Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mercredi 17 février 2021 à 21h15
Lutte contre les inégalités mondiales — Présentation

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Des panneaux solaires à Kiffa en Mauritanie pour produire l'électricité durable dont la ville a besoin ; des prêts sur l'honneur pour aider les jeunes entrepreneurs de N'Djamena au Tchad à lancer un commerce ou un atelier au coeur de leur communauté ; des équipes de santé qui vont à la rencontre des habitants de la région de Gao au Mali pour soigner les nouveau-nés et rendre aux femmes leur liberté de choix grâce à la planification familiale ; un campus universitaire franco-sénégalais pour préparer une nouvelle génération africaine aux métiers de demain, ceux de l'ingénierie écologique, des énergies renouvelables ou encore du big data et de l'intelligence artificielle – si elles sont loin d'épuiser la richesse et la diversité des projets que la France a soutenus et accompagnés l'année dernière, ces quelques illustrations permettent de saisir, à partir du concret, du terrain, là où se joue l'essentiel, quelques-uns des enjeux de notre politique de développement solidaire.

Ces exemples rappellent avant tout qu'un geste de solidarité, même très simple, peut changer le cours d'une vie, ouvrir de nouveaux horizons, rendre l'espoir. Cela ne suffit pas à fonder nos choix de politique étrangère, nous en sommes bien conscients, mais je sais que nous sommes nombreux dans et hors de cet hémicycle à nous réjouir, en notre for intérieur, de ces résultats très concrets qui constituent de véritables progrès. Ce sentiment n'est pas étranger à ce qu'est notre République, à son histoire et à ses valeurs.

Ce que montrent également ses projets, contre bien des idées reçues, c'est que les réponses aux grands défis environnementaux, sociaux et technologiques du XXIe siècle se jouent aussi au Sud. Nous continuons à utiliser l'expression « aide publique au développement », qui reste une formule de référence dans la nomenclature internationale, mais, à y regarder de plus près, il serait plus juste de parler désormais d'entraide et même d'entraide au développement durable.

D'une part, le développement durable n'a vraiment de valeur que s'il est global. C'est d'ailleurs l'esprit de l'agenda 2030, fixé en 2015 par les Nations unies et qui est notre boussole en la matière. D'autre part, cet objectif n'est atteignable que collectivement, c'est-à-dire par l'action multilatérale et par le soutien financier ou technique que nous apportons aux pays les moins avancés et aux pays émergents.

Dans un monde comme le nôtre, en état d'urgence écologique, sociale et désormais pandémique, la solidarité est un impératif d'efficacité en même temps qu'une exigence d'humanité et de justice. Enracinée dans nos valeurs, elle est aussi dictée par nos intérêts bien compris.

Ce constat, mesdames et messieurs les députés, est la clef du projet de loi de programmation sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir.

La covid-19 est venue confirmer, une à une, chacune des intuitions qui, depuis plus de trois ans, nous ont guidés dans l'élaboration de ce texte, lequel est donc à la fois le fruit d'une longue réflexion collective conduite avec l'ensemble de la communauté française du développement, et le résultat de l'actualité.

Chacune de ces intuitions a été confirmée plus que nous n'aurions pu l'imaginer.

L'intuition que les désordres internationaux peuvent venir bouleverser notre quotidien – nos concitoyens ne le savent désormais que trop.

L'intuition que la santé des uns dépend de la santé de tous tant les liens qui unissent les continents et les nations sont étroits.

L'intuition que l'humanité ne saurait vivre en bonne santé sur une planète malade et que les menaces qui pèsent sur nous sont d'autant plus redoutables qu'elles sont intriquées.

L'intuition que le chacun pour soi est une impasse pour nous tous – cette orientation guide notre combat visant à faire du vaccin un nouveau bien public mondial dans le cadre de l'initiative ACT-A – Access to covid-19 tools accelerator – et de la facilité financière appelée COVAX – collaborer pour un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la covid-19.

Le sens du nouvel élan que je propose que nous donnions ensemble à notre politique de développement est donc très clair : tirer toutes les leçons de ces mois d'épreuve ; agir pour protéger les Françaises et les Français des crises qui ne peuvent nous frapper à l'avenir ; commencer pour cela à rebâtir notre commun, non seulement avec les Européens, nos grands alliés et des puissances de bonne volonté qui nous ont rejoints dans l'Alliance pour le multilatéralisme, mais aussi avec nos partenaires les plus vulnérables car nous avons besoin d'eux – pour renforcer tous les maillons des chaînes qui nous protègent – autant qu'ils ont besoin de nous.

Cette loi est donc notre réponse en profondeur et dans la durée à la crise pandémique et à tout ce qu'elle a révélé. J'espère que vous la verrez ainsi, dans ce qu'elle a d'urgent et de nécessaire au regard des défis du temps long. J'espère que vous n'aurez pas la tentation de la résumer à un simple chiffre : ce 0,55 % de la richesse nationale que le Président de la République s'est engagé à consacrer à notre aide publique au développement – APD – d'ici à 2022, même si, soyons clairs, je me suis battu pour qu'il figure dans le texte.

Comme vous l'aurez remarqué, ce texte est bel et bien une loi de programmation, à la différence de la loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale de 2014. S'il avait été question que nous fassions finalement moins que prévu pour le développement en raison de la crise, j'aurais lutté contre cette idée.

Certains pays ont fait ce choix, mais ce n'est pas le cas de la France. La détermination du Président de la République, qui n'a jamais vacillé en la matière, est parfaitement cohérente avec les combats qu'il a menés sur la scène internationale depuis 2017 : le combat pour l'action collective et le multilatéralisme, le combat contre les inégalités mondiales, que nous avons pris comme fil rouge de la présidence française du G7 en 2019, et le combat pour la préservation de nos biens communs.

Je me suis aussi battu pour que le présent texte signifie davantage qu'un seul chiffre…

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