des pays dont l'histoire, heureusement pour nous, n'est pas la nôtre ? Abstenez-vous donc de citer les exemples européens.
La troisième erreur est d'ordre pédagogique. Les taux d'échec en IEF sont-ils supérieurs à ceux de l'école publique ? La réponse est négative : il y a moins d'échecs dans ce cadre d'instruction.
Le fait que l'IEF s'adapte aux besoins de certains enfants doit nous conduire à réfléchir : comment faire évoluer la pédagogie pratiquée dans l'école publique de manière qu'elle corresponde à la diversité des élèves ? Du reste, que le taux de réussite soit plus élevé est assez logique : les parents s'investissent énormément dans l'éducation de leurs enfants. C'est une richesse collective pour la République !
Il y a dans vos explications quelque chose qui va de travers : vous nous dites que les enfants instruits en famille ne sont pas socialisés, ce qui est tout à fait inexact. Comme mes collègues, j'ai reçu bon nombre de familles concernées : les enfants sont inscrits à des clubs sportifs et font beaucoup plus de sorties et de visites que dans le cadre scolaire.
Les familles investissant dans l'éducation de ces 62 000 enfants sont, je le répète, une véritable richesse pour notre nation !
J'en viens à la quatrième erreur, peut-être la plus grave : l'erreur psychologique. Votre texte constitue une agression, vécue comme telle par les familles.
Je vais vous raconter une histoire. Lors d'une de mes permanences, à la commune de Maurupt-le-Montois, j'ai vu arriver une femme en pleurs. Je lui ai demandé : « Mais, madame, que se passe-t-il ? ». Reprenant un peu ses esprits, elle m'a dit : « Monsieur de Courson, moi, je m'occupe de mes deux filles – c'était une famille tout à fait modeste – , est-ce que vous allez supprimer l'instruction en famille ? »
Et je lui ai répondu : « Comptez sur moi, nous allons nous battre jusqu'au bout, nous irons jusqu'au Conseil constitutionnel ! ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe LR.
Et elle a continué de pleurer, m'expliquant qu'elle éduquait ses filles du mieux qu'elle pouvait et que le contrôle de l'inspection d'académie avait été très bon. Vous ne vous rendez pas compte, monsieur le ministre, de la violence que constitue pour ces familles l'article 21 !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.
Nous entamons un chapitre dédié majoritairement à l'éducation. En réalité, ce thème aurait mérité un débat en soi, d'autant que les articles qui suivent concernent l'organisation de notre système éducatif, où se joue un vrai séparatisme social et culturel – un système qui, par ailleurs, fait une véritable entorse à la laïcité.
Alors que nous examinons un projet de loi qui entend faire respecter les principes républicains, il nous semble difficile de ne pas mentionner ces deux ruptures majeures auxdits principes et autour desquelles se sont construites les trois voies d'accès à l'instruction : celle à l'école publique, celle à l'école privée sous contrat et hors contrat et l'instruction en famille.
Il est vrai que ces ruptures divisent et, ce, depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire, faite de compromis avec la promesse républicaine. Mais il est encore plus vrai que le présent projet de loi ne s'intéresse ni au séparatisme social et culturel, ni à la défense de la laïcité, malgré son titre trompeur. Et nous le regrettons.
Notre groupe profite de ces articles pour réaffirmer, comme vous l'avez fait vous-même monsieur le ministre, notre attachement à l'école, véritable creuset pour apprendre le bien vivre ensemble, aller à la découverte et à la rencontre de l'autre dans toute son altérité et sa différence : c'est à travers elle que chacun se construit. Cet apprentissage est d'autant plus nécessaire en ces temps de chacun pour soi, voire de chacun chez soi, bref en cette période de délitement du tissu social.
Mais contrairement à vous, monsieur le ministre, nous sommes fermement et sincèrement attachés à une école publique républicaine, laïque et gratuite, et de qualité pour tous.
