La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.
Des panneaux solaires à Kiffa en Mauritanie pour produire l'électricité durable dont la ville a besoin ; des prêts sur l'honneur pour aider les jeunes entrepreneurs de N'Djamena au Tchad à lancer un commerce ou un atelier au coeur de leur communauté ; des équipes de santé qui vont à la rencontre des habitants de la région de Gao au Mali pour soigner les nouveau-nés et rendre aux femmes leur liberté de choix grâce à la planification familiale ; un campus universitaire franco-sénégalais pour préparer une nouvelle génération africaine aux métiers de demain, ceux de l'ingénierie écologique, des énergies renouvelables ou encore du big data et de l'intelligence artificielle – si elles sont loin d'épuiser la richesse et la diversité des projets que la France a soutenus et accompagnés l'année dernière, ces quelques illustrations permettent de saisir, à partir du concret, du terrain, là où se joue l'essentiel, quelques-uns des enjeux de notre politique de développement solidaire.
Ces exemples rappellent avant tout qu'un geste de solidarité, même très simple, peut changer le cours d'une vie, ouvrir de nouveaux horizons, rendre l'espoir. Cela ne suffit pas à fonder nos choix de politique étrangère, nous en sommes bien conscients, mais je sais que nous sommes nombreux dans et hors de cet hémicycle à nous réjouir, en notre for intérieur, de ces résultats très concrets qui constituent de véritables progrès. Ce sentiment n'est pas étranger à ce qu'est notre République, à son histoire et à ses valeurs.
Ce que montrent également ses projets, contre bien des idées reçues, c'est que les réponses aux grands défis environnementaux, sociaux et technologiques du XXIe siècle se jouent aussi au Sud. Nous continuons à utiliser l'expression « aide publique au développement », qui reste une formule de référence dans la nomenclature internationale, mais, à y regarder de plus près, il serait plus juste de parler désormais d'entraide et même d'entraide au développement durable.
D'une part, le développement durable n'a vraiment de valeur que s'il est global. C'est d'ailleurs l'esprit de l'agenda 2030, fixé en 2015 par les Nations unies et qui est notre boussole en la matière. D'autre part, cet objectif n'est atteignable que collectivement, c'est-à-dire par l'action multilatérale et par le soutien financier ou technique que nous apportons aux pays les moins avancés et aux pays émergents.
Dans un monde comme le nôtre, en état d'urgence écologique, sociale et désormais pandémique, la solidarité est un impératif d'efficacité en même temps qu'une exigence d'humanité et de justice. Enracinée dans nos valeurs, elle est aussi dictée par nos intérêts bien compris.
Ce constat, mesdames et messieurs les députés, est la clef du projet de loi de programmation sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir.
La covid-19 est venue confirmer, une à une, chacune des intuitions qui, depuis plus de trois ans, nous ont guidés dans l'élaboration de ce texte, lequel est donc à la fois le fruit d'une longue réflexion collective conduite avec l'ensemble de la communauté française du développement, et le résultat de l'actualité.
Chacune de ces intuitions a été confirmée plus que nous n'aurions pu l'imaginer.
L'intuition que les désordres internationaux peuvent venir bouleverser notre quotidien – nos concitoyens ne le savent désormais que trop.
L'intuition que la santé des uns dépend de la santé de tous tant les liens qui unissent les continents et les nations sont étroits.
L'intuition que l'humanité ne saurait vivre en bonne santé sur une planète malade et que les menaces qui pèsent sur nous sont d'autant plus redoutables qu'elles sont intriquées.
L'intuition que le chacun pour soi est une impasse pour nous tous – cette orientation guide notre combat visant à faire du vaccin un nouveau bien public mondial dans le cadre de l'initiative ACT-A – Access to covid-19 tools accelerator – et de la facilité financière appelée COVAX – collaborer pour un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la covid-19.
Le sens du nouvel élan que je propose que nous donnions ensemble à notre politique de développement est donc très clair : tirer toutes les leçons de ces mois d'épreuve ; agir pour protéger les Françaises et les Français des crises qui ne peuvent nous frapper à l'avenir ; commencer pour cela à rebâtir notre commun, non seulement avec les Européens, nos grands alliés et des puissances de bonne volonté qui nous ont rejoints dans l'Alliance pour le multilatéralisme, mais aussi avec nos partenaires les plus vulnérables car nous avons besoin d'eux – pour renforcer tous les maillons des chaînes qui nous protègent – autant qu'ils ont besoin de nous.
Cette loi est donc notre réponse en profondeur et dans la durée à la crise pandémique et à tout ce qu'elle a révélé. J'espère que vous la verrez ainsi, dans ce qu'elle a d'urgent et de nécessaire au regard des défis du temps long. J'espère que vous n'aurez pas la tentation de la résumer à un simple chiffre : ce 0,55 % de la richesse nationale que le Président de la République s'est engagé à consacrer à notre aide publique au développement – APD – d'ici à 2022, même si, soyons clairs, je me suis battu pour qu'il figure dans le texte.
Comme vous l'aurez remarqué, ce texte est bel et bien une loi de programmation, à la différence de la loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale de 2014. S'il avait été question que nous fassions finalement moins que prévu pour le développement en raison de la crise, j'aurais lutté contre cette idée.
Certains pays ont fait ce choix, mais ce n'est pas le cas de la France. La détermination du Président de la République, qui n'a jamais vacillé en la matière, est parfaitement cohérente avec les combats qu'il a menés sur la scène internationale depuis 2017 : le combat pour l'action collective et le multilatéralisme, le combat contre les inégalités mondiales, que nous avons pris comme fil rouge de la présidence française du G7 en 2019, et le combat pour la préservation de nos biens communs.
Je me suis aussi battu pour que le présent texte signifie davantage qu'un seul chiffre…
… car un chiffre ne fait pas une politique. Or nous avons besoin d'une vraie politique de développement solidaire pour préparer l'avenir. Comme je l'ai déjà dit hier dans cet hémicycle, nous avons besoin d'une politique qui constitue un pilier à part entière de notre politique étrangère.
Il était tout à fait essentiel que l'engagement du Président de la République soit tenu et il le sera, mais, et je veux y insister, il ne s'agit pas seulement de faire plus, il s'agit aussi de faire mieux pour gagner en efficacité et obtenir toujours des résultats tangibles, concrets.
Pour faire mieux, nous devons d'abord clarifier nos priorités géographiques, afin de faire une vraie différence sur le terrain. Dans le sillage des décisions prises en 2018 par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, nous proposons donc d'orienter notre aide en dons vers dix-neuf pays prioritaires qui concentrent les fragilités – Haïti et dix-huit pays d'Afrique subsaharienne.
En cet instant, je pense en particulier aux cinq pays du Sahel où nos efforts s'inscrivent dans le cadre d'une approche globale et intégrée, qui articule des engagements sécuritaires et un soutien aux populations, sur tout l'arc de la solidarité internationale qui va de l'humanitaire au développement, sans oublier l'étape cruciale de la stabilisation.
Au Sahel, les moyens sont en constante augmentation depuis quelques années : entre 2016 et 2019, notre aide publique au développement en faveur des pays du G5 Sahel est passée de 382 millions d'euros à plus de 500 millions d'euros ; sa part bilatérale s'élevait à 362 millions d'euros en 2019, en progression de 34 % par rapport à l'année précédente.
Comme j'aime le concret, je ne résiste pas à l'envie de vous citer quelques exemples d'utilisation de cette aide. En 2020, elle a permis de donner un accès à l'eau potable à plusieurs milliers de Nigériens, de réaliser quarante-trois ouvrages hydrauliques de la région de Ménaka au Mali, de maintenir 200 000 enfants nigériens à l'école primaire, de réhabiliter 1 800 classes au Mali. Ces résultats concrets font reculer durablement la menace terroriste au Sahel, dont je rappelle qu'elle est aussi une menace pour la sécurité des Français et des Européens.
Pour faire mieux, nous devons aussi clarifier nos priorités thématiques…
… autour des biens publics mondiaux qui engagent notre vie à tous – la santé, le climat, la biodiversité – , autour de ces formidables leviers de développement que sont l'éducation et l'égalité entre les femmes et les hommes, et autour d'un objectif global de lutte contre les fragilités qui sont des facteurs d'instabilité pour les sociétés et donc pour l'ensemble de la planète.
Ces sujets étant intimement liés les uns aux autres, pour faire mieux, nous devons donc veiller à les traiter ensemble, afin de répondre à la complexité des problèmes qui se posent sur le terrain et décupler l'efficacité de nos actions. D'où l'attention que nous accordons aux questions nodales que sont la scolarisation des filles, les interactions entre la santé humaine et la santé animale, ou encore la formation et l'emploi des jeunes dans la transition agroécologique.
Il faut faire plus et mieux, mais aussi faire avec nos partenaires du Sud et non pas seulement faire pour eux. On ne saurait en effet concevoir le développement aujourd'hui comme on le pratiquait hier, ne serait-ce que pour des raisons d'efficacité. Nous voulons travailler autrement avec les pays du Sud, en particulier avec leur société civile, afin de bâtir et de réaliser ensemble les projets dont les populations ont besoin.
Nous voulons aussi mieux valoriser le rôle des organisations non gouvernementales – ONG – françaises auxquelles nous proposons de reconnaître le droit d'initiative. Nous voulons encourager la coopération décentralisée qui permet à nos communes, départements et régions de partager leur expertise et leur expérience avec les collectivités locales des pays en développement. Nous voulons réinventer le volontariat de solidarité internationale, en ouvrant ce dispositif emblématique à la jeunesse du Sud, qui pourra venir prêter main-forte à nos associations, ici en France. Nous voulons mettre à contribution les diasporas africaines en France, qui sont des relais précieux entre notre pays et le continent africain.
Enfin, cette nouvelle politique de développement est ancrée dans une géopolitique du développement. Une solidarité internationale efficace, c'est une solidarité internationale lucide.
Alors que la compétition des puissances joue désormais partout, nous devons proposer une autre voie à nos partenaires du Sud. Certains, sous couvert de soutien, tentent de leur imposer de nouvelles formes de dépendance. Ce n'est pas notre conception de l'influence, ce n'est pas le modèle que nous avons à défendre. Notre modèle est celui de l'accompagnement dans le respect des souverainetés nationales, celui du progrès durable et non celui de la prédation. Il repose sur des valeurs universelles : le respect des droits humains, la promotion de la gouvernance démocratique, mais aussi la mise en commun de savoirs et de recherches scientifiques, et le dialogue des cultures.
Ce modèle humaniste et progressiste est aujourd'hui contesté et pas seulement en paroles. Ne nous voilons pas la face : le développement est devenu l'un des grands champs de manoeuvre où, que nous le voulions ou non, se livrent désormais les nouvelles batailles de l'influence.
Notre intérêt est d'en prendre acte, sans aucune ambiguïté. Pour moi, cette nouvelle conception du développement solidaire n'a de sens que si elle se concrétise sur le terrain. C'est la raison pour laquelle j'ai cité plusieurs exemples concrets dont j'ai été, pour une bonne partie d'entre eux, le témoin visuel. Nous proposons donc des évolutions significatives en amont et en aval.
En amont, nous voulons consolider le pilotage de notre politique de développement par l'État. Il s'agit de réaffirmer clairement la chaîne des responsabilités, du plus haut niveau – le Conseil présidentiel du développement, qui s'est réuni pour la première fois en décembre dernier – jusque dans nos pays partenaires où le rôle dévolu aux ambassadrices et aux ambassadeurs sera renforcé dans le cadre d'un comité local du développement qui rassemblera régulièrement, sous leur présidence, toutes celles et tous ceux qui contribueront à cette politique au quotidien, en lien direct avec nos partenaires, opérateurs et ONG nationales, internationales et locales. Et en même temps, nous souhaitons que nos opérateurs, en particulier Expertise France, intègrent le groupe Agence française de développement, AFD, en vue de réarmer notre pays sur le terrain de la coopération et de renforcer notre partenariat technique. Je voudrais également souligner, puisque la question m'a souvent été posée, que le temps est révolu où notre politique de développement pouvait sembler être pilotée uniquement par les instruments qu'elle utilise.
En aval, nous proposons la création d'une commission indépendante d'évaluation chargée de mesurer l'impact concret des projets que nous soutenons et de se prononcer sur l'efficacité de notre aide publique au développement. Puisque des moyens accrus vont être consacrés au développement, il est légitime que la représentation nationale et nos concitoyens sachent comment et avec quels résultats ces moyens sont utilisés. C'est une mesure de transparence que nous leur devons et à laquelle je suis très attaché.
Ce projet de loi vise aussi à faciliter l'installation des organisations internationales sur notre territoire, notamment en simplifiant et en accélérant l'octroi de ce que l'on appelle les privilèges et immunités, qui rendent notre pays attractif pour ces organisations. L'enjeu est de placer la France au centre du combat pour le développement et pour les biens publics mondiaux. Influence et attractivité doivent aller de pair.
Refonder notre politique de développement solidaire pour mieux protéger les Françaises et les Français dans un monde tissé d'interdépendances, émaillé de défis communs qui représentent autant de périls très concrets, mais aussi d'occasions concrètes de rapprocher les nations autour d'une certaine idée de l'humain et de sa dignité : voilà l'ambition de ce projet de loi que je suis très fier de vous soumettre aujourd'hui.
Il est rare que le Parlement participe aussi directement à l'élaboration et à la conduite de notre action internationale…
… et je tiens à saluer ceux d'entre vous qui nous accompagnent depuis le début de cette aventure, à commencer par Mme Bérengère Poletti, M. Rodrigue Kokouendo et bien sûr vous, monsieur le rapporteur, cher Hervé Berville. À mes yeux, ce projet de loi n'en a que plus de valeur pour nous tous.
Son adoption, dans une version enrichie par vos amendements, constituera un très beau signal. Un signal de lucidité et de responsabilité envoyé à nos concitoyens pour leur montrer que cette assemblée et le Gouvernement regardent le monde en face, sans naïveté mais sans fatalisme, et sont prêts à en tirer ensemble toutes les conséquences en misant sur la coopération et en se donnant les moyens de défendre les principes auxquels nous nous tenons et le modèle auquel nous croyons, dans un contexte de brutalisation de la vie internationale et de compétition à outrance. Un signal de soutien aux acteurs français de l'humanitaire et du développement, qui effectuent chaque jour un travail remarquable, …
… parfois dans des conditions très difficiles. Je voudrais ici leur rendre hommage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT.
Enfin, un signal de confiance envoyé à nos partenaires du Sud : ce texte est une manière de leur dire qu'ils peuvent compter sur notre engagement à leurs côtés comme nous comptons sur eux pour préparer notre avenir commun.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT.
La parole est à M. Hervé Berville, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Enfin ! Enfin, cette belle et noble assemblée examine le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Enfin, la mobilisation de tous nos collègues issus de tous les bancs, les efforts déployés par M. le ministre depuis 2017 et l'engagement du Président de la République se concrétisent ici, ce soir, après l'examen du texte en commission la semaine dernière. Enfin, nous allons avoir, dans l'hémicycle, un débat sur la pertinence, l'efficacité et les priorités de l'aide publique au développement, sur les moyens de réguler la mondialisation, le commerce et le libre-échange, sur les manières de lutter plus efficacement contre la pauvreté et de réduire les inégalités. Enfin – merci, monsieur le ministre ! – , un gouvernement a pris des engagements forts en arrivant aux responsabilités, et les tient, alors que le contexte macroéconomique et financier aurait pu nous pousser à les revoir à la baisse.
