Vouloir éradiquer la pauvreté « dans toutes ses dimensions » est un noble objectif. Il est cependant utopique, vous l'admettrez. Or la loi n'a pas vocation à être utopique : elle s'inscrit dans le réel et n'a pas de valeur incantatoire.
Il est du reste utile d'en mesurer les effets réels. À ce titre, je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait de La Ruée vers l'Europe, de Stephen Smith, spécialiste de l'Afrique, journaliste à Libération puis au Monde : « Voici un deuxième paradoxe : les pays du Nord subventionnent les pays du Sud, moyennant l'aide au développement, afin que les démunis puissent mieux vivre et – ce n'est pas toujours dit aussi franchement – rester chez eux. Or, ce faisant, les pays riches se tirent une balle dans le pied. En effet, du moins dans un premier temps, ils versent une prime à la migration en aidant les pays pauvres à atteindre le seuil de prospérité à partir duquel leurs habitants disposent des moyens pour partir et s'installer ailleurs. C'est l'aporie du co-développement qui vise à retenir les pauvres chez eux alors qu'il finance leur déracinement. »
L'enfer est pavé de bonnes intentions, et malheureusement, la politique de développement solidaire mentionnée dans votre projet de loi pourrait bien en être une des illustrations.