Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du lundi 15 février 2021 à 16h00
Justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

« Devant l'enfant, la décision judiciaire n'est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d'amitié ». Ces mots de Jean Chazal dans L'Enfance délinquante animent largement l'esprit de l'ordonnance du 11 septembre 2019, et nous avons su nous nous porter à leur hauteur dans notre travail de coopération efficace avec le Sénat.

Gardons à l'esprit que, derrière les jeunes délinquants, il y a des parcours de vie, non seulement ceux d'enfants malmenés, cabossés, en déshérence, mais aussi ceux de victimes touchées par la détresse et la violence, marquées par l'incompréhension, et qui ont besoin de tourner rapidement la page pour se reconstruire et avancer. Ni les uns ni les autres ne doivent être laissés dans l'incertitude face à leur avenir.

L'ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, qui nous est soumise pour ratification, concilie ces différents enjeux avec habileté. Elle formule des pistes de réponse constructives face aux enjeux de la nouvelle délinquance des mineurs. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés se réjouit particulièrement que, sur un texte si structurant pour nos enfants et pour la société, la commission mixte paritaire ait pu aboutir à un accord.

Cette ordonnance intervient dans le prolongement de plusieurs études : le rapport de la commission Varinard de 2008 et la mission d'information conduite début 2019 par nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier, dont je salue le travail. Leurs conclusions sont formelles : les principes cardinaux de l'ordonnance du 2 février 1945 ont été remis en question, tant dans leur lettre, au fil des trente-neuf modifications apportées au texte, avec une tendance au durcissement de la politique pénale à l'égard des mineurs, que dans la pratique judiciaire, certains de ces principes s'avérant largement inadaptés à l'évolution de la délinquance juvénile, du fait notamment des délais de la réponse pénale et d'un nombre excessif de placements de mineurs en détention provisoire.

L'ordonnance du 11 septembre 2019 vise à pallier cet épuisement de l'ordonnance de 1945. Elle procède indéniablement à une modernisation substantielle du droit pénal des mineurs tout en conservant ses principes cardinaux que sont la primauté de l'éducatif sur le répressif ou encore l'atténuation de la responsabilité du mineur en fonction de son âge.

Sur ce dernier point, nous sommes convaincus par l'introduction la présomption de discernement à partir de l'âge de 13 ans, qui est de nature à améliorer la protection des enfants. Nous approuvons pleinement la décision de conférer à cette présomption à caractère simple, l'appréciation du cas d'espèce devant prévaloir en toute situation. Quant au travail mené par le Sénat en séance publique pour définir le discernement, il nous semble éclairant : une telle définition était nécessaire pour assurer une protection efficace des enfants et des adolescents.

Nous saluons également l'apport majeur de l'ordonnance que constitue le raccourcissement de dix-huit mois à un an de la durée moyenne de traitement des affaires. Le jugement sur la culpabilité sera rendu dans un délai maximum de trois mois, ce qui permettra au mineur de bénéficier d'une mesure éducative sans décalage temporel entre la commission de l'infraction et la réponse apportée : cela est primordial pour que le mineur prenne conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés et renonce, dans de nombreux cas, à un nouveau passage à l'acte. La tenue accélérée de cette audience bénéficiera également aux victimes, qui pourront être indemnisées plus rapidement.

Concernant cette procédure, le Sénat a enrichi notre travail sur différents points, parmi lesquels la possibilité de numériser le dossier unique de personnalité et d'en donner l'accès au personnel du secteur associatif habilité ; la communication au mineur des mesures éducatives qui lui sont imposées dès l'issue de son audience de culpabilité ; ou encore la convocation par tout moyen des représentants légaux. Ces décisions nous semblent pertinentes et nous remercions les sénateurs pour leur contribution.

Nous saluons également la qualité des échanges au sein de la commission mixte paritaire, qui ont permis de trouver des compromis, s'agissant notamment du rétablissement de la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes et de celle du juge de la liberté et de la détention en matière de détention provisoire des mineurs.

Ainsi enrichies et affinées, les dispositions de l'ordonnance du 11 septembre 2019 permettront d'améliorer la qualité des procédures. Elles constituent un équilibre que la création d'un code de la justice des mineurs ne ferait que parachever : j'espère que nous avancerons en ce sens.

Nous devons toutefois garder à l'esprit, pour l'application de ce texte, et plus généralement s'agissant des politiques de l'enfance, qu'il est primordial de renforcer les synergies entre les différents acteurs de l'enfance.

Monsieur le garde des sceaux, le groupe Dem adhère largement à la réforme de la justice des mineurs et vous remercie à nouveau pour votre engagement sur ce sujet.

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