Comme M. le ministre l'a rappelé, ce texte est le fruit d'une coconstruction menée au moins depuis 2017. J'ai le souvenir, madame Poletti, monsieur Kokouendo, chers collègues, de ce déplacement conjoint avec le Sénat, qui nous a permis de nous rendre compte de l'efficacité, mais aussi de l'inefficacité et du manque de visibilité de l'aide publique au développement française, et des améliorations que ce texte majeur devait apporter. Ce projet de loi est parti du terrain, du concret, des échanges avec les ambassadeurs et les acteurs de la société civile. Il doit également beaucoup au travail qui a été mené dans le cadre du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale, le CNDSI, au cours de deux sessions d'où il est sorti amélioré. Je salue aussi Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avec qui on a élaboré une feuille de route pour M. le ministre qui a accepté de l'utiliser pour renforcer le projet de loi. Nous sommes ainsi arrivés en commission avec un texte qui avait déjà fait l'objet de nombreuses consultations et d'une concertation. Loin d'être vaines, ces étapes ont permis d'améliorer la rédaction. Ce texte fait l'objet d'une forte attente de la part de la représentation nationale, que nous devons entendre et dont nous devrons tenir compte lors de son examen en séance.
Vous l'avez brillamment souligné, monsieur le ministre : le contexte dans lequel nous étudions ce texte est difficile et particulier. Selon la Banque mondiale, plus de 150 millions de personnes seront jetées dans la pauvreté, la faim va repartir et les inégalités entre les pays comme à l'intérieur des pays vont à nouveau se creuser fortement. Comme le savent tous les collègues soucieux des droits des femmes, celles-ci paieront un prix particulièrement lourd car les inégalités entre les femmes et les hommes vont, elles aussi, augmenter à la faveur de cette crise. Des années, des décennies de progrès seront balayées en quelques semaines.
C'est pourquoi je suis fier de faire partie de cette assemblée, fier d'exercer mon mandat sous cette législature et au sein de cette majorité, aux côtés de ce gouvernement qui, au lieu de reculer, va intensifier l'effort pour lutter contre les inégalités, réduire la pauvreté et limiter les changements climatiques tout en préservant les biens publics mondiaux comme l'éducation ou la santé.
Il faut le dire, car parfois on se compare et on se désole : nous sommes le seul pays européen qui augmente de manière massive l'aide publique au développement, alors que celle-ci stagne ou recule chez tous nos voisins.
C'est, à mon sens, un motif de fierté, car comme l'a dit la présidente de l'ONG ONE, il faut une solidarité assumée. Nous l'assumons, nous l'affirmons haut et fort. Loin d'agir en catimini, nous présentons un projet de loi et nous expliquons à quoi servira cette augmentation de l'aide publique au développement.
Il faut agir maintenant car chaque jour qui passe jette dans les rues et sur la route de nouvelles personnes vulnérables. Il faut agir massivement car les défis sont importants et les secteurs sur lesquels il faut travailler, nombreux. Il faut enfin agir collectivement car c'est grâce à une réponse coordonnée que l'on pourra s'en sortir, c'est grâce au multilatéralisme d'action que l'on pourra résoudre les défis communs tels que la pandémie de covid-19.
C'est donc fiers et attachés à nos valeurs et à l'histoire de la France que nous avançons et que nous abordons l'examen de ce texte.
Ce projet de loi ne sort pas de nulle part : il représente le fruit d'un travail de coconstruction, mais aussi l'aboutissement de l'engagement pris en 2017 par le Président de la République Emmanuel Macron de consacrer 0,55 % du revenu national brut, le RNB, à l'APD. Cet engagement, nous le tenons en augmentant massivement les crédits de la mission « Aide publique au développement ». C'est la mission qui a le plus augmenté depuis 2017. Surtout, nous allons nous efforcer d'inscrire dans le texte – ce sera, je l'espère ardemment, une avancée majeure introduite en séance – l'objectif de consacrer à l'APD 0,7 % de notre RNB à l'horizon de 2025.
Cette question est pour certains un tabou, pour d'autres un totem. Pour ma part, vous le savez, j'estime que cette approche est inadaptée et ne permet pas de répondre à tous les enjeux, le chiffre à atteindre étant calculé de manière contestable et d'ailleurs contestée. Mais je mesure la portée symbolique de ce seuil et je crois que nous devons avancer pour devenir la première majorité, la première législature à inscrire dans le marbre de la loi l'objectif des 0,7 % du RNB.
Avec cet objectif à l'horizon de 2025, nous disposerons d'une vraie programmation financière. Cela ne nous exonère pas, bien au contraire, de la nécessité de mener une réflexion sur le sens de l'aide publique au développement. Que fait-on avec ces 0,7 % ?
Comment rendre l'aide publique au développement efficace ? Quels secteurs cibler ? Pour quel public ? Selon quel calendrier ? Ce moment nous permet aussi de repenser l'aide publique au développement, car on voit bien que les pays dits développés ne sont plus les seuls à en faire. Leur monopole de l'action et des méthodes est battu en brèche par des pays du Sud comme le Brésil, la Turquie ou la Chine. L'efficacité de l'aide publique au développement est remise en cause et des travaux, notamment ceux d'Esther Duflo, montrent qu'on doit agir de manière différente : se concentrer sur le qualitatif et non sur le quantitatif, sur les acteurs et non sur le secteur, sortir de la logique d'aide publique au développement au profit d'une logique de véritable partenariat. Nous avons eu l'honneur de discuter de tous ces sujets, nous avons progressé et nous continuerons à travailler.
Le texte que nous examinons aujourd'hui permet au moins cinq avancées majeures. La première renvoie à la stratégie et à notre capacité de formuler une doctrine.
Pour la première fois, la France se dote d'un cadre de partenariat global, qui a été largement amendé et a fait l'objet de nombreuses discussions et contributions. Je songe à celles de M. Lecoq concernant les biens publics mondiaux, de Mme Dumont sur les enfants sans identité, de M. Potier sur la question des droits fonciers, de M. Kokouendo s'agissant des pays pauvres prioritaires, de Mme Thomas sur l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, de M. Mbaye sur l'humanitaire, de M. Maire et de M. Herbillon sur les questions d'efficacité et de transparence, de Mme Clapot concernant l'égalité entre les femmes et les hommes, de Mme Provendier et de M. Fuchs sur la question des enfants, ou encore de Mme Poletti sur le conseil d'administration d'Expertise France.
D'autres avancées sont à venir, par exemple à travers les propositions de M. Eliaou sur la protection sociale. Tout cela montre que nous avons progressé et que nous continuerons de le faire. Nous avons défini une vraie doctrine : du Conseil présidentiel du développement jusqu'au conseil local du développement présidé par l'ambassadeur, nous avons fixé une ligne, une stratégie et une hiérarchie claires.
Le point suivant est celui des moyens, qui, comme M. le ministre l'a souligné, seront concentrés sur l'Afrique, particulièrement sur le Sahel, qui est notre priorité géostratégique, géopolitique et géoéconomique. Au fond, ce que nous voulons, c'est européaniser nos relations africaines et africaniser nos relations européennes afin que les deux continents marchent main dans la main et que l'aide publique au développement soit beaucoup plus efficace.
Vient ensuite la question des partenariats. Je suis fier que ce texte place les partenariats avec les collectivités locales, qui seront un acteur important pour démocratiser ces thèmes, au c? ur de l'aide au développement à travers la territorialisation des ODD – objectifs de développement durable. Des partenariats devront également être passés avec les diasporas, les jeunes, les entreprises – car plus de 2 500 milliards d'euros seront nécessaires pour atteindre les ODD – ou encore les organisations de la société civile, dont je salue la capacité d'innovation, d'adaptation, de mobilisation et de plaidoyer. Nous leur offrirons une meilleure reconnaissance et elles nous permettront de démultiplier notre action.
Je terminerai en évoquant une avancée majeure en matière de transparence et de redevabilité : l'institution d'une commission indépendante d'évaluation. Cette initiative inédite nous permettra d'expliquer notre action à nos concitoyens, de leur dire si elle produit des résultats et atteint ses objectifs, et surtout de partager le savoir, de mieux capitaliser sur ce que nous faisons et de susciter encore plus d'adhésion – car l'aide au développement est une belle politique, qui mérite un débat public.
Vous le voyez, chers collègues : ce texte est un beau texte, un texte riche qui englobe des thématiques et des géographies multiples. Nous sommes tous engagés sur ces questions. Si nous proposons ce texte, c'est parce que nous sommes conscients du fait que nos pays sont interdépendants et que les destins de nos sociétés sont indissociables. Nous le faisons aussi pour tous les militants de la solidarité qui se lèvent chaque matin avec l'envie de s'engager.
J'ai bon espoir que nos échanges permettent d'enrichir encore le texte. Avec une pensée pour la présidente Marielle de Sarnez, je nous souhaite à toutes et tous un bon débat.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem et Agir ens.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
C'est avec gravité que je prends la parole pour me féliciter de l'engagement de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Cette loi a été ardemment désirée, voulue et préparée par celle qui présidait, il y a si peu, notre commission. La cause du développement solidaire était au c? ur des préoccupations de Marielle de Sarnez. Celle-ci avait tenu à ce que le texte soit élaboré à la lumière de trois principes : une coconstruction gouvernementale et parlementaire du texte, une association étroite de l'Assemblée nationale et du Sénat à l'élaboration de notre position, et l'association à l'élaboration de la loi des multiples acteurs du développement, en particulier des collectivités territoriales et des organisations non gouvernementales. Notre rapporteur, M. Hervé Berville, a été la cheville ouvrière de ce projet. Je tiens à rendre hommage, au nom de la commission, à son acharnement au travail, à la qualité de son engagement personnel et à son haut niveau de compétence.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem et Agir ens.
Je dois dire, mes chers collègues, que j'ai ressenti comme un honneur le fait de présider à des travaux parlementaires qui, par-delà les nécessaires différences de sensibilité et certains désaccords bien naturels relatifs aux moyens, aux dispositifs et aux modalités de l'action, ont, je le crois, révélé un large accord sur les principes fondamentaux de notre politique d'aide au développement et sur les valeurs qui la sous-tendent. C'est, me semble-t-il, une ambition commune aux membres de la commission ayant participé à nos débats que de faire de l'aide au développement un axe majeur, une priorité morale et stratégique de la politique étrangère de la France.
Sur le fond, le texte qui vous est soumis me semble constituer l'aboutissement d'un triple effort de mobilisation, d'innovation et de responsabilisation.
Mobilisation, d'abord : ce texte consacre le retour de la France comme acteur majeur de l'aide au développement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le ratio d'aide publique au développement rapporté au revenu national brut s'était sensiblement dégradé entre 2010 et 2016, passant de 0,50 % à 0,38 %, soit, en montant, de près de 13 milliards de dollars à environ 9,5 milliards. Les aides bilatérales – les plus faciles à rogner en situation de pénurie budgétaire – ont connu un véritable effondrement. Ce ratio s'est au contraire puissamment redressé dès 2016 – il faut en convenir – et plus encore à partir de 2018, lorsque le Président Macron a fait de l'APD une priorité. Il est alors passé de 0,44 % en 2018 à 0,51 % en 2021, et même à 0,55 %, si l'on prend en compte la récession liée à la pandémie, ce qui n'est évidemment pas très satisfaisant.
La programmation ne va pas au-delà de 2022 et, comme certains l'ont observé en commission, du fait des délais et des reports que les impératifs législatifs nous ont imposés, tout le contenu de la loi aura déjà été inscrit dans le budget au moment de l'adoption de celle-ci. Beaucoup auraient préféré que cette programmation courre jusqu'en 2025.
Le Gouvernement n'a pas souhaité qu'il en soit ainsi. Si je puis me permettre, l'opposition devrait plutôt lui savoir gré de son souci de ne pas enfermer l'avenir dans des choix qui appartiendront aux dirigeants de demain, quels qu'ils soient.
Le caractère resserré de la programmation ne doit pas nous interdire de mesurer l'ampleur des efforts accomplis jusqu'à présent. La France se rapproche à grands pas de l'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'aide au développement – même si l'on doit reconnaître que cette antique référence présente un caractère de plus en plus mythique et fait figure de pavillon recouvrant les marchandises les plus diverses, mêlant par exemple dans un même agrégat prêts et dons, crédits et annulations de dettes, et même réduction du dénominateur de la fraction pour cause de récession et de diminution du revenu intérieur.
Il n'empêche : l'effort financier est là. Alors que, trop souvent, les hommes politiques multiplient les promesses qu'ils se gardent d'honorer, vous paraissez tenté, monsieur le ministre, par la démarche inverse : tenir – largement – vos promesses avant même de les avoir solennellement formulées. C'est original, mais c'est assurément sympathique.
Je ne crois pas que ce soit cela, la langue de bois, cher collègue.
La mobilisation est là. L'innovation aussi : elle réside dans l'adaptation des enjeux, des acteurs et des modalités. Les enjeux d'abord : les priorités qui sont désormais celles de la France dans son action au service du développement sont réactualisées en profondeur. Au-delà de la lutte contre la pandémie, j'en mentionnerai trois. D'abord, l'action au service de l'enfance et la priorité donnée à la formation et à l'éducation des jeunes : la commission a tenu à faire une priorité de la lutte contre le scandale des enfants sans identité. Ensuite, la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, combat d'autant plus cardinal à nos yeux que la situation se détériore en profondeur chaque jour un peu plus. Enfin, l'aide à la transition écologique : le développement ne doit pas être cette « ordure lancée au visage de l'humanité » dont parlait Claude Levi-Strauss et qui signe nos responsabilités historiques à cet égard. La défense et la protection des biens communs de l'humanité sont au c? ur de nos préoccupations.
L'offre de développement doit être portée par la France entière, par ses collectivités, par ses ONG, par ses forces vives et non par ses seules administrations. Cet effort doit profiter aux peuples eux-mêmes et non à leurs dirigeants. De ce point de vue, le recyclage des biens mal acquis récupérés par la justice au bénéfice des peuples victimes par l'intermédiaire d'un programme dédié constitue une avancée significative sur la voie de la moralisation publique. Nous nous félicitons de voir le Gouvernement prendre une initiative forte à ce sujet.
Responsabilisation enfin : c'est tout le problème de la gouvernance de l'action, c'est-à-dire à la fois des modalités de l'intervention et de l'organisation de l'évaluation et du contrôle des opérateurs. Le texte consacre le rôle éminent de l'Agence française de développement comme bras séculier de l'État. Ce choix s'explique par la qualité de ses travaux et de ses équipes, par l'expérience qu'elle a acquise dans ce domaine et par la connaissance du terrain qui caractérise ses agents. Son directeur général est un homme de tout premier plan, disposant de bons contacts et d'habitudes de travail précieuses avec les responsables des États et des sociétés concernés.
Il reste que l'instauration d'une gouvernance efficace, disposant d'une forte autonomie de gestion mais inscrivant pleinement son action dans les priorités gouvernementales, ne va pas de soi. L'AFD, opérateur financier de caractère bancaire et répartiteur d'une aide publique régalienne qui prend la forme de dons, est une institution chauve-souris, dont on ne sait pas si elle vole ou si elle marche. L'opérateur financier doit être autonome et, même s'il ne recherche pas le profit pour le profit, il se doit d'équilibrer des comptes dont il est seul responsable. Par ailleurs, il doit strictement inscrire son action dans les orientations et priorités du Gouvernement de la République.
Afin de réussir cette quasi-quadrature du cercle – garantir la liberté de man? uvre tout en assurant le plein respect des priorités gouvernementales – la future loi de programmation prévoit toutefois des moyens nouveaux.
Le premier d'entre eux réside l'association de la Cour des comptes à la mission d'évaluation de l'AFD grâce à l'adossement de l'instance d'évaluation de celle-ci à la juridiction financière, instance d'évaluation qui serait prestigieusement présidée par le Premier président de la Cour des comptes. La juridiction financière, c'est un problème, devra toutefois rechercher un équilibre difficile à trouver entre une fonction d'évaluation qui sera confiée à un organisme associé à la Cour des comptes et une fonction de contrôle a posteriori qui demeurera de la compétence directe des chambres de celle-ci.
Le second moyen imaginé pour renforcer et améliorer le pilotage politique de l'AFD est une plus grande association des représentants des deux chambres du Parlement et de la diversité des sensibilités qui s'y expriment au conseil d'administration de l'Agence. Inutile de dire que cette ouverture au Parlement est accueillie avec une grande satisfaction par les membres de la commission des affaires étrangères.
