La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, un ancien Président de la République n'est pas au-dessus des lois, mais il a droit, comme n'importe quel Français, à un procès équitable.
Hier, le tribunal correctionnel de Paris a innové en condamnant le président Sarkozy en première instance à une lourde peine, alors même que le parquet national financier – PNF – ne disposait d'aucune preuve – seulement d'une intuition – et qu'aucun délit n'a été commis, juste une hypothétique intention. Nos compatriotes doivent savoir que cette condamnation n'a été possible que parce que Nicolas Sarkozy a été placé sur écoute sept mois durant, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Au nom de mes collègues, je voudrais exprimer au président Sarkozy notre affection et notre conviction que son honneur sera lavé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce matin, le procureur national financier a une nouvelle fois innové, de manière assez stupéfiante en allant lui-même commenter à la radio cette décision de justice non définitive. Je profite de cette question pour lui répondre : non, monsieur Bonhert, la décision rendue ne prouve pas votre indépendance, parce que vous n'êtes pas indépendant, vous avez été choisi et nommé par l'actuel Président de la République.
Parmi les drôles de méthodes du PNF dans ce dossier, il y en a une sur laquelle nous attendons que la lumière soit faite : je veux parler de l'épluchage des relevés téléphoniques de nombreux avocats, « une dérive » selon le juge Van Ruymbeke, des méthodes « barbouzades », selon vos propres termes, monsieur le garde des sceaux.
Monsieur le Premier ministre, un rapport d'enquête de l'inspection générale des services judiciaires vous sera remis. Je ne vous demande donc qu'une chose : qu'il soit rendu public. Vous n'avez pas à couvrir ou à protéger d'éventuels dysfonctionnements du PNF, mais, au contraire, à prendre des décisions pour faire respecter l'État de droit. Le PNF s'est invité trop bruyamment dans le fonctionnement de notre démocratie – je pense évidemment à ses innovations procédurales douteuses, en 2017, contre le candidat de la droite – pour ne pas accepter lui-même de rendre compte de ses méthodes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits. – M. Florian Bachelier applaudit également.
Allez savoir pourquoi, j'attendais une question de cette nature…
… et souffrez que ce soit moi qui y réponde.
Vous le savez, en vertu de notre Constitution, il est interdit de commenter une décision de justice, d'autant qu'elle n'a pas encore connu son épilogue. Mais votre question témoigne à sa manière – et je l'entends – , de suspicions qui planent sur la justice. Ces suspicions ne pèsent pas d'ailleurs que sur les procédures qui concernent des politiques, des élus ou des gens célèbres ; elles sont éprouvées par nos concitoyens et a fortiori, monsieur Marleix, par ceux qui ont le moins de moyens pour se défendre.
Dans l'étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po – CEVIPOF – parue la semaine dernière, …
… on apprend que moins d'un Français sur deux a confiance en la justice. Les Français n'ont pas en tête l'affaire que vous avez évoquée, mais sans doute leur affaire de divorce, leur affaire commerciale, leurs problèmes d'infractions quand ils en sont victimes.
Il n'empêche – et je vais vous satisfaire, monsieur Marleix – que l'on ne peut pas rester inerte face à cette situation. Depuis plusieurs mois, le Premier ministre, la majorité et moi-même travaillons à des mesures rapides, comme celles relatives à la justice de proximité, et, très, très prochainement, je vous en présenterai d'autres qui viseront à reconstruire cette confiance en la justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. À Reims, dans la Marne, samedi après-midi, M. Christian Lantenois, photographe et journaliste au quotidien L'Union-L'Ardennais, a été sauvagement agressé par une bande bien déterminée à nuire à sa personne. J'ai la chance de connaître, depuis plus de vingt ans, ce grand professionnel de la photographie et passionné de sport ; nous nous sommes souvent croisés sur les parquets de rencontres sportives.
Ce samedi, Christian était présent dans l'exercice de son métier pour couvrir une rixe entre bandes rivales. Cet acte inqualifiable et d'une violence inouïe n'est que la triste illustration des virilités pauvres de ces personnes, dépouillées de tout sentiment, qui se meuvent en guérilla de rue, en plein jour, armées et animées de la volonté de détruire, casser par intimidation, jusqu'à attenter à la vie de nos concitoyens.
L'agression de Christian s'ajoute à la longue liste des faits d'actualité de cette nature qui touchent des jeunes, des citoyens, des forces de l'ordre, nous autres élus, au mépris des règles de droit et du respect des institutions de notre République. Nous devons impérativement défendre et soutenir tout ce qui participe à faire triompher la démocratie et anéantir tout ce qui l'en éloigne. La violence n'a pas sa place dans notre République.
Monsieur le ministre, dès l'annonce de cet acte odieux, vous avez eu le ton et les mots justes pour soutenir Christian Lantenois et, en même temps, fustiger les lâches qui ont commis l'inqualifiable. M. le Président de la République et M. le Premier ministre sont à la tâche aux côtés de la rédaction de L'Union-L'Ardennais et, en pensée, avec Christian Lantenois et ses proches.
Monsieur le ministre, alors que M. le procureur de la République a ouvert une enquête pour tentative de meurtre aggravé, comment, à partir de ce cas précis et, plus largement, face à ce déferlement de violence, pouvons-nous encore renforcer les dispositifs législatifs et les moyens d'action pour faire cesser l'envie de détruire et d'attenter à la vie, à toutes ces personnes qui ont décidé de fonctionner dans une société parallèle ?
Je tiens à rappeler avec force notre soutien à Christian en lui souhaitant de revenir au plus vite auprès des siens et, plus largement, aux journalistes, à la presse et à la profession tout entière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR et Agir ens.
Avant que le ministre de l'intérieur ne vous réponde, assurez, monsieur Girardin, le journaliste en question, l'ensemble de la rédaction, sa famille et tous ses proches, de la solidarité totale de l'Assemblée nationale, qui ne peut accepter que soit pris à partie un journaliste qui incarne la liberté de la presse.
Mesdames et messieurs les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Le 27 février à quinze heures trente, les pompiers intervenaient dans le secteur de la Croix-Rouge à Reims pour porter secours au photographe, journaliste à L'Union, professionnel reconnu, qui était intervenu avec sa collègue dans deux véhicules différents pour couvrir une information qu'ils avaient manifestement reçue.
La police nationale, qui est intervenue très rapidement sur les lieux parce qu'elle-même travaillait à la sécurisation du quartier, affrontant un amas d'une trentaine d'individus qui s'en prenaient aux biens publics et à ce journaliste de manière manifestement éhontée, a pu le secourir, même si – vous l'avez souligné – ce grand professionnel est aujourd'hui entre la vie et la mort.
Une enquête a été ouverte par M. le procureur de la République. Les images des caméras de vidéoprotection de la ville de Reims, qui ont pu rapidement nous aider à comprendre ce qui s'était passé dans le quartier de la Croix-Rouge, permettront à l'autorité judiciaire de faire son enquête et, bien sûr, de poursuivre les personnes incriminées.
La police, qui est arrivée rapidement sur les lieux, a pu interpeller, vous le savez, celui qui est manifestement considéré, comme l'auteur « présumé » de cet acte ignoble. Si, dans le quartier de la Croix-Rouge à Reims, comme dans d'autres quartiers, il y a ces phénomènes de bandes et d'agression inacceptables, c'est parce que tant la rénovation urbaine, soutenue en l'occurrence par l'État et par la mairie de Reims, que la lutte contre les stupéfiants, créent des guerres de territoires inacceptables. Je veux dire ici que les policiers, les pompiers et les ambulanciers, les journalistes sont partout, dans tous les territoires de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Ceux de nos compatriotes qui pensaient que la violence de la crise que nous traversons vous ferait renoncer à vos projets les plus rétrogrades en sont pour leur frais. Avec obstination, contre l'avis unanime des syndicats, contre celui du Conseil d'État qui a retoqué votre premier décret au nom de l'égalité, contre le bon sens même et sans réelle étude d'impact, vous soumettez de force le pays à votre réforme de l'assurance chômage, qui va réduire drastiquement et immédiatement les ressources de 850 000 chômeurs, à commencer par les plus précaires et les plus jeunes.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
Toujours prisonniers de vos croyances, vous faites comme si le chômage était un choix, comme s'il suffisait de traverser la rue pour trouver un travail. Toujours prisonniers de votre philosophie politique, vous recherchez les économies sur le dos des plus fragiles, quand vous pourriez, comme nous vous l'avons proposé, comme le souhaite une majorité de Français et comme le suggèrent des personnalités telles que Louis Gallois, faire porter l'effort sur les plus riches par un impôt de solidarité spécial covid-19.
Ne voyez-vous pas que si la France a pu compter sur ses services publics et son modèle social pour amortir la crise, il faut tout faire pour les préserver et pour les améliorer ?
L'ombre de la crise qui a profondément creusé les inégalités ne s'est pas éloignée. L'avenir reste une source d'incertitudes et d'angoisses pour beaucoup. Nous comptons déjà des centaines de milliers de chômeurs de plus et, vous le savez, ce mouvement s'amplifie. Ont-ils moins besoin d'attention, de solidarité et de perspectives ? Tout indique, au contraire, qu'il n'y a pas pire période pour cette réforme et que votre projet est un contresens historique.
Madame la ministre, nous ne sommes pas assez naïfs pour attendre de vous une réforme « de gauche ».
Mais, au moins, remisez votre projet et cessez de mettre à mal notre République sociale !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Disons-le clairement : hier, aujourd'hui ou demain, pour vous, cela n'est jamais le moment de réformer l'assurance chômage.
Vives protestations sur les bancs du groupe GDR.
Pourtant, le système actuel n'est pas satisfaisant : il a montré ses limites avec la covid-19, il n'a pas empêché la précarité de ceux qui enchaînent des contrats courts et des périodes de chômage.
Certains employeurs en abusent, au détriment des salariés et aux frais des autres cotisants et du contribuable. Nous devons donc réformer ce système pour repartir sur des bases plus justes lorsque la reprise sera là.
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
Je ne peux pas vous laisser dire que ce Gouvernement n'est pas attentif à la situation des plus fragiles : nous avons prolongé les droits des demandeurs d'emploi, arrivés en fin de droits en novembre, pour un coût de plus de 1,5 milliard d'euros ; nous avons créé une garantie de revenu de 900 euros
Mme Elsa Faucillon proteste
pour les travailleurs précaires – plus de 640 000 demandeurs d'emploi bénéficient de ce dispositif d'urgence pour lequel nous mobilisons plus de 1,2 milliard d'euros – que nous avons décidé de prolonger jusqu'à fin mai ; nous allons travailler sur les causes de la précarité
Protestations sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC
avec les partenaires sociaux et les branches professionnelles concernées et une mission parlementaire dédiée à ces questions rendra ses travaux d'ici à l'été – je salue votre collègue Jean-François Mbaye qui y participe.
Ma conviction est que le recours aux contrats courts n'est pas une fatalité si l'on sait s'attaquer concrètement aux causes de ce phénomène. Depuis plus d'un an, …
… le Gouvernement mobilise des moyens inédits pour lutter contre le chômage et la précarité ; il n'a de leçons à recevoir de personne sur la protection des plus fragiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. André Chassaigne proteste.
Réforme de l'assurance chômage
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Vos explications ne m'ont pas convaincu.
Malgré l'échec des négociations entre les partenaires sociaux, les multiples reports dus à la crise sanitaire et la remise en cause par le Conseil d'État, vous persistez donc à vouloir appliquer votre réforme de l'assurance chômage, un projet caduc et injuste.
Le seul point sur lequel les organisations syndicales et patronales sont d'accord, c'est qu'elles sont en désaccord avec la réforme tant dans sa version initiale qu'assouplie.
Depuis 2019, nous vous alertons sur les effets négatifs que certains dispositifs auront aussi bien sur le montant de l'allocation que sur la durée de l'indemnisation, ou tout simplement sur l'accès à l'assurance chômage.
Ces craintes, nous les avions alors que les chiffres du chômage étaient encourageants et elles n'ont fait que se renforcer avec la crise économique que nous traversons depuis un an.
Si certaines mesures pouvaient se justifier à l'époque, comme celle relative aux contrats courts sur laquelle vous venez d'insister, elles ne répondent plus du tout à l'urgence sociale du moment. Pire, cette réforme risque de s'appliquer avec retard, au moment où nous ne pourrons plus compter sur les dispositifs d'amortissement qui, jusqu'ici, freinent l'explosion du chômage.
À ceux qui souffrent déjà aujourd'hui et à ceux qui, demain, risquent de perdre leur emploi, vous annoncez une réduction de leurs indemnités. Alors que les indicateurs économiques nous confirment l'accroissement de la précarité dans notre pays, avec une augmentation de plus de 7 % en un an du nombre des allocataires du RSA, la situation risque fort de se détériorer encore davantage. L'UNEDIC anticipe 230 000 pertes d'emplois en 2021.
Madame la ministre, dans un contexte aussi incertain, pourquoi vouloir appliquer cette réforme de l'assurance chômage « quoi qu'il en coûte », quand on sait qu'elle coûtera en premier lieu aux futurs demandeurs d'emploi, premières victimes de la crise économique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Nous ne partageons pas la même vision de la réforme de l'assurance chômage.
Ce matin, j'ai réuni les partenaires sociaux, ce qui marque l'aboutissement de plusieurs mois d'échanges ininterrompus, dont je veux saluer la qualité malgré des divergences persistantes. Pendant ces six mois de concertation, nous avons maintenu le cap de la réforme, à savoir la lutte contre la précarité et la réduction des inégalités de traitement entre les demandeurs d'emploi.
Nous avons fait d'importantes ouvertures sur tous les éléments de la réforme. Son entrée en vigueur est décalée au 1er juillet 2021. Nous maintenons pour tous les travailleurs, comme c'est le cas actuellement, le seuil d'éligibilité à quatre mois de travail au cours des vingt-quatre derniers mois, et ce jusqu'à ce que le fonctionnement du marché du travail soit revenu à la normale. Nous ajoutons un plancher à la possible baisse des allocations induite par les nouvelles règles de calcul, tout en renforçant l'équité entre les demandeurs d'emploi. À cet égard, je précise que si la réforme peut conduire à une baisse de l'allocation mensuelle, elle ne réduira pas les droits. Les indemnités seront donc perçues pendant plus longtemps. Enfin, nous maintenons le bonus-malus, qui entrera également en vigueur au 1er juillet 2021, en même temps que les autres mesures.
Vous le voyez, le Gouvernement s'est pleinement mobilisé pour que cette réforme soit adaptée au contexte économique et social et pour assurer durablement la protection des demandeurs d'emploi.
Réforme de l'assurance chômage
Madame la ministre, vous vous obstinez donc à relancer cette réforme de l'assurance chômage, pourtant unanimement rejetée, et pour cause : en plus de considérer les chômeurs comme des profiteurs, elle porte en elle les éléments d'une précarisation renforcée de publics déjà fragilisés. C'est un projet indigne pour celles et ceux qui travaillent sur le terrain, avec les salariés de Pôle emploi, les associations caritatives et les élus.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Alors que la crise sanitaire détruit chaque jour des emplois, vous revenez à la charge, contre l'avis de l'ensemble des partenaires sociaux, pour imposer votre réforme coûte que coûte. Vous avez même réussi – fait rare – à tous les liguer contre vous et votre projet.
En dépit de cela, vous prévoyez l'entrée en vigueur du nouveau mode de calcul controversé des indemnités au 1er juillet et le durcissement de l'ouverture des droits au 1er octobre. En plein coeur de la crise, vous instaurez des mesures qui priveront près de 40 % des demandeurs d'emploi d'au moins 20 % de leur allocation, voire plus.
