C'est souvent quand ils ont réussi à instaurer un rapport de forces qui leur est favorable que les salariés parviennent à obtenir des avancées, notamment en matière de rémunération. Ces avancées ne sont donc pas des acquis, mais bien des conquêtes : rares sont les employeurs qui signifient naturellement à leurs salariés qu'ils vont leur concéder une forte augmentation ou de nouvelles primes. C'est en tout cas ce qui se passe dans la plupart des groupes, et surtout dans les plus grands, puisque la maîtrise de la masse salariale y est le moyen le plus utilisé pour enrichir les actionnaires dans les proportions que l'on sait. Pour rappel, aujourd'hui, en France, un salarié travaille en moyenne vingt-six jours par an pour rémunérer les actionnaires, contre neuf en 1980. Le prétendu coût du travail sert surtout à masquer l'exorbitant coût du capital.
Par ces ordonnances, vous introduisez pourtant une mesure visant uniquement à contraindre les salariés à renégocier ce qu'ils avaient déjà arraché par leur lutte au sein de l'entreprise. En cas de cession d'une entreprise, vous voulez rendre impossible la préservation par les salariés des avancées obtenues avant le changement de propriétaire. La négociation collective ne s'inscrit pas a priori dans le dialogue social que vous invoquez. Pourquoi s'obstiner ainsi à vouloir défaire toutes les avancées dont bénéficient les salariés ? Les acquis sociaux à l'échelle de l'entreprise doivent eux aussi être conservés. Ils sont déjà suffisamment attaqués par le reste du contenu de vos ordonnances pour refuser en plus de préserver le fruit des négociations locales.
Notre amendement vise à supprimer cette disposition pour sécuriser vraiment les salariés et revaloriser la négociation collective, en empêchant qu'à chaque changement de propriétaire, les dispositions prises précédemment ne tombent à plat.