Montée en puissance des moyens financiers, rénovation des missions de l'AFD, adaptation de cette dernière aux défis du monde d'aujourd'hui, amélioration de la gouvernance des actions de développement : oui, ce projet de loi de programmation consacre bien le grand retour de la France dans l'? uvre prioritaire de développement. La commission des affaires étrangères, à la très grande majorité de ses membres, est fière de le soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, LR et Agir ens.
Rires sur les bancs du groupe GDR.
Ce projet de loi de programmation arrive bien tardivement. Il est important et, évidemment, très attendu. La crise liée au covid-19 affecte fortement les populations les plus vulnérables. Les pays les plus pauvres n'ont pas pu déployer des mesures d'aide massive comme l'ont fait les pays riches. Après avoir diminué pendant plusieurs années, le nombre de personnes mal nourries dans le monde augmente à nouveau : un demi-milliard de personnes sont plongées dans l'extrême pauvreté.
Dans ce contexte, l'élaboration d'une politique d'aide publique au développement ambitieuse est plus urgente que jamais. Je rappelle avec force qu'aucun pays, la France pas plus que les autres, ne pourra se développer s'il ne prend pas en considération le besoin de tous les peuples à s'épanouir dans le respect d'une seule planète – car nous n'en avons qu'une. Ne pas s'engager dans ce mouvement, c'est nous condamner tous et toutes à des affrontements fratricides et sans issue.
En 1970, les pays de l'ONU – Organisation des Nations unies – s'étaient engagés à consacrer 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement au cours de la décennie suivante. Aujourd'hui, le compte n'y est toujours pas, même si je reconnais que l'APD est redevenue une priorité de notre pays. Le président Macron s'était engagé à consacrer 0,55 % de notre RNB à cette aide, d'ici à la fin de son mandat, pour atteindre au plus vite cet objectif international.
On pourra objecter, comme vous le faites, qu'avec 0,72 % en 2021, le compte est plus que bon. Reste que cette progression est vraiment en trompe-l'oeil, d'abord parce que les 14 milliards de dépenses incluent la reprise d'une dette de 4,5 milliards au Soudan, qui date d'il y a trente ans et qui ne sera jamais payée, mais aussi parce que notre revenu national a fondu en 2020 à cause de la crise sanitaire. J'ajoute que cette augmentation est également due à la comptabilisation de la prise en charge des migrants dans notre pays. En toute objectivité, il manquera environ 900 millions d'euros pour concrétiser les promesses qui ont été faites. Cependant, vos efforts sont à souligner.
Des questions de fond se posent néanmoins, tout d'abord l'affichage de la trajectoire annuelle en montant des moyens alloués – car nous savons que les besoins vont sans cesse se développer – , ensuite l'utilisation de ces fonds et le choix des pays à cibler en priorité, mais aussi la part des dons par rapport aux prêts consentis, notre pays ne consacrant qu'insuffisamment de moyens aux aides directes.
Nous partageons les grands objectifs de ce projet de loi et saluons la qualité du travail effectué en commission grâce à un très bon président et à l'esprit d'écoute du Gouvernement et du rapporteur. Nous nous félicitons des avancées que nous y avons obtenues.
Si nous avons utilement complété l'article 1er en faisant réapparaître les normes internationales, notamment les références aux droits humains, dans nos politiques, nous espérons qu'en séance, les accords de fond observés en commission se traduiront cette fois par des avis favorables à nos propositions précises, qui sont aussi celles des ONG, dont je salue l'engagement.
Nous souhaitons qu'une trajectoire claire soit définie pour atteindre une hausse significative des moyens dans le temps, soit 0,7 % du RNB en montant d'ici à 2025. Dans ce contexte, notre groupe souhaite réaffirmer qu'il est important de respecter l'engagement du Président de la République et d'inscrire explicitement dans la loi l'objectif de 0,7 % du PIB en APD pour 2025.
Nous voulons que des objectifs globaux soient inscrits dans la loi, notamment la part d'aide destinée aux pays les moins avancés. Vos arguments ne nous ont pas convaincus. Or ce qui se conçoit bien s'expose clairement. La France a créé sa propre liste de pays prioritaires, l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – la sienne. Nous ne disposons toujours pas de moyens nous permettant de contrôler réellement les montants affectés à ces priorités.
Nous insistons enfin sur le fait que la part des dons par rapport aux prêts doit se rapprocher progressivement de 85 %, conformément à la pratique des pays donateurs de l'OCDE. Il faut donc donner davantage la priorité aux dons par rapport aux prêts. Il est nécessaire d'accéder à ces demandes pour que notre politique d'aide au développement soit plus ambitieuse, à la hauteur du moment que nous vivons.
Nous espérons que cet examen en séance se déroulera dans le même état d'esprit ouvert et constructif que nos travaux en commission, et qu'il aboutira à une version du projet plus ambitieuse, réellement à la hauteur des engagements qu'a pris notre pays.
M. le rapporteur applaudit.
Nous y voilà. Une loi sur l'aide publique au développement est arrivée ! Nous avons bien cru qu'elle ne viendrait jamais. Comme l'Arlésienne : on en parlait, mais personne ne l'avait jamais vue.
Cette loi a d'ailleurs mis tellement de temps à parvenir jusqu'à nous qu'elle en porte les stigmates : une très large part du cadre de partenariat global se contente de reprendre les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de 2018, tandis que la programmation financière de la loi débute en 2020.
Je dis « programmation » mais, en réalité, ce n'en est pas vraiment une, puisqu'elle s'arrête en 2022. Tout cela est donc très décevant, sauf évidemment si vous votez l'amendement que vous proposent les députés communistes et qui vise à supprimer le mot « programmation » du titre. Ainsi serions-nous au moins plus honnêtes car c'est justement une vraie programmation qu'attendaient avec impatience tous les acteurs de la solidarité internationale, lesquels mènent au quotidien un formidable travail qui nécessite une capacité à se projeter.
Ces sujets de fond ne sont pas les seuls dont nous ne sommes pas satisfaits. Les députés communistes regrettent profondément que la question de la paix ne soit pas prépondérante dans ce projet de loi, alors que c'est bien le seul objectif qu'il faut se fixer pour lutter contre les inégalités mondiales et pour le développement solidaire. À cet égard, la diplomatie, le respect des droits de l'homme, la construction de services publics et l'élaboration de règles acceptées par tous sont le véritable enjeu.
Le respect de règles communes concerne aussi bien la communauté locale que la communauté internationale. Or il n'est mentionné nulle part explicitement que la France respectera toutes les résolutions votées par les Nations unies, qui forment pourtant la base du vivre-ensemble mondial, parce qu'elles énoncent des solutions négociées et acceptées, parfois difficilement, par chacun des pays du monde. J'espère que vous corrigerez cela en votant nos amendements allant dans ce sens.
Le respect du droit international est la solution prioritaire pour une paix juste et durable, elle-même préalable indispensable au développement. Imaginez un seul instant le Moyen-Orient sans le conflit israélo-palestinien. Imaginez l'Afrique du Nord sans le conflit du Sahara occidental. Certes, les vendeurs d'armes y perdraient, mais les populations, elles, pourraient se développer bien plus harmonieusement et les États ainsi reconnus pourraient mutuellement coopérer.
Dans ce combat pour la paix, la France joue un rôle particulier qu'elle ne doit pas oublier même s'il ne figure pas explicitement dans le texte : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle se doit d'être exemplaire. Cette responsabilité est diplomatique et non militaire, distinction majeure qui n'est pas assez mise en évidence dans le projet de loi.
Cette confusion se retrouve dans le lien que vous établissez entre la sécurité et le développement. La partie du cadre de partenariat global intitulée « Prévenir et traiter les crises et les fragilités » – paragraphes 55 à 59 – , caractéristique de cette confusion, laisse planer le doute sur les intentions de la France.
Ainsi le paragraphe 56 indique-t-il que la France « s'efforce de mieux coordonner l'ensemble des acteurs mobilisés dans les domaines de la diplomatie, de la sécurité, du développement, de la stabilisation et de l'aide humanitaire en recentrant les actions sur les missions de chacun dans le cadre d'une approche globale ». Or il est indiqué quelques lignes plus bas que la France « met en oeuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution des missions de chacun des acteurs en présence ». Cela signifie-t-il que la France mettra en oeuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution de sa mission sécuritaire, et qu'elle interviendra au niveau sécuritaire partout où elle le jugera nécessaire ?
Si le besoin de déployer de manière contiguë les différents axes d'intervention – l'action humanitaire, la stabilisation ou le développement – est réel, les députés communistes sont extrêmement méfiants à l'égard de l'irruption dans ce schéma de la question de la sécurité qui, de surcroît, perturbe les principes de neutralité, d'impartialité et d'indépendance des interventions humanitaires. Ce type d'orientation laisse en outre toujours planer le doute sur les intentions de la France lorsqu'elle intervient dans une région du monde.
Car notre pays a souvent eu recours à la ruse de l'ingérence militaire, voire humanitaire, pour sécuriser ses intérêts, comme quand elle se préoccupait de l'uranium au Niger – et que penser de son action en Libye ?
Monsieur le ministre, que vous indiquiez dans le projet de loi que la France se réserve le droit d'intervenir partout ou que vous disiez, comme vous l'avez fait mardi lors de la séance de questions au Gouvernement, que l'aide publique au développement est un outil de puissance au service de la France, …
Bien sûr !
… tout cela nous inquiète beaucoup au regard du rôle que se donne notre pays, celui d'un État pourvoyeur d'aide publique au développement.
En effet, qui dit instrument de puissance au service de la France dit forcément instrument au service des intérêts de la France. C'est ainsi que nous avons compris les notions d'« exigence accrue vis-à-vis des pays partenaires » et de « logique de réciprocité » mentionnées au paragraphe 26 du cadre de partenariat global.
Par conséquent, pas question pour les députés communistes de voter un projet de loi qui tord l'aide publique au développement pour en faire un instrument de plus au service de notre puissance. Nous ne pouvons utiliser ainsi l'APD pour établir notre puissance sur le dos d'États plus pauvres. À nos yeux, cette aide ne peut se résumer à une projection des égoïsmes nationaux ; elle doit être une péréquation internationale indispensable qui corrige les inégalités mondiales.
La croissance économique, le productivisme et l'extractivisme ont permis aux pays du Nord de s'enrichir considérablement durant près d'un siècle, mais au détriment des pays les plus pauvres de la planète. Aujourd'hui, ce culte de la croissance empêche les pays riches d'avancer vers une société post-capitaliste dont le profit ne serait plus l'alpha et l'oméga. Pourtant, au vu des signaux environnementaux et sociaux, il serait grand temps de le faire.
La croissance économique a eu des effets positifs, c'est certain, …
… mais les effets négatifs deviennent insoutenables. Les limites de la planète ont été atteintes, on ne peut plus continuer ainsi. Il faut désormais travailler à la construction d'un autre avenir. L'aide publique au développement devrait être un outil permettant d'aller collectivement de l'avant pour que toute l'humanité vive correctement sur notre planète.
Pour atteindre cet objectif, il faut tout d'abord que notre conception de ce qu'est la richesse change. Il faut en finir avec la mesure du produit intérieur brut.
Cette religion nous mène droit à la catastrophe. Il faut changer nos indicateurs pour prendre en compte d'autres critères que la seule production de valeur ajoutée. Des statistiques comme l'indice de développement humain devraient être utilisées en priorité pour sortir de cette impasse. Bien d'autres pistes de réflexion et indicateurs existent.
Le projet de loi n'en parle pas alors que la France pourrait utiliser ces indicateurs alternatifs pour mesurer la réussite de ses projets. Ayant ainsi dépassé concrètement le PIB, nous pourrions aider les pays les plus pauvres à se développer autrement, peut-être même en sautant l'étape productiviste et extractiviste dans laquelle nous sommes empêtrés.
Un développement à la fois humain, économique et écologique : c'est ce que nous proposons aussi avec nos amendements sur le commerce équitable ou sur la limitation du poids du libre-échange dans le projet de loi. Les valeurs du texte, au-delà des références aux « objectifs de développement durable », ne devraient pas être économiques ou sécuritaires. Elles devraient être celles de notre devise républicaine, tout simplement.
Si tous ces problèmes nous empêchent de voter le texte tel qu'il nous est présenté ici, certains dispositifs et thèmes abordés dans le cadre de partenariat global restent tout de même très intéressants : la création d'une commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités ; la publication d'un rapport annuel sur l'aide publique au développement remis au Parlement par le Gouvernement, rapport qui, même perfectible, aura du moins le mérite d'exister ; une organisation clarifiée du volontariat international ; enfin le dispositif permettant aux autorités organisatrices de la mobilité d'utiliser 1 % de leurs ressources pour mener des projets de coopération dans ce secteur. Cette dernière proposition est une initiative louable, même si vous avez oublié de prendre en compte les autorités organisatrices qui ont instauré la gratuité des transports en commun sur leur territoire – mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Les députés communistes ne voteront donc pas contre ce projet de loi. Toutefois, en raison de tout ce qui n'y figure pas et en raison de toutes les idées qui y sont présentes et que nous considérons comme nocives, nous ne pouvons pas non plus le voter en l'état. Il vous reste, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à consentir les efforts nécessaires pour qu'il évolue au cours de la discussion.
Votre propos, monsieur le ministre, montre du moins que vous avez entendu les membres de la commission des affaires étrangères. Vous avez en effet restitué une part des idées que les uns et les autres ont défendues sur tous les bancs.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il ne vous reste plus qu'à passer du discours aux actes.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. Bruno Fuchs applaudit aussi.
Après une si longue attente, je me réjouis que ce projet de loi, appelé de tous nos voeux, arrive enfin dans cet hémicycle. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail fourni, pour votre implication, pour votre ténacité et votre énergie qui ont contribué à ce que nous puissions discuter, aujourd'hui, de ce texte. Je salue la mémoire de notre regrettée présidente, Marielle de Sarnez, et tiens à dire combien ce texte lui doit, combien elle s'était engagée pour que notre commission des affaires étrangères s'empare pleinement du sujet.
Au nom de mon groupe, La République en marche, je salue le travail collectif qui a été mené en amont avec les ONG, avec les sociétés civiles, avec les diasporas et les différents autres acteurs du développement, et aussi évidemment le travail parlementaire, et notamment, outre ce rapport législatif d'Hervé Berville, les rapports d'information de nos collègues Rodrigue Kokouendo, Bérengère Poletti, Moetai Brotherson, Jean François Mbaye, Laurence Dumont et Aina Kuric, qui ont inspiré l'esprit et la lettre de ce projet de loi.
Je tiens à saluer également la qualité de l'étroite collaboration que nous avons eue avec le ministre des affaires étrangères et ses services, et je les remercie d'avoir rendu possible l'écriture d'un texte ambitieux.
Plus de vingt-trois heures de débats en commission et plus de 700 amendements déposés, dont 159 adoptés, montrent une réelle volonté de coconstruction, au-delà des appartenances partisanes et des désaccords légitimes des uns et des autres. De réelles avancées ont émergé en commission, notamment sur la question des droits de l'enfant et sur celle de l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que sur la place renforcée de tous les acteurs du développement ; d'autres sont à venir avec les amendements que nous aurons à examiner, traductions de la forte attente que suscite ce texte sur tous les bancs.
Mes chers collègues, c'est dans le contexte d'une crise sanitaire inédite aux répercussions mondiales et aux conséquences multiples, dont l'explosion des inégalités qui plonge plus de 150 millions de personnes, pour la première fois depuis un quart de siècle, dans l'extrême pauvreté, que la France prend ses responsabilités et fait le choix, sous l'impulsion du Président de la République et autour du Gouvernement, d'accroître de manière significative ses moyens en matière de solidarité internationale. Il s'agit de rester fidèle à nos valeurs et à nos principes, tout en replaçant la France au centre de l'échiquier mondial, au centre de la solidarité. Notre politique d'aide publique au développement est en effet l'un des piliers de notre action extérieure avec la diplomatie et la défense.
À ce titre, le présent projet de loi dote véritablement notre pays d'une réelle vision stratégique en définissant un cadre précis pour la doctrine française qui inscrit notre APD dans une trajectoire budgétaire ascendante et historique afin de répondre à des priorités sectorielles et géographiques – ce qui permet au passage de corriger le décalage parfois constaté entre les priorités affichées et les financements octroyés.