Alors que les entreprises du CAC40 ont distribué des dividendes indécents en 2020,
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR
tout en annonçant des suppressions d'emplois tout aussi inacceptables, il est inadmissible que ceux-là mêmes qui en sont les victimes en payent le prix. Madame la ministre, nous vous demandons donc de renoncer à cette funeste réforme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Je le répète, la réunion de ce jour est l'aboutissement de plusieurs mois de discussions avec les partenaires sociaux pour adapter la réforme au contexte économique et social que nous connaissons.
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
Je rappelle que le Premier ministre avait décidé de sa suspension pour qu'elle soit adaptée. En réponse aux caricatures, je puis vous assurer que je me suis personnellement attachée à ce qu'un bon équilibre soit trouvé dans la poursuite de plusieurs objectifs.
Le premier est de lutter contre le recours excessif aux contrats courts, dont le nombre a explosé dans notre pays depuis dix ans.
Mêmes mouvements.
Ces contrats maintiennent des centaines de milliers de demandeurs d'emploi dans la précarité, tout en faisant peser un coût important sur l'assurance chômage.
Le deuxième objectif est celui de l'égalité de traitement entre les demandeurs d'emploi, le système actuel pénalisant les demandeurs d'emploi à temps partiel.
Le troisième objectif, enfin, est d'adapter la réforme au contexte actuel, marqué par l'incertitude.
Les solutions que nous avons imaginées, dans un dialogue avec les partenaires sociaux, répondent à cette recherche d'équilibre. Ainsi avons-nous reporté l'entrée en vigueur de la réforme au 1er juillet. Nous avons assoupli certains paramètres, comme l'ouverture des droits ou la dégressivité des allocations, jusqu'à ce que le marché du travail retrouve une situation normale.
Nous avons établi un plancher dans le calcul des allocations. Je le répète, les droits des demandeurs d'emploi sont inchangés. Si leur allocation mensuelle devait baisser, ils bénéficieront d'aides pendant plus longtemps – dans le contexte actuel, je pense que cela mérite d'être souligné.
Enfin, nous avons introduit des clauses de retour à meilleure fortune, qui permettront de faire varier certains éléments en fonction de la situation du marché du travail.
Cette concertation montre que même si des désaccords de fond peuvent être forts, le dialogue avec les partenaires sociaux permet de trouver les équilibres pertinents, y compris sur les questions les plus difficiles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vos propos ne font que confirmer ce que tout le monde savait déjà : vous être une ministre zélée, appliquant la politique ultralibérale menée par Emmanuel Macron.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Si tel n'est pas le cas, renoncez à cette réforme, soyez la femme de gauche que vous prétendez être même si personne n'y croit,
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Au coeur de la nuit, je me suis rendu dans le commissariat de Fréjus, où l'officier de quart, le commandant Jean-Paul Darre, et quelques hommes, continuaient leur travail après avoir essuyé une autre nuit mouvementée, la quatrième en une semaine après celles de mercredi, vendredi et dimanche. Ils m'ont rendu compte de la situation avec le calme et le professionnalisme que vous avez pu vous-même constater il y a quelques jours à Marseille chez la commissaire divisionnaire Béatrice Fontaine, qui a longtemps été leur patronne.
J'ai constaté pareils professionnalisme et expertise de la part de la police municipale de Fréjus, en première ligne lors de ces quatre nuits, certainement parce que son chef, le capitaine Eygazier, est un officier de réserve du vingt-et-unième régiment d'infanterie de marine – dont le chef des unités opérationnelles peut se prévaloir d'états de service impeccables. J'ai la fierté de l'avoir fait recruter à Fréjus il y a treize ou quatorze ans.
Les événements de ces quatre nuits sont une réaction à votre politique de lutte contre le trafic de stupéfiants. Ainsi, après des saisies records et des arrestations d'importance, des hommes se sont attaqués à des caméras de vidéosurveillance, ce qui a amené notre police municipale à monter à l'assaut et à passer des nuits à répondre aux tirs de mortier par des tirs de flash-ball.
Aussi, monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaiterais que vous apportiez tout votre soutien à la police nationale et à la police municipale, qui le méritent, et que vous fassiez grâce à la demande du commissaire Faivre de bénéficier d'unités mobiles supplémentaires pour tenir la place les nuits qui viennent et de mener cette mission à son terme, car nous sommes en mesure de venir à bout de cette délinquance.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Bien évidemment, les effectifs de la police nationale et de la police municipale, qui établissent l'ordre républicain, ont tout mon soutien, à Fréjus comme ailleurs. Vous avez raison de le souligner, si, dans certains quartiers de la République, on s'en prend à des mâts de vidéosurveillance, comme à Montbéliard, …
On dirait que vous venez d'arriver ! Ça fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !
… ou à des policiers, gendarmes et policiers municipaux, comme ce fut le cas dans de nombreuses villes de France ces derniers temps et singulièrement à Fréjus, c'est parce que nous avons continué notre travail, une lutte implacable, contre les consommateurs – avec l'AFD, l'amende forfaitaire délictuelle – …
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
… et ceux qui organisent le trafic de drogues, et donc d'armes. C'est parce que ces actions de police, de gendarmerie et aussi des municipalités sont menées que nous assistons à ces réactions tout à fait condamnables et qu'il faut absolument défendre l'ordre républicain.
Cela fait trois nuits de suite que des policiers nationaux et municipaux sont présents à Fréjus. Vous le savez, quinze policiers ont été envoyés depuis deux jours pour maintenir l'ordre républicain. J'ai décidé de l'envoi de quarante policiers supplémentaires, appartenant aux CRS, qui aideront la police municipale et la police nationale à intervenir.
Comme vous l'avez souligné, les hommes et les femmes de la police et de la gendarmerie, avec le concours de la police municipale, en luttant contre le trafic de stupéfiants, qu'il s'agisse de cannabis, …
… de cocaïne, ou d'héroïne – ce que nous ne devons en aucun cas relativiser dans les discours – , il est évident que nous luttons aussi contre les cambriolages, les atteintes aux biens, le trafic d'armes, et, vous l'avez dit, les atteintes aux personnes. Nous allons gagner la guerre contre la drogue, certes en consacrant beaucoup de moyens, mais en déployant une grande volonté et de nombreuses actions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, une fois encore je vous pose une question relative à la politique vaccinale et aux restrictions des libertés liées à la pandémie de coronavirus car, malheureusement, les mots ne vous viennent pas spontanément pour rassurer les Français.
Vous vous étiez engagé à ce que 4 millions de Français soient vaccinés au 28 février 2021. Or force est de constater qu'à peine plus de 2,7 millions de nos compatriotes le sont. Vous avez manifestement confondu nombre d'injections et nombre de vaccinés, comme certains confondent chiffre d'affaires et bénéfices.
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Comme toujours, les Français sont laissés dans le flou. Les vaccins continuent d'arriver au compte-gouttes, tout comme les rendez-vous accordés à nos aînés pour une première injection. Deux dames âgées de 85 ans de ma circonscription m'ont appelé ce matin, désespérées. Combien y en a-t-il d'autres à Compiègne, à Crépy-en-Valois et ailleurs en France ?
Par ailleurs, vous vous êtes enfin rendu compte que les Français âgés de 65 à 75 ans et souffrant de pathologies à risque devaient aussi être vaccinés. À la bonne heure ! Mais combien de temps auront-ils à attendre pour obtenir un rendez-vous ? Les 500 créneaux ouverts à Compiègne cette semaine pourront-ils les satisfaire ? Malgré leurs angoisses bien compréhensibles, évidemment non.
Et puis voilà que la stupeur nous saisit : quatre à six semaines, nous annonce-t-on ! Mais de quoi ? De couvre-feu ? De confinement plus sévère ? Quatre à six semaines avant davantage de liberté…
… ou de stress supplémentaire pour les Français ? Cette nouvelle échéance annoncée sur une base inconnue, comme beaucoup d'autres avant, n'est que source d'angoisse supplémentaire, de lassitude et de découragement pour les Français, de ras-le-bol pour les entreprises en difficulté, d'espoirs déçus vis-à-vis de vaccins qui n'arrivent pas, de divergences majeures entre le Président de la République et votre ministère, de communication hasardeuse et contradictoire au plus haut sommet de l'État.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis gêné, car je n'ai entendu que des jugements et non la question qui devait les conclure.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous répondrai donc sur les jugements que vous avez formulés.
Vous le savez, les personnes âgées de 75 ans et plus peuvent se rendre dans un centre de vaccination pour recevoir une injection d'un vaccin à ARN messager. Deux ont été validés en France : celui de Pfizer et celui de Moderna. À ce jour, environ 3,3 millions de Français âgés de 75 ans et plus n'ont pas encore reçu de première injection.
Je vous réponds avec précision, monsieur le député. Si vous ne m'entendez pas, c'est dommage, mais les Français, eux, écoutent.
Sur ces 3,3 millions de Français âgés de 75 ans et plus, il sera proposé un rendez-vous à 2 millions d'entre eux au cours du mois de mars – pour la plupart, c'est déjà fait.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non-inscrits.
S'agissant des 1,3 million de personnes restantes, le rendez-vous aura lieu pendant la première semaine du mois d'avril.
À cela s'ajoute une bonne nouvelle, annoncée hier par la Haute Autorité de santé. Nous pourrons désormais faire bénéficier tous les patients âgés de 50 ans et plus, sans limite d'âge, du vaccin AstraZeneca, …
… dont la Haute Autorité de santé considère qu'il est aussi efficace que les deux à ARN messager.
Ces vaccins sont disponibles dans nos hôpitaux et chez les médecins généralistes – qui se sont inscrits en nombre pour pouvoir vacciner leurs patients ; ils le seront bientôt dans les pharmacies, grâce au feu vert de la Haute Autorité de santé.
Au fur et à mesure de l'arrivée des vaccins, les Français seront donc vaccinés.
J'ai annoncé hier qu'au mois de mars…
… nous devrions être en mesure de proposer 6 millions de primo-injections supplémentaires, ce qui portera à 9 millions le nombre de Français qui auront reçu au moins une injection à la fin du mois de mars. Ce chiffre sera supérieur, évidemment, au mois d'avril.
Vous le voyez, tout le monde est mobilisé : élus, soignants, administrations, préfets. Nous avons tous envie d'y arriver, et je suis sûr qu'au fond, vous aussi !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des outre-mer, je vous ai transmis un courrier auquel vous n'avez pas jugé utile de répondre ; c'est pourquoi je vous interpelle ici.
La crise sanitaire est un drame sans précédent, qui bouleverse nos vies et nos habitudes. Mais votre politique et vos façons de faire les bouleversent davantage encore.
Je veux ici aborder la question des « motifs impérieux » demandés pour voyager des outre-mer vers l'hexagone, et vice versa. Permettez-moi de vous dire que c'est le grand foutoir ! Cette anarchie engendre atteintes aux libertés et souffrances humaines. Et les gens n'ont plus le temps de se préoccuper des vrais problèmes : le chômage, la cherté de la vie, le sous-développement et votre politique de casse sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Monsieur le ministre, si un Réunionnais, un Guadeloupéen, un Martiniquais, un Mahorais, ou n'importe quel ultramarin vient dans l'hexagone, c'est dans la majorité des cas pour trouver du travail, et non par choix. Ils ont donc besoin de revenir sur leur terre natale pour se ressourcer.
Mais vous avez créé une barrière, avec les refus opposés pour absence de motif impérieux. Non seulement ces refus ne répondent pas aux principes élémentaires d'humanité, mais, plus grave, nous devons demander une permission pour nous déplacer et pour organiser nos vies privées.
Un seul exemple : un Réunionnais qui voulait rentrer pour l'enterrement de sa grand-mère a été refusé à l'embarquement, car pour l'administration, cela n'était pas un motif impérieux, et la grand-mère n'était pas une proche ! C'est là une atteinte grave aux droits humains.
Où est la liberté ? Où est l'égalité ? Où est la fraternité ?
Allez-vous supprimer ou réviser les règles régissant les « motifs impérieux » pour les ultramarins qui souhaitent rendre visite à leurs proches ? Rappelons-le : ces règles n'existent pas dans l'hexagone.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Guillaume Chiche applaudit également.
La plus belle des fraternités, c'est la protection de nos concitoyens, et singulièrement de nos concitoyens des outre-mer. Il y a un an, vous posiez des questions au Gouvernement parce que vous estimiez que nous ne protégions pas assez, notamment à La Réunion ; aujourd'hui, vous nous reprochez de les protéger trop peut-être. Ces motifs impérieux n'ont qu'un seul but, protéger des variants : le sud-africain, qui circule déjà beaucoup, malheureusement, à La Réunion, le brésilien, le britannique. Le taux d'incidence continue de monter à La Réunion ; le préfet a d'ailleurs reçu mandat d'étudier des mesures de renforcement du couvre-feu, notamment dans certaines communes, mais de façon peut-être plus générale.
Mais il y a le principe, et il y a la mise en application. Le ministre de l'intérieur et moi-même avons donné des instructions à la préfecture comme à la police de l'air et des frontières pour qu'elles fassent preuve de discernement. Je vous le dis sans aucun esprit polémique : si certains cas n'ont pas été correctement traités, je présente tout simplement mes excuses à nos concitoyens qui se sont vus refusés à l'embarquement.
Les motifs impérieux, ce sont des motifs professionnels qui ne peuvent pas être repoussés, mais aussi des motifs personnels, familiaux, dont l'exemple que vous avez cité – et s'il y a eu une erreur, je le redis, il faut la reconnaître très tranquillement – et enfin les motifs de santé. Vous le savez, puisque vous êtes mobilisés sur la question du retour des étudiants au pays ou dans l'hexagone.
Je suis, avec mon cabinet, à votre disposition, comme à celle de l'ensemble des parlementaires ultramarins et de tous ceux qui sont intéressés par ces questions, pour continuer de protéger au mieux nos concitoyens. Au fond, c'est la seule chose qu'ils nous demandent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je réponds favorablement à votre proposition de me recevoir à votre cabinet. Ce n'est pas dans un, deux, trois cas que l'humain a été oublié, mais dans des centaines.
Vous dites qu'il faut protéger des variants. Mais ce sont les humains qu'il faut protéger !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, l'épidémie de covid-19 a plus que jamais mis en évidence la nécessité d'une gestion territorialisée de la crise, tant par les élus locaux que par le Gouvernement. La méthode choisie pour déterminer et conduire l'action publique, en particulier lors de cette crise sanitaire, c'est celle d'une action menée avec, par et dans les territoires. Depuis le déconfinement, en matière de gestion de la crise sanitaire mais aussi d'application du plan de relance, les territoires sont effectivement consultés par les autorités de l'État et, de ce fait, prennent part aux décisions, qui sont adaptées à leurs spécificités. Les élus locaux et les collectivités territoriales sont donc des partenaires privilégiés de l'État, par l'intermédiaire des préfets.
À titre d'exemple, la France a fait le choix d'un service de proximité qui se traduit par l'implantation de près de 900 centres de vaccination dans l'ensemble du territoire. Force est de constater que la réussite de ce modèle est le fruit d'une mobilisation et d'une coordination efficaces entre l'État et les collectivités locales, sous l'impulsion des préfets et des agences régionales de santé. Un autre exemple plus récent : votre décision, monsieur le ministre, de décider d'un confinement partiel dans le département des Alpes-Maritimes, pour les villes où la recrudescence des cas de covid-19 était la plus forte. Appliquée par la préfecture, cette décision du Gouvernement répond aux demandes des élus locaux réclamant des mesures localisées pour gérer au mieux la crise sanitaire. Indéniablement, la méthode est de prendre en considération les spécificités des territoires, en associant les élus locaux. C'est d'ailleurs une nouvelle fois l'occasion de mesurer le fort degré de mobilisation de ces derniers.
