Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du jeudi 11 février 2021 à 9h00
Respect des principes de la république — Article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Néanmoins, en labourant, on parvient quelquefois à changer des choses. C'est du moins ce que j'espère avoir montré délicatement et humblement dans ma vie, modeste comme l'est celle de chacun d'entre nous. Je suis donc viscéralement attaché à l'école publique.

J'ai fait le collège, et j'ai réussi, après la classe de troisième, le concours de l'école normale d'instituteur. J'ai peut-être été témoin de la première émotion de mon père le jour où celui-ci l'a appris, sachant qu'il n'en manifestait jamais aucune. Pour la famille, c'était une promotion. À partir de la classe de seconde – c'était ainsi à l'époque – , je suis donc devenu un élève-maître, l'un de ceux que l'on appelait « les hussards noirs de la République ». Je tiens beaucoup à cette expression, car ces enseignants ne se contentaient pas de transmettre la connaissance ; ils avaient la volonté d'inscrire l'élève dans la République, faisant leur ce vers du poème « Écrit après la visite d'un bagne » de Victor Hugo : « Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne ». Je suis viscéralement attaché, je le répète, à l'école publique.

C'est d'ailleurs un domaine que je connais bien, pour avoir été ensuite principal de collège et maire. Durant cette période, je n'ai pas connu de famille concernée par l'instruction en famille ; je n'ai découvert que plus tard de quoi il s'agissait.

J'ai conscience du rôle de l'école dans la formation des citoyens. Respecter par principe ce qui fonde l'égale dignité de tous les hommes, c'est à l'école que cela s'apprend, non seulement par l'éducation à la raison et au savoir, mais aussi par la pratique habituelle, quotidienne, de la collectivité par les élèves. Je le répète, l'école apprend à être un citoyen responsable de ses actes à l'aune de la loi commune qu'elle impose en son sein. La nécessité de prendre soin de l'environnement, commun à tous, ne fait pas exception à cette règle. L'école éduque les élèves à la raison non seulement par l'apprentissage des connaissances, mais aussi en organisant les pratiques quotidiennes qui accompagnent et illustrent ces apprentissages.

Je prends la peine de vous rappeler tout cela afin de souligner que, loin de remettre en cause le rôle de l'école, je le considère comme indispensable ; je pourrais d'ailleurs multiplier les citations à ce propos. Or j'ai la conviction qu'aujourd'hui, c'est une erreur que de vouloir non pas supprimer, certes, mais encadrer trop strictement l'instruction en famille, à la suite de quelques excès, certes indéniables, et sur lesquels insistent entre autres nos collègues de banlieue parisienne, qui connaissent la réalité des quartiers. Au sein même de notre groupe, les élus urbains n'ont pas de l'instruction en famille la même approche que l'élu rural que je suis. La connaissance en est différente ; les effets de ce mode d'instruction le sont sans doute aussi. Toutefois, les choses ont évolué – encore que les principes établis par Montaigne et par les précepteurs qui s'en sont inspirés aient pu ensuite inspirer l'école républicaine.

Je le répète, monsieur le ministre, vous commettriez une erreur. La réalité est tout autre, comme je l'ai découvert en recevant des familles ou en m'entretenant avec elles au téléphone – me faisant violence pour cela, étant donné ma conception de l'école et de son rôle dans la société. Il faut mesurer la profondeur de la blessure que ces dispositions infligeraient à beaucoup de familles, à leur conception même de la vie.

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