Permettez moi, chers collègues, de rappeler plusieurs axes majeurs du projet de loi.
Le premier, c'est l'augmentation inédite de l'aide publique au développement : le texte prévoit en effet de porter celle-ci à 0,55 % du RNB en 2022, et nous sommes nombreux sur nos bancs à avoir l'ambition d'atteindre le cap des 0,7 % d'ici à 2025.
Le deuxième, c'est la concentration de cette aide vers dix-neuf pays parmi les plus vulnérables, et ce dans les secteurs prioritaires considérés comme des biens publics mondiaux, en particulier la santé, la biodiversité et le climat, l'égalité entre les femmes et les hommes, l'éducation, la sécurité alimentaire et la malnutrition, la protection de la planète et la promotion des droits humains.
Le troisième, c'est la volonté de répondre à l'impératif de contrôle, à l'exigence de transparence et à la nécessité de redevabilité auprès de nos concitoyens via un contrôle parlementaire renforcé, mais aussi via la création d'une commission indépendante d'évaluation, dont le rôle a été consolidé par plusieurs amendements en commission.
Le quatrième axe, c'est l'introduction de mécanismes innovants comme le conseil local du développement qui renforce notre approche inclusive au plus près du terrain, autour des ambassadeurs, en intégrant les partenaires locaux, les sociétés civiles, les ONG et les différents autres acteurs du développement.
Enfin, il y a l'axe d'une doctrine partenariale nouvelle qui entend désormais faire avec et non simplement pour, à travers l'inclusion notamment des sociétés civiles, des diasporas et des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, la pandémie de la covid-19 a mis en lumière la nécessité absolue d'une action collective coordonnée. Dans un paysage multilatéral de plus en plus concurrentiel et disputé, ce texte est réellement porteur d'une vision renouvelée de l'aide publique au développement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Bruno Fuchs applaudit également.
J'ai évidemment, comme vous tous ce soir, une pensée pour Marielle de Sarnez.
Monsieur le ministre, enfin ce projet de loi de programmation tant attendue depuis trois ans ! Il survient dans un contexte de crise multiple, à la fois sanitaire, économique, sociale, climatique et géopolitique. Malheureusement, sur le plan budgétaire, seule l'année 2022 y est dévoilée. Il aurait pu bénéficier d'orientations plus ambitieuses pour tendre vers l'objectif de consacrer 0,7 % de notre RNB à l'APD à l'horizon de 2025. Vous nous dites ne pas vouloir engager vos successeurs au Gouvernement, et pourtant vous l'aviez fait quand vous étiez ministre de la défense avec la loi de programmation militaire, et assez lourdement.
Le Président de la République a fixé, je le rappelle, deux objectifs : 0,55 % du RNB en 2022 et 0,7 % en 2025… Certes, notre rapporteur conteste la fiabilité de ces chiffres, mais chercher à atteindre le taux de 0,7 % n'empêche pas de connaître, de comprendre et même de critiquer le contenu de cette politique pour la France ; ce chiffre est un point de repère, un objectif et un moyen de comparaison internationale.
Je rappelle aussi qu'entre 2007 et 2012, la majorité n'a pas diminué l'aide publique au développement comme l'indique le rapport. Bien au contraire, le montant total de l'APD en 2007 s'élevait à près de 10 milliards d'euros et atteignait plus de 12 milliards d'euros en 2011-2012 et c'est bien la majorité suivante qui s'est chargée de le baisser durant cinq ans.
Tout d'abord, il est important de ne pas perdre de vue la finalité de cette politique : l'accès à la nourriture, aux soins, à l'eau, à l'énergie, à l'éducation, à l'égalité entre les femmes et les hommes, et à la contraception pour les femmes, mais aussi la création d'emplois, la lutte contre la corruption et la préparation au changement climatique.
Ensuite, pour avoir une approche efficiente de l'APD et permettre son appropriation nationale, il est indispensable de renforcer l'évaluation, le contrôle et la transparence de cette aide.
La transparence, déclinée à l'article 2, doit être optimale tant l'opacité de cette politique est grande. Je ne peux que saluer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, votre volonté de mieux informer les parlementaires et les citoyens, notamment par une meilleure représentativité de toutes les sensibilités politiques…
… – ou presque – au sein du conseil d'administration de l'AFD.
Nous avons ainsi besoin de transparence sur la répartition entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, sachant que les politiques de développement solidaire sont des politiques d'influence pour la France, qu'elles sont attendues par des pays amis, notamment en Afrique, et que nous n'avons par définition aucun moyen de contrôle ni pouvoir d'évaluation sur l'aide multilatérale. Le Président de la République avait affirmé vouloir allouer deux tiers de l'augmentation de l'APD à l'aide bilatérale et nous sommes déçus de ne pas retrouver cette orientation dans le texte.
Il faut aussi, et la transparence y pourvoira, réformer les équilibres entre les dons et les prêts, les premiers allant prioritairement aux pays les plus pauvres et les seconds vers les pays en capacité de les rembourser : les quatre pays les plus aidés par la France au titre de l'APD sont actuellement l'Inde, la Turquie, la Colombie et le Maroc.
Nous attendons également de la transparence s'agissant de l'intégration pour le moins contestable dans l'APD de certaines dépenses – telles que les frais d'écolage pour des pays qui ne sont pas prioritaires, la Chine par exemple – , s'agissant des montants de l'aide budgétaire directe et de l'effacement des dettes – on voit combien c'est important depuis que la remise de dette de 4 milliards d'euros au profit du Soudan a fait exploser l'APD – et, enfin, s'agissant des montants des petits projets et de l'accompagnement par l'État des collectivités territoriales.
La création d'une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est une avancée indispensable qui doit nous permettre de mieux consentir collectivement à ces politiques ambitieuses. Elle doit travailler en toute indépendance, sous une présidence impartiale et objective, sur le même modèle que la commission britannique. La solution des fonctions support de la Cour des comptes, proposée par le rapporteur, nous semble dans ce cadre raisonnable, mais les propos de notre président à la tribune paraissent remettre en cause la discussion qui a eu lieu en commission.
Autrefois, la France était fière de sa coopération, qui reposait presque exclusivement sur la mise à disposition de son expertise. Malheureusement, la compétence française s'est effondrée, remplacée par des politiques de prêts et par un multilatéralisme important. Pourtant, dans les pays africains, cette expertise est plus que nécessaire, notamment auprès des administrations.
Voilà tous les sujets passionnants qui nous attendent, mes chers collègues et, s'il y a bien une politique sur laquelle nous devons nous retrouver, nous respecter et éviter les postures caricaturales comme celles que j'ai pu constater à propos des laissez-passer consulaires, c'est bien celle du codéveloppement solidaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. le rapporteur, M. le président de la commission et M. Bertrand Pancher applaudissent également.
La promesse est tenue. Et quand je dis cela, je pense bien évidemment avec beaucoup d'émotion et d'affection à Marielle de Sarnez, avec laquelle nous aurions tellement voulu vivre ce moment et partager ce texte auquel elle a fortement contribué.
Cet engagement tenu, nous pouvons aussi bien sûr en être fiers collectivement et solidairement car, il y a quelques mois dans cet hémicycle, nous votions les crédits de la mission « Aide publique au développement », en augmentation pour la quatrième année consécutive, preuve que cet engagement est pensé, construit et solide. Chaque année en effet, depuis 2017, nous faisons un pas supplémentaire vers l'aboutissement de la promesse présidentielle de porter notre aide publique au développement de 0,37 % du revenu national brut en 2015 à 0,55 % en 2022.
Mais notre ambition ne s'arrête pas là puisque nous sommes tous ici réunis dans l'intention d'élever notre effort à 0,7 % du RNB dans les années à venir. Il conviendra dans nos débats de trouver à cet égard la meilleure formulation, mais j'ai entendu à l'instant le rapporteur dire que l'objectif était de 0,7 % pour 2025. Par un tel effort budgétaire, nous redonnons à la France la chance de reprendre sa place de nation référente dans la lutte contre les inégalités mondiales, de redevenir la nation phare de la solidarité internationale et de rattraper le retard accumulé, notamment par rapport au Royaume-Uni, qui a déjà investi plus de 0,7 % de son RNB dans l'APD. Cet effort est bien loin d'être seulement un symbole, nous devons en mesurer la portée entière, alors même que le monde, particulièrement les pays les plus vulnérables, n'a jamais eu autant besoin de solidarité internationale. Il s'agit de lancer une dynamique forte de recomposition de l'orientation, de l'organisation et de l'efficacité de notre politique de développement.
Parmi les avancées du texte, je pense tout d'abord à la définition claire des zones géographiques et des secteurs prioritaires. Comme l'avait souhaité la présidente Marielle de Sarnez, il était nécessaire que notre politique de développement cible mieux les espaces où l'effort doit être porté. C'est pourquoi je suis heureux de voir, par exemple, que le Sahel, si important pour la France, figure désormais parmi les zones géographiques prioritaires. Étant donné les périls terroristes, sécuritaires mais aussi politiques, il est d'autant plus crucial d'apporter une aide ciblée et conséquente à cette région.
Recomposition des espaces prioritaires, ai-je dit, mais aussi recomposition des outils : l'AFD, par exemple, va pouvoir poursuivre sa mutation, grandir et intégrer de nouveaux opérateurs. Son travail est essentiel et doit se poursuivre toujours plus étroitement avec les différents acteurs, en particulier avec la société civile mais également avec les collectivités territoriales, dont le rôle est confirmé et qui seront amenées à s'investir toujours plus dans les années à venir. À ce propos, lors de nos travaux en commission, le Gouvernement a fixé comme ambition que l'action des collectivités en matière d'aide au développement soit multipliée par deux.
Très attaché à la décentralisation et à la confiance dans l'action des collectivités, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue cette ambition. Au même titre que les États, les collectivités ont un rôle important à jouer dans l'aide au développement : c'est ce que nous apprend l'essor de la coopération décentralisée et le multilatéralisme des grandes villes. Attention toutefois à ce que ce souhait puisse trouver toute sa traduction dans la réalité. L'extension du mécanisme du 1 % pour les mobilités va dans le bon sens, mais reste à notre sens un peu timide. Les moyens doivent être mieux proportionnés aux intentions.
Le troisième point qui était attendu concerne le contrôle et l'évaluation des nouvelles politiques de développement : il sera atteint avec la création d'une commission indépendante d'évaluation de l'impact de l'aide au développement. Ce contrôle sera aussi effectué par les parlementaires, qui seront désormais amenés à débattre de cette politique sur les bases d'un rapport détaillé fourni par le Gouvernement. Le Parlement effectuera un suivi régulier et précis des fonds alloués à l'aide au développement. Nous souhaitons également avoir plus de lisibilité et de transparence sur les indicateurs qui permettent de la mesurer. Le projet de loi tourne une page qui maintenait notre aide publique dans une suspicion quant à l'usage de certains fonds.
Sa force est aussi de réaffirmer les objectifs stratégiques de la France en inscrivant la diplomatie environnementale et climatique au coeur de sa politique de développement. Pour le groupe Dem, l'intégration des politiques éducatives et culturelles comme prioritaires constitue encore une avancée, de même que l'inscription des droits des enfants. Grâce à l'engagement de notre collègue Sylvain Waserman, nous ferons de nouvelles propositions, notamment sur les mutilations sexuelles et sur les enfants soldats.
Notre groupe a également été entendu sur la prise en considération des élus locaux des Français de l'étranger comme partenaires de la politique de développement. Il l'a également été sur la prise en compte de la mobilité internationale des jeunes comme priorité sectorielle. Au Mouvement démocrate, nous pensons que nous pouvons aller encore plus loin et refonder les politiques publiques relevant de la mobilité internationale.
Je voudrais aussi saluer l'action commune des parlementaires pour faire avancer le sujet ancien des biens mal acquis, sur lequel nous sommes mobilisés depuis de nombreuses années. Une première étape a été franchie en commission, mais nous proposons de préciser encore les modalités des restitutions. Nous formulerons des suggestions en ce sens, en phase avec la proposition de loi votée au Sénat, sous l'impulsion de Jean-Pierre Sueur, que je salue.
Je tiens également à souligner la proposition de faire d'un état civil fiable un axe fort de notre politique. La lutte contre ce qu'on appelle les enfants sans identité donné lieu à un rapport édifiant de la commission des affaires étrangères. Aux côtés de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et d'autres pays déjà engagés, la France a raison de s'attaquer à un sujet aussi douloureux et aussi scandaleux, comme vient de le dire Jean-Louis Bourlanges. Cet engagement pour une résolution multilatérale des grands problèmes de notre temps est d'ailleurs une vraie marque de fabrique de notre diplomatie, ce dont témoigne le projet de loi. D'une manière générale, parmi les avancées concrètes qui ont été effectuées, il faut également noter l'action déterminée en matière de santé, à l'heure où le monde entier fait face à une épidémie inédite.
Enfin, je salue la mise en cohérence de l'ambition du texte avec les moyens humains nécessaires pour sa mise en oeuvre. Il n'y aurait en effet rien de pire que de verser des fonds sans qu'ils puissent être investis rapidement et efficacement sur le terrain. Je sais M. le ministre très vigilant sur ce point, il l'a rappelé à cette tribune il y a quelques instants, et je salue les engagements financiers et budgétaires qu'il a permis de concrétiser.
À notre sens, cette cohérence ne doit pas s'arrêter là. Ce qui découle du projet de loi, c'est bien l'affirmation de la politique de développement commun, en tant que bras de la diplomatie de la France, ainsi que vient de le rappeler M. le ministre. Après la première lecture, nous pensons qu'il est encore nécessaire et tout à fait possible de concrétiser un certain nombre de points encore en suspens. Nous jugeons par exemple nécessaire que le Parlement puisse mener une réflexion sur la cohérence entre les aides au développement accordées à certains États et la prise de position de notre propre diplomatie s'agissant de ces mêmes États. Je pense notamment à la promotion de la démocratie et à l'État de droit.
Il est également nécessaire de renforcer l'outil que représentent les programmes de mobilité en créant une agence dédiée. Beaucoup de voix se sont exprimées en ce sens, nous aurions tout intérêt à investir totalement ce champ ; il s'agit non seulement de la mobilité des étudiants, mais aussi de celle des jeunes, des volontaires, des talents, des professionnels et donc des compétences. Favoriser et organiser les mobilités, c'est faire reculer les inégalités mondiales. C'est vrai quand un Français apporte des compétences particulières dans un pays qui n'en dispose pas, mais aussi quand un étranger peut se former en France en mettant ensuite à profit son expertise pour son propre pays.
Enfin, nous gagnerions à souligner cette ambition en inscrivant dans la loi l'objectif que nous partageons tous : consacrer, dans un avenir proche, 0,7 % du RNB brut à l'aide au développement. Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé : il s'agit bien d'un changement de braquet au service d'une nouvelle ambition. Vous-même, vous avez tenu bon. Je me souviens, comme l'ont rappelé Jean-Louis Bourlanges et d'autres, des doutes très largement exprimés lors de votre première intervention à la tribune de 2017. Nous avons tenu bon. L'engagement du Président de la République va être honoré, alors même que ses prédécesseurs avaient renoncé.
Nous nous réjouissons de voir réaffirmée la politique française de développement comme un marqueur fort de notre reconnaissance internationale. Soyons aussi fiers de revendiquer publiquement que, dans un monde de plus en plus injuste, la France ait compris et affirme publiquement que l'aide des plus faibles réclame les moyens des plus forts.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Jean Lassalle applaudit également.
Le même mot, humanité, possède deux sens : celui de la dignité de la personne, et celui de notre maison commune ou, pour reprendre le joli slogan de l'Agence française de développement, un monde en commun. Ces deux sens du mot humanité renvoient à une découverte toute récente, avec une prise de conscience qui germe dans notre société : tout est lié, entre l'écologie, l'économie, la santé des sociétés et celle des hommes et des femmes de cette terre ; tout est lié, entre ce qui se passe ici, dans nos sociétés occidentales, et ce qui se passe à l'autre bout du monde. Nous sommes définitivement interdépendants dans un monde globalisé.