Parler de qualité me conduit à en venir plus spécifiquement à l'instruction en famille, l'IEF, évoquée dans l'article 21. Hier, on m'a glissé à l'oreille que vous auriez fléchi sur vos exigences en la matière. S'il est toujours question de soumettre ce mode d'instruction à autorisation pour motifs de santé, de handicap, d'activités sportives ou artistiques intenses, ou d'itinérance, vous devenez plus conciliant pour accorder cette autorisation aux parents arguant d'un motif plus flou : la situation propre à l'enfant, au nom de son intérêt supérieur.
Cela représenterait – je parle au conditionnel car l'étude d'impact est floue, elle aussi – , la moitié des 62 000 enfants pratiquant l'instruction en famille. Leurs parents devraient toutefois rédiger un projet pédagogique prouvant, on ne sait pas très bien sur quel fondement, leurs aptitudes à instruire. Notez que ce n'est pas le fait de tous de pouvoir instruire, premier séparatisme ! Vous conviendrez aussi que ces aptitudes sont difficiles à évaluer sur dossier, d'autant que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale, les DASEN, ont déjà du mal à contrôler l'existant.
La nuit a dû vous porter conseil, cher ministre, pour abdiquer avec une telle complaisance devant le lobbying des parents de ces 30 000 enfants, …
… soucieux à juste titre de l'épanouissement de leurs petits. Permettez-moi de rappeler que seuls 5 000 d'entre eux, selon les données de M. Jean Castex – là encore très fantaisistes, au point qu'elles ont surpris M. Darmanin – , suivraient l'instruction en famille en raison de motifs de nature confessionnelle, notamment catholique.
Je comprends mieux qu'affronter une telle fronde, pour une poignée de familles que votre projet de loi ne cible surtout pas, bien au contraire, ne vaut pas le coup. D'ailleurs, j'ai vu que vous renvoyez, au moyen d'un amendement, votre article aux calendes grecques.
Cela dit, si je condamne votre pusillanimité et vos éloges hypocrites de l'école, même publique, je comprends ces parents et leur exigence en faveur d'une éducation bienveillante. Je comprends leurs plaidoyers, que j'ai lus et entendus, pour une éducation respectueuse des rythmes et des diverses formes d'apprentissage. Je crois en leurs témoignages sur les vertus de ce type d'éducation, tant en matière de niveau scolaire, d'épanouissement que de socialisation.
Je les comprends, mais notre groupe affirme, par pur principe d'égalité et de fraternité républicaine, que tous ces bienfaits devraient bénéficier gratuitement et de manière effective à tous les enfants.
Car, selon une étude de chercheurs français, une majorité des familles qui choisissent l'instruction en famille le font par contrainte ou par défaut : je pense à celles qui ne trouvent pas d'école à moins de trente minutes de chez elles ; …
… celles qui souhaitent protéger leur enfant du harcèlement qu'un jeune sur dix subit à l'école ; ces familles qui cherchent des pédagogies différentes de celles que vous imposez notamment en REP – réseaux d'éducation prioritaire – , fondées sur le seul diktat des neurosciences et des tests à l'infini ; celles qui cherchent une école susceptible de s'adapter au rythme de chacun, ce qui n'est guère possible avec trente élèves par classe en maternelle.
Ces familles cherchent une école capable de répondre convenablement aux difficultés scolaires, aux enfants en situation de handicap…
… grâce à un nombre suffisant d'enseignants dans les Rased, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, dans les Segpa, les sections d'enseignement général professionnel adapté, ou encore grâce à un nombre suffisant d'accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, bien formés et rémunérés ; une école où les enseignants bénéficient de temps pour se former, pour réfléchir sur leurs pratiques, pour accueillir et rencontrer les parents, au lieu de crouler sous les heures supplémentaires.
Le nombre d'enfants pratiquant l'IEF ne cesse d'augmenter : il a été multiplié par trois en dix ans. Cela ne vous inquiète-t-il pas, monsieur le ministre ? Pendant ce temps, vous fermez des classes et diminuez les dotations horaires, rendant plus qu'incertaine la légitime exigence de qualité des parents.