Monsieur le ministre, comment poursuivre et mesurer le partenariat et la complémentarité entre l'État et les territoires, au-delà de la crise sanitaire ? Comment répondre aux besoins divergents exprimés par les Français dans l'ensemble du territoire ? Quelles garanties et perspectives peut-on leur apporter ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Dès lors qu'il y a une hétérogénéité de la crise sanitaire, il doit y avoir, vous avez raison, une hétérogénéité, ou plutôt une proportionnalité et une adaptation des mesures à chaque territoire, afin de prendre les bonnes décisions au bon endroit au bon moment. Nous l'avons fait depuis un an, souvenez-vous. La Mayenne au mois de juin, la Guyane cet été, les Bouches-du-Rhône en septembre : chaque fois qu'un territoire était particulièrement en danger par le virus, nous avons agi là où il le fallait.
Cette méthode du couple maire-préfet et de concertation dans les territoires, voulue par le Premier ministre, est gagnante.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sans faire de politique aucune, je rappellerai que j'ai effectué ces derniers jours deux déplacements, l'un à Nice, dans une commune menée par un élu plutôt de droite, l'autre à Dunkerque, où le maire et le président d'exécutif sont de gauche. Chacun, en responsabilité, a fait le choix d'accepter des mesures de nature à protéger la population. C'est un bel enseignement.
Nous continuerons dans cette voie, celle de l'adaptation des mesures, tant que la situation le nécessitera.
Nous n'avons pris de mesures nationales de confinement qu'à deux occasions : lorsque nous faisions face à une montée exponentielle du virus, avec une marée montante qui emportait tout ; lorsque la situation dans nos hôpitaux n'était plus tenable.
Nous continuons à adapter, à organiser la concertation dans les territoires, en espérant – mais j'en suis sûr – que dans les vingt départements placés en vigilance active des propositions adaptées émergeront. Nous les regarderons évidemment avec intérêt, et avec l'envie d'avancer ensemble.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les lits de réanimation sont en nombre très insuffisant dans beaucoup de régions françaises ; mais ils manquent cruellement dans deux départements français de l'océan Indien : Mayotte et La Réunion. Dans la première de ces îles, l'épidémie a flambé, en raison de la proximité des Comores et de la présence du variant sud-africain. Les taux d'incidence vont de 500 à 800 pour 100 000 habitants. Malgré l'implantation d'hôpitaux de campagne, avec des lits de réanimation, Mayotte a été obligée d'évacuer une grande partie de ses malades du covid-19 vers l'île de La Réunion. Quant à celle-ci, ses lits de réanimation sont maintenant saturés, eux aussi, et cela malgré la transformation d'autres lits et la fermeture des blocs opératoires. Cinquante patients aujourd'hui en lit de médecine doivent encore être transférés vers des lits de réanimation ; 96 des 122 lits de réanimations sont déjà occupés, et une partie des lits de médecine doivent être transformés en lits de réanimation.
Nos îles sont fragiles sur le plan sanitaire. L'agence régionale de santé vient de prendre la décision de transférer des patients vers la métropole : c'est la première fois dans le monde que des patients atteints du covid-19 sont transportés sur des distances et des temps aussi longs. Accueillant l'hôpital français de référence dans l'océan Indien, La Réunion reçoit les Français de Mayotte et de Madagascar. Mais le taux de couverture est deux fois moindre que celui de n'importe quelle région métropolitaine.
Les élus se sont mobilisés pour vous demander comment vous entendez agir. Je vous pose la question sereinement : quels moyens pensez-vous consacrer au renforcement des capacités des hôpitaux réunionnais ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous ne laisserons tomber personne, ni en métropole, ni outre-mer ; nous agissons avec la même vigilance, avec la même volonté de sauver toutes les vies que nous pouvons sauver, partout sur le territoire national – y compris lorsqu'il faut pour cela traverser des océans, vous l'avez rappelé.
Dans ces îles, la situation est préoccupante ; à Mayotte, un confinement généralisé a même dû être ordonné, il y a plusieurs semaines, puisque nous y frôlions la crise non pas seulement sanitaire, mais humanitaire. Le variant sud-africain, très contagieux, et qui pose de grandes difficultés partout où il est présent, s'y est diffusé, et par contiguïté il s'est répandu à La Réunion, où le taux d'incidence augmente.
Nous travaillons d'arrache-pied, Sébastien Lecornu, le ministre des outre-mer, Florence Parly, la ministre des armées, puisque le service de santé des armées a été tôt mobilisé à Mayotte pour renforcer les capacités sanitaires, et moi-même. À La Réunion, nous avons porté le nombre de lits de réanimation de 71 à 122 ; nous continuerons de déployer des lits de réanimation à mesure que ce sera nécessaire. Des renforts ont été envoyés depuis la métropole : 70 professionnels de santé – médecins urgentistes, infirmiers spécialisés, anesthésistes-réanimateurs, aides-soignants… – ont été mobilisés pour venir en aide aux établissements.
Certains soins ont hélas dû être déprogrammés.
Vous avez raison, nous en sommes au stade où nous devons envisager des évacuations sanitaires ; il y en a tout au long de l'année pour des pathologies spécifiques, que l'on ne peut pas forcément traiter à La Réunion, mais il y en aura davantage pour des malades du covid-19, notamment vers la région Nouvelle-Aquitaine. Nous libérerons ainsi de nouveaux lits de réanimation et pourrons sauver toutes les vies que nous voulons sauver.
Nous sommes ensemble dans ce combat, croyez-le.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le garde des sceaux, je me fais la porte-voix des familles et des élus de Dourdan, Saint-Chéron, Draveil, Boussy-Saint-Antoine, Quincy-sous-Sénart ou Épinay-sous-Sénart. La semaine dernière, à quarante-huit heures d'intervalle, en Essonne, deux enfants de 14 ans ont trouvé la mort lors d'affrontements entre bandes. Comment l'admettre ? Comment ne pas ressentir un terrible sentiment d'échec, celui de notre société tout entière ?
Ces affrontements ne datent pas d'hier ; bien connus, ils se répètent depuis vingt ans. Mais malgré les politiques de prévention comme de répression, force est de constater que nous n'avons pas réussi, collectivement, à les éteindre.
La tâche est éminemment difficile. Les rixes entre quartiers sont parfois liées à des trafics, mais parfois, on n'en connaît même pas la cause ; elles se propagent sans retenue sur les réseaux sociaux ou les messageries cryptées. Souvent, elles se déroulent dans l'ignorance des parents qui travaillent et pensent leur enfant en sécurité. Les mineurs y sont de plus en plus jeunes, et – ce qui est sans doute lié – n'ont pas de limites. Très peu portent plainte, et c'est la loi du silence qui l'emporte. Des quartiers, parfois des villes entières, se trouvent ainsi plongés dans la peur.
Hier, les maires, le président de mon département et mes collègues, dont Laëtitia Romeiro Dias et Francis Chouat, nous sommes réunis avec la volonté d'unir nos forces pour participer à une approche globale qui mobilise la police, la justice, mais aussi l'éducation nationale, la politique de la ville et le logement, ainsi que la jeunesse et les sports. C'est ce message d'unité et de détermination que je viens porter aujourd'hui. Nous avons besoin, nous, élus de l'Essonne et de l'Île-de-France, de vous entendre sur les moyens – et je ne parle pas seulement d'effectifs ou de financements – que va mobiliser le Gouvernement pour faire en sorte que cette tragédie cesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous avez raison, il est impossible d'imaginer que la vie d'un enfant de quatorze ans s'arrête, qu'il soit frappé mortellement pour un quartier, pour un regard, pour rien du tout. Je pense d'abord, évidemment, aux familles. Elle est impossible à imaginer, mais c'est une triste réalité qui a endeuillé tous nos quartiers et votre département de l'Essonne.
Nous avons le devoir de réagir. Hier, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'éducation nationale et moi-même avons réuni les forces de l'ordre, les magistrats, les recteurs d'académie, les préfets et le monde de la protection judiciaire de la jeunesse. Les chiffres au niveau national augmentent, et c'est infiniment inquiétant, mais les chiffres à Paris sont en baisse constante : depuis 2016, nous sommes passés du double au simple, notamment grâce au groupe local de traitement de la délinquance, qui a fait ses preuves. Mais, vous le savez, les bandes ne s'arrêtent pas aux limites du périphérique. C'est la raison pour laquelle, dès hier, j'ai pris une dépêche pour créer un conseil général de la politique pénale qui aura vocation à coordonner à l'échelle de la région, et je dirai même des régions, une action concertée et résolue. Je souhaite également développer les interdictions de paraître dont l'efficacité est aujourd'hui reconnue.
Mais, avant de passer à ces actes graves, ces jeunes hommes, ces mineurs parfois, ont souvent commis des infractions sans recevoir aucun avertissement judiciaire. Pour les infractions les moins graves, nous avons mis en place, avec le Premier ministre, le doublement du nombre de délégués du procureur pour permettre une réponse pénale ultra-rapide. Pour les actes les plus graves, nous attendons avec impatience l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs qui permettra lui aussi une réponse pénale plus rapide, puisqu'elle passera de dix-huit mois en moyenne à trois mois.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, vous semblez vouloir prendre de plus en plus de mesures territorialisées de lutte contre le virus. Cela fait longtemps que nous vous alertons sur la nécessité d'une réponse sanitaire différenciée en fonction des réalités territoriales ; ce n'est pourtant que ce week-end que vous avez décidé des restrictions ciblées contre des foyers épidémiques locaux dans des zones infra-départementales des Alpes-Maritimes et du Nord. Le travail de concertation avec les élus locaux est, pour une fois, à saluer, puisqu'il évite la généralisation de mesures de restriction qui ne s'imposent pas dans d'autres territoires moins touchés. C'est une méthode que nous avons toujours défendue mais qui, hélas, ne s'applique, selon votre logique, que dans le sens d'un renforcement des restrictions.
Au contraire de ces territoires très touchés, il en existe d'autres dont l'indice de circulation du virus est resté faible tout au long de la crise. Je pense ici au Sud-Ouest, mais aussi à la Bretagne, dont les services hospitaliers n'ont jamais été débordés. La territorialisation des réponses doit aller dans les deux sens : là où ça va mal, on serre la bride ; là où ça va bien, on la desserre. Je vous avoue que c'est l'incompréhension en Bretagne, où la circulation du virus est cinq à six fois moins importante que dans d'autres endroits. Cette situation est considérée comme une injustice, car il n'est pas possible d'aller se promener seul dans le bois ou en bord de mer après le travail, et l'on doit faire ses courses à dix-huit heures dans un supermarché bondé ou dans un petit commerce qui l'est de même.
Il ne s'agit évidemment pas de tout lâcher, mais de redonner, de manière graduée, un peu de marge de manoeuvre à nos commerçants, à nos étudiants, à nos travailleurs. Nous pourrions, en premier lieu, envisager une expérimentation encadrée du report du couvre-feu à vingt heures, alors que la forte contrainte imposée par le couvre-feu à dix-huit heures n'a pas prouvé son efficacité. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à différencier, avec les élus locaux, les mesures sanitaires dans le sens d'un encadrement allégé là où cela va bien ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
Je peux comprendre le sens de votre question ; la différenciation territoriale va dans un sens, afin de prendre les mesures les plus adaptées là où il faut absolument les prendre. Je note, monsieur le député, que vous n'avez pas voté pour l'état d'urgence sanitaire, lequel nous permet aujourd'hui de prendre ces mesures là où elles sont nécessaires, après concertation avec les élus locaux, …
Protestations sur les bancs des groupes LR, LT, FI et GDR
… mais je vois que vous êtes maintenant d'accord avec ces mesures et je suis sûr que, dans quelques jours, vous aurez lu les conclusions des scientifiques qui s'accumulent depuis un mois sur les bureaux de tous les responsables publics pour montrer que le couvre-feu à dix-huit heures a eu un réel impact sur la diffusion du virus. Nous en reparlerons.
La territorialisation n'est pas une nouveauté qui date de la semaine dernière. Je vous rappelle qu'il y a un an, moins quelques jours, j'étais dans l'Oise, à Crépy-en-Valois, où il y avait des clusters de cas de covid-19. Nous avons, là-bas, fermé les premières écoles et les premiers ERP – établissements recevant du public. Ces décisions ont précédé de quelques jours d'autres mesures territorialisées dans d'autres territoires français, notamment dans le grand Est.
Il y a eu cet été, au coeur du mois de juin, la Mayenne dont je parlais tout à l'heure ; il y a eu la Guyane, les Bouches-du-Rhône et Marseille. Chaque fois, il y a eu territorialisation ; ce n'est pas une nouveauté, mais j'entends que vous accompagnez le mouvement et je vous en remercie.
Votre question, qui consiste à demander d'alléger les restrictions, pose une difficulté. Vous avez raison, il y a une hétérogénéité importante entre l'ouest et l'est du pays ; mais, si l'ouest part d'une incidence plus faible, certains départements y présentent une dynamique épidémique plus importante qu'à l'est. Par conséquent, si vous relâchez les efforts des habitants en allégeant certaines contraintes – même si je comprends le concept – , vous prenez le risque que, de 20 % supplémentaires par semaine, on passe à 40 %, et alors, l'ouest rejoindrait assez vite l'est.
Enfin, je ne suis pas convaincu par la politique de stop and go au moment déterminant, comme l'a rappelé le Président de la République, où l'on sait que, pendant quatre à six semaines encore, quoi qu'il arrive, on n'abaissera pas le niveau des contraintes qui pèsent sur les Français et où l'on essaie de tout faire pour éviter un confinement généralisé. Même si je comprends votre question et si je la trouve cohérente et logique, elle ne peut pas trouver de réponse dans l'immédiat, car ce serait envoyer un signal qui ne serait pas compris par les Français à l'heure où tout le monde se bat pour éviter un nouveau confinement et maintenir un certain niveau de liberté pour tous les Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il me reste dix secondes pour dire à M. le ministre qu'il sait très bien pourquoi nous n'avons pas voté pour l'état d'urgence sanitaire, …
… et que la concertation entre les élus locaux et les élus nationaux me semble particulièrement importante pour que nous puissions agir ensemble.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Rwanda, Éthiopie, Cameroun : trois pays qui riment avec génocide, crimes de guerre et Françafrique. Notre passé au Rwanda est accablant. Nous avons échoué à prédire le génocide, à l'empêcher et à en protéger les victimes ; nous n'avons même pas poursuivi ses auteurs. Malheureusement, nous mesurons, avec le récent assassinat de l'ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo, à quel point nous avons laissé cette région de l'Afrique dans le chaos.
Aujourd'hui, en Éthiopie, les crimes de guerre contre des populations civiles de la région du Tigré font rage. En contradiction totale avec le droit international, nous continuons de livrer du matériel de guerre et de surveillance, ce qui tend désormais à faire de nous les complices des prochains massacres. Vous avez dénoncé un système de répression institutionnalisé de la Chine sur les Ouïghours. Bravo ! Mais vos silences sur les Palestiniens, sur les Tamouls, ou sur les crimes de guerre commis par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen sont très gênants. Tout se passe comme si les droits de l'homme étaient corrélés aux intérêts économiques supérieurs de quelques grands groupes français. Ce n'est pas ce qui est inscrit dans le préambule de la Constitution française.
Demain, que fera la diplomatie française face au drame du Cameroun anglophone ? Dans la résolution bipartisane 684 votée au début de l'année 2021, le Sénat américain dénonce clairement le cynisme de votre diplomatie. Je cite un extrait : « La France maintient des intérêts considérables au Cameroun mais n'a pas suffisamment utilisé son influence pour endiguer les atrocités commises dans les régions anglophones ». Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, contre les enseignements de l'histoire, contre nos valeurs, contre nos partenaires et surtout contre les Camerounais, allez-vous continuer à soutenir le régime dictatorial en place au Cameroun et les massacres de plus en plus réguliers qui s'y déroulent ?
