Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur un projet de loi de programmation de l'aide française au développement des États les plus pauvres, je tenais à rappeler que la grandeur d'un pays, en particulier du nôtre, se mesure en premier lieu à sa générosité envers ceux qui n'ont pas eu la chance de suivre la même trajectoire. Comment être heureux, environné d'une telle misère ? Notre pays revendiquant un universalisme qui a tant apporté au monde entier se devrait de compter parmi les plus engagés dans ce domaine.
Or cela n'a jamais été le cas. À l'assemblée générale des Nations unies, en 1970, nous nous étions engagés à consacrer à cette aide 0,7 % de notre richesse nationale : nous sommes encore très loin de cet objectif. Si nous faisons les comptes, ce sont en tout 200 milliards supplémentaires qui auraient dû être ainsi versés ; je vous laisse imaginer ce qu'une telle somme aurait permis d'accomplir. La lutte contre les inégalités mondiales constitue avant tout un devoir pour tout État développé ; pour le nôtre plus encore, puisque nous entretenons des liens étroits, presque filiaux, avec beaucoup de pays très pauvres, en particulier au sud de la Méditerranée. Nous avons transmis notre langue, notre culture, souvent nos institutions, notre religion même, à des centaines de millions de personnes qui aujourd'hui pensent, parlent, souffrent en français. Lutter contre les inégalités mondiales n'est que justice à l'égard de pays que nous avons occupés et auxquels nous n'avons pas apporté que les vertus de la civilisation, sans compter la dette climatique due à nos émissions de gaz à effet de serre. Enfin, s'il ne devait rester que cet argument, sans espérer tarir le flux de l'immigration – pari aussi vain que sot de ceux qui croient pouvoir interdire aux hommes de se déplacer – , il est impératif, pour le stabiliser, de favoriser le développement des pays à la fois les plus pauvres et les plus proches de nous.
Ce projet de loi était très attendu. Le Gouvernement a fait des promesses ambitieuses ; la crise du covid-19, qui affecte fortement les populations les plus vulnérables, rend cette aide particulièrement cruciale. Notre groupe a donc tenté de rendre ce texte le plus ambitieux possible : à ce titre, je salue la qualité du travail collectif réalisé à l'occasion de son examen. Le Gouvernement et le rapporteur se sont montrés à l'écoute, permettant ainsi des avancées. Nous tenons également à remercier les ONG de leur aide précieuse et de leurs combats quotidiens. Parmi les aspects positifs de ce projet de loi, nous nous réjouissons de l'augmentation du montant global de l'aide au développement, le Gouvernement ayant fini par accepter d'inclure dans le texte notre engagement d'y consacrer 0,7 % du produit industriel brut – PIB – en 2025, même si la formule retenue n'est guère contraignante juridiquement. Nous saluons l'inscription dans le corps du texte, et non plus en annexe, des grands objectifs de l'aide publique au développement – APD – : c'était l'une de nos requêtes. Nous sommes satisfaits que le Gouvernement ait entendu les demandes visant à un contrôle plus démocratique de l'aide ; des parlementaires, mais aussi des représentants de la société civile et des ONG, apporteront désormais un autre regard au sein des conseils d'administration de l'Agence française de développement, l'AFD, et d'Expertise France. La création d'une commission indépendante d'évaluation permettra, elle aussi, une plus grande transparence.
Toutefois, malgré ces avancées, nous émettons toujours des réserves. Si le montant global alloué à l'APD augmente, cette augmentation résulte en majeure partie de dépenses qui ne correspondent pas au coeur de sa mission : prise en charge des réfugiés sur le territoire national, gratuité des études supérieures en France pour les ressortissants de certains pays lointains, ou encore remises de dettes dont nous désapprouvons non le principe, mais le fait qu'elles portent sur des dettes qui couraient depuis longtemps et n'auraient d'ailleurs jamais dû être comptabilisées en APD. Par ailleurs, le corps du texte manque toujours d'objectifs chiffrés et contraignants. Enfin, nous l'avons souvent dit : c'est une chose singulière qu'une future loi de programmation qui ne s'étend que sur une année, jusqu'en 2022.
Nous reconnaissons cependant que la trajectoire de l'APD est positive, et nous saluons les avancées obtenues lors de l'examen du texte, qui donneront des marges de manoeuvre aux acteurs de terrain. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires, dans sa grande majorité, soutiendra ce projet de loi.