Enfin, que se passerait-il si les 29 000 élèves concernés par votre proposition devaient reprendre le chemin de l'école, sans parler des 100 000 enfants non scolarisés des bidonvilles et des hôtels sociaux ? Que se passerait-il, alors que vous peinez déjà à contrôler les 62 000 existants ? Alors, monsieur le ministre, chers collègues, c'est bien de vouloir restreindre l'ISF, …
… mais il ne faut pas le faire en instituant des contrôles plus ou moins arbitraires. Il vaudrait mieux le faire en donnant les moyens susceptibles de rendre l'école publique plus désirable.
Les chiffres sont éloquents : nous assistons à une forte augmentation de l'instruction à domicile qui n'est plus, comme c'était le cas il y a quelques années encore, un phénomène marginal. Pour les défenseurs de l'école de la République que nous sommes, ce n'est pas une bonne nouvelle.
Nous en connaissons les raisons principales : d'une part, les mouvements radicaux qui se dissimulent derrière le paravent de l'instruction en famille pour endoctriner les enfants…
… et, d'autre part, un mouvement préoccupant de défiance, voire de rejet, de l'école, du creuset républicain, au nom d'un entre-soi, d'une forme d'individualisme qui, je dois le dire, nous inquiètent.
Pour la société tout entière, il est souhaitable que les enfants aillent à l'école, c'est notre conviction profonde.
Avec cet article, nous assumons notre volonté de convaincre tous les parents d'envoyer leurs enfants à l'école. Certes, ils sont libres d'instruire leurs enfants à domicile et l'article 21 préserve cette liberté : il est faux d'affirmer le contraire. Mais, au-delà de ce qui est possible, nous défendons ce qui est souhaitable. L'école, c'est vital. Je le dis au nom des droits de l'enfant, du droit à l'école, du droit à une « deuxième vie », pour reprendre l'expression d'Henri Peòa-Ruiz que nous avons auditionné, une deuxième vie en dehors de sa famille. L'enfant a le droit de sortir du huis clos familial et du seul regard de ses parents ; …
… il a besoin d'être confronté à d'autres règles, imposées par la vie en collectivité. Notre fil rouge, depuis le début de la législature, c'est l'intérêt des enfants, et nous pensons qu'il est dans l'intérêt des enfants d'aller à l'école. Redisons-le : l'enfant n'appartient à personne…
… et sur ce point, d'une certaine façon, la droite est fidèle à sa tradition. À l'époque de Jules Ferry déjà, certains considéraient que l'enfant appartenait à sa famille et se méfiaient de l'école de la République et d'un éventuel endoctrinement laïque et républicain.
Quant à la gauche, nous restons abasourdis de constater le peu d'entrain qu'une partie d'entre elle met à défendre l'école publique, alors que c'est pourtant un de ses plus beaux combats
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et l'une de ses plus grandes fiertés. Nous sommes abasourdis de voir qu'une partie de la gauche devient le porte-drapeau de ceux qui se détournent de l'école. Vous avez perdu votre boussole idéologique…
… et vos ancêtres, nos ancêtres, doivent se retourner dans leur tombe !
Néanmoins, les défenseurs de l'école de la République que nous sommes se doivent d'être à l'écoute des parents qui décident d'instruire leurs enfants à domicile, de faire preuve d'humilité et d'entendre ceux qui la trouvent encore trop rigide, trop normative et insuffisamment capable d'accueillir tous les enfants dans leur diversité.
C'est vrai, cela a été dit, l'école n'est pas parfaite. Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années sur le plan de l'accueil des enfants porteurs de handicap ou de la prise en charge du harcèlement. Mais il faut poursuivre ces efforts pour que l'école de la République devienne plus inclusive et plus ouverte pour tendre la main à tous les enfants et leur être bienveillante. Nous nous y employons chaque jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 21 est une mesure de protection de l'enfance. Je rappelle que la moitié des enfants qui étaient scolarisés dans une école clandestine de mon département de Seine-Saint-Denis étaient en instruction à domicile.
L'idée n'est pas de revenir sur la liberté qu'ont les familles de choisir l'instruction en famille, mais bien de protéger certains enfants perdus de la République. C'est, en outre, un moyen pour les familles qui se lancent dans l'instruction à domicile de se rassurer sur la progression de leur enfant.
De plus, l'amendement no 2629 de Mme la rapporteure, qui propose la création d'une cellule rectorale de recours administratif, devrait aussi rassurer les familles.