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Pensez-vous vraiment qu'il faille dresser votre réquisitoire contre la France ? La France, c'est ce pays qui finance de nombreux programmes d'appui aux défenseurs des droits humains, avec la FIDH – Fédération internationale pour les droits humains – et RSF – Reporters sans frontières ; la France, c'est ce Gouvernement qui, cette année, a créé un fonds dédié à la protection des défenseurs de la démocratie en danger.
Vous le voyez, ce n'est pas contre la France qu'il faut dresser votre réquisitoire ! Car la France est aussi ce pays dont les ambassades consacrent un tiers de leurs programmes locaux à venir en appui aux ONG locales et aux défenseurs des droits, et nous n'avons pas à rougir de cela.
Un député du groupe LaREM applaudit.
La France, c'est ce pays qui a réintégré le Conseil des droits de l'homme des Nations unies le 20 février dernier. Justement, Jean-Yves Le Drian y siège pour représenter la France et pour y porter une voix forte, une voix qui défende les droits de l'homme, parce que nous sommes cette patrie et parce que l'histoire nous oblige.
Monsieur le député, vous imaginez bien que les autorités de ce pays ne ménagent pas leur peine et qu'ils s'emploient à convaincre un certain nombre de dirigeants du monde de respecter l'État de droit. Vous prenez le cas du Cameroun : eh bien, je le connais parfaitement, Jean-Yves Le Drian et le Président de la République aussi. Chacun d'entre nous porte très régulièrement ce message auprès du président Biya. D'ailleurs, la régionalisation est en cours, et il est prévu des pouvoirs accrus pour les régions concernées. La France ne renoncera jamais à cet héritage.
Monsieur le député, vous laissez accroire que vous avez les mains pures, mais vous n'avez pas de mains alors que la représentation nationale adoptera peut-être, dans quelques instants, le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire, lequel affirme le respect des droits humains que nous allons porter haut et fort !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Soutien du Gouvernement aux entreprises
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.
Le remboursement des prêts garantis par l'État est crucial pour l'économie française, alors que les premières échéances sont attendues en avril 2021. Sur les 132 milliards d'euros prêtés, 4,5 à 6 % pourraient ne pas être remboursés, soit une perte de 6 à 8 milliards d'euros selon la Banque de France. Il s'agit d'une vraie menace pour l'ensemble de l'écosystème entrepreneurial, dont les conséquences terribles iraient au-delà du risque de défaillance : un chômage accru, un coût pour l'État quand sa garantie sera demandée, une perte de contributions sociales acquittées par l'entreprise et par ses salariés, un coût pour les banques avec la restriction des prêts aux entreprises, la faillite en cascade des fournisseurs…
Pour répondre à ces difficultés, le Gouvernement vient d'accorder la possibilité de différer d'un an les premiers remboursements, ce qui est très positif. Mais nous devons aller plus loin pour sauver les entreprises les plus en difficulté, en particulier celles du secteur 1 qui, avec la crise, ont déjà consommé ces crédits. De nombreuses solutions existent, comme de s'inspirer de l'Allemagne qui propose un remboursement sur dix ans, au lieu de cinq ans chez nous, …
… ou de créer un PGE consolidation amortissable sur la longue durée et regroupant toutes les créances. Une structure de défaisance gérée par Bpifrance pourrait reprendre 90 % des PGE non remboursés, soit la hauteur de la garantie donnée par l'État. Vous pourriez également envisager de transformer les PGE en quasi-fonds propres en créant une forme de dotation à la réserve PGE affectant prioritairement les bénéfices à hauteur de 15 %. Enfin, envisagez-vous de renforcer le rôle économique des fonds régionaux par une recapitalisation par l'État et Bpifrance aux côtés des acteurs privés du capital-investissement, en créant des fonds de restructuration régionaux ou départementaux pour les filières en difficulté ?
Madame la ministre déléguée, faites confiance aux parlementaires. Ils peuvent vous aider à trouver des solutions innovantes et pérennes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Merci pour votre question qui met en lumière le rôle essentiel qu'ont joué les prêts garantis par l'État pour amortir le choc de la crise. Avec le fonds de solidarité et le chômage partiel, cette mesure a permis à des milliers d'entreprises de passer le cap et de maintenir des centaines de milliers d'emplois sur notre territoire. Aucun pays au monde n'a fait autant pour l'activité économique, pour l'emploi et pour les travailleurs indépendants.
Quelque 650 000 entreprises ont ainsi bénéficié de 130 milliards d'euros de prêts bancaires garantis par l'État à hauteur de 90 %. Vous avez raison de souligner que nous veillerons à ce qu'ils soient remboursés dans les meilleures conditions. Tout d'abord, nous avons ouvert aux entreprises la possibilité de retarder d'un an leur remboursement : au lieu de tomber en avril 2021, la première échéance pourra être reportée en avril 2022. Ensuite, elles disposeront de six ans pour rembourser ces prêts. Enfin, avec l'apport des idées avancées par les députés et les sénateurs – que vous avez raison de citer – pour nous aider à trouver des solutions, nous travaillons sur des dispositifs d'accompagnement. Je pense au prêt French Fab ou au prêt vert de Bpifrance et aux mesures qu'annoncera Bruno Le Maire jeudi concernant les prêts participatifs et les quasi-fonds propres, qui permettront de solidifier le bilan des entreprises. Je pense aussi aux fonds régionaux et départementaux de capital investissement. Tout notre travail pour les entreprises en difficulté nous permet d'en sauver 90 % ; j'ose espérer que nous continuerons dans ce sens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Chaque semaine, des maires et des élus municipaux qui s'engagent pour la sécurité de leurs concitoyens et font appliquer les lois de la République sans jamais renoncer risquent leur vie. Ils sont victimes d'intimidations, d'injures, de dégradations de leurs biens, de violences, de menaces de mort.
C'est arrivé à plusieurs reprises dans la métropole de Lyon, comme vous le savez. Il y a quelques jours encore, le maire de Bron a été victime d'actes inqualifiables : il a été lâchement agressé, après avoir été menacé de décapitation. Avec ses collègues maires des communes de Rillieux-la-Pape et de Grigny, dans le Rhône, mais aussi de Valence et de bien d'autres communes, ils nous interpellent, comme le font aussi les policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers, car, ce week-end encore, des voitures ont été incendiées, des hommes ont été caillassés. Face à une telle situation, nous ne pouvons admettre la soumission, admettre de ne rien faire et de ne pas déranger ceux qui ne respectent rien et agissent en toute impunité, ni nous contenter de grandes déclarations et de grands mots.
Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, des mesures à la hauteur de la situation pour soutenir et protéger les élus, ainsi que tous les dépositaires de l'autorité publique ; renforcer les forces de sécurité sur le terrain ; retrouver, arrêter et sanctionner les auteurs des faits. Êtes-vous prêt, avec le garde des sceaux, à revoir le fonctionnement de la justice, à durcir la réponse pénale, à instaurer des peines planchers et à décider la déchéance des droits civiques pour ceux usent de menaces et de violences ? Êtes-vous prêt, avec le ministre de l'intérieur, à agir avec courage contre ceux qui mettent en péril les valeurs de la République ? L'autorité de l'État ne pourra pas être plus longtemps bafouée. Oui, la peur doit changer de camp et pour y parvenir, êtes-vous prêt, avec des actes forts et concrets, que nous souhaiterions connaître, à faire preuve de la plus grande fermeté ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Perrut, comme vous l'avez dit, dans votre département, de nombreux élus sont confrontés à des menaces sérieuses. Ce fut le cas à Rillieux-la-Pape, où je me suis rendu. Je me suis déjà exprimé sur cette situation : nous avons renforcé les effectifs de la police nationale et la protection des élus de cette commune. Nous avons fait de même à Bron, dont j'ai eu le maire à plusieurs reprises au téléphone, pour lui apporter le soutien du Gouvernement et de M. le Premier ministre. J'ai décidé, alors même que, selon l'évaluation de l'UCLAT – Unité de coordination de la lutte antiterroriste – au ministère de l'intérieur, il n'était pas particulièrement ciblé par une menace, de faire intervenir le service de la protection. Même si, vous avez bien raison, c'est un drame d'en arriver là, M. le maire est aujourd'hui protégé par la République, et il peut aller où il le souhaite dans sa ville pour annoncer ce qu'il souhaite, en ayant confiance dans la République et dans le rétablissement de l'ordre public dans sa commune.
Notre action s'est traduite par une augmentation sans précédents des effectifs de police dans votre circonscription de police et dans votre département, grâce à la création, votée par la majorité parlementaire, de 10 000 postes de policiers et de gendarmes. Nous avons également augmenté les effectifs à Lyon, mais aussi à Lille ou à Toulouse, comme M. le Premier ministre l'a annoncé, ou encore à Marseille, comme vous l'avez constaté cette semaine. Prochainement, M. le Premier ministre et moi-même annoncerons les nouveaux renforcements de la police sur le territoire de la République que vous appelez de vos voeux.
Vous évoquez la réponse pénale. Je me permets de rappeler, au nom du garde des sceaux, qu'il y a quelques semaines, celui-ci a donné des instructions permettant au parquet de demander la comparution immédiate de toute personne qui s'en prend aux élus, quand le travail de police permet de les interpeller – ce n'était pas le cas auparavant, monsieur le député.
M. le garde des sceaux acquiesce.
Il ne fait aucun doute que le procureur de la République concerné appliquera la circulaire de M. le garde des sceaux, apportant ainsi une réponse à votre interrogation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, nous ne pouvons plus laisser dire que le Gouvernement et la majorité ne font rien pour les jeunes dans ce pays. Le plan jeunes et les belles histoires qu'il nous permet d'ores et déjà de raconter en sont l'incarnation. Il est de notre responsabilité à tous de faire connaître la plateforme « 1 jeune 1 solution », ici et dans nos territoires. Si vous êtes jeunes, cherchez une formation, un stage ou un emploi, voulez connaître les aides existantes et être accompagné, ayez le réflexe 1jeune1solution. gouv. fr. Si vous êtes employeur, et cherchez à embaucher, voulez déposer une offre d'emploi ou de stage, communiquer sur un événement, ayez le réflexe 1jeune1solution. gouv. fr.
Murmures sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.
Nous sommes ici pour interroger le Gouvernement, pas pour lui faire de la publicité !
Pour réduire les effets néfastes de la crise sanitaire, il fallait un engagement fort, des mesures d'urgence, rapides, efficaces et évolutives. N'en déplaise à certains qui voulaient nous voir échouer, le plan jeunes porte ses fruits. Près d'1,3 million de jeunes ont été embauchés, plus de 500 000 jeunes ont signé un contrat d'apprentissage, plus de 600 000 jeunes ont rejoint un parcours d'insertion. Nous avons clairement réussi à amortir les effets de la crise.
Quelque 100 000 offres d'emploi sont déjà disponibles sur la plateforme. Aux oppositions qui prônent un RSA pour tous les jeunes à partir de 18 ans, au risque de creuser les inégalités en permettant à des jeunes qui n'en ont pas besoin de recourir à ce droit, et de stigmatiser encore davantage les jeunes en difficulté d'insertion, …
… nous répondons que nous, nous choisissons de faire de la dentelle, parce qu'il existe autant de situations différentes que de jeunes.
À certaines collectivités qui multiplient les « coups de com' » et annoncent un revenu « jeunes actifs », nous répondons que nous avons voté cette mesure ici, sur ces bancs, dans le dernier projet de loi de finances. Les dispositifs existent déjà. Même s'ils n'ont pas la même forme ni le même nom, ils ont le même objectif : soutenir la jeunesse.
Exclamations sur les bancs du groupe FI – Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe LR.
Hier, le Président de la République, en déplacement en Seine-Saint-Denis, a évoqué sa volonté de lancer une nouvelle mesure, « Un jeune, un mentor ». Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, en quoi consiste cette nouvelle mesure, et comment elle peut favoriser l'insertion professionnelle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.
Mes chers collègues, ne soyez pas ridicules. Quand une question est pertinente,
Protestations et rires sur les bancs des groupes LR et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe GDR
de quelque banc qu'elle vienne, on laisse l'orateur s'exprimer quelques secondes au-delà du temps limite.
Quand l'orateur siège dans votre groupe, vous n'êtes pas aussi capricieux.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Madame Cloarec-Le Nabour, vous l'avez rappelé, le Président de la République a annoncé hier le lancement d'une nouvelle mesure, « 1 jeune 1 mentor », qui renforcera dès le mois d'avril le plan « 1 jeune 1 solution ». Le mentorat est une relation de confiance et de solidarité…
… pour transmettre des savoir-faire, des savoir-être mais surtout des savoir-devenir.
Le mentorat est un outil important pour ouvrir à tous les jeunes le champ des possibles, leur permettre de faire des études, d'entrer dans un premier emploi ou de s'engager. L'objectif d'« 1 jeune 1 mentor » est d'accompagner les jeunes dans la durée, de les aider à développer leurs réseaux, à trouver leurs projets personnels…
… et professionnels, car, malgré la crise, il faut, plus que jamais, défendre l'égalité des chances. Notre objectif est que tous les jeunes qui en ont besoin puissent accéder à un mentor.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.
Pour concrétiser cette promesse, nous pouvons tous nous mobiliser. Aussi bien l'État et les collectivités…
Mêmes mouvements.
Je comprends que cela vous dérange, que ce plan fonctionne si bien !
Exclamations de MM. André Chassaigne, Stéphane Peu et Thibault Bazin.
Nous pouvons tous nous mobiliser, aussi bien l'État et les collectivités – pour sensibiliser les jeunes et soutenir les associations déjà investies en la matière – que les entreprises, en permettant à leurs salariés de s'engager dans le mentorat. Dès le mois d'avril, il sera possible de s'inscrire facilement sur la plateforme « 1 jeune 1 solution », soit pour bénéficier d'un mentorat, soit pour devenir mentor.
Pour soutenir davantage les associations investies dans ce domaine, nous dégagerons 30 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 10 millions déjà prévus. En 2021, notre objectif est que 100 000 jeunes puissent bénéficier de ce mentorat, avant de passer à 200 000 en 2022.
Vous avez divisé par deux le budget des missions locales au début du quinquennat !
Je vous engage tous à vous mobiliser dans vos territoires en faveur du mentorat.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite à mon tour revenir sur les événements de la semaine dernière, à Saint-Chéron et à Boussy-Saint-Antoine, en Essonne, où deux adolescents ont été tués dans d'atroces affrontements de bandes. En pensant aux victimes et à leurs familles, je veux d'abord saluer les réactions instantanées et collectives des élus locaux et de l'État, qui, en responsabilité, ont fait face à l'émotion et à l'urgence, en prévenant toute réplique vengeresse.
Au moins soixante-dix bandes sont recensées en Île-de-France – c'est malheureusement une évaluation minimale. Avec la force des réseaux sociaux, la fureur narcissique de la bande est accessible à tous. Chacun peut facilement fédérer, revendiquer, regrouper, intimider et se laisser entraîner par la démesure, jusqu'à commettre l'irréparable. L'Essonne est l'un des départements les plus touchés par ce phénomène, en raison de la jeunesse de ses habitants, mais aussi de la sédimentation de rivalités idiotes entre quartiers. C'est là aussi qu'il y a cinq ans, des policiers étaient violemment pris pour cible, notamment par des mineurs, à Viry-Chatillon. Comme d'autres territoires, ce département connaît un réel décrochage régalien. Malgré les efforts de nombreux maires pour déployer police municipale et vidéoprotection, les moyens de l'État restent insuffisants pour combattre la violence débridée et l'escalade de l'impunité.
