La promesse est tenue. Et quand je dis cela, je pense bien évidemment avec beaucoup d'émotion et d'affection à Marielle de Sarnez, avec laquelle nous aurions tellement voulu vivre ce moment et partager ce texte auquel elle a fortement contribué.
Cet engagement tenu, nous pouvons aussi bien sûr en être fiers collectivement et solidairement car, il y a quelques mois dans cet hémicycle, nous votions les crédits de la mission « Aide publique au développement », en augmentation pour la quatrième année consécutive, preuve que cet engagement est pensé, construit et solide. Chaque année en effet, depuis 2017, nous faisons un pas supplémentaire vers l'aboutissement de la promesse présidentielle de porter notre aide publique au développement de 0,37 % du revenu national brut en 2015 à 0,55 % en 2022.
Mais notre ambition ne s'arrête pas là puisque nous sommes tous ici réunis dans l'intention d'élever notre effort à 0,7 % du RNB dans les années à venir. Il conviendra dans nos débats de trouver à cet égard la meilleure formulation, mais j'ai entendu à l'instant le rapporteur dire que l'objectif était de 0,7 % pour 2025. Par un tel effort budgétaire, nous redonnons à la France la chance de reprendre sa place de nation référente dans la lutte contre les inégalités mondiales, de redevenir la nation phare de la solidarité internationale et de rattraper le retard accumulé, notamment par rapport au Royaume-Uni, qui a déjà investi plus de 0,7 % de son RNB dans l'APD. Cet effort est bien loin d'être seulement un symbole, nous devons en mesurer la portée entière, alors même que le monde, particulièrement les pays les plus vulnérables, n'a jamais eu autant besoin de solidarité internationale. Il s'agit de lancer une dynamique forte de recomposition de l'orientation, de l'organisation et de l'efficacité de notre politique de développement.
Parmi les avancées du texte, je pense tout d'abord à la définition claire des zones géographiques et des secteurs prioritaires. Comme l'avait souhaité la présidente Marielle de Sarnez, il était nécessaire que notre politique de développement cible mieux les espaces où l'effort doit être porté. C'est pourquoi je suis heureux de voir, par exemple, que le Sahel, si important pour la France, figure désormais parmi les zones géographiques prioritaires. Étant donné les périls terroristes, sécuritaires mais aussi politiques, il est d'autant plus crucial d'apporter une aide ciblée et conséquente à cette région.
Recomposition des espaces prioritaires, ai-je dit, mais aussi recomposition des outils : l'AFD, par exemple, va pouvoir poursuivre sa mutation, grandir et intégrer de nouveaux opérateurs. Son travail est essentiel et doit se poursuivre toujours plus étroitement avec les différents acteurs, en particulier avec la société civile mais également avec les collectivités territoriales, dont le rôle est confirmé et qui seront amenées à s'investir toujours plus dans les années à venir. À ce propos, lors de nos travaux en commission, le Gouvernement a fixé comme ambition que l'action des collectivités en matière d'aide au développement soit multipliée par deux.
Très attaché à la décentralisation et à la confiance dans l'action des collectivités, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue cette ambition. Au même titre que les États, les collectivités ont un rôle important à jouer dans l'aide au développement : c'est ce que nous apprend l'essor de la coopération décentralisée et le multilatéralisme des grandes villes. Attention toutefois à ce que ce souhait puisse trouver toute sa traduction dans la réalité. L'extension du mécanisme du 1 % pour les mobilités va dans le bon sens, mais reste à notre sens un peu timide. Les moyens doivent être mieux proportionnés aux intentions.
Le troisième point qui était attendu concerne le contrôle et l'évaluation des nouvelles politiques de développement : il sera atteint avec la création d'une commission indépendante d'évaluation de l'impact de l'aide au développement. Ce contrôle sera aussi effectué par les parlementaires, qui seront désormais amenés à débattre de cette politique sur les bases d'un rapport détaillé fourni par le Gouvernement. Le Parlement effectuera un suivi régulier et précis des fonds alloués à l'aide au développement. Nous souhaitons également avoir plus de lisibilité et de transparence sur les indicateurs qui permettent de la mesurer. Le projet de loi tourne une page qui maintenait notre aide publique dans une suspicion quant à l'usage de certains fonds.
Sa force est aussi de réaffirmer les objectifs stratégiques de la France en inscrivant la diplomatie environnementale et climatique au coeur de sa politique de développement. Pour le groupe Dem, l'intégration des politiques éducatives et culturelles comme prioritaires constitue encore une avancée, de même que l'inscription des droits des enfants. Grâce à l'engagement de notre collègue Sylvain Waserman, nous ferons de nouvelles propositions, notamment sur les mutilations sexuelles et sur les enfants soldats.