L'article 21 me paraît désormais trouver un équilibre entre les garanties qu'il apporte à la protection des enfants et la liberté qu'il conserve aux parents d'enseigner en famille.
J'ai écouté avec une extrême attention l'intervention du président Chassaigne. Je l'ai fait par principe, respectueux de la parole d'un grand républicain, en raison, aussi, d'une culture commune, largement partagée à travers mon histoire et la sienne, et, enfin, parce que, même si je ne partage pas la conclusion de son intervention, il a remis l'école, l'éducation au coeur de l'article 21, ce qui est très important.
De l'avoir fait renvoie tout simplement aux raisons que le Président de la République, dans son discours des Mureaux, discours quasi unanimement salué par le monde politique…
… et dans cet hémicycle, a développées lorsqu'il a présenté les mesures dont nous discutons aujourd'hui, et qui ont été considérablement améliorées en commission spéciale et le seront encore dans notre hémicycle. Par quoi commençait le Président de la République quand il indiquait ce qui, pour lui, et je pense pour nous, également, constitue le troisième pilier de notre stratégie, c'est-à-dire l'école ?
« L'école, a-t-il dit, c'est le creuset républicain. C'est ce qui fait qu'on protège nos enfants de manière complète par rapport à tout signe religieux, à la religion. C'est vraiment le coeur de l'espace de la laïcité, et c'est ce lieu où nous formons les consciences pour que les enfants deviennent des citoyens libres, rationnels, pouvant choisir leur vie. L'école est donc notre trésor collectif. C'est ce qui permet, dans notre société, de bâtir ce commun qu'est la République. » Je partage pleinement cette volonté d'affirmer comme nécessaire la prééminence de l'école, non pas au détriment d'une liberté, mais en respectant la hiérarchie des normes qui fonde la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Historiquement, notre république s'est construite autour de l'école. Il est d'autant plus courageux de le réaffirmer, qu'il existe de nombreuses raisons de relativiser cet impératif historique, cette nécessité de défendre et de conforter ce qui constitue le socle de notre vie, de nos valeurs et de notre communauté nationale. Oui – cela a été dit – , l'école cristallise toutes les dimensions de la crise, y compris morale, de la société. Oui – je le constate, comme vous, depuis des années – une forme de relativisme s'est instaurée à l'égard de l'école, tenant en partie aux évolutions de la vie, à l'essor de l'individualisme – qui n'est pas toujours un défaut – et du consumérisme. Oui, la défiance grandit quant à la capacité de l'école à tenir sa promesse républicaine. Il est donc important de réaffirmer que l'école est le creuset de la République et de la laïcité. Est-ce, pour autant, porter atteinte à la liberté ?
Est-ce attenter à une liberté, que de la soumettre à un régime d'autorisation ?
Non ! L'exercice de dizaines de libertés fait déjà l'objet d'autorisations préalables. On n'ouvre pas un cabinet médical libéral sans autorisation ! L'autorisation d'instruire ses enfants en famille, doublée du renforcement des contrôles, assure la prééminence de l'obligation scolaire telle qu'elle est travaillée par M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports depuis près de quatre ans – voyez la loi pour une école de la confiance – , tout en offrant la possibilité d'exercer la liberté d'instruction, qui est reconnue.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Certains considèrent qu'avec l'article 21, nous prenons un marteau-piqueur, une enclume, du napalm, ou que sais-je ? , …
… pour exterminer une mouche. Je vous renvoie au deuxième pilier affirmé par le Président de la République aux Mureaux : nous devons lutter contre les ennemis de la République, qui veulent utiliser à d'autres fins la liberté consacrée – et adaptée – dans l'article 21. On nous dit que ce phénomène n'existe pas ou qu'il est totalement marginal.
Il ne nécessiterait même pas qu'on lui consacre plus de quelques secondes, dans une loi confortant les principes républicains ! Bien au contraire, je constate depuis des années, dans ma ville et ma circonscription, une corrélation entre une déscolarisation croissante,
« Des chiffres, des chiffres ! » sur les bancs du groupe LR
et l'emploi de la liberté d'instruction en vue d'instrumentaliser les enfants et de les éduquer contre la République et la communauté nationale, à mesure que s'ouvrent des pseudo-écoles pseudo-coraniques.