Mais ne soyons pas dupes, avec ces affrontements de bande d'enfants, la société paye ses lâchetés. Nous avons trop longtemps laissé prospérer l'idée que toute affirmation de l'autorité était une brutalité, surtout quand elle s'exerce sur des enfants qui cumulent difficultés sociales, familiales et scolaires. C'est pourtant précisément quand l'environnement familial est défaillant, que la République doit être forte, exigeante et poser un cadre à respecter.
Le plan de lutte contre les bandes, ou plan rixe, que le Gouvernement a réactivé hier, a été lancé il y a dix ans. Pourtant, la situation ne cesse de s'aggraver. Monsieur le Premier ministre, depuis des mois, les actes de violence résonnent partout dans notre pays. Cette violence se banalise, se rajeunit et les Français finissent par l'intégrer à leur quotidien ; ils attendent de vous des réponses fortes sur les plans éducatif, sécuritaire et judiciaire. En aurez-vous seulement l'envie ? En aurez-vous seulement le temps ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Reda, après vous et Mme Guévenoux, je veux redire l'émotion que le Gouvernement partage avec les élus locaux, comme vous le savez, je me suis rendu en Essonne, avec Mme de Montchalin.
Comme vous, je considère que ces drames appellent une réponse de l'État, que vous n'attendez pas en vain. Si le renforcement des effectifs de police que vous avez bien voulu souligner ne réglera pas tout, il est important ; je constate d'ailleurs qu'il concerne tant les zones gendarmerie que les zones police, tant le milieu rural que le milieu urbain.
Comme vous, je veux aussi noter la grande différence entre la situation actuelle et celle qui prévalait en 2010, voire au début de ce quinquennat. Les soixante-dix bandes d'Île-de-France que vous évoquez représentent 95 % de celles présentes sur le territoire national ; c'est donc un phénomène très francilien. En outre, ces bandes n'ont rien à voir avec celles d'il y a trois, cinq ou dix ans : elles regroupent désormais de jeunes enfants, de 10, 11, 12, 13 ou 14 ans, comme vous l'avez dit, et elles ne s'inscrivent pas dans les guerres de territoires pour la drogue ou les armes d'il y a quelques années. Tard le soir, pour des raisons parfois très futiles, comme de mauvais comportements dans les transports en commun, ou un regard trop appuyé, ces jeunes sortent un couteau, un opinel, et assassinent une personne de leur âge.
Comme vous l'avez dit, la réponse ne concerne donc pas seulement la police ou la justice, mais aussi l'autorité parentale, et la façon dont la société prend des dispositions pour rappeler celle-ci.
Il y a par ailleurs, comme nous l'avons vu avec le ministre de l'éducation nationale et celui de la justice, certains petits trous dans la raquette, notamment concernant la continuité de la réponse pénale. D'un côté, comme vous le savez, la garde à vue de quarante-huit heures est interdite – et c'est heureux – pour les mineurs de moins de 16 ans ; de l'autre, il faut du temps pour les soumettre à une interdiction de paraître. Le garde des sceaux et moi-même proposerons donc au Premier ministre des solutions dans les prochains jours.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nous ne le répéterons jamais assez, nous devons énormément aux personnels sanitaires et médico-sociaux qui ont été en première ligne dans le combat contre le covid-19.
À la suite de l'accord du 11 février dernier signé avec les partenaires sociaux, il a été convenu que les salariés des services de soins infirmiers à domicile et d'autres structures sociales et médico-sociales pourront bénéficier de la prime dite Ségur de 183 euros de manière rétroactive à compter du 1er juin 2021. Un décret du 16 février étend le bénéfice de cette prime aux personnels travaillant dans les EHPAD territoriaux ou dans une structure qui y est rattachée.
Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser.
Tout d'abord, pouvez-vous nous confirmer les mesures prévues par cet accord et ce décret ? Comment comptez-vous compenser l'effort que vont réaliser les collectivités territoriales ?
Outre une aide financière, il devient impératif que l'autorité territoriale puisse titulariser ses personnels soignants, sociaux et médico-sociaux sans avoir recours aux concours sur titre, archaïques et inégalitaires. Sur ce sujet que vous connaissez bien, que comptez-vous faire ?
Enfin, il y a les grandes oubliées de la tragédie du covid-19 que sont toutes les aides à domicile, dont le statut est extrêmement précaire et complexe, et qui ne bénéficient d'aucune revalorisation salariale.
Pourtant, elles méritent une prime équivalente, pour avoir été en permanence au service de nos concitoyens depuis le début de la crise et de façon continue.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Des discussions sont-elles engagées avec les partenaires sociaux pour assurer à toutes les aides à domicile l'égalité de traitement qu'elles sont en droit d'attendre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Vous l'avez rappelé, dans le secteur public, le complément de traitement indiciaire – CTI – , qui représente 183 euros nets par mois, a bien été versé aux agents non médicaux des établissements de santé et des EHPAD de la fonction publique hospitalière grâce à un décret du 19 septembre 2020, dont l'application a même été rétroactive à la demande du Premier ministre.
Conformément à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, adoptée dans cet hémicycle, nous avons pris il y a quelques jours, le 17 février, un nouveau décret étendant l'application du CTI de 183 euros nets par mois : désormais, tous les personnels – quel que soit leur versant d'appartenance, y compris la fonction publique territoriale – qui exercent dans un établissement de santé ou dans un EHPAD perçoivent ces 183 euros. La mesure s'applique également de manière rétroactive, à partir du 1er septembre dernier pour une partie et du 1er décembre pour l'autre.
En février, j'ai également annoncé qu'un accord majoritaire avait été trouvé avec FO – Force ouvrière – , la CFDT – confédération française démocratique du travail – et l'UNSA – union nationale des syndicats autonomes – pour étendre la mesure de revalorisation aux agents qui travaillent pour des services sociaux ou médico-sociaux rattachés à un hôpital public tels que les soins à domicile – dont vous avez parlé – et l'accompagnement des personnes en situation de handicap : nous avons travaillé d'arrache-pied avec Brigitte Bourguignon et Sophie Cluzel pour parvenir à cet accord. La revalorisation prendra effet le 1er juin prochain.
Enfin, on ne peut pas dire que rien n'a été fait pour les aides à domicile : l'État passe des contrats avec les départements pour qu'elles perçoivent quasiment toutes une prime. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a voté une revalorisation de 100 millions d'euros pour les aides à domicile : là aussi, nous travaillons avec Brigitte Bourguignon pour amplifier ce mouvement.
Monsieur le député, vous n'étiez pas là pour le vote ! Cela ne veut pas dire que celui-ci n'a pas eu lieu. Vous pouvez assumer de ne pas avoir voté cette mesure, mais la majorité parlementaire l'a fait et nous en sommes fiers.
Nous continuerons à soutenir les aides à domicile avec la cohérence qui anime la majorité depuis le début de la législature.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Pour commencer, je me réjouis que notre assemblée consacre une exposition à l'agriculture et aux agriculteurs, qui, privés cette année du salon de l'agriculture, ne peuvent témoigner au grand public de leur savoir-faire qui nous rend si fiers.
Je tiens également à souligner leur résilience : depuis que la crise sanitaire a débuté, il y a un an, ils n'ont cessé de travailler pour nourrir les Français. Alors qu'est actuellement négociée la future politique agricole commune pour les années 2021 à 2027, les défis ont rarement été aussi nombreux, aussi vitaux pour les Français et pour l'agriculture, notamment celle de montagne.
Les aléas climatiques et la crise sanitaire ont renforcé la nécessité d'assurer notre souveraineté alimentaire. Agir est urgent car de nombreuses exploitations agricoles sont menacées : dans les cinq prochaines années, plusieurs milliers d'emplois risquent de disparaître dans les territoires de montagne et, avec eux, des pans entiers de la ruralité et de la vie économique. Il est essentiel que la nouvelle PAC soit tournée en priorité vers les productions les plus durables, parmi lesquelles l'élevage dans les massifs, et celles implantées dans les zones défavorisées.
En dépit de toute rentabilité, l'agriculture de montagne représente un modèle à haute valeur environnementale.
L'heure des choix est arrivée, il y va de la survie des territoires.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pouvez-vous nous assurer que la France s'engage pour que les éleveurs conservent les aides couplées du premier pilier de la PAC, que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels bénéficie à l'agriculture de montagne afin de contrebalancer à leur juste niveau les surcoûts des exploitations – elle a d'ailleurs été créée pour cela – et que l'installation des jeunes agriculteurs soit confortée ? Pouvez-vous également nous préciser où en sont les négociations à Bruxelles sur ces sujets ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Tout d'abord, je me joins à vous pour remercier l'ensemble de l'Assemblée nationale, à commencer par son président qui a mis à l'honneur en début d'après-midi seize portraits de femmes et d'hommes, d'agricultrices, d'agriculteurs et d'éleveurs : beaucoup d'entre vous étaient d'ailleurs présents pour leur exprimer la gratitude de la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.
Les Français savent ce qu'ils doivent aux agriculteurs qui n'ont cessé de travailler depuis le premier jour de la crise sanitaire pour les nourrir. Par votre question, vous leur rendez hommage avec l'ensemble de vos collègues : un grand merci pour cela !
Oui, l'agriculture française fait face à de nombreux défis : vous en avez évoqué quelques-uns comme le changement climatique, l'eau, l'indispensable renouvellement des générations ou l'apport de l'agriculture aux territoires, en montagne comme dans d'autres zones où la question du foncier se pose.
Face à tous ces défis, il y a les politiques nationales et le plan de relance, mais il y a aussi, vous avez eu raison de le souligner, la politique agricole commune. Pour répondre à votre question, nous devons finaliser le schéma national, c'est-à-dire la déclinaison française, pour le présenter d'ici à cet été à la Commission européenne. Nous sommes dans la phase de discussion et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
Je peux vous assurer que la politique agricole commune doit nous permettre d'assurer notre souveraineté, dont l'élevage fait partie. La PAC doit également tirer la qualité vers le haut : cette notion est fondamentale pour améliorer en permanence l'alimentation du peuple français. Enfin, elle doit prendre en compte les spécificités de notre agriculture dans les territoires : l'élevage contribue à l'aménagement des zones de montagne et au relèvement des défis que celles-ci affrontent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l'épidémie de covid-19, la solidarité sanitaire a parfaitement fonctionné entre La Réunion et Mayotte. Pour le seul mois de février, près de soixante malades mahorais ont été transférés dans les hôpitaux réunionnais. Le dispositif d'évacuation atteint toutefois ses limites du fait de la circulation très active du variant sud-africain à Mayotte, où le confinement est d'ailleurs total depuis plusieurs semaines, mais aussi en raison d'une dégradation sensible du taux d'incidence à La Réunion où le préfet vient à l'instant de durcir le couvre-feu.
Désormais, les hôpitaux réunionnais sont eux aussi sous tension. Le taux d'occupation des services de réanimation atteint 90 % : toutes les capacités sont mobilisées et les 122 lits sont insuffisants malgré la déprogrammation des interventions non urgentes et la fermeture des blocs opératoires. La situation est critique et les timides débuts de la campagne de vaccination dans les territoires d'outre-mer ne compensent pas la faiblesse du nombre de lits de réanimation, dont le taux pour 10 000 habitants est deux à trois fois inférieur à la moyenne nationale.
La saturation est si proche et l'inquiétude des populations si grande qu'un véritable pont aérien sanitaire entre La Réunion et l'Hexagone est programmé. Inédites, ces évacuations sanitaires ne seraient pas sans risques pour les malades qui devront supporter onze longues heures de vol. Nous sommes nombreux à demander que cette nouvelle épreuve soit épargnée aux malades et à leurs familles grâce au renforcement des moyens humains et matériels sur place. Autrement dit, il nous faudrait augmenter les renforts des équipes sanitaires, dont certains sont déjà arrivés, et les compléter par des structures hospitalières de crise comme les navires-hôpitaux ou les ESCRIM – éléments de sécurité civile rapide d'intervention médicale.
Monsieur le Premier ministre, à La Réunion comme à Mayotte, la mobilisation des professionnels de santé est totale. Ils attendent l'arrivée, que vous avez annoncée, des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Je vous remercie pour votre question sur La Réunion : j'ai répondu à une interrogation identique, mais je comprends la préoccupation de la représentation nationale, qui rejoint évidemment celle du ministre que je suis.
Vous l'avez dit, la tendance épidémique n'est pas bonne à La Réunion même si le taux d'incidence, de l'ordre de 100 cas positifs pour 100 000 habitants, reste plus faible qu'en métropole. L'épidémie semble commencer à se tasser à Mayotte, ce qui serait une excellente nouvelle si elle était confirmée. La proportion du variant dit sud-africain est très élevée et majoritaire à Mayotte, comme vraisemblablement à La Réunion.
Comme vous le savez, nous avions anticipé la situation, notamment à La Réunion, et avions publiquement dit que l'île serait amenée à faire preuve de solidarité avec ses voisins mahorais. Nous avons donc augmenté et presque doublé le nombre de lits de réanimation. Soixante-dix médecins, infirmiers spécialisés et aides-soignants sont déjà arrivés depuis la métropole pour augmenter le nombre de lits et les capacités hospitalières : à mesure que nous pourrons continuer ce mouvement, nous le ferons, évidemment, et vos propos sur le sujet sont très cohérents.
Reste que l'afflux de malades à l'hôpital est actuellement élevé puisque l'épidémie a connu un pic il y a deux à trois semaines à Mayotte : les évacuations sanitaires sont donc nécessaires. Nous en avons fait du Grand-Est vers la Nouvelle-Aquitaine…
… et de la Provence-Alpes-Côte d'Azur vers la Bretagne : nous savons qu'une personne tombant dans le coma dans une région peut subir un traumatisme en se réveillant à l'autre bout de la France, parfois à l'autre bout du monde. Nous ne procédons donc à de telles évacuations que lorsque nous y sommes contraints et qu'il n'y a pas d'autre solution. Les évacuations sanitaires de La Réunion vers la métropole sont régulières pour des prises en charge adaptées, notamment en cancérologie lorsque les soins indispensables n'existent pas sur place. Nous savons faire ces évacuations et nous en ferons avec parcimonie pour sauver des vies à La Réunion et à Mayotte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, nous avons tous été glacés la semaine dernière par la lecture d'un article du journal The Guardian relatant les conditions de travail sur les chantiers de la coupe du monde qui doit se tenir en 2022 au Qatar.
Il faisait état de 6 500 morts parmi les migrants travaillant sur les chantiers. Il m'est revenu à l'esprit un commentaire de la Bible datant du XIIe siècle sur la construction de la tour de Babel, qui se faisait brique par brique : lorsqu'une brique tombait, le chantier s'arrêtait pour que l'on batte l'ouvrier insuffisamment précautionneux ; lorsqu'un ouvrier tombait et mourait, le chantier ne s'arrêtait pas et l'on faisait appel à un nouvel esclave. Cette histoire, celle de la valeur accordée à la vie humaine et à la brique, à l'ouvrier et à la matière, reste éternelle.
Je n'ai pas de doute, monsieur le secrétaire d'État, sur la position de la France : sa voix est universelle, écoutée et attendue. J'ai souhaité vous interroger devant la représentation nationale car l'émotion populaire est à son comble. On ne peut pas imaginer, au XXIe siècle, jouer au football sur un cimetière. Les êtres se reposent dans un cimetière : ce n'est pas un lieu où l'on fait du sport. Ce dernier charrie des valeurs d'entraide, de solidarité, d'universalité et d'humanité. C'est la raison pour laquelle, je vous pose solennellement, avec tous mes collègues du groupe Agir ensemble et, je le pense, l'ensemble de la représentation nationale, la question suivante : quelle est la position de la France sur ce sujet tragique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
La même émotion nous a saisis, naturellement, une émotion légitime et collective, face à laquelle nous avons un devoir d'action. Non que nous n'ayons pas agi : depuis 2010, la voix non seulement de la France, mais aussi de l'Union européenne et de plusieurs partenaires, a été claire et forte. Nous avons obtenu que le Bureau international du travail puisse enfin ouvrir un bureau à Doha ; nous avons arraché des réformes en matière de droit du travail, comme la suppression de la kafala, qui établissait un rapport contraignant, asservissant, entre l'employeur et l'employé.