Notre groupe a également été entendu sur la prise en considération des élus locaux des Français de l'étranger comme partenaires de la politique de développement. Il l'a également été sur la prise en compte de la mobilité internationale des jeunes comme priorité sectorielle. Au Mouvement démocrate, nous pensons que nous pouvons aller encore plus loin et refonder les politiques publiques relevant de la mobilité internationale.
Je voudrais aussi saluer l'action commune des parlementaires pour faire avancer le sujet ancien des biens mal acquis, sur lequel nous sommes mobilisés depuis de nombreuses années. Une première étape a été franchie en commission, mais nous proposons de préciser encore les modalités des restitutions. Nous formulerons des suggestions en ce sens, en phase avec la proposition de loi votée au Sénat, sous l'impulsion de Jean-Pierre Sueur, que je salue.
Je tiens également à souligner la proposition de faire d'un état civil fiable un axe fort de notre politique. La lutte contre ce qu'on appelle les enfants sans identité donné lieu à un rapport édifiant de la commission des affaires étrangères. Aux côtés de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et d'autres pays déjà engagés, la France a raison de s'attaquer à un sujet aussi douloureux et aussi scandaleux, comme vient de le dire Jean-Louis Bourlanges. Cet engagement pour une résolution multilatérale des grands problèmes de notre temps est d'ailleurs une vraie marque de fabrique de notre diplomatie, ce dont témoigne le projet de loi. D'une manière générale, parmi les avancées concrètes qui ont été effectuées, il faut également noter l'action déterminée en matière de santé, à l'heure où le monde entier fait face à une épidémie inédite.
Enfin, je salue la mise en cohérence de l'ambition du texte avec les moyens humains nécessaires pour sa mise en oeuvre. Il n'y aurait en effet rien de pire que de verser des fonds sans qu'ils puissent être investis rapidement et efficacement sur le terrain. Je sais M. le ministre très vigilant sur ce point, il l'a rappelé à cette tribune il y a quelques instants, et je salue les engagements financiers et budgétaires qu'il a permis de concrétiser.
À notre sens, cette cohérence ne doit pas s'arrêter là. Ce qui découle du projet de loi, c'est bien l'affirmation de la politique de développement commun, en tant que bras de la diplomatie de la France, ainsi que vient de le rappeler M. le ministre. Après la première lecture, nous pensons qu'il est encore nécessaire et tout à fait possible de concrétiser un certain nombre de points encore en suspens. Nous jugeons par exemple nécessaire que le Parlement puisse mener une réflexion sur la cohérence entre les aides au développement accordées à certains États et la prise de position de notre propre diplomatie s'agissant de ces mêmes États. Je pense notamment à la promotion de la démocratie et à l'État de droit.
Il est également nécessaire de renforcer l'outil que représentent les programmes de mobilité en créant une agence dédiée. Beaucoup de voix se sont exprimées en ce sens, nous aurions tout intérêt à investir totalement ce champ ; il s'agit non seulement de la mobilité des étudiants, mais aussi de celle des jeunes, des volontaires, des talents, des professionnels et donc des compétences. Favoriser et organiser les mobilités, c'est faire reculer les inégalités mondiales. C'est vrai quand un Français apporte des compétences particulières dans un pays qui n'en dispose pas, mais aussi quand un étranger peut se former en France en mettant ensuite à profit son expertise pour son propre pays.
Enfin, nous gagnerions à souligner cette ambition en inscrivant dans la loi l'objectif que nous partageons tous : consacrer, dans un avenir proche, 0,7 % du RNB brut à l'aide au développement. Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé : il s'agit bien d'un changement de braquet au service d'une nouvelle ambition. Vous-même, vous avez tenu bon. Je me souviens, comme l'ont rappelé Jean-Louis Bourlanges et d'autres, des doutes très largement exprimés lors de votre première intervention à la tribune de 2017. Nous avons tenu bon. L'engagement du Président de la République va être honoré, alors même que ses prédécesseurs avaient renoncé.
Nous nous réjouissons de voir réaffirmée la politique française de développement comme un marqueur fort de notre reconnaissance internationale. Soyons aussi fiers de revendiquer publiquement que, dans un monde de plus en plus injuste, la France ait compris et affirme publiquement que l'aide des plus faibles réclame les moyens des plus forts.