Respectons chacun dans ce débat : l'instruction en famille est une question trop importante pour être caricaturée, d'un côté comme de l'autre, trop sensible pour être traitée de manière simpliste, trop essentielle pour être traitée de manière annexe : c'est un sujet d'éducation en soi. Cependant, il faudrait être naïf pour ne pas voir que l'instruction en famille peut couvrir des tentations de séparatisme, sans qu'il soit question de confondre les familles séparatistes avec les autres, dont le choix de recourir à l'instruction en famille doit être protégé.
Le phénomène existe, certes marginal, mais croissant. Il faut lire Jean-Pierre Obin, qui nous alerte à ce propos. Nous ne pouvons pas passer à côté de ce sujet, non, nous ne le pouvons pas en feignant de ne pas voir la situation. Nous sommes législateurs : il nous faut être lucides.
L'objet de ce projet de loi est précisément de donner à l'État les moyens d'agir contre des phénomènes qui échappaient jusqu'alors à sa vigilance. Le groupe Agir ensemble est, bien entendu, attaché aux droits fondamentaux que sont la liberté d'enseignement et la liberté de choisir les modalités d'instruction de son enfant. Mais le devoir républicain d'assurer l'égalité des chances pour tous sans aucune distinction existe aussi. Oui, nous sommes favorables à une forme de contrôle préalable pour l'instruction en famille. D'autres députés du groupe Agir ensemble exprimeront plus tard un avis personnel, différent de celui que je défends.
La maîtrise de la langue est à nos yeux une condition nécessaire avant toute autorisation, faute de quoi surgiraient des inégalités de chances très fortes, au détriment de l'enfant. Mon collègue Benoit Potterie défendra, pour notre groupe, un amendement en ce sens.
Il me semble pertinent de distinguer l'instruction en famille simple, de l'instruction en famille qui s'inscrit dans le système de l'enseignement à distance, qu'il s'agisse du CNED – Centre national d'enseignement à distance – ou d'organismes privés. Pourquoi cela ? Parce que ces structures garantissent un cadre, un suivi et un accompagnement. Dès lors, le contrôle est plus simple. C'est la raison pour laquelle il nous semble justifié de préserver une certaine souplesse pour ce cadre précis. Nous avons également déposé un amendement en ce sens, afin de maintenir le système de dérogation préalable, pour les élèves scolarisés en établissement d'enseignement à distance.
Il nous faut protéger les familles qui, jusqu'à aujourd'hui, ont choisi, en toute liberté et en toute responsabilité, l'instruction en famille, sans jamais poser de problèmes. Mais nous devons agir avec force et conviction contre les familles qui contournent le droit et qui sont dans une logique de séparatisme.
Ce débat parlementaire requiert une certaine hauteur de vue. Nous devons respecter les positions des uns et des autres, sans oublier que nous devons aussi agir pour protéger les enfants, susceptibles de se retrouver dans des situations délicates, parce que leur famille veut clairement contourner la loi et le droit, et s'inscrire dans une logique de séparation de la République.