J'en veux pour preuve la communication que le préfet de l'Essonne a adressée à tous les parlementaires du département pour décrire cette réalité : elle prouve que, contrairement à ce qu'affirment certains, le phénomène n'est pas marginal au point que l'article 21 pourrait être supprimé.
De l'année scolaire 2019-2020 à l'année scolaire 2020-2021, le nombre d'enfants scolarisés en famille a augmenté de 46 %.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Selon vous, cela n'aurait rien à voir, parce que le covid-19 est survenu entre-temps, ou parce que l'instruction obligatoire débute désormais à trois ans. Or celle-ci concerne toutes les communes de l'Essonne, de même que le covid-19 frappe toutes les communes de l'Essonne. Ce qui compte, c'est donc de savoir où augmente plus particulièrement l'instruction en famille.
M. Francis Chouat montre un document à l'assemblée.
Monsieur le président, présidez ! On n'a pas le droit de le montrer !
Je n'en suis pas particulièrement fier, mais convenez que je n'y suis pour rien. On y voit que l'augmentation du nombre d'enfants instruits en famille dépasse 60 % dans deux communes, contre une moyenne de 46 %. Ces deux communes sont Évry-Courcouronnes et Corbeil-Essonne, précisément là où certains veulent ouvrir des écoles pas même hors contrat, mais totalement clandestines. Ce n'est pas à Gif-sur-Yvette ni à Orsay ! Oui, il y a bien une relation entre la déscolarisation, l'instruction en famille et le séparatisme islamiste.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La discussion sur cet article de fond est fort intéressante car elle nous permet d'analyser la situation et d'opposer nos arguments sur les spécificités territoriales. L'article 21 a le mérite d'ouvrir la discussion, et il est important que nous débattions de tous les amendements dont il fait l'objet. Ne nions pas les problèmes que certains ont relatés, qu'ils concernent les écoles clandestines ou, dans certains cas, l'instruction en famille. Refuser cet article, ce serait refuser la discussion, ce serait nier ces problèmes. Certains inspecteurs de l'éducation nationale témoignent bel et bien de situations individuelles qu'il faut savoir identifier et affronter, afin de les améliorer.
Car c'est pour proposer des améliorations qu'il faut ouvrir la discussion. Proposons aux familles qui jouent le jeu…
… de nous expliquer comment nous pourrons lutter contre ces quelques cas, certes rares, sans attendre qu'ils se multiplient. Faisons en sorte que les principes républicains s'appliquent et soient renforcés. Certaines améliorations ont déjà été apportées, et je m'en réjouis.
Pour juger de l'ampleur du phénomène, regardons les chiffres. Si nous voulons renforcer les principes républicains, nous devons veiller à toucher l'ensemble des enfants de la République. Or on estime que 100 000 enfants sont « hors radars » : nous ne sommes pas capables de savoir où ils sont. L'identification numérique permettra de les retrouver et de les rattacher à l'école de la République.
Le rattachement des enfants en IEF à un établissement scolaire est également intéressant : il ouvre le champ des possibles et tisse des liens entre les familles concernées et les écoles. J'ai d'ailleurs été choqué d'apprendre que ces jeunes ne pourraient pas participer au parlement des enfants ni au conseil municipal des enfants, par exemple. Nous devons absolument intégrer l'ensemble des familles qui pratiquent l'IEF dans le creuset de la République.
Autre avancée : la commission spéciale a reporté à 2022 l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Sachant que le parcours législatif de la loi prendra encore quelques mois, les familles risquaient de découvrir en mai ou juin que les conditions changeraient pour la rentrée suivante. Pour elles comme pour l'administration, il fallait prévoir le temps nécessaire pour effectuer les déclarations ou les demandes d'autorisation – selon les évolutions retenues – dans de bonnes conditions.
