Je ne crois pas que ce soit cela, la langue de bois, cher collègue.
La mobilisation est là. L'innovation aussi : elle réside dans l'adaptation des enjeux, des acteurs et des modalités. Les enjeux d'abord : les priorités qui sont désormais celles de la France dans son action au service du développement sont réactualisées en profondeur. Au-delà de la lutte contre la pandémie, j'en mentionnerai trois. D'abord, l'action au service de l'enfance et la priorité donnée à la formation et à l'éducation des jeunes : la commission a tenu à faire une priorité de la lutte contre le scandale des enfants sans identité. Ensuite, la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, combat d'autant plus cardinal à nos yeux que la situation se détériore en profondeur chaque jour un peu plus. Enfin, l'aide à la transition écologique : le développement ne doit pas être cette « ordure lancée au visage de l'humanité » dont parlait Claude Levi-Strauss et qui signe nos responsabilités historiques à cet égard. La défense et la protection des biens communs de l'humanité sont au c? ur de nos préoccupations.
L'offre de développement doit être portée par la France entière, par ses collectivités, par ses ONG, par ses forces vives et non par ses seules administrations. Cet effort doit profiter aux peuples eux-mêmes et non à leurs dirigeants. De ce point de vue, le recyclage des biens mal acquis récupérés par la justice au bénéfice des peuples victimes par l'intermédiaire d'un programme dédié constitue une avancée significative sur la voie de la moralisation publique. Nous nous félicitons de voir le Gouvernement prendre une initiative forte à ce sujet.
Responsabilisation enfin : c'est tout le problème de la gouvernance de l'action, c'est-à-dire à la fois des modalités de l'intervention et de l'organisation de l'évaluation et du contrôle des opérateurs. Le texte consacre le rôle éminent de l'Agence française de développement comme bras séculier de l'État. Ce choix s'explique par la qualité de ses travaux et de ses équipes, par l'expérience qu'elle a acquise dans ce domaine et par la connaissance du terrain qui caractérise ses agents. Son directeur général est un homme de tout premier plan, disposant de bons contacts et d'habitudes de travail précieuses avec les responsables des États et des sociétés concernés.
Il reste que l'instauration d'une gouvernance efficace, disposant d'une forte autonomie de gestion mais inscrivant pleinement son action dans les priorités gouvernementales, ne va pas de soi. L'AFD, opérateur financier de caractère bancaire et répartiteur d'une aide publique régalienne qui prend la forme de dons, est une institution chauve-souris, dont on ne sait pas si elle vole ou si elle marche. L'opérateur financier doit être autonome et, même s'il ne recherche pas le profit pour le profit, il se doit d'équilibrer des comptes dont il est seul responsable. Par ailleurs, il doit strictement inscrire son action dans les orientations et priorités du Gouvernement de la République.
Afin de réussir cette quasi-quadrature du cercle – garantir la liberté de man? uvre tout en assurant le plein respect des priorités gouvernementales – la future loi de programmation prévoit toutefois des moyens nouveaux.
Le premier d'entre eux réside l'association de la Cour des comptes à la mission d'évaluation de l'AFD grâce à l'adossement de l'instance d'évaluation de celle-ci à la juridiction financière, instance d'évaluation qui serait prestigieusement présidée par le Premier président de la Cour des comptes. La juridiction financière, c'est un problème, devra toutefois rechercher un équilibre difficile à trouver entre une fonction d'évaluation qui sera confiée à un organisme associé à la Cour des comptes et une fonction de contrôle a posteriori qui demeurera de la compétence directe des chambres de celle-ci.