Que la mondialisation tende vers une extension infinie ou qu'une rétractation soit possible, comme nous l'avons vu ces dernières années, nous n'avons d'autre choix que celui d'une souveraineté solidaire. Mireille Delmas-Marty, qui a développé ce concept extrêmement riche, l'oppose à la souveraineté solitaire et à une mondialisation sans foi ni loi. La souveraineté, c'est celle des peuples et des communautés de peuples : je pense évidemment à l'aventure extraordinaire que constitue l'Union européenne, seule à même de porter dans le monde la voix de la paix et de la civilisation que nous incarnons et dont nous sommes les héritiers. La souveraineté solidaire, nous la voulons pour nous et pour les autres. Cette interdépendance dans la solidarité est notre horizon ; elle est une éthique qui ne se paye pas de mots et qui n'est pas comme un fanion en haut du mât, mais plutôt comme le gouvernail des politiques publiques menées ici et ailleurs. Cette éthique peut se décliner en trois mots : la cohérence, le droit et le partage.
La cohérence tout d'abord : bien sûr, nous pouvons nous réjouir d'avoir introduit un dispositif « 1 % transports », qui s'ajoute aux « 1 % déchets », « 1 % eau » ou « 1 % énergie ». Je rêve, avec les membres du groupe Socialistes et apparentés, d'une loi de développement axée sur 100 % de commerce équitable et 0 % pour les paradis fiscaux : ce jour-là, nous serons à la hauteur des enjeux du monde. Il faut de la cohérence parce que nous ne pouvons pas faire d'un côté et casser de l'autre, détruire de la valeur et créer un développement inéquitable. Nous ne pouvons pas détruire 28 millions d'hectares par l'accaparement des terres ou encore 12 millions d'hectares de forêts primaires du seul fait de l'appât du gain et de l'appel du profit et, en même temps, creuser des puits et financer de l'aide publique au développement à hauteur de 1 %, voire 2 % à 3 %, ou parfois 0,1 % des flux financiers mondiaux.
J'en appelle à la cohérence entre nos modèles de développement et les conséquences qu'ils ont non seulement au bout de la rue, mais jusqu'au bout du monde. Nous le savons, notre modèle de consommation fait qu'en juillet ou en août, nous avons déjà consommé l'ensemble des ressources annuelles de la terre. Or, si les températures s'élèvent de plus de deux degrés Celsius, aucun génie génétique ne permettra de compenser, en Afrique subsaharienne, la baisse de 20 % des rendements qui est attendue. Les conséquences géostratégiques seront incommensurables, nous les subirons avec toutes les formes de violence et d'indignité que nous connaissons.
Viennent ensuite les droits. Le groupe Socialistes et apparentés a concentré ses efforts sur l'extension de l'État de droit à tous nos partenaires. C'est le sens des propositions que nous faisons autour de l'état civil, parce que le développement commence par l'identité de la personne. Il y a en effet un lien indéfectible, et un peu mystérieux, entre la dignité de la personne et le fait que nous allons sauver notre maison commune. Il faut donner un nom, une identité à chaque enfant de la planète, dans chaque pays avec lesquels nous travaillons. Des critères de responsabilité sociétale des entreprises doivent s'appliquer à tout le commerce lié à l'aide publique au développement. Des initiatives sur les industries extractives et les minerais de sang doivent être engagées. L'Alliance 8. 7 contre la traite des êtres humains et le travail des enfants doit être soutenue. Il nous faut porter le devoir de vigilance en Europe et partout dans le monde comme une directive.
Des droits fonciers sont nécessaires. À cet instant, je ne peux m'empêcher de penser à François Tanguy-Prigent et Edgard Pisani, à ces hommes qui, après guerre, ont fondé l'agriculture moderne sur un dessin humaniste. Ayant coopéré à l'échelle internationale, ils sont revenus en France, dans cet aller-retour que le ministre a évoqué dans sa présentation du projet de loi. Ils ont ainsi remis en cause nos propres modèles de développement au nom de ce qu'ils avaient découvert dans leur expérience africaine.
Nous devons nous inspirer de ces parcours qui lient les droits et la démocratie au partage. Sans partage, il n'y a pas de démocratie et sans démocratie, il n'y a pas de partage. La loi sur le foncier est universelle : partout où la terre est partagée, règnent la démocratie et la prospérité ; partout où il y a un accaparement, on rencontre des systèmes ultra-libéraux autoritaires et un appauvrissement de la société. Je pense à cet instant à Joseph Wresinski et à sa phrase définitive qui a été portée, encore une fois après guerre, dans les bidonvilles de nos cités : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré. » C'est ce devoir sacré qui nous rassemble dans un combat pour la cohérence, la justice et le droit. J'espère que nous allons progresser sur ce texte pour nous entraider et, en nous donnant la main, pour progresser ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – MM. Olivier Becht et Bruno Fuchs applaudissent également.
En 2017, le Président de la République s'est engagé à ce que la France soit au rendez-vous du défi du développement. Nous sommes là pour concrétiser cet engagement, et je tiens à remercier le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, grâce à qui nous avons pu débattre d'un texte qui accorde une place toute particulière aux objectifs de développement durable, figurant dans le programme de développement durable adopté le 25 septembre 2015 par l'assemblée générale des Nations unies.
Une coopération internationale forte est plus que jamais nécessaire pour garantir à tous les pays les moyens d'atteindre ces ODD. Depuis l'adoption, en novembre 2020, de la proposition de résolution relative à l'évolution de la Constitution afin de permettre l'intégration des objectifs de développement durable dans le processus législatif, je ne peux que me réjouir des initiatives les mettant au coeur de nos textes. Le dix-septième ODD précise que « la grande ambition des ODD s'articule autour d'une coopération et de partenariats mondiaux solides. » Sa mise en oeuvre permettra la réalisation des seize premiers qui sont cruciaux dans notre stratégie de développement.
La rénovation des partenariats s'applique aussi dans nos relations avec les pays où nous menons des projets de développement. Il nous faut construire avec eux, notamment avec ceux qui se trouvent en Afrique, les bases d'une relation nouvelle fondée sur l'égalité, la transparence et surtout la réciprocité. Pour rappel, notre aide publique au développement cible dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit en Afrique, principalement situés au Sahel.
L'OCDE définit l'aide publique au développement comme « l'aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d'améliorer les conditions de vie dans les pays en développement ». Comprenons-nous bien : il ne s'agit aucunement de faire l'aumône à ces pays, mais de mettre en place un véritable principe de réciprocité, car la France a aussi à y gagner.
Dans ce contexte, nous avons enrichi le texte. Notons par exemple l'adoption, en commission, de l'amendement déposé par les groupes de la majorité qui précise que les indicateurs retenus dans le cadre de référence des politiques publiques menées par l'État et les collectivités territoriales doivent correspondre aux indicateurs de suivi mondiaux, à savoir les objectifs de développement durable.
Nous continuerons d'enrichir le texte. Je tiens notamment à mettre l'accent sur le sujet des enfants sans identité – qui a fait l'objet d'une mission d'information dont le rapport, adopté à l'unanimité en commission des affaires étrangères, sera examiné dans l'hémicycle le 3 mars. Je remercie à cet égard le groupe Socialistes et apparentés pour sa mobilisation.
D'après les derniers chiffres du Fonds des Nations unies pour l'enfance, publiés en décembre 2019, un enfant sur quatre n'est pas enregistré à la naissance dans le monde, et un enfant sur trois ne dispose d'aucun document d'identité. Au-delà des conséquences individuelles que cela entraîne pour chaque enfant – absence d'identité signifie accès limité à l'éducation, exposition au risque de trafic, d'enrôlement dans un conflit armé ou encore de mariage forcé – , le développement des États s'en trouve également limité. Un registre d'état civil fiable permet à un gouvernement de connaître la population qu'il administre et donc de définir les besoins en matière de services publics et de grandes politiques économiques.
Ce sujet a fait timidement son entrée dans le cadre du partenariat global annexé au projet de loi, mais l'accès à une identité juridique doit être une priorité apparente de notre politique de développement international. Le groupe Agir ensemble et le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés proposeront ensemble un amendement visant à lui accorder une place plus importante et plus claire. Je remercie les précédents orateurs qui ont évoqué le combat que nous menons pour lutter contre le fléau qui frappe les enfants sans identité.
Pour conclure, je citerai le discours du Président de la République à Ouagadougou : « Si nous parvenons à relever ensemble ces défis, si nous sommes à la hauteur de ce grand moment de bascule que nous sommes en train de vivre, alors ici se jouera une partie de la croissance du monde. » Chers collègues, soyons au rendez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.
La pandémie de covid-19 a bouleversé les enjeux de l'aide publique au développement en faisant émerger la nécessité d'une refonte de la gouvernance de notre politique de développement solidaire. Parce qu'elle exacerbe des inégalités déjà existantes, la crise sanitaire, économique et sociale liée à la pandémie a une incidence considérable sur les progrès réalisés en matière de développement. Ce projet de loi se présente donc comme une rénovation des méthodes d'action de la politique de développement, sous la forme d'un partenariat renouvelé avec les pays partenaires et avec tous les acteurs du développement concernés en France, en particulier les organisations de la société civile et les collectivités territoriales.
L'aide au développement est un domaine où l'on légifère peu, car les moyens importent plus que les termes juridiques. Réaffirmer des objectifs et définir des principes, voilà ce qui doit toutefois concentrer l'énergie du législateur français. Au nom du groupe UDI et indépendants, je m'arrêterai donc sur certains points concrets du projet de loi auxquels correspondent ces objectifs et ces principes.
Les moyens constituent bien entendu l'objectif central, le nerf de la guerre. S'agissant des dispositions budgétaires de ce projet de loi de programmation, nous nous interrogeons encore sur la période prévue, à savoir la période 2020-2025, alors que le dispositif sera naturellement circonscrit à la fin de ce quinquennat, donc à 2022 : quelle peut être la portée d'une telle mesure ? S'agit-il d'un transfert de responsabilité au prochain gouvernement ?
Sans vision de long terme et en comparaison avec la portée de la loi de programmation militaire et celle de la recherche, ce projet de loi de programmation semble à certains égards en demi-teinte, voire fragile. Nous avons donc souhaité renforcer le contrôle parlementaire sur cette question en 2022. Compte tenu de son rôle en matière budgétaire, c'est au Parlement qu'il revient de détailler, d'approuver et d'évaluer tout objectif et toute trajectoire de ce type. Les représentants de la nation que nous sommes sont, de fait, des acteurs de la politique de développement, dont ils doivent contrôler la bonne exécution. Nous le rappellerons par le biais de plusieurs amendements.
Nous attendons ainsi un engagement plus clair du Gouvernement sur la trajectoire budgétaire entre 2023 et 2025, en rappelant que la France doit respecter les engagements pris dans le cadre du programme d'action d'Addis-Abeba. Se fixer des objectifs ambitieux est une chose, y être liés en est une autre. La France peut être fière d'avoir atteint la part de 0,55 % du revenu national brut consacrée au développement international, mais il est plus difficile de percevoir dans quelle direction le Gouvernement s'engage pour atteindre 0,7 %, en revanche.
J'en viens au premier principe qui doit selon nous guider la solidarité internationale française : la transparence. C'est un point cher à notre collègue Meyer Habib, qui a suivi les débats en commission, même si, retenu dans sa circonscription, il n'a pu y participer. En particulier, le traçage des financements de l'AFD doit être amélioré et ses missions exclusivement limitées à la mise en ? uvre de la politique d'aide au développement de l'État à l'étranger et à la contribution au développement des collectivités territoriales. Il n'est pas acceptable que, ces dernières années, l'AFD ait apporté son soutien financier à des initiatives qui ne semblent que lointainement liées au développement.
Pour mieux évaluer les résultats de l'action de la France et renforcer la transparence concernant l'utilisation des moyens engagés, le projet de loi prévoit la création d'une commission indépendante d'évaluation. Bien que nous ne soyons pas favorables à la multiplication systématique des comités et autres commissions, tâchons de faire en sorte que celle-ci soit utile et réellement indépendante. À cet égard, nous nous réjouissons de l'adoption, à l'article 9, de l'amendement du rapporteur.
Comme l'ont montré les débats, la composition d'une commission ne relève pas du domaine de la loi. Par souci de transparence et d'équilibre, il semble donc nécessaire d'y ajouter les parlementaires dont le rôle est de participer à l'évaluation des politiques publiques transversales. Nous avions en ce sens souhaité étendre le contrôle ex ante et ex post de la Cour des comptes dans le cadre des différentes missions de contrôle des politiques publiques d'aide au développement, grâce à la mise en place de cette commission indépendante qui serait présidée par le Premier président de la Cour des comptes.
Présenté comme « un nouveau paradigme », le renforcement de la dimension partenariale ne peut s'effectuer sans les acteurs de la société civile et les collectivités territoriales. Nous souscrivons à cet autre principe. Nous saluons en ce sens le doublement d'ici à 2022 des fonds de soutien de l'État aux organisations de la société civile et aux collectivités territoriales.
Je ne peux évoquer les collectivités territoriales sans citer les territoires ultramarins, gravement touchés par la crise sanitaire. Leur économie est considérablement dégradée par les mesures mises en place pour y faire face. L'AFD a certes déployé une aide d'un milliard d'euros dans le cadre de l'initiative « Outre-mer en commun », afin d'accompagner ces territoires durant la crise sanitaire mais, alors que la suspension du tourisme perdure, les territoires ultramarins lancent un cri d'alarme ! Il est indispensable qu'ils bénéficient de l'augmentation des crédits de l'AFD et qu'elle soutienne la relance de leur activité économique. Tel est l'objet de l'amendement de notre collègue Nicole Sanquer.
Il est également nécessaire de poursuivre les discussions sur l'octroi de l'aide au développement conditionnée à la délivrance effective des laissez-passer consulaires. En effet, si nous souhaitons renforcer notre aide au développement, surtout en cette période de crise, il faut aussi la conditionner à une totale coopération des pays partenaires en faveur de la réadmission de leurs ressortissants lorsque ceux-ci ne sont pas admis en France. Cette coopération doit être effectuée en commun dans un cadre européen.
Dans une logique partenariale avec les pays ayant accès à l'aide publique au développement, il est normal qu'il existe un haut degré de coopération concernant la maîtrise de l'immigration et la capacité de certains États à maîtriser leurs frontières, à combattre les réseaux de passeurs ou encore à moderniser leur état civil. En ce sens, l'aide au développement doit être mobilisée dans le cadre d'engagements réciproques avec nos partenaires. Cette idée a déjà été abordée par Jean-Christophe Lagarde lors du débat sur la politique migratoire de la France et de l'Europe à l'automne dernier.
Enfin, la politique de développement doit évoluer avec les défis de son siècle. Gardons à l'esprit que l'aide publique au développement a pour objectif le développement économique et l'amélioration des conditions de vie. Elle n'a donc pas de sens si, dans le même temps, des zones entières du globe deviennent invivables. À cet égard, il est essentiel de s'assurer de la cohérence entre la politique de développement solidaire et celle menée en matière environnementale et climatique. Si les migrations liées à des transformations environnementales ne sont pas nouvelles, n'oublions pas que le nombre des « réfugiés climatiques » ne cesse désormais d'augmenter du fait de l'intensification des phénomènes climatiques extrêmes. D'après l'Organisation internationale pour les migrations – OIM – , les catastrophes climatiques pourraient provoquer le déplacement d'environ 250 millions de personnes d'ici à 2050. Parmi les régions à risque, citons notamment l'Afrique subsaharienne du fait des sécheresses, l'Asie du Sud et du Sud-Est exposée aux typhons et aux tsunamis, ou encore les petits États insulaires face à la montée du niveau des mers. La pauvreté crée de fait un manque de résilience qui aggrave les inégalités climatiques.
Nous nous réjouissons donc de la déclaration du ministre Jean-Yves Le Drian selon laquelle « sur 2 euros de financement AFD, 1 euro sert directement le combat contre les dérèglements climatiques ». Il reviendra sans doute à la commission indépendante d'évaluer la réalité de cet engagement ô combien nécessaire.
Chers collègues, nous abordons ce texte avec bienveillance et nous nous réjouissons de la recherche du consensus qui a présidé en commission. Cependant, nous attendons de voir à quels niveaux les principes que j'ai détaillés seront intégrés : nous espérons des éclaircissements lors des débats, en particulier sur l'aspect quelque peu artificiel d'une programmation budgétaire qui arrive à la fin du quinquennat.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Ce projet de loi consacré à l'aide publique au développement revient au fond à sortir un parapluie dans la tornade. Tout d'abord, il arrive bien tard : comme vous le savez, il aurait dû être examiné en 2019 – nous sommes en 2021. L'examen détaillé du texte révèle d'ailleurs que les termes utilisés sont hors-sol car ils datent d'avant la crise du covid-19. Or nous connaissons une situation nouvelle où 115 millions de personnes risquent de basculer dans la pauvreté, c'est-à-dire un revenu de moins de 2 dollars par jour. Pendant ce temps, la richesse des vingt-cinq personnes les plus riches du monde a augmenté de 25 milliards de dollars en deux mois. Nous sommes donc face à l'explosion des inégalités : il aurait fallu intégrer davantage cette situation dans le projet de loi qui nous est proposé.
D'autre part, l'ambition de ce texte est insuffisante puisqu'il confirme un nouveau refus de respecter l'engagement pris le 24 octobre 1970 de consacrer à l'aide publique au développement 0,7 % du revenu national brut. Certes, l'engagement du Président de la République d'atteindre 0,55 % est tenu, mais celui de la France d'atteindre 0,7 % ne l'est pas, et il me semble que nous ratons du même coup la marche du progrès et de la solidarité qu'une grande nation, une puissance économique aussi riche que la France aurait pu et dû franchir.
Le projet de loi maintient l'aide publique au développement dans ses contradictions, au lieu de clarifier son orientation et son objet. Nous l'avons dit en commission et je le répète, même si vous avez tenté de rectifier le tir par un amendement depuis : l'absence de valeurs normatives dans ce texte est, à mon sens, totalement révélatrice des ambiguïtés de la mission relative à l'aide publique au développement. Encore une fois, nous attendions de ce texte qu'il clarifie les choses et qu'il mette fin au manque de transparence notoire qui caractérise l'AFD et sa fameuse filiale Proparco – Société de promotion et de participation pour la coopération économique – : or le débat parlementaire n'a apporté aucun éclaircissement en la matière.
Ainsi ce texte, qui un véritable gruyère, ne fait en même temps aucune place à la transparence ; d'où, ce soir, un étrange et immense sentiment de décalage entre, d'une part, les belles paroles aussi bien prononcées par M. le ministre Le Drian que par les parlementaires de La République en marche, venus nous expliquer des dispositions merveilleuses et, d'autre part, ce texte qui ne les prévoit pas.
Je prends un exemple : l'égalité homme-femme, question sur laquelle je vous ai entendu plusieurs fois vous réjouir qu'elle soit prise à bras-le-corps.
Pardonnez-moi, même si je sais qu'elle est censée être la priorité du quinquennat, l'égalité homme-femme est totalement absente du projet de loi.
Elle est mentionnée dans un paragraphe qui se trouve en annexe.
Par ailleurs, en dehors du titre du projet de loi, la lutte contre les inégalités mondiales n'est abordée nulle part.
Ce n'est pas un sujet fort de ce texte, manquant l'une des cibles majeures qui devrait être au coeur des ambitions et des objectifs de l'aide publique au développement.
Ce n'est même pas une loi de programmation puisque la trajectoire budgétaire que nous nous apprêtons à voter s'arrête en 2022, alors que nous sommes en 2021. C'est quand même extraordinaire ! Quand on pense des politiques d'aide au développement, il faut pouvoir les inscrire dans la durée, puisque ce ne sont pas des projets de court terme mais de long terme que les pays avec lesquels nous travaillons doivent pouvoir anticiper. De ce point de vue, c'est le néant. On nous a expliqué que des élections auront lieu, pouvant entraîner un changement de majorité. Alors, dans ce cas, on ne vote plus aucune loi, puisque ce changement de majorité affectera tous les textes qui seront adoptés et pourront être complètement modifiés. Dès lors, je me demande à quoi sert d'avoir des débats parlementaires sur des éléments structurants de nos politiques publiques.
Enfin, c'est le décalage entre les objectifs affichés et la réalité des politiques qui sont menées par la France qui me paraît, d'une certaine manière, la chose la plus grave concernant l'aide publique au développement. Il y a des contradictions entre, d'une part, la politique que vous menez, monsieur Le Drian, vous et le Gouvernement et les engagements qui sont pris par la France et, d'autre part, les objectifs mirifiques que nous pourrions inscrire dans l'aide publique au développement.
Je prends deux exemples concrets. Premièrement, entre 2015 et 2018, l'État français a subventionné à hauteur de 2 milliards d'euros les énergies fossiles, par des garanties à l'exportation. Or cette même somme représente le financement de l'AFD entre 2015 et 2017 versé aux pays les plus pauvres pour l'adaptation au changement climatique. Ainsi, vous voyez bien que quelque chose ne tourne pas rond ! Vous ne pouvez pas, d'un côté, verser 2 milliards d'euros aux pays pauvres afin qu'ils s'adaptent aux défis climatiques et, de l'autre, financer des politiques publiques favorisant les énergies fossiles. Ainsi, nous devrions au moins nous dire les choses franchement : soit les subventions sont versées de manière cohérente à toutes les politiques transversales, soit tout cela n'a aucun sens !
Je vous ai dit entre 2015 et 2018 pour la première subvention et entre 2015 et 2017 pour le second financement. Nous n'allons pas pinailler sur les chiffres, …
… parce qu'en l'occurrence, ce n'est pas qu'une question de montant, c'est une question de logique politique et, dans ce cas précis, je vois une contradiction.
Si cela ne vous suffit pas, monsieur Berville, voici un second exemple. Je pense à ce prêt français de 9 millions d'euros, dont a bénéficié le plus gros négociant arménien de fruits et légumes pour créer, tenez-vous bien, des serres chauffées pour de la production intensive de tomates et de poivrons, le tout étant destiné à l'exportation vers l'Union européenne, par l'intermédiaire d'un groupe français qui a bénéficié d'un crédit d'impôt d'environ 10 millions d'euros pour ce projet.
Notre politique extérieure pour aider au développement est bien contradictoire avec les objectifs que vous affichez.
La nature de l'aide publique au développement me paraît, aussi, foncièrement en jeu parce que l'appui au privé se massifie. La trajectoire détaillée en annexe précise que l'appui au privé augmentera de 89 % entre 2020 et 2022, s'élevant à 769 millions d'euros. J'y vois un danger, parce qu'au fond, on se sert de l'aide publique au développement pour subventionner des entreprises françaises, ce qui est une profonde dénaturation de ses objectifs. Nous avions d'ailleurs fait les mêmes observations s'agissant de la diplomatie.
Entre 2007 et 2013, Proparco a acheminé plus de 500 millions de dollars transitant par des paradis fiscaux, malgré les règles qui ont été prises par l'AFD. Ce phénomène se poursuit, puisque des millions d'euros sont encore transférés, en passant par Malte ou les îles Caïmans.
M. Jean Lassalle applaudit.
C'est quand même un vrai problème ! Qu'une institution de l'aide publique au développement recoure à des paradis fiscaux, il y a décidément quelque chose encore qui ne tourne pas rond et je ne vois pas les améliorations du texte en la matière.
La mainmise du privé sur l'aide publique au développement est un oxymore, une véritable alliance des contraires, contre laquelle il faut impérativement se mobiliser. En effet, en dix ans, plus de 70 % des investissements de Proparco ont concerné des projets agro-industriels, alors qu'en 2018 moins de 20 % de l'aide publique au développement bénéficiait aux secteurs sociaux. Nous assistons donc à une véritable dérive. La montée en puissance des prêts à la place des dons est, de la même manière, une dénaturation de l'aide publique au développement. On glisse ainsi vers des objectifs qui m'inquiètent car ils mettent en lumière, je le répète, le décalage entre les paroles et les actes.
Je terminerai mon propos en évoquant l'une des hypocrisies du moment – il y en a quand même un paquet. Concernant le vaccin, monsieur le ministre, dont vous avez parlé tout à l'heure lorsque vous avez évoqué le bien commun : vous souvenez-vous du refus français de soutenir l'Inde et l'Afrique du Sud à l'Organisation mondiale de la santé lorsqu'ils ont demandé de suspendre les droits intellectuels sur les vaccins et les médicaments durant la pandémie ? Alors que nous siégeons à l'OMS, sans être dépendants de l'Union européenne, la France n'a pas soutenu ces pays. Il faut impérativement sortir du système d'exploitation néo-libérale. Si ces grands écarts, voire ces contradictions, ne vous dérangent pas, puisque La République en marche vit sous l'ère du « en même temps », je vous assure que nous, nous les condamnons, nous les contestons et nous ne les voterons pas.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi dit de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités. Ce texte était très attendu et, vous le savez, sa présentation a entraîné une réelle déception. Néanmoins, un véritable travail a pu être réalisé en commission, pour lequel je remercie le ministre, le rapporteur et le secrétaire d'État, qui se sont beaucoup impliqués tout au long de nos discussions. Mon collègue Bertrand Pancher a rappelé ces avancées. Je compléterai son propos en évoquant le fait que vous avez également accepté que le cadre de partenariat global – CPG – fasse expressément référence aux droits de l'enfant comme une priorité : il reste maintenant à l'inscrire dans le marbre de la loi.
Vous avez accepté de faire une priorité des pays du G5 Sahel et de donner une place privilégiée aux pays des Balkans occidentaux. En revanche, alors que ce texte était attendu comme un grand projet de loi de programmation dessinant enfin une trajectoire permettant de donner de la visibilité aux acteurs, il ne propose toujours, à ce stade, qu'une programmation principalement rétroactive et ne pose aucun jalon temporel pour atteindre le référentiel de 0,7 % du revenu national brut promis depuis les années 1970.
Monsieur le rapporteur, vous aviez appelé ce jalon temporel de vos voeux dans votre rapport remis en 2018. Vous aviez déposé un amendement en ce sens, que vous avez retiré en commission. Or le nouvel amendement que vous avez déposé constitue un recul, puisqu'au lieu d'indiquer que le pourcentage de 0,7 % devrait être atteint en 2025, il est maintenant précisé que la France s'efforcera de l'atteindre en 2025. Nous sommes dans le flou le plus total, …
… et nous n'y ne comprenons plus rien. En effet, monsieur le ministre, alors que vous avez tout d'abord indiqué en commission que vous étiez défavorable à cet objectif de 0,7 %, vous avez ensuite reconnu qu'il s'agissait d'une « référence historique », …
Oui, c'est ce que j'ai dit !
… avant d'indiquer qu'il était déjà atteint. Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit bien, comme vous l'avez souligné, d'« une mesure de l'effort, [d']un référentiel qui permet de nous comparer, et [d']une référence historique ». Toutefois, il ne suffit pas de rappeler ce principe : il est également nécessaire de prendre, comme dans toute loi de programmation, des engagements temporels.
Exactement ! Par ailleurs, il est également essentiel de donner des garanties complémentaires, si l'on veut que ce pourcentage signifie effectivement quelque chose, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. C'est pour cette raison que nos amendements visent à prendre des engagements en valeur absolue et à adopter des fléchages vers des dépenses que nous estimons prioritaires, ainsi que des ciblages vers des pays prioritaires, dans le cadre d'engagements en pourcentage plus importants ou calculés sur une base plus large.
Or nous regrettons qu'aucun véritable travail intellectuel de clarification des engagements et de leur nature n'ait été mené sur ces enjeux, depuis le début du mandat – soit maintenant quatre ans – par l'exécutif et la majorité, comme vous l'avez évoqué, monsieur le président de commission. En effet, l'objectif de 0,7 % n'a de sens que si le montant du RNB n'est pas affecté par des crises conjoncturelles qui le font chuter ; que si les dépenses comptabilisées ne sont pas des artifices permis, certes, par les critères de l'OCDE, mais éloignés de toute réalité sur le terrain ; que s'il y a bien un rééquilibrage des prêts en faveur des dons et, dans une certaine mesure, dans un cadre bilatéral.
La France s'est battue au niveau européen pour que le plan de relance fasse une part plus que majoritaire aux dons pour affronter la crise : nous avons alors dénoncé les pays dits frugaux. Or ce que nous voulons pour nous-mêmes, nous le refusons dans le cadre de notre aide publique au développement.
Nous le savons, la démonstration n'est plus à faire : nous ne pouvons répondre à ce qui nourrit la menace terroriste et la criminalité organisée, à ce qui aggrave la menace climatique, aux phénomènes qui augmentent les flux de migration non choisis uniquement par des lois restrictives et des accords passés avec les pays étrangers pour qu'ils s'occupent de celles et de ceux dont on ne veut pas sur notre territoire.
Cela passe par la sortie des populations de la précarité et de la vulnérabilité ; l'amorce d'un cercle vertueux de croissance durable ; la réponse aux enjeux écologiques, sanitaires, éducatifs et culturels.
Par conséquent, il faut s'en donner les moyens, en apportant des garanties en matière de montant, de la visibilité, de la lisibilité, de l'accessibilité ainsi que de la gouvernance. Cela impose de ne pas faire de la défense de nos intérêts une priorité qui passe avant l'aide aux populations.
Cela passe par l'encouragement de la démocratie, sans donner de caution par sa présence, ses déclarations ou ses écrits aux dirigeants de pays qui méprisent leur propre constitution, emprisonnent leurs opposants, répriment leur propre population, comme en Côte d'Ivoire et en Guinée, répriment la liberté d'expression ou organisent la fraude, comme au Niger lors du premier tour des élections. Cela exige de ne pas avoir de valeurs à géométrie variable, en dénonçant à voix haute la détention d'Alexeï Navalny en Russie tout en se taisant sur la détention du député Alain Lobognon en Côte-d'Ivoire qui, en pleines élections législatives, doit faire campagne depuis sa prison.
Nous nous sommes abstenus sur le projet de loi lors de son examen en commission, car nous pensons que, si ce texte n'offre pas de réelles garanties concernant les montants et leur nature, ainsi que concernant la gouvernance, s'il ne prend pas en compte en priorité les besoins des populations, il est intéressant, sans être à la hauteur des enjeux du XXIe siècle. Ainsi, nous serons attentifs à la prise en compte de ce que nous considérons comme des impératifs, afin de faire éventuellement évoluer notre vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Vous le savez, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes s'engage depuis sa création à porter la voix de toutes les femmes en France, comme à l'étranger, et à ériger le principe d'égalité entre les femmes et les hommes comme une priorité de l'action publique. Je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui en son nom sur ce projet de loi.
Celui-ci nous donne en effet l'occasion de traiter d'un sujet ô combien important, celui de la diplomatie et de la politique étrangère féministe de la France. C'est un thème sur lequel notre délégation s'est engagée de longue date, parce qu'il constitue un facteur avéré de pérennité du développement humain, de stabilité et d'innovation sociale. Ainsi, ce sujet, loin d'être anecdotique, touche tous les domaines d'intervention de la politique du développement solidaire.
Je souhaiterais ajouter que l'aide publique au développement s'engage également pour les droits humains, dans la lutte contre l'esclavage moderne et la traite des êtres humains ou encore pour l'autonomisation des femmes et des filles. De manière transversale et spécifique, l'aide publique au développement constitue donc l'instrument privilégié de mise en oeuvre de la diplomatie féministe.
La délégation aux droits des femmes a été saisie de ce texte. Son rapporteur, Guillaume Gouffier-Cha, nous a remis un rapport détaillé comportant dix recommandations déclinées en vingt-cinq amendements que notre délégation a adopté. Trois points majeurs ressortent de ces propositions. Tout d'abord, nous souhaitons renforcer l'engagement de la France en faveur d'une diplomatie féministe et de la protection des droits fondamentaux dans le monde. Ensuite, nous proposons des objectifs d'aide publique au développement encore plus ambitieux en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Enfin, nous voulons réaffirmer la nécessité de promouvoir la parité dans les instances de gouvernance de l'aide publique au développement.