Des améliorations ont donc été apportées à l'article 21, et je souhaite qu'il y en ait de nombreuses autres. Nous devons mieux quantifier les situations : combien de contrôles sont effectués, et quel est leur résultat ? En cas de double contrôle, que sont devenus les enfants ? Ont-ils retrouvé le chemin de l'école ? Il a été dit, en commission spéciale, que seuls deux tiers des contrôles normalement prévus étaient réalisés. Les autorités de l'État doivent se mettre en capacité d'effectuer tous les contrôles nécessaires. Dans l'esprit de la loi pour un État au service d'une société de confiance, que nous avons votée au début de la législature, nous devons inscrire ces contrôles dans une logique d'accompagnement et de conseil, plutôt que d'inspection scrupuleusement académique et binaire, voire d'opposition entre l'école et l'instruction en famille.
Les chiffres doivent donc clarifier les situations ; c'est ce qui a manqué au début des discussions. Non, les familles qui pratiquent l'IEF ne sont pas hors radars ! Il y a eu des amalgames inadmissibles à ce sujet.
Elles se déclarent, et sont bien dans les radars. Le nombre d'enfants hors radars est estimé à 100 000 – nous ne saurions avoir par définition de chiffre exact – , tandis que 60 000 enfants relèvent de l'instruction en famille – dont 30 000 sont inscrits au CNED, dans un cadre réglementé, ou font l'objet d'une dérogation pour maladie. Restent donc 30 000 enfants. J'ajoute que, selon les chercheurs auditionnés par la commission spéciale, la moitié des enfants instruits en famille ne le sont que pour moins d'un an.
Somme toute, nous parlons, dans le cadre de l'article 21, de 10 000 à 15 000 enfants instruits en famille.
Une fois encore, nous devons renforcer les contrôles et mieux accompagner les familles, particulièrement celles qui se lancent dans l'IEF pour la première fois. Pour celles qui pratiquent déjà ce mode d'instruction, les règles ne doivent pas changer en cours de match. Aidons-les plutôt à poursuivre dans cette voie, conformément au choix qu'elles ont fait en toute liberté, avec l'aval des autorités.
Je le répète, on ne doit pas changer les règles en cours de match, surtout quand il s'agit d'éducation et de liberté, plus encore quand les familles ont fait l'objet de contrôles favorables. Il faut renforcer la pertinence des contrôles, et s'assurer qu'ils sont effectués tous les ans. Quand leurs résultats sont négatifs, il est hors de question que les enfants continuent d'être instruits en famille. Mais de grâce, ne changeons pas les règles en cours de match !
Avec cet article, le Gouvernement se trompe de cible. Nous le savons : l'écrasante majorité des familles qui pratiquent l'IEF ne posent aucun problème. Si des dérives existent, la loi actuelle permet de les traiter. L'enjeu est, avant tout, d'appliquer pleinement la loi : premièrement, il faut veiller à ce que les contrôles de l'éducation nationale et des maires soient effectués ; deuxièmement, il faut identifier les enfants hors système.
Nous manquons malheureusement de chiffres permettant de prendre la juste mesure des phénomènes de radicalisation au sein de l'IEF.
Nous nous apprêtons donc à limiter de façon importante la liberté d'instruction, sans savoir si ce sera vraiment efficace. Je ne peux l'envisager. Nous sommes plusieurs, issus de la majorité, à nous inquiéter de cette mesure. Les différentes auditions conduites par la commission spéciale nous donnent raison : l'instruction en famille n'est pas le problème.
S'il est légitime de lutter sévèrement contre tous les abus, il faut se garder de pénaliser l'ensemble des 62 000 enfants instruits en famille.
Comme de nombreux collègues, nous avons parlé avec ces familles. Le recours à ce mode d'instruction traduit des réalités très diverses, et de nombreuses raisons justifient leur choix. Nous pouvons être fiers de l'école de la République, et nous devons, bien sûr, encourager les parents à y inscrire leurs enfants. Cependant, force est de constater que l'école ne peut répondre à l'intérêt supérieur de tous les enfants.
Nous ne voulons pas légiférer à l'aveugle, sans données fiables sur un sujet aussi important. Lorsqu'il touche à une liberté constitutionnelle – la liberté d'enseignement – , le Parlement mérite d'être pleinement éclairé avant de voter. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : aussi proposons-nous un amendement de suppression de l'article 21.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra