Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mercredi 17 février 2021 à 21h15
Lutte contre les inégalités mondiales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Ce projet de loi de programmation arrive bien tardivement. Il est important et, évidemment, très attendu. La crise liée au covid-19 affecte fortement les populations les plus vulnérables. Les pays les plus pauvres n'ont pas pu déployer des mesures d'aide massive comme l'ont fait les pays riches. Après avoir diminué pendant plusieurs années, le nombre de personnes mal nourries dans le monde augmente à nouveau : un demi-milliard de personnes sont plongées dans l'extrême pauvreté.

Dans ce contexte, l'élaboration d'une politique d'aide publique au développement ambitieuse est plus urgente que jamais. Je rappelle avec force qu'aucun pays, la France pas plus que les autres, ne pourra se développer s'il ne prend pas en considération le besoin de tous les peuples à s'épanouir dans le respect d'une seule planète – car nous n'en avons qu'une. Ne pas s'engager dans ce mouvement, c'est nous condamner tous et toutes à des affrontements fratricides et sans issue.

En 1970, les pays de l'ONU – Organisation des Nations unies – s'étaient engagés à consacrer 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement au cours de la décennie suivante. Aujourd'hui, le compte n'y est toujours pas, même si je reconnais que l'APD est redevenue une priorité de notre pays. Le président Macron s'était engagé à consacrer 0,55 % de notre RNB à cette aide, d'ici à la fin de son mandat, pour atteindre au plus vite cet objectif international.

On pourra objecter, comme vous le faites, qu'avec 0,72 % en 2021, le compte est plus que bon. Reste que cette progression est vraiment en trompe-l'oeil, d'abord parce que les 14 milliards de dépenses incluent la reprise d'une dette de 4,5 milliards au Soudan, qui date d'il y a trente ans et qui ne sera jamais payée, mais aussi parce que notre revenu national a fondu en 2020 à cause de la crise sanitaire. J'ajoute que cette augmentation est également due à la comptabilisation de la prise en charge des migrants dans notre pays. En toute objectivité, il manquera environ 900 millions d'euros pour concrétiser les promesses qui ont été faites. Cependant, vos efforts sont à souligner.

Des questions de fond se posent néanmoins, tout d'abord l'affichage de la trajectoire annuelle en montant des moyens alloués – car nous savons que les besoins vont sans cesse se développer – , ensuite l'utilisation de ces fonds et le choix des pays à cibler en priorité, mais aussi la part des dons par rapport aux prêts consentis, notre pays ne consacrant qu'insuffisamment de moyens aux aides directes.

Nous partageons les grands objectifs de ce projet de loi et saluons la qualité du travail effectué en commission grâce à un très bon président et à l'esprit d'écoute du Gouvernement et du rapporteur. Nous nous félicitons des avancées que nous y avons obtenues.

Si nous avons utilement complété l'article 1er en faisant réapparaître les normes internationales, notamment les références aux droits humains, dans nos politiques, nous espérons qu'en séance, les accords de fond observés en commission se traduiront cette fois par des avis favorables à nos propositions précises, qui sont aussi celles des ONG, dont je salue l'engagement.

Nous souhaitons qu'une trajectoire claire soit définie pour atteindre une hausse significative des moyens dans le temps, soit 0,7 % du RNB en montant d'ici à 2025. Dans ce contexte, notre groupe souhaite réaffirmer qu'il est important de respecter l'engagement du Président de la République et d'inscrire explicitement dans la loi l'objectif de 0,7 % du PIB en APD pour 2025.

Nous voulons que des objectifs globaux soient inscrits dans la loi, notamment la part d'aide destinée aux pays les moins avancés. Vos arguments ne nous ont pas convaincus. Or ce qui se conçoit bien s'expose clairement. La France a créé sa propre liste de pays prioritaires, l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – la sienne. Nous ne disposons toujours pas de moyens nous permettant de contrôler réellement les montants affectés à ces priorités.

Nous insistons enfin sur le fait que la part des dons par rapport aux prêts doit se rapprocher progressivement de 85 %, conformément à la pratique des pays donateurs de l'OCDE. Il faut donc donner davantage la priorité aux dons par rapport aux prêts. Il est nécessaire d'accéder à ces demandes pour que notre politique d'aide au développement soit plus ambitieuse, à la hauteur du moment que nous vivons.

Nous espérons que cet examen en séance se déroulera dans le même état d'esprit ouvert et constructif que nos travaux en commission, et qu'il aboutira à une version du projet plus ambitieuse, réellement à la hauteur des engagements qu'a pris notre pays.

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