Premièrement, si l'engagement international de la France en faveur de l'égalité des sexes est ancien, nous assistons à une nette intensification de son action depuis 2017. Ce projet de loi va dans le sens de l'histoire en revendiquant explicitement une diplomatie féministe. Nous nous félicitons de la consécration de cette notion et saluons cette avancée majeure.
Nous proposons néanmoins d'affirmer encore plus fortement l'engagement de la France en faveur des droits des femmes : d'abord en rappelant que la diplomatie féministe n'est qu'une composante de la politique extérieure féministe, qui englobe aussi les relations commerciales et financières et la politique de défense ; ensuite en réaffirmant l'engagement de la France dans la lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles, lequel s'est matérialisé en 2014 par de la ratification de la Convention d'Istanbul par la France – elle mériterait d'être rappelée dans le texte.
Deuxième élément : le projet de loi sanctuarise l'augmentation de l'aide publique au développement jusqu'en 2022. Il s'agit de l'un des vecteurs les plus efficaces pour agir sur la vie des femmes dans le monde. Au travers d'une mission budgétaire créditée de plus de 3,6 milliards d'euros en 2020, la France dispose déjà d'une force de frappe importante, que le texte prévoit d'accroître encore pour parvenir à 4,8 milliards d'euros en crédits de paiement en 2022.
L'égalité femmes-hommes est érigée en objectifs général et transversal, ce qui signifie qu'elle devra non seulement faire l'objet d'actions et de programmes ciblés, mais également irriguer l'ensemble des politiques d'aide au développement. Dans ce cadre, le rapport annexé au projet de loi transcrit l'objectif, pour l'Agence française de développement, que la totalité de ces projets et programmes sont marqués « genre » et que 50 % de ses volumes annuels d'engagements aient, d'ici à 2022, l'égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif. La commission des affaires étrangères a porté ce taux à 75 %, tandis que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes propose de le porter à 85 %, en assortissant cet objectif d'un socle minimal de 30 % de projets ou programmes ayant l'égalité femmes-hommes comme objectif principal.
En outre, il convient de prévoir une amélioration des instruments de mesure et des indicateurs proposés par le projet de loi. Notre délégation propose à ce titre de systématiser la déclinaison par sexe des données présentées dans le cadre de résultats.
Enfin, troisième et dernier point, la concrétisation d'une diplomatie féministe nécessite des objectifs plus ambitieux en matière de gouvernance. Le projet de loi fait référence à quatre instances de gouvernance ou de contrôle. En cohérence avec ses travaux relatifs à la gouvernance économique et à la fonction publique, la délégation propose de les rendre obligatoirement paritaires.
Ce texte constitue bien une avancée réelle et une traduction concrète des engagements du Président de la République en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde. Il nous revient à nous, législateurs, de porter encore plus loin cette attention.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Après une très longue attente, à tel point que nous finissions par ne plus y croire, notre assemblée examine enfin le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. De programmation, ce projet de loi n'en a d'ailleurs que le titre, étant donné qu'après maints reports il ne programme plus qu'un seul exercice budgétaire, celui de 2022. C'est donc avec regrets que nous constatons qu'il aura fallu attendre la fin du quinquennat pour examiner – en travaillant dans l'urgence – un texte important qui doit mettre en application l'engagement présidentiel de consacrer 0,55 % du revenu national brut à l'aide publique au développement et d'augmenter cette contribution à l'avenir à hauteur de 0,7 %.
Monsieur le ministre, cette promesse devrait être tenue et nous nous en félicitons. Car, au-delà du chiffre un peu totem des 0,55 %, c'est bien l'effort global de la France et son engagement à lutter plus efficacement contre les inégalités mondiales qui sont ici affirmés. Certes, tous les regards sont aujourd'hui portés vers la lutte contre la pandémie mondiale de la covid-19, qui n'épargne aucun continent. Il n'en demeure pas moins que de nombreux pays restent frappés lourdement par la montée de la pauvreté, l'accroissement des inégalités et une détresse humanitaire qui ne peut laisser personne indifférent.
Dans les années à venir, les effets du dérèglement climatique, les conflits et les crises qui se succèdent et se conjuguent accroîtront davantage encore les maux qui frappent les pays en développement et les populations les plus fragiles, d'autant plus que nous devrons aussi faire face à l'un des défis les plus importants à relever pour l'humanité, celui de l'explosion démographique dans le monde et en particulier sur le continent africain.
Alors que la population mondiale s'élevait à 7,3 milliards d'individus en 2017, les prévisions de l'ONU indiquent que l'humanité comptera plus de 8,5 milliards de personnes en 2030 et 11,2 milliards en 2100. C'est en Afrique que l'augmentation de la population sera la plus forte, continent auquel la France accorde une priorité dans l'allocation de son aide publique au développement.
Le continent africain représentera plus de la moitié de la croissance démographique mondiale au cours des trente prochaines années, étant donné que sa population devrait doubler, passant d'un milliard d'habitants aujourd'hui à 2,3 milliards dans moins de trente ans. Cette croissance démographique, non maîtrisée dans de nombreux pays, fera peser sur le monde entier un choc de pauvreté d'une ampleur majeure, lequel engendrera inévitablement une migration plus forte des populations, qui fuiront la misère. Le seul Niger verra sa population tripler, passant de 23 millions d'habitants en 2019 à plus de 70 millions en 2050, ce qui n'est pas sans nous interroger car ce pays est l'un des plus pauvres au monde et que son taux de natalité s'élève à sept enfants par femme.
Il relève donc de notre responsabilité, celle de la France comme de toute la communauté internationale, de participer à l'effort mondial de lutte contre la pauvreté et pour le développement. Il est de notre responsabilité d'accompagner les pays les plus vulnérables vers un modèle de croissance plus prospère, plus durable et plus inclusif et de les aider dans leur transition écologique et énergétique.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la stratégie de la politique de la France dans le domaine de l'aide au développement doit être clarifiée et son pilotage renforcé, mieux évalué et mieux contrôlé en toute transparence, afin de renforcer sa lisibilité et de mesurer ses résultats. C'est à cette condition que nos concitoyens pourront s'approprier davantage cette politique, qui est l'honneur de la France.
Ces priorités doivent nous amener à concentrer notre aide sur des pays prioritaires figurant parmi les moins avancés, à développer l'aide bilatérale et à apporter des réponses aux défis mondiaux qui touchent tous les continents : le climat et la biodiversité, la santé, l'éducation, l'accès à l'eau et à l'alimentation, les droits fondamentaux et l'égalité entre les femmes et les hommes.
Avec plus de 14 milliards d'euros mobilisés en 2022, nous devons aussi assumer pleinement le fait que l'aide au développement soit un axe important de notre politique étrangère, au service de notre diplomatie et de notre influence. L'aide au développement est essentielle pour garantir la stabilité et la sécurité des pays que nous aidons.
C'est la raison pour laquelle la France souhaite aussi favoriser le maintien des élites – les enseignants, les ingénieurs ou encore les médecins – dans leur pays d'origine, afin qu'elles participent à leur développement.
De même, il est normal que nous attendions de certains pays une plus grande coopération pour le retour de leurs ressortissants quand ils sont en situation irrégulière en France.
Je finis, madame la présidente, je n'en ai plus pour longtemps.
Mes chers collègues, la semaine dernière, nos débats en commission ont donné lieu à de nombreux échanges, mais, monsieur le ministre, cher monsieur le rapporteur, il demeure une certaine marge de progression pour que vous soyez encore plus à l'écoute de l'opposition et que nous puissions bâtir ensemble un projet loi que nous souhaitons tous consensuel.
Dans le débat qui s'ouvre, les députés Les Républicains seront particulièrement attentifs à l'amélioration des dispositions relatives à la programmation après 2022, à l'information et la consultation du Parlement, au respect du pluralisme dans les différentes instances…
… et à la capacité réelle d'évaluation et de contrôle. Nous serons attentifs et constructifs…
M. Michel Herbillon poursuit son discours hors micro. – Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LR et LaREM.
Je ne doute pas que vous ferez un effort de concision dans la défense de vos amendements.
Sous l'impulsion de notre regrettée présidente Marielle de Sarnez et désormais celle de Jean-Louis Bourlanges, notre commission a accompli un travail constant afin de tenir ses membres à un haut niveau d'information et de compréhension sur les grands dossiers internationaux, dans le cadre d'une diplomatie parlementaire originale. Elle assure également le suivi des traités et des conventions, mais ce n'est pas tous les jours qu'elle examine un texte de cette importance et nous pouvons nous montrer satisfaits qu'un projet de loi comme celui-ci ait trouvé sa place dans un agenda parlementaire particulièrement embouteillé. C'est une raison de plus pour ne pas manquer l'occasion qui nous est donnée de mettre notre aide au développement sur de bons rails.
Le travail préparatoire en commission nous a permis, je le crois, d'améliorer le texte : j'évoquerai deux sujets sur lesquels les modifications que nous avons apportées représentent un progrès par rapport au projet de loi initial.
Premièrement, je me réjouis que nous ayons trouvé une place pour la promotion de la « grande muraille verte », ce projet qui s'étend sur près de 9 000 kilomètres de long et 15 kilomètres de large, reliant onze pays du Sénégal à Djibouti, et qui a pour objet de fournir des solutions politiques à des menaces environnementales et sociales multiples et complexes, telles que la dégradation des terres, la désertification, la sécheresse, le changement climatique, la perte de biodiversité, la pauvreté, ou l'insécurité alimentaire. Ce projet vise à assurer le développement socio-économique des communautés locales en créant des plateformes polyvalentes d'activités génératrices de richesses, à renforcer l'accès aux services sociaux de base, à gérer la transition vers l'économie verte et à éradiquer la pauvreté et l'insécurité alimentaire.
Le One Planet Summit, qui s'est tenu en janvier, en a fait l'objet de l'une de ses annonces phares, promettant des financements importants pour ce projet africain et pour les Africains de lutte contre l'avancée du désert.
L'aide publique au développement de la France au Sahel ne peut que s'inscrire dans ce dispositif intégré et concerté, dont l'objet est de redonner confiance et espoir à la population sahélienne, en particulier à sa jeunesse.
Deuxièmement, je suis heureux que nous ayons également pris en compte, du moins en partie, les travaux de ma collègue Laurence Dumont…
… sur les enfants sans état civil. Je pense à l'amendement adopté en commission tendant à dédier une partie de l'enveloppe annuelle du fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain et de celle de la coopération décentralisée à des actions de promotion de l'enregistrement des naissances et d'établissement d'états civils fiables. Je pense aussi à l'amendement visant à intégrer systématiquement un volet d'enregistrement des naissances et d'aide à la constitution d'états civils fiables aux projets humanitaires liés à la santé, à l'éducation, à l'accès au droit et à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je déplore cependant que nous ne soyons pas parvenus à nous entendre sur des amendements relatifs à notre audiovisuel extérieur. L'aide au développement française ne doit pas s'exonérer de jouer un rôle en matière culturelle et audiovisuelle.
Le cadre du partenariat global précise que, dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme et de la coopération internationale, de compétition accrue entre de grandes puissances qui mettent en avant des discours et des intérêts divergents, et alors que de nouveaux acteurs investissent le champ du développement, sans nécessairement partager les règles et les valeurs forgées par la communauté internationale au cours des dernières décennies, la politique de développement de la France nous permet de projeter nos valeurs à l'international, nos priorités et nos intérêts, ainsi que ceux de l'Europe, et de les faire valoir au sein des institutions multilatérales et auprès des principaux acteurs du développement.
Nous proposions d'ajouter que la politique de développement s'appuie également sur des actions de coopération culturelle et audiovisuelle, compte tenu des convergences exprimées chaque année par les membres de la commission lors de l'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur.
Nous sommes plus déçus encore de n'avoir pas trouvé de terrain d'entente sur la représentation de l'opposition au conseil d'administration de l'AFD. Je souhaite vivement que la discussion en séance nous permette d'aboutir sur ce sujet.
En tout état de cause, vous pouvez compter, chers collègues, sur la vigilance constructive des députés du groupe Socialistes et apparentés pour que ce texte soit à la hauteur des ambitions partagées de la commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
M. M'jid El Guerrab prononce une phrase en berbère.
Cette phrase en berbère parle de la fraternité et surtout de l'entraide dans un cheminement commun. Prix Nobel de littérature en 1988, l'égyptien Naguib Mahfouz écrivait dans son roman L'Impasse des deux palais que « la patience est la clé de la délivrance ». C'est un peu le sentiment que nous éprouvons aujourd'hui en abordant l'examen tant attendu du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il vient témoigner de l'attention portée à ce sujet par le Gouvernement, alors que la surcharge du calendrier parlementaire nous faisait craindre un nouveau report. On peut le dire, monsieur le ministre, nous l'avons mis au chausse-pied !
Oui !
Mais nous avons adopté le texte en commission et je remercie l'ensemble de mes collègues avec qui nous avons travaillé pendant deux jours. Méconnue de la majorité de nos compatriotes mais source de fantasmes chez certains de nos partenaires, notre politique d'aide publique au développement n'en constitue pas moins une dimension importante de notre diplomatie. Pour cela, il est urgent, monsieur le ministre, de muscler notre dispositif de communication, de promouvoir et d'expliquer l'action de la France, menée grâce à nos postes diplomatiques et consulaires comme à nos opérateurs. Ce ne doit plus être un tabou.
C'est tout le sens des amendements identiques que nous avons défendus, Frédéric Petit et moi-même, visant à intégrer pleinement les élus des Français établis hors de France au conseil local du développement, placé sous l'autorité de nos ambassadeurs. Les entrepreneurs locaux, à l'image de mon ami l'excellent Gérard Sénac, responsable d'Eiffage au Sénégal depuis plus de trente ans, que vous connaissez, monsieur le ministre, et tous les élus consulaires qui l'entourent sont légitimes pour intervenir sur ces questions.
Les avancées de ce texte constituent des progrès pour le Parlement, pour nos partenaires, ainsi que pour nos compatriotes résidant en France ou à l'étranger. L'article 2 renforce l'information du Parlement ; l'article 6 promeut les dispositifs de volontariat à l'international ; l'article 7 fait d'Expertise France une filiale de l'AFD.
Avec ce texte, la France ambitionne de se doter de moyens pour lutter plus efficacement contre les inégalités mondiales et pour protéger les biens publics mondiaux, alors que la pandémie que nous traversons rebat les cartes de l'ordre mondial.
La trajectoire à la hausse des crédits alloués à l'aide publique au développement, conformément à l'engagement du Président de la République de la porter de la France à 0,55 % du revenu national brut en 2022, est une excellente nouvelle. Je ne doute pas que pendant les débats nous pourrons aller au-delà, et pourront atteindre les 0,7 % en 2025, comme le demandent différents amendements.
Conformément à son ADN, le groupe Agir ensemble a souhaité amender de manière constructive ce projet de loi. Nous défendrons notamment le respect entier des objectifs du développement durable, avec un amendement de ma collègue Aina Kuric, la création des dispositifs innovants comme le 1 % logement solidarité internationale, avec un amendement de mon collègue Vincent Ledoux, le renforcement de l'alliance avec la Caisse des dépôts et consignations ou encore la construction de la Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables, que je défendrai en cohérence avec la résolution sur ce sujet adoptée ici même à la quasi-unanimité le 26 novembre dernier. Dans la continuité du discours du Président de la République prononcé à Ouagadougou, il s'agit, pour nous, de prolonger la séquence législative aux contenus internationaux entamée depuis l'automne avec le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin.
La fin du franc CFA ouvre un nouveau cycle dans les relations entre la France et le continent africain. Les questions mémorielles, les diasporas ou encore la francophonie ne peuvent plus être les grandes oubliées des politiques de développement ; elles doivent se situer en son centre : c'est bien d'un changement de paradigme qu'il s'agit ici, pour mettre fin aux discours fatalistes. La résilience dont ont su faire preuve un bon nombre d'États africains constitue l'un des principaux enseignements de la crise sanitaire que nous traversons. Il nous incombe de considérer cette nouvelle programmation dans un cadre partenarial gagnant-gagnant et de sortir du cliché misérabiliste de l'aide publique au développement. L'Afrique change, notre politique d'aide publique au développement doit s'adapter ; comme dirait feu le colonel Thomas Sankara, pour y parvenir, « osons inventer l'avenir ».
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Je savais bien qu'en intervenant le dernier, je ne serais pas le premier à commencer mon discours par un « Enfin ! » – mais je ne savais pas que ce serait le rapporteur lui-même qui serait le premier à le faire.
Sourires.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous-même, lorsque le projet de loi a été adopté il y a maintenant deux mois en conseil des ministres, vous avez aussi soufflé « enfin ! ».
Oui, absolument !
Je salue la ténacité dont vous avez fait preuve depuis maintenant trois ans, ainsi que celle de notre rapporteur Hervé Berville. Mais avouez qu'il est un peu cocasse – cela a été dit, cela sera redit – et peut-être même inédit, je n'ai pas assez de recul pour me prononcer, de voter une programmation qui porte sur une seule année, et donc sur un exercice budgétaire
Nous y reviendrons, mais je veux saluer l'importance que la France accorde aujourd'hui à son aide publique au développement, ce dont cette loi témoigne. La crise majeure que nous traversons la rend évidemment plus que jamais nécessaire. L'extrême pauvreté dont on annonce qu'elle augmentera fortement cette année du fait de la pandémie, les changements climatiques, l'effondrement de la biodiversité, les crises sanitaires : autant de défis que nous nous devons d'affronter par nos politiques de solidarité et de partenariat international.
La France, c'est sa singularité et depuis longtemps, est attachée à la solidarité entre les nations, entre les peuples : nous sommes tous ici convaincus que nous ne pouvons pas agir et penser comme si notre pays, ou même l'Europe, était isolés du reste du monde. Ce qui est vrai pour la pandémie que nous affrontons aujourd'hui est tout aussi vrai, bien sûr, pour ces grands défis que sont le développement inclusif et durable des pays du Sud, les migrations économiques et climatiques, le changement climatique – que les pays en développement subissent plus que nous encore, alors que c'est notre développement qui leur a infligé ce dérèglement.
Renforcer, concentrer sur les priorités, mieux évaluer l'aide est indispensable. Mais cela ne doit pas nous affranchir d'autres réformes aussi importantes, comme l'a souligné Dominique Potier. Il faut de l'entraide – c'est un terme que vous avez employé, monsieur le ministre – , mais que pèsera cette entraide si l'on continue à exploiter les ressources au-delà des limites planétaires ? Il faut de l'entraide, mais que pèsera-t-elle sans un profond renouvellement des échanges commerciaux entre pays, sans autre option que ces grands traités de libre-échange qui s'affranchissent de l'accord de Paris et qui, bien souvent, contribuent à l'appauvrissement des plus vulnérables ?
Nous avons débattu, en commission, de la trajectoire financière ; nous en débattrons à nouveau ce soir et vendredi. Mais au-delà, c'est vers les priorités géographiques, les priorités sectorielles, les priorités en matière d'instruments que nous devons orienter nos efforts. Ces priorités ont tant manqué à notre aide publique au développement, et depuis tant d'années : l'accès aux services de base pour tous, l'éducation, la santé, l'accès à l'eau, l'assainissement, le logement, l'égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre le changement climatique et, surtout, l'adaptation au dérèglement climatique, et la préservation des biens publics mondiaux.
Nous avons salué l'engagement du Président de la République de faire du vaccin un bien public mondial. Pour qu'il soit accessible à tous, il va falloir passer maintenant de la parole aux actes : ce sera évidemment moins facile.
Enfin, je salue bien sûr la concentration de notre aide en direction des pays pauvres prioritaires, en particulier en Afrique.
Revenons à cette trajectoire financière. C'est peut-être inédit, je le disais, de voter une programmation sur un exercice budgétaire. Ce texte se veut programmatique : que propose-t-il de plus que ce que pourrait faire un projet de loi de finances pour l'année prochaine ?
Nous entendrons donc beaucoup parler de 0,55 %, de 0,7 % ; certains diront que ce sont là des totems, qu'il ne faut pas être dogmatique en la matière, que l'important est de faire mieux et qu'on peut faire mieux avec autant ou même avec moins. Peut-on simplement s'accorder, chers collègues, sur le fait que respecter un engagement international qui date de cinquante ans n'interdit pas d'être intelligent ? On peut faire plus et mieux en même temps !
Avec ce projet de loi, il ne s'agit pas seulement de voter une loi de programmation mais bien d'affirmer une vision du monde qui a toujours fait la singularité de la place de la France dans le concert des nations. Ne l'oublions jamais : avec moins de 0,5 % de la richesse des pays développés mobilisée, l'aide publique au développement est l'unique dispositif de redistribution planétaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. le président de la commission et le rapporteur applaudissent également.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
On ne peut que se féliciter de l'introduction de cet article dans le texte par la commission des affaires étrangères : il vise à mettre en avant les objectifs majeurs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France.
Ainsi placés dès les premières lignes du projet de loi, ces objectifs seront davantage visibles que dans le cadre de partenariat global annexé. En peu de phrases, l'article dresse un tableau quasi exhaustif des intentions de la France : éradication de la pauvreté, protection des biens publics mondiaux, lutte contre les inégalités, lutte contre l'insécurité alimentaire et la malnutrition, protection de la planète, promotion des droits humains, renforcement de l'État de droit et de la démocratie et promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes – chacun sait que notre diplomatie féministe s'incarnera particulièrement dans la dimension de l'aide au développement.
L'article 1er A, c'est aussi une méthode, celle de la promotion d'un dialogue politique global avec les pays partenaires, en association avec les représentants de leur société civile. Cette politique repose sur une vision holistique incluant l'action humanitaire et vise à assurer la continuité entre les phases d'urgence, de reconstruction et de développement.
L'article, enfin, s'inscrit dans les grands textes internationaux, dans les normes internationales en matière de droits humains et de droit humanitaire et de réalisation des objectifs de développement durable. Ces grands objectifs s'inscrivent dans les cinq domaines clés définis en 2015 par les Nations unies : peuple, planète, prospérité, paix et partenariat.
Oui, l'introduction de cet article était nécessaire ; chaque mot y est pesé au trébuchet, chaque phrase y est ciselée, chaque alinéa pose un élément du décor et dessine le nouvel horizon du développement solidaire et de la lutte contre les inégalités mondiales.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cet article ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi : il est le fruit de nos travaux en commission. Je remercie d'ailleurs le rapporteur, Hervé Berville, de son ouverture d'esprit. Nous avons passé deux jours à travailler du matin au soir avec l'ensemble de nos collègues à enrichir le texte, et celui-ci, tout comme MM. Le Drian et Lemoyne, présents en commission tout au long de l'examen du texte, nous a entendus.
En tant que député de la circonscription des Français du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest, je sais combien la politique d'aide au développement est parfois invisible ou incomprise par nos partenaires qui en bénéficient.
Monsieur le ministre, je salue l'ajout de cet article, qui met en valeur notre travail en commission. Comme ma collègue l'a indiqué, celui-ci a enrichi, donné de la chair, à un texte qui était un peu austère, squelettique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je salue à mon tour l'ajout de cet article et les efforts du rapporteur et du président de la commission des affaires étrangères dont il résulte. Celui-ci permet de redéfinir complètement les objectifs de la politique d'aide au développement, dans toutes ses acceptions, en reprenant les 5 P des Nations unies : peuple, planète, prospérité, paix et partenariat – de grands principes sur lesquels nous pouvons tous, quels que soient les bancs où nous siégeons, nous retrouver.
Il est utile et précieux, en ouverture de ce projet de loi, de préciser les piliers sur lesquels notre politique d'aide au développement est assise. Il est de la responsabilité de la France et de toute la communauté internationale de participer à l'effort mondial de lutte contre la pauvreté, pour le développement, et à l'accompagnement des pays les plus vulnérables vers un modèle de croissance plus durable et plus inclusif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et des commissions. – M. M'jid El Guerrab applaudit également.
Montaigne disait : « C'est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble. » Le projet de loi devrait être une belle occasion de repenser nos rapports aux autres. Et pour cause, l'actuelle crise du covid-19 montre qu'en ce bas monde, nous dépendons tous les uns des autres et que les problèmes des autres sont aussi les nôtres. Si je loue les efforts annoncés dans ce projet de loi, il est plus que nécessaire d'observer la manière dont les choses se passent sur le terrain.
Monsieur le ministre, vous avez dressé une longue liste des pays prioritaires pour l'aide publique au développement, en commençant par Haïti, ce qui m'a vraiment fait plaisir, en tant que président du groupe d'amitié France-Haïti de l'Assemblée nationale, qui sollicite en permanence les membres du Gouvernement pour qu'ils portent une attention soutenue à ce territoire, dont on connaît les liens séculaires avec la France.
Je suggère que nous mesurions l'efficience de ces différents projets à l'aune de la réalité du terrain dans la république d'Haïti.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué plusieurs points, de l'engagement humanitaire au développement en passant par la stabilisation. Eh bien, actuellement, si nous sommes présents dans ce territoire en matière d'aide humanitaire, ses habitants nous attendent toujours pour le développement et, concernant la stabilisation, nous sommes dans une situation d'échec. De toute évidence, notre diplomatie et nos actions n'ont pas porté les fruits escomptés.
J'aurais pu faire ce constat au début de l'examen de l'article 2, mais puisque je serai dans l'avion vendredi matin, j'ai préféré le faire ce soir.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Cet article, ajouté en commission à l'initiative du rapporteur – dont je salue d'ailleurs le travail – est très important, car il permettra d'inscrire dans le marbre de la loi, plutôt que dans le seul cadre de partenariat global annexé au texte, les objectifs principaux de la politique de développement solidaire que nous souhaitons appliquer.
Cette transcription est une bonne chose, et était même essentielle selon nous. Au cours de ce débat, nous défendrons d'ailleurs des amendements pour continuer d'enrichir ce projet de loi – je pense notamment à l'enregistrement à l'état civil, et au rapport d'information de la commission des affaires étrangères sur les enfants sans identité, que j'ai présenté avec Mme Aina Kuric, et dont beaucoup ont déjà parlé.
En effet, selon la jurisprudence du Conseil d'État, les rapports annexés aux lois de programmation ou d'orientation se bornent à énoncer des objectifs et n'ont pas de valeur normative. Une partie du débat portera ainsi sur l'étendue de la transcription dans le dur de la loi des dispositions du contrat de partenariat global, qui sont dépourvues de valeur normative.
Si je remercie le rapporteur pour cet article, nous déposerons dès l'examen de celui-ci des amendements pour enrichir le texte lui-même.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 488 .
En commission, nous étions tous satisfaits, globalement, par la rédaction de cet article proposée par le rapporteur, et nous nous sommes efforcés de ne pas trop l'amender, par respect pour un texte qui est le fruit de l'écoute de l'ensemble des sensibilités.
Néanmoins, notre préoccupation centrale, à gauche de l'hémicycle – mais elle est partagée plus largement – , est celle de la cohérence. Or ce mot n'est pas présent dans le texte.
Il faudrait donc réaffirmer dès les premières lignes que la France entend mener son engagement dans l'aide publique au développement en cohérence avec les autres politiques publiques. En effet, si je ne reviens pas sur les arguments développés par Mme Dumont, l'obligation de cohérence n'a pas de caractère normatif actuellement : l'effort de sincérité serait mieux exprimé dans un texte de loi.
Monsieur Potier, si je comprends très bien votre propos, l'avis est défavorable, pour deux raisons.
Tout d'abord, si les politiques publiques doivent être cohérentes, c'est au sens où, à l'étranger, il ne faut pas reprendre d'une main ce que l'on a donné de l'autre, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé à la tribune. Or votre amendement vise à préciser que la politique de développement doit être cohérente, non pas avec les autres politiques publiques de la France à l'extérieur – la politique migratoire, ou commerciale, entre autres – , mais « avec les autres politiques publiques de la France ». La rédaction que vous proposez ne correspond donc pas à votre objectif.
Ensuite, cette exigence de cohérence avec les autres politiques de la France à l'extérieur est déjà inscrite à l'article 2, grâce à des amendements musclés de notre collègue Bérengère Poletti et de vous-même adoptés en commission, et dans le CPG.
Monsieur Potier, si je comprends moi aussi vos préoccupations, je partage l'avis du rapporteur. L'exigence de cohérence des politiques publiques a vocation à figurer non pas au premier alinéa de l'article 1er A, qui énumère les objectifs de la politique publique de développement, mais à l'article 2, qui précise l'objet du rapport annuel transmis au Parlement par le Gouvernement, puisque l'enjeu est là.
L'avis est donc défavorable pour des raisons de forme et non de fond.
L'amendement no 488 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l'amendement no 34 .
Il vise à remplacer les mots « objectifs principaux » par l'expression « seuls objectifs », au premier alinéa.
Nous avons bien débattu des objectifs de la politique de développement, si bien que ceux-ci sont tous présentés à cet alinéa et qu'il n'y a pas de raison d'en ajouter.
Et puis nous connaissons la tentation, qui risque encore de se manifester avec certains amendements, de faire de la politique de développement l'instrument d'autres politiques publiques. Il vaut donc mieux préciser que les objectifs énumérés à cet alinéa sont les seuls, d'autant qu'ils comprennent déjà, notamment, la lutte contre l'extrême pauvreté, la réduction des inégalités mondiales et la protection des biens publics mondiaux.
Il est défavorable, parce qu'il se peut que nous ayons oublié des objectifs, malgré notre intelligence collective, ou que d'autres objectifs fondamentaux d'aide au développement s'imposent dans trois ans. Ne limitons donc pas le texte.
Par exemple, la question des enfants sans identité n'était pas centrale il y a vingt ans, alors qu'elle existait déjà ; de la même manière, celle de la préservation de l'espace humanitaire n'avait pas la même acuité il y a trente ans.
L'amendement no 34 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 42 .
Vouloir éradiquer la pauvreté « dans toutes ses dimensions » est un noble objectif. Il est cependant utopique, vous l'admettrez. Or la loi n'a pas vocation à être utopique : elle s'inscrit dans le réel et n'a pas de valeur incantatoire.
Il est du reste utile d'en mesurer les effets réels. À ce titre, je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait de La Ruée vers l'Europe, de Stephen Smith, spécialiste de l'Afrique, journaliste à Libération puis au Monde : « Voici un deuxième paradoxe : les pays du Nord subventionnent les pays du Sud, moyennant l'aide au développement, afin que les démunis puissent mieux vivre et – ce n'est pas toujours dit aussi franchement – rester chez eux. Or, ce faisant, les pays riches se tirent une balle dans le pied. En effet, du moins dans un premier temps, ils versent une prime à la migration en aidant les pays pauvres à atteindre le seuil de prospérité à partir duquel leurs habitants disposent des moyens pour partir et s'installer ailleurs. C'est l'aporie du co-développement qui vise à retenir les pauvres chez eux alors qu'il finance leur déracinement. »
L'enfer est pavé de bonnes intentions, et malheureusement, la politique de développement solidaire mentionnée dans votre projet de loi pourrait bien en être une des illustrations.
L'avis est défavorable. Cet article définit les objectifs : or l'éradication de la pauvreté en est un. L'expression « lutte contre la pauvreté », en revanche, renvoie aux moyens.
Il faut encore ajouter aux propos du rapporteur que nous avons retenu cette expression parce qu'elle correspond exactement aux orientations générales décidées par les Nations unies, dans le cadre de l'Agenda 2030. Cette expression avait en outre été choisie à la suite des discussions du Gouvernement avec des acteurs du développement représentés au sein du CNDSI.
Si l'avis est défavorable, c'est donc vraiment sur le fond.
L'amendement no 42 n'est pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la première séance du vendredi 19 février.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Proposition de loi relative à la création d'une aide individuelle à l'émancipation solidaire ;
Proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles ;
Proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19 ;
Proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra