« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant »
Presque un siècle a passé depuis la mutinerie des enfants bagnards de Belle-Île-en-Mer, racontée par Jacques Prévert dans son célèbre poème. Depuis, beaucoup de choses ont heureusement changé ; la protection judiciaire de la jeunesse s'est en grande partie construite, avec l'ordonnance de 1945, contre ce qui prévalait une décennie plus tôt. Pourtant un siècle plus tard, à chaque fait divers, à chaque drame impliquant des mineurs délinquants, une même meute virtuelle – « les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes » – , aiguillonnée par des responsables politiques et médiatiques, se lance dans une surenchère répressive.
Or l'enfance délinquante est d'abord une enfance en danger et la protection de l'enfance et de la jeunesse est notoirement défaillante. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit près de 3 millions ; ce chiffre n'a pas baissé depuis dix ans et risque d'augmenter massivement dans les prochains mois. Au moins 75 000 enfants sont victimes de mauvais traitements chaque année ; un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ; 165 000 sont victimes de viols ou de violences sexuelles chaque année. Ces violences concernent tous les milieux sociaux.
Dans de nombreux départements, comme en Indre-et-Loire où il faut attendre quatorze mois pour qu'un enfant en danger soit protégé, l'aide sociale à l'enfance est sursollicitée et sous-financée. Un SDF sur quatre est un ancien enfant placé ; 30 % des moins de 30 ans utilisant des services d'hébergement temporaire et de restauration gratuite sont des anciens et des anciennes de l'ASE – aide sociale à l'enfance. Or, alors que les moyens de l'aide sociale et de l'accompagnement restent insuffisants, les professionnels de la protection de la jeunesse déplorent toujours plus de répression et toujours moins d'éducation en matière judiciaire. Dans la tribune signée en décembre dernier par plus de 200 d'entre eux, ils appellent les parlementaires à ne pas céder au simulacre de débat parlementaire que représente ce texte, aussi inutile que dangereux.