Il y a eu des progrès depuis 2010, mais des efforts sont encore attendus, très clairement. À cet égard, la représentation nationale s'est honorée à travers le travail conduit ces dernières semaines sur le projet de loi programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Vous avez contribué à enrichir le texte et à réaffirmer dans le CPG – cadre de partenariat global – l'engagement de la France contre le travail forcé et la traite des êtres humains. C'est tout à l'honneur de l'Assemblée que d'avoir complété et enrichi le projet de loi.
Je veux saluer l'action menée sous la houlette du président Bourlanges, du rapporteur Berville et de vous-même, monsieur Ledoux, parce que c'était une oeuvre collective. La France s'honore à l'international de porter ce devoir de vigilance, venu de ces bancs avec la proposition de loi de Dominique Potier…
… que j'associe également à cette oeuvre collective. Sur cette base, nous continuerons à promouvoir les droits humains, à lutter contre le travail forcé et à faire en sorte que partout dans le monde les progrès puissent être faits, parce qu'ils sont encore nécessaires dans de nombreux endroits.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
« La justice sociale et l'égalité des chances sont les combats de ma vie. » Ce sont vos mots, madame la ministre du travail ; à l'heure où les salles de spectacle sont fermées, heureusement que l'on peut toujours compter sur votre humour.
La justice sociale est tellement le combat de votre vie que vous remettez sur la table la réforme de l'assurance chômage que vous aviez suspendue au début de la crise sanitaire. Tiens donc ! Pourquoi reporter une réforme censée lutter contre le chômage à l'heure où celui-ci explose, sinon peut-être pour avouer qu'elle n'était pas destinée à lutter contre le chômage, mais bien contre les chômeurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
C'est donc en pleine pandémie que vous partez à la chasse aux chômeurs : vous allez réduire les indemnisations pour 40 % des allocataires et pénaliser en premier les travailleurs qui enchaînent les contrats courts plutôt que les entreprises qui les proposent. C'est brillant ! C'est vrai que dans un pays où déjà, un chômeur sur deux n'est pas indemnisé, où 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, où plus de 700 000 emplois ont été supprimés depuis mars, votre réforme est tout ce qui nous manquait !
Madame la ministre, j'ai peut-être une idée : ne faudrait-il pas que les privés d'emploi s'installent au Luxembourg pour que vous les laissiez tranquilles ? Pour cela, c'est silence radio : pas un mot – pas un ! –
Mme Clémentine Autain applaudit
sur les révélations Open Lux, sur ces 15 000 traîtres à la patrie qui planquent un magot de 100 milliards d'euros avec votre bénédiction. Les plus fortunés se sont engraissés comme jamais sur le malheur national, mais ce sont les privés d'emploi que vous condamnez à la mort sociale.
Vous êtes le visage à découvert de ceux qui servent les riches. Si vous étiez vraiment attachée à la justice sociale, vous auriez partagé le temps de travail pour tout le monde puisse travailler, mais travailler moins, vous auriez lutté contre la fraude et l'évasion fiscale, fixé la retraite à 60 ans à taux plein et investi massivement dans la bifurcation écologique et solidaire qui pourrait créer des millions d'emplois.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Mais vous, que faites-vous contre les séparatismes des riches ? Rien ! Madame la ministre, quand allez-vous vous attaquer au chômage plutôt que de faire les poches aux chômeurs ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Je comprends que ça vous dérange, mais vous n'avez pas le monopole des valeurs de justice sociale et de solidarité.
Exclamations et vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne suis pas dans l'incantation, je suis dans l'action. Alors plutôt que de caricaturer notre action, ouvrez les yeux. Là encore, ça vous dérange, mais aucun gouvernement n'a agi comme nous le faisons pour lutter contre la précarité.
Mêmes mouvements. – « C'est faux ! » sur les bancs du groupe FI.
Je suis fière d'être la ministre qui défend les dispositifs d'activité partielle qui ont permis de préserver les emplois et les revenus de près de 9 millions de Français au plus fort de la crise.
En janvier, ils étaient encore plus de 2 millions à être protégés grâce à ce dispositif. Malgré la crise, nous agissons massivement pour protéger les Français. Ce dispositif, madame la députée, la majorité l'a voté et vous l'avez rejeté : c'est clair, c'est net.
Je suis aussi fière d'être la ministre qui défend le plan « 1 jeune 1 solution », dispositif de 7 milliards d'euros pour permettre à chaque jeune de trouver un emploi, une formation ou un accompagnement adapté.
Vous avez divisé par deux le nombre des missions locales, et maintenant vous donnez des leçons !
Là aussi, j'ai l'impression que ça vous dérange, mais ce plan porte ses fruits : 1,3 million de jeunes ont été recrutés au cours des six derniers mois et 500 000 contrats d'apprentissage ont été signés. Ce plan, la majorité l'a voté et vous l'avez rejeté, c'est aussi clair et c'est aussi net.
La réforme de l'assurance chômage instaure un système qui vise précisément à dissuader les entreprises de recourir de manière excessive aux contrats courts. En résumé, madame la députée, vous pouvez continuer à être dans la caricature et l'opposition systématique. Pour notre part, nous continuerons à agir pour protéger les Français pendant la crise.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Elle avait pour prénom Brune ; elle n'avait pas quatre ans quand elle a rejoint les étoiles le 19 février, cette petite guerrière courageuse qui a tant souffert. Je pense à ses parents, Florine et Dimitri, à ses frères, Auxence et Loukas. Comme des milliers d'enfants, Brune était atteinte d'une maladie dite orpheline : celle de Schimke.
Je m'exprime un an après notre ancien collègue Daniel Fasquelle, qui vous avait sensibilisé à cette cause en présence de la mère de Brune, venue dans l'hémicycle le 29 janvier 2020. Face à la maladie, les familles se battent. Leur vie est faite d'espoir, de déceptions, de temps passé entre le domicile et les hôpitaux ; il faut s'adapter chaque jour, sans oublier le travail et les autres enfants, faire de nombreux sacrifices, remuer ciel et terre.
Brune a été bien prise en charge médicalement, mais c'était insuffisant. L'association La vie de Brune a donc tenté de collecter des fonds pour envoyer la petite malade aux États-Unis, où elle aurait pu bénéficier d'un traitement qui l'aurait peut-être guérie, ou tout au moins soulagée. D'autres enfants malades sont accompagnés par des associations, comme Un pas pour Périne, Le monde de Martin ; il y a aussi Les bobos à la ferme, qui propose de recevoir les enfants malades et leurs familles dans un gîte adapté, pour un temps de répit ensemble.
N'oublions pas ces maladies moins rares hélas, comme l'autisme – une naissance sur cent – ou la trisomie, pathologies face auxquelles germent de magnifiques initiatives privées : par exemple l'École parentale pour les enfants autistes du Montreuillois ou l'association Avec Hélène dans l'Hesdinois, tous ensemble, tous pareils, qui se bat pour l'inclusion des enfants trisomiques.
Je veux d'ailleurs saluer tous ceux qui se mobilisent, lors du Téléthon par exemple, cette manifestation de solidarité à l'égard des 3 millions de personnes affectées par l'une des 6 000 à 8 000 maladies rares recensées. Mais le Gouvernement se doit aussi d'intervenir et, au-delà, l'Union européenne. La crise sanitaire n'a-t-elle pas su démontrer que quand l'Europe veut, l'Europe peut ?
Merci, monsieur le député. Il faut vous interrompre, sinon vos collègues vont vous trouver trop long.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre question, qui est importante. Je voudrais aussi saluer l'action de votre prédécesseur Daniel Fasquelle dans la lutte contre les maladies rares.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
Il faut reconnaître le gros travail effectué. Ce n'est pas le neurologue que je suis dans le civil qui vous dira le contraire : il faut évidemment structurer et améliorer la prise en charge dans leur globalité, de l'ensemble des maladies rares. On en compte à peu près 7 000, qui concernent 3 millions de nos concitoyens. Une maladie est appelée « rare » lorsque l'on comptabilise individuellement ; mais mises bout à bout, ces affections touchent beaucoup, beaucoup de monde, des enfants et aussi des adultes.
Depuis 2004, trois plans nationaux de prise en charge des maladies rares se sont succédé, ce qui a permis de créer et de structurer vingt-trois filières de prise en charge dans plus de 380 centres de référence et 1 800 centres de compétences. Y ayant moi-même exercé pour traiter des maladies neurologiques, j'ai vu ce que cela avait apporté sur le terrain, dans les établissements de santé en lien avec la médecine de ville, pour structurer et améliorer la recherche et la prise en charge globale des patients. Je crois vraiment à ces filières de soins spécifiques.
Vous m'interrogez sur la place de la France au niveau européen : l'Union européenne finance actuellement un programme sur les maladies rares, que la France pilote en 2021, par le biais de l'INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale. La France prendra bientôt la présidence de l'Union européenne et nous avons souhaité que la lutte contre les maladies rares et l'accompagnement des malades fassent partie des sujets prioritaires sous ce mandat. Cela permettra de renforcer le rayonnement de la France aux niveaux européen et international. Pourquoi faut-il rayonner en l'occurrence ? Pour pouvoir plaider aux niveaux français et international pour les bonnes pratiques, c'est-à-dire réduire les inégalités d'accès aux soins pour les personnes touchées par une maladie rare, améliorer la qualité de vie des malades – c'est fondamental – avec un accès plus rapide au diagnostic et aux thérapeutiques innovantes. Monsieur le député, vous nous trouverez toujours à vos côtés dans ce combat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis plusieurs semaines, différents États membres de l'Union européenne soulèvent la question du pass sanitaire et de l'intérêt de développer un tel dispositif. Le Président de la République s'est également exprimé, suggérant que le temps du débat était venu. La présidente de la Commission européenne annonce également qu'un projet de passeport vert numérique sera présenté en mars. Ce dispositif existe en Israël : le passeport vert permet déjà d'accéder aux salles de sport ou d'assister aux événements culturels.
Sans attendre le feu vert des institutionnels, les acteurs privés se mobilisent : IATA, l'association internationale des transports aériens – International Air Transport Association – , est capable de proposer un travel pass prenant la forme d'une application mobile sécurisée destinée aux passagers. Les solutions techniques et technologiques sont à notre portée : à nous de nous en saisir et de proposer des solutions alternatives pour la relance.
Permettre graduellement aux Européens de se déplacer en sécurité au sein de l'Union européenne, ou en dehors, pour le travail et le tourisme : tel est le sujet. Nous sommes orphelins de notre art de vivre et des étrangers parcourant notre beau pays ; tout un pan de l'économie française est à l'arrêt. Nous ne pouvons rester immobiles alors qu'autour de nous le monde avance vers la reconstruction de ses structures de départ, d'accueil et d'échanges. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à créer ce pass sanitaire attendu par le plus grand nombre et associerez-vous les parlementaires à sa mise en oeuvre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vous remercie pour votre question, qui elle aussi est importante et puissamment d'actualité, non parce que nous serions aux portes de la création d'un pass sanitaire en France – nous n'en sommes pas là, nous avons commencé à vacciner quelques millions de Français et nous devons progresser – , mais parce que cette question s'anticipe.
Si je devais faire le tour de la question – en moins de deux minutes, monsieur le président – , je listerais quatre enjeux. D'abord un enjeu technique : quel support ? Évidemment, le numérique est important : est-ce qu'on passerait par l'application TousAntiCovid ? Nous y travaillons avec Cédric O, le secrétaire d'État en charge des questions numériques. Ensuite, il y a un enjeu sanitaire : quel statut retenir ? Une sérologie positive, une vaccination complète ? Quels sont les critères, les indicateurs dont il faudrait tenir compte ? Il y a aussi, vous l'avez dit madame la députée, un enjeu européen : nous travaillons avec Clément Beaune à une coordination. Plusieurs pays ont commencé à avancer et nous suivons avec intérêt la progression de leurs travaux. Il y a enfin un enjeu politique et profondément éthique, à tous les niveaux : que fait-on pour les personnes qui n'auraient pas été vaccinées ou qui ne pourraient pas l'être ? Quels sont les lieux d'accès, quelle serait la limite, etc. ? Tout cela nécessite une réflexion, ce qui prend du temps. L'heure n'est pas venue d'un pass sanitaire en France, ni en Europe, mais l'heure est venue de se poser les bonnes questions et d'avancer.
Pour répondre à votre interrogation, madame la députée, le Parlement doit évidemment avoir toute sa place dans cette réflexion, qui est éminemment sociétale, sociale, assez peu engageante finalement sur le plan des idées politiques, mais terriblement engageante sur celui de la citoyenneté. Nous ferons donc vraiment en sorte que le Parlement y participe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Il me semble néanmoins que la France doit se positionner très fortement au niveau européen : nous ne saurions nous laisser dicter des critères qui ne nous conviendraient pas, alors que nous sommes la première destination au monde.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
En 2020, pour la première fois depuis vingt ans, le taux d'incarcération est passé en dessous des 100 %, en raison d'une baisse du taux de délinquance due au confinement et des mesures adaptées qui ont été prises, en lien avec la covid-19.
Le 3 juin 2020, monsieur le garde des sceaux, vous avez signé, en tant qu'avocat et avec plusieurs centaines de personnalités, une lettre au Président de la République, saluant la déflation carcérale et ajoutant que celle-ci faisait « naître un fol espoir », celui que « la France ne soit plus pointée du doigt par les instances européennes pour les traitements inhumains et dégradants qu'elle inflige aux prisonniers ».
Tout cela est derrière nous. Le monde d'après ressemble à ce monde d'avant dont nous ne voulons pas. 122,7 % : c'est le taux d'occupation moyen des maisons d'arrêt en France au 1er février 2021. Le taux d'occupation est de 129 % à la maison d'arrêt de Varennes-le-Grand et près de 150 % dans certains territoires.
De plus, la pandémie impose des espaces réservés à l'isolement des nouveaux entrants, complexifiant l'accueil et aggravant, de ce fait, la surpopulation dans les autres secteurs. Dans ce contexte, il nous faut exprimer notre soutien aux personnels déçus et inquiets – directeurs, surveillants, équipes des services pénitentiaires d'insertion et de probation, personnels de santé, enseignants. Des décisions urgentes s'imposent pour endiguer l'inflation carcérale et lutter contre l'indignité des conditions d'accueil, comme nous le rappellent la CEDH – Cour européenne des droits de l'homme – et le Conseil constitutionnel.
Monsieur le garde des sceaux, pourquoi ne pas reprendre les mesures d'aménagement de fin de peine qui ont fait leurs preuves lors du premier confinement ? Tous les professionnels les réclament. Comment favoriser les peines alternatives, qui ne nuisent ni à la sécurité des personnes, ni à la protection de la société ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes FI et GDR.
Je connais votre humanité, madame la députée Untermaier, ainsi que la question qui vous préoccupe. La surpopulation carcérale, les conditions de détention, mais aussi les conditions de travail des personnels pénitentiaires, sont au coeur de mes préoccupations quotidiennes. La prison est nécessaire, car elle protège nos concitoyens, mais l'incarcération doit être digne,
Mme Cécile Untermaier acquiesce
et je m'y emploie chaque jour.
La crise sanitaire a fait tomber de façon historique le nombre de détenus dans notre pays. En outre, nous comptabilisons toujours 8 000 détenus de moins par rapport au mois de janvier de l'année précédente. Il faut rester extrêmement vigilants, vous avez raison de le souligner. J'ai réuni, il y a quinze jours, les chefs de cour et les chefs de juridiction, pour leur demander d'accélérer la mise en oeuvre des dispositions dites du bloc peine. Je tiens tout de même à vous rassurer : nous sommes passés de 3 % à 11 % s'agissant des aménagements de peine ab initio.
Pour le reste, je n'ai cessé de développer des alternatives. Je suis ainsi extrêmement attaché à la plateforme numérique appelée « TIG 360o ». Vous connaissez le contenu et le sens de la justice de proximité, avec la réduction des délais d'exécution. L'Assemblée nationale et le Sénat ont également adopté, en première lecture, la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, qui permet de développer le TIG – travail d'intérêt général – , avec une exécution plus rapide.
Je vous annonce que nous avons trouvé 8 000 sites :
M. le Premier ministre acquiesce
la promesse du Président de la République de construire 15 000 places de prison sera donc tenue. Bien sûr, il ne s'agit pas d'incarcérer plus, mais d'incarcérer plus dignement.
Enfin, nous aurons l'occasion de discuter prochainement des mesures que nous impose le Conseil constitutionnel et dont l'examen a été retardé pour des raisons procédurales : M. le sénateur Buffet a en effet repris l'amendement ambitieux que j'avais déposé et que vous pourrez bien évidemment enrichir. Comme vous pouvez le constater, madame la députée, les préoccupations que vous évoquez sont véritablement les miennes et celles de l'ensemble du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous allons voter dans quelques minutes le beau projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Nos débats ont mis en exergue la crise sans précédent que subissent les écoliers dans le monde : près de 1,6 milliard d'enfants sont privés d'école en raison de la pandémie. Dans certains pays, les familles doivent mettre en place des mécanismes de sauvetage qui ne laissent aucune place à un retour vers l'instruction scolaire. Les filles sont à nouveau mariées très jeunes. Les garçons sont enrôlés dans des groupes armés. De très nombreux enfants se retrouvent contraints de travailler.
En France, l'école résiste. Les enfants vivent presque normalement : c'est l'exception française, grâce à l'engagement des enseignants et des personnels de l'éducation nationale. Aujourd'hui, au nom de tous mes collègues, je leur rends à nouveau hommage.
Je sais qu'il est difficile, pour certaines personnes, de ne pas être dans la polémique et dans l'outrance permanente, sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux. Mesurons le choix courageux du Gouvernement français, salué à l'unanimité, de garder les classes ouvertes. Lors de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse que j'ai menée avec Marie-George Buffet, nous avons tous pris conscience des conséquences délétères de la fermeture des écoles, qui a immédiatement creusé les inégalités, et parfois mis en danger les jeunes.
La détermination du Gouvernement français pour laisser les écoles ouvertes nécessite une vigilance de tous les instants et de l'adaptabilité. Pour contrer la propagation du virus et de ses variants, les tests salivaires se multiplient dans les établissements scolaires : sans eux, un dépistage à grande échelle n'aurait pas été possible.
Monsieur le ministre, certains professeurs s'inquiètent du rôle qu'ils devront jouer dans le déploiement de la politique des tests massifs : quel protocole sanitaire sera mis en place pour protéger et accompagner le personnel de l'éducation nationale, les enseignants, nos enfants et, au final, nous-mêmes ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Merci pour cette question importante, madame la députée. Merci aussi d'avoir commencé par évoquer la situation mondiale, dont on ne dit pas assez qu'il s'agit d'une catastrophe éducative, qui se joue au travers des différents confinements. Nous devons tous être très vigilants sur cette question. C'est la raison pour laquelle j'en parle aussi souvent à l'échelle européenne, à l'échelle de la francophonie et à l'échelle internationale, via l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture : nous devons être attentifs à ces millions d'enfants déscolarisés. Nous ne pouvons qu'en être très inquiets.
Malgré tout, la France a réussi à maintenir les élèves à l'école lors de cette année scolaire. Le Président de la République et le Premier ministre ont été extrêmement actifs, en me soutenant sur ce point, pour réussir à garder l'école ouverte malgré toutes les difficultés et grâce à l'engagement de tous les personnels de l'éducation nationale. Cet objectif fait aujourd'hui consensus car chacun comprend bien ce qui se joue derrière la scolarisation des enfants.
Il faut sans arrêt améliorer nos outils, notamment la fameuse stratégie « tester, alerter, protéger », qui a commencé avec les tests dits PCR effectués depuis plusieurs mois, chaque fois que des élèves ou des adultes sont symptomatiques. Celle-ci va bien entendu se poursuivre.
La nouveauté, c'est une stratégie s'appuyant sur les tests salivaires, qui permettra de toucher davantage l'école primaire, ce qui était difficile avec les tests nasopharyngés. Avec 300 000 tests salivaires par semaine, nous devrions avoir, au cours des prochaines semaines, une vision de la situation des élèves, même s'ils sont asymptomatiques. Nous irons en particulier dans les territoires où le virus circule. Nous reviendrons tous les quinze jours dans certaines écoles, pour savoir où en est la circulation du virus. Grâce à cela, nous pourrons prendre des mesures plus fines à l'échelle de chaque territoire et continuer à atteindre notre objectif : maintenir les écoles ouvertes pour tous les enfants de France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Annie Genevard.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Libertés et territoires.
Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur un projet de loi de programmation de l'aide française au développement des États les plus pauvres, je tenais à rappeler que la grandeur d'un pays, en particulier du nôtre, se mesure en premier lieu à sa générosité envers ceux qui n'ont pas eu la chance de suivre la même trajectoire. Comment être heureux, environné d'une telle misère ? Notre pays revendiquant un universalisme qui a tant apporté au monde entier se devrait de compter parmi les plus engagés dans ce domaine.
Or cela n'a jamais été le cas. À l'assemblée générale des Nations unies, en 1970, nous nous étions engagés à consacrer à cette aide 0,7 % de notre richesse nationale : nous sommes encore très loin de cet objectif. Si nous faisons les comptes, ce sont en tout 200 milliards supplémentaires qui auraient dû être ainsi versés ; je vous laisse imaginer ce qu'une telle somme aurait permis d'accomplir. La lutte contre les inégalités mondiales constitue avant tout un devoir pour tout État développé ; pour le nôtre plus encore, puisque nous entretenons des liens étroits, presque filiaux, avec beaucoup de pays très pauvres, en particulier au sud de la Méditerranée. Nous avons transmis notre langue, notre culture, souvent nos institutions, notre religion même, à des centaines de millions de personnes qui aujourd'hui pensent, parlent, souffrent en français. Lutter contre les inégalités mondiales n'est que justice à l'égard de pays que nous avons occupés et auxquels nous n'avons pas apporté que les vertus de la civilisation, sans compter la dette climatique due à nos émissions de gaz à effet de serre. Enfin, s'il ne devait rester que cet argument, sans espérer tarir le flux de l'immigration – pari aussi vain que sot de ceux qui croient pouvoir interdire aux hommes de se déplacer – , il est impératif, pour le stabiliser, de favoriser le développement des pays à la fois les plus pauvres et les plus proches de nous.
Ce projet de loi était très attendu. Le Gouvernement a fait des promesses ambitieuses ; la crise du covid-19, qui affecte fortement les populations les plus vulnérables, rend cette aide particulièrement cruciale. Notre groupe a donc tenté de rendre ce texte le plus ambitieux possible : à ce titre, je salue la qualité du travail collectif réalisé à l'occasion de son examen. Le Gouvernement et le rapporteur se sont montrés à l'écoute, permettant ainsi des avancées. Nous tenons également à remercier les ONG de leur aide précieuse et de leurs combats quotidiens. Parmi les aspects positifs de ce projet de loi, nous nous réjouissons de l'augmentation du montant global de l'aide au développement, le Gouvernement ayant fini par accepter d'inclure dans le texte notre engagement d'y consacrer 0,7 % du produit industriel brut – PIB – en 2025, même si la formule retenue n'est guère contraignante juridiquement. Nous saluons l'inscription dans le corps du texte, et non plus en annexe, des grands objectifs de l'aide publique au développement – APD – : c'était l'une de nos requêtes. Nous sommes satisfaits que le Gouvernement ait entendu les demandes visant à un contrôle plus démocratique de l'aide ; des parlementaires, mais aussi des représentants de la société civile et des ONG, apporteront désormais un autre regard au sein des conseils d'administration de l'Agence française de développement, l'AFD, et d'Expertise France. La création d'une commission indépendante d'évaluation permettra, elle aussi, une plus grande transparence.
Toutefois, malgré ces avancées, nous émettons toujours des réserves. Si le montant global alloué à l'APD augmente, cette augmentation résulte en majeure partie de dépenses qui ne correspondent pas au coeur de sa mission : prise en charge des réfugiés sur le territoire national, gratuité des études supérieures en France pour les ressortissants de certains pays lointains, ou encore remises de dettes dont nous désapprouvons non le principe, mais le fait qu'elles portent sur des dettes qui couraient depuis longtemps et n'auraient d'ailleurs jamais dû être comptabilisées en APD. Par ailleurs, le corps du texte manque toujours d'objectifs chiffrés et contraignants. Enfin, nous l'avons souvent dit : c'est une chose singulière qu'une future loi de programmation qui ne s'étend que sur une année, jusqu'en 2022.
Nous reconnaissons cependant que la trajectoire de l'APD est positive, et nous saluons les avancées obtenues lors de l'examen du texte, qui donneront des marges de manoeuvre aux acteurs de terrain. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires, dans sa grande majorité, soutiendra ce projet de loi.
M. le rapporteur et M. le président de la commission des affaires étrangères applaudissent.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les débats suscités par le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales furent intenses et d'une grande richesse : en commission, 160 amendements, sur presque 600, ont été adoptés ; en séance publique, 140 sur 500. Nous constatons ce résultat de la volonté du rapporteur et du Gouvernement de permettre à l'Assemblée nationale d'améliorer le texte le plus possible, en y associant tous les bancs de notre hémicycle.
Avec une vingtaine d'amendements adoptés ou satisfaits, tant en commission qu'en séance publique, les députés communistes et membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine saluent la prise en compte de plusieurs de leurs propositions : l'insertion du thème du commerce équitable, l'ajout d'un indicateur alternatif au PIB, comme l'indice de développement humain, ou encore la mention de la préservation de l'espace humanitaire, issu de l'excellent rapport de nos collègues Moetai Brotherson et Jean François Mbaye. Nous avons pu nous faire entendre, même si nous regrettons, par exemple, que n'ait pas été adopté notre amendement portant sur le scandale de l'extraterritorialité du droit américain. Il s'agissait de permettre aux victimes de cette ingérence intolérable, tel le peuple cubain, d'échapper à la double peine que sont l'asphyxie par les États-Unis et l'impossibilité de bénéficier sur place d'une aide au développement ou d'une coopération technique de la part d'autres pays. Nous déplorons également l'absence de solutions qui auraient permis aux autorités organisatrices de transport pratiquant la gratuité des transports en commun de mobiliser 1 % de leur investissement en vue de projets de coopération dans ce secteur.
Je regrette en outre que subsistent deux problèmes majeurs, parce que ce texte, rédigé en 2018, n'a pas véritablement été mis à jour : d'une part, la programmation financière de l'APD porte sur la période 2020-2022 ; d'autre part, le cadre de partenariat global reprend les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement qui s'est réuni en 2018.
S'agissant du volet budgétaire, mon collègue Jean-Paul Lecoq, que je remercie de son travail en commission puis en séance, vous a fait observer à de multiples reprises que ce projet de loi ne programmait rien du tout. Il aurait suffi, comme il vous le proposait, de retrancher du titre les mots « de programmation » pour que nous nous rapprochions de la vérité. Certes, ce texte crée un corpus de réflexions politiques et de principes d'action autour des questions de développement solidaire, mais, je le répète, il ne détermine pas de programmation financière.
Les députés de notre groupe regrettent qu'aucun objectif n'ait été traduit en chiffres absolus, pas même celui de 0,7 % du RNB, le revenu national brut, consacré à l'APD d'ici à 2025. Son origine – la résolution 2626 de l'Assemblée générale des Nations unies, du 24 octobre 1970 – n'est d'ailleurs pas rappelée non plus. Ces précisions auraient pourtant résolu un problème que Jean-Paul Lecoq signalait dès 2017 : quand on raisonne sur des pourcentages, il suffit, à budget constant, que le PIB s'effondre pour que le ratio augmente. Encore une fois, il faut donc des objectifs à long terme et chiffrés dans l'absolu : les députés communistes avaient suggéré que, d'ici à 2025, l'APD soit portée à 18 milliards d'euros, dont 8,1 milliards pour la mission budgétaire « Aide publique au développement ». Cette proposition autorisait des perspectives chiffrées, à long terme, pour les acteurs qui travaillent avec l'État, qui font au quotidien un travail extraordinaire et dont nous saluons le courage, l'engagement, la détermination.
Le second problème majeur concerne la valeur juridique du cadre de partenariat global, qui n'est pas à la hauteur de nos attentes. Le Conseil d'État recommande, par souci de clarté, de ne pas faire figurer un tel texte dans le corps du projet de loi.
Il aurait pourtant été bon de lui donner plus de poids. Nous n'oserions pas supposer que cette quasi-absence de contrainte juridique pourrait expliquer la générosité dont le Gouvernement a fait preuve lors de la discussion de ce texte ; cela, nous ne le pensons pas.
Je le répète, le fait que les projections financières n'aillent pas au-delà de 2022 et le statut de ce cadre de partenariat global empêcheront les députés communistes de voter le projet de loi. Mais puisque des efforts ont été faits, au cours de nos discussions, en vue d'écouter et d'intégrer dans leur diversité les propositions des députés, nous ne nous opposerons pas à son adoption. En somme, vous l'aurez compris, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour le groupe La République en marche.
Nous avons démontré ensemble que lorsqu'il s'agit de lutter contre les inégalités mondiales, la représentation nationale et les acteurs du développement savent parler d'une seule voix – d'une voix forte, solidaire et ambitieuse. Fruit d'un vaste travail de co-construction avec la société civile, les diasporas, les collectivités territoriales et, encore une fois, tous les acteurs du développement, ce projet de loi fait de la lutte contre la pauvreté et les inégalités mondiales l'objectif central de notre politique de développement, visant à aider les pays les plus vulnérables, notamment africains. Telle est ma fierté ; telle devrait être notre fierté, mes chers collègues : entendre résonner au-delà de ces murs l'écho de ce que nous avons produit, des solutions que nous avons élaborées, à nous tous. L'adoption du texte ne marquera pas une victoire de la majorité, ni un renoncement des oppositions : elle sera l'expression de ce que notre législature, dans son ensemble, souhaite signifier, alors que le monde souffre et a besoin d'espoir.
Cette fierté, je la nourris à l'égard de notre pays, qui maintient le cap qu'il s'était lui-même fixé en matière de solidarité internationale, persistance d'autant plus admirable à l'heure où la crise sanitaire incite au repli sur soi. Je la nourris devant mes collègues de la commission des affaires étrangères, qui, forte de sa diversité, a fourni un travail remarquable : sous la férule de Jean-Louis Bourlanges, nous nous sommes montrés à la hauteur des exigences de notre regrettée présidente, Marielle de Sarnez, dont l'action et le leadership ont posé les fondations de notre réussite collective.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I.
Je suis fier de vous avoir accompagné, monsieur le rapporteur – cher Hervé Berville – , avec ma collègue Valérie Thomas, dans la construction de ce texte ; l'expérience, la maîtrise et l'ouverture dont vous avez fait preuve durant nos débats vous honorent. Enfin, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie – chers Jean-Yves Le Drian et Jean-Baptiste Lemoyne – , la représentation nationale, dans toutes ses composantes, est consciente que votre implication personnelle, aux côtés du chef de l'État, fut décisive pour la réussite de nos travaux.
Parmi les avancées actées dès l'examen du projet de loi en commission, je retiendrai le renforcement sensible des ambitions françaises en matière d'action humanitaire, dans une période d'instabilité grandissante. Le continuum entre humanitaire et développement doit pouvoir répondre aux besoins des populations les plus vulnérables. Ce faisant – cela a été souligné par M. Chassaigne – , nous avons donné corps aux recommandations du travail que j'ai mené avec notre collègue Moetai Brotherson, ce dont je ne peux que me réjouir. Je retiendrai également l'inscription dans le texte du souci partagé de préserver la mobilité étudiante en provenance des pays les plus pauvres. Ces jeunes sont des acteurs à part entière du développement de leur pays. À cet égard, je tiens néanmoins à dire que la hausse de leurs frais d'inscription suscite encore des interrogations légitimes de la part de la représentation nationale. Je retiendrai enfin la volonté d'associer davantage l'ensemble des parties prenantes locales.
Je retiendrai enfin la volonté d'associer davantage l'ensemble des parties prenantes locales, notamment les parlementaires de nos pays partenaires, à l'élaboration des politiques de développement. Nous avons co-construit cette loi en commission mais aussi en séance publique, conformément aux engagements que nous avions pris – ministre, rapporteur et députés de la majorité – d'associer tous les bancs de l'Assemblée. Force est de considérer que les résultats ont été au rendez-vous ; je pense notamment à l'intégration d'une cible complémentaire à l'objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l'APD, trajectoire ambitieuse vers laquelle notre pays devra désormais tendre sans relâche d'ici à 2025. Je pense également à la problématique du produit de cession des biens mal acquis, qui bénéficiera désormais en toute transparence aux populations spoliées. À cet égard, je tiens à saluer le dispositif issu du travail conjoint entre les députés et le Gouvernement. Je citerai aussi le sujet de la création d'états civils fiables, permettant à chaque individu qui voit le jour sur cette planète de bénéficier d'une identité – un droit fondamental, qui est à l'origine de tous les autres. Citons enfin l'introduction de thématiques fondamentales, comme la promotion du commerce équitable, qui lie la question de la croissance à celle du partage, ou encore la lutte que nous devons mener sans relâche contre l'esclavage et le travail forcé.
Mes chers collègues, avec plus de 200 amendements adoptés en commission et en séance publique, il ne me semble pas exagéré de dire que nous avons tous pu, sur chacun des bancs de notre hémicycle, apporter notre pierre à l'édifice législatif que nous sommes sur le point de voter. Je terminerai donc en vous disant ma fierté d'appartenir au groupe parlementaire La République en marche qui, après s'être tant investi dans ce projet de loi…
… après l'avoir tant enrichi, votera évidemment en sa faveur. J'ajoute enfin que je suis fier de notre assemblée qui, dans toutes ses composantes, a démontré la remarquable qualité de son travail en faveur de cette belle cause qu'est la solidarité internationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe Les Républicains.
S'il y a bien un mot qui a fait l'unanimité sur nos bancs, y compris au sein de la majorité, c'est bien le mot « enfin » : ce texte, nous l'attendions toutes et tous, comme l'ensemble des acteurs de l'aide publique au développement.
Au cours de la dernière décennie, le monde a fait face à de multiples bouleversements qui ont conduit chacun et chacune d'entre nous à repenser la vision qu'il en avait. La pandémie de covid-19, les premiers effets du réchauffement climatique, la crise du multilatéralisme, les questions démographiques, l'insécurité et l'instabilité inter- et intra-étatiques, le terrorisme, la multiplication des États faillis, les nombreuses crises liées au problème des migrants et des réfugiés, l'inégal accès à l'eau, aux soins, à l'énergie, à l'éducation, tous ces enjeux mettent en lumière la souffrance des populations. L'adaptation et le renforcement de notre aide publique au développement étaient devenus indispensables pour que nous puissions participer significativement à la construction de l'avenir de ces populations. En 2017, le Président de la République s'est montré ambitieux pour l'aide publique au développement, pour ses priorités thématiques et géographiques ainsi que pour leurs déclinaisons budgétaires, en se donnant pour but de consacrer en 2022 0,55 % de notre RNB à l'APD. Nous y sommes et nous saluons l'effort accompli par le Gouvernement, même si celui-ci doit se donner pour objectif d'atteindre 0,7 %.
L'équilibre entre le multilatéral et le bilatéral demeure imparfait. Seul un renforcement de l'aide bilatérale, qui est en cours, permettra à notre pays de jouer un rôle central, un rôle d'influence auprès des pays que nous considérons comme prioritaires. Nous avons étudié de nombreux amendements concernant le cadre de partenariat global, mais celui-ci n'est qu'un catalogue exhaustif de toutes les valeurs et des actions pouvant être menées dans le cadre du développement solidaire, et qu'il ne définit pas de véritable stratégie ni de priorités.
Enfin, ce texte permet de répondre aux exigences de transparence. Au sein de cet hémicycle, des parlementaires ont régulièrement alerté sur la complexité de l'APD française qui ne permet ni au Parlement ni à la société civile d'avoir accès à des informations exploitables. L'indispensable transparence, prévue par l'article 2, offrira à ceux qui le souhaitent des données relatives aux montants engagés, aux crédits dépensés, aux stratégies développées, à l'équilibre entre le multilatéral et le bilatéral, au montant des aides budgétaires et des effacements de dettes, ainsi qu'à l'équilibre entre les dons et les prêts. Les Français sont en droit de connaître et d'évaluer notre politique de solidarité avec les populations les plus touchées par la pauvreté.
M. Meyer Habib applaudit.
Ils doivent pouvoir s'assurer que les moyens donnés par la France ne sont pas détournés par la corruption.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Au même titre, ils ne comprennent pas que les pays que nous soutenons, où nos soldats meurent, refusent d'admettre sur leur territoire leurs ressortissants renvoyés par la France pour cause d'immigration illégale.
Les pistes que vous avez soulevées, monsieur le ministre, concernant la suspension des aides budgétaires ou des visas diplomatiques, vont dans le bon sens.
La transparence nous permettra aussi d'évaluer l'efficacité et l'impact de notre politique sur le terrain. En ce sens, la commission d'évaluation définie à l'article 9 permettra un meilleur suivi de nos actions. Elle ne sera efficace qu'à condition d'être totalement indépendante, selon le modèle britannique, ce qui semble être aussi votre priorité, monsieur le ministre.
C'est notre rôle de protéger les enfants de l'obscurantisme, de défendre l'égalité entre les femmes et les hommes, de permettre l'éducation notamment des filles, de garantir un égal accès aux soins à ces peuples, de leur offrir une assistance face aux dérèglements climatiques dans lesquels nous avons indéniablement une responsabilité, de les protéger face à des gouvernements corrompus et de les accompagner sur la voie du développement économique. La population du Nigeria va par exemple doubler d'ici à 2050, pour atteindre plus de 400 millions d'habitants, et, sur 20 millions de jeunes Africains qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, seuls 2 ou 3 millions trouvent du travail. C'est ce qui nourrit les conflits, le terrorisme et les flux migratoires. Saluons en cet instant, monsieur le ministre, les efforts de notre armée pour la paix en Afrique.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
N'oublions jamais, comme l'a déclaré Harry Truman en 1949, que la pauvreté des États constitue un handicap tant pour eux que pour les régions les plus prospères. Le présent projet de loi répond, en l'état actuel, à nos demandes incontournables d'une transparence et d'une évaluation qui faisaient tant défaut hier. Aujourd'hui, il est marqué par le rassemblement puisque monsieur le ministre, cher rapporteur, vous avez su écouter les députés. Plusieurs amendements de notre groupe ont été adoptés. Nos priorités ont été entendues et partagées ; c'est pourquoi le groupe Les Républicains votera le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM et Dem.
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
Je voudrais commencer, si vous le permettez, par partager ma très grande tristesse. Ce projet de loi est en effet orphelin : il est orphelin de Marielle de Sarnez, avec laquelle nous aurions tellement voulu partager ce moment et qui a tellement contribué à la réussite de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM et Agir ens.
Ce projet de loi, c'est une promesse tenue. C'est un très grand espoir pour des millions de citoyens dans le monde. C'est le retour de la France en tant que grande nation de la lutte contre les inégalités et la pauvreté dans le monde. C'est aussi une réussite collective, tous groupes parlementaires confondus. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous votions les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui étaient en augmentation pour la quatrième année consécutive et devaient passer de 0,37 % à 0,55 % du revenu national brut en 2022. Aujourd'hui, nous nous apprêtons à aller encore plus loin en plaçant cette trajectoire à 0,7 % du RNB en 2025.
Sur le fond, grâce à la définition claire des zones géographiques et des secteurs prioritaires, le texte va rendre notre stratégie plus lisible et lui permettra d'avoir un plus grand impact. Nous nous félicitons notamment que les États du Sahel fassent partie des dix-neuf pays identifiés comme prioritaires. Grâce au débat parlementaire annuel, introduit à l'article 2, nous rendons notre stratégie plus transparente et surtout, nous nous donnons toutes les chances de mieux en mesurer l'efficacité. Il s'agit là aussi d'une promesse collectivement tenue.
Enfin, nous nous félicitons du rôle toujours plus important que l'AFD aura à jouer dans la mise en oeuvre de notre politique d'aide au développement.
Pour sa part, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a réussi à partager un nombre important de convictions – d'abord, celle de la mobilité, dans le droit fil du discours du 28 novembre 2017 du Président de la République prononcé à l'université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Emmanuel Macron avait insisté pour que l'influence internationale de la France serve davantage à la jeunesse et à l'éducation pour tous, et plaidé pour la mobilité des étudiants, des jeunes et des talents.
Très attachés à cette vision, nous avons porté et fait adopter des amendements qui rappellent cette priorité au sein du cadre de partenariat global. À l'avenir, l'aide publique au développement doit faire progresser la mobilité internationale vers et à partir de la France. Favoriser et organiser les mobilités, c'est faire reculer les inégalités mondiales. C'est vrai quand un Français apporte des compétences particulières dans un pays qui n'en dispose pas ; c'est vrai quand un étranger peut se former en France pour mettre ensuite à profit son expertise dans son pays ; mais c'est vrai aussi lorsqu'un étranger vient en France partager une expertise singulière, à l'image de Babou, un berger malien qui vient chaque année au centre-ville de Mulhouse pour nous montrer comment réintroduire l'élevage de moutons en milieu urbain. Ce qui est vrai pour Babou l'est aussi pour des milliers de jeunes entrepreneurs africains régulièrement primés.
M. M'Jid El Guerrab applaudit.
Notre groupe a aussi souligné l'importance et la place des enfants, en faisant voter la défense des droits de l'enfant comme principe de notre politique d'aide au développement, et en rappelant l'importance de la lutte contre les mutilations sexuelles, l'exploitation d'enfants soldats ou l'absence d'état civil. Rappelons que les inégalités commencent et se creusent dès l'enfance, et qu'aucune politique d'aide au développement sincère ne peut l'ignorer.
Enfin, je salue le consensus auquel nous avons abouti sur la question des biens mal acquis. L'ensemble des députés de la majorité a porté une mesure qui a du sens : désormais, lorsqu'un dignitaire détournera de l'argent public de son pays et se verra condamné en France, ses biens et ses avoirs saisis par la justice seront directement affectés aux populations spoliées, par le biais de l'aide publique au développement.
Ce texte constitue un changement de dimension au service d'une nouvelle ambition. Je me souviens encore des doutes qui s'étaient largement exprimés sur ces bancs en 2017 quand vous interveniez pour la première fois, monsieur le ministre, sur ces questions. Aujourd'hui, l'engagement du Président de la République va être tenu, là où ses prédécesseurs avaient renoncé. Nous nous félicitons de voir réaffirmer que la politique française de développement devient un marqueur fort de notre influence et de notre reconnaissance internationale. Soyons aussi fiers de revendiquer publiquement que dans un monde de plus en plus injuste, qui souffre, la France a compris collectivement et solidairement que l'aide aux plus faibles réclame les moyens des plus forts. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera ce texte, vous l'avez compris, et je vous confirme qu'il le fera à l'unanimité.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Il était temps, mais nous y sommes enfin : ce texte important et tant attendu a été débattu, alors que le monde traverse une crise sans précédent et que notre aide est plus que jamais pressante et primordiale. Je tiens à remercier le rapporteur pour le travail qu'il a accompli et pour la qualité des débats que nous avons eus. Les discussions avec le Gouvernement ont également permis d'avancer sur des sujets chers au groupe Socialistes et apparentés, et qui ont trouvé leur place dans ce texte.
Je pense à l'enregistrement des naissances et à l'accès à un état civil fiable qui, en entrant dans le droit positif français, engagent la France à agir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Dem et Agir ens.
Je pense aussi au devoir de vigilance des entreprises et des bailleurs de fonds, à la lutte contre l'accaparement du foncier, à la promotion et au soutien de la Grande muraille verte, à la lutte contre le travail forcé, à la défense du concept d'une seule santé mondiale, à l'introduction de la notion de commerce équitable ou encore au renforcement de la coopération culturelle en Méditerranée et à l'encadrement de l'exportation de nos déchets.
Ces propositions que nous avons faites, et que nous avons contribué à intégrer au texte grâce à nos amendements, sont, pour la majorité d'entre elles, inscrites dans le cadre de partenariat global. Là est notre première déception. En effet, force est de constater que nous n'avons aucune certitude quant à la portée juridique réelle de ce texte, au sein duquel sont rassemblés les éléments essentiels de la politique de développement promue par la France. C'est un vrai regret car ce projet de loi, enrichi par l'ensemble des groupes, contient une vision et un projet pertinent fondé sur un véritable partenariat avec les pays bénéficiaires et les organisations de la société civile.
On peut se réjouir des avancées relatives à la transparence de l'aide publique au développement et à l'information du Parlement, comme à la représentativité de celui-ci au sein des instances. Cependant, nous aurions aimé aller plus loin dans le contrôle, la lisibilité et l'accès aux données relatives à l'aide publique au développement, et nous n'avons pas été entendus sur ce point. Cela dit, nous avons collectivement fait un grand pas sur la question de la restitution des biens mal acquis, même si le dispositif doit encore être affiné pour que nous soyons assurés que les sommes recouvrées ne reviennent pas aux corrupteurs. Enfin, nous avons inséré les droits de l'enfant et des adolescents au sein de ce texte, dont ils doivent évidemment être les principaux bénéficiaires : cela était impératif.
En revanche, les objectifs affichés en matière d'égalité femmes-hommes restent décevants, tout comme l'absence de volonté de cibler notre aide en pourcentage et en volume vers les pays les moins avancés. Si la France s'est fixé une liste de dix-neuf pays prioritaires, il aurait été pertinent de se donner des objectifs clairs et précis en termes de volume et de nature des aides. Je ne reviendrai pas sur les débats que nous avons eus, mais il est effarant de constater que, parmi les dix premiers bénéficiaires de notre aide publique au développement, on ne trouve qu'un seul pays de la liste des pays prioritaires : actuellement, les principaux bénéficiaires de notre aide sont la Turquie, l'Inde et la Colombie.
Il en va de même en matière de prêts et de dons, et de ciblage de l'aide multilatérale et bilatérale : les objectifs auraient pu être plus clairs et plus volontaristes en faveur des dons et du bilatéralisme. Enfin, le terme « programmation » ne convient pas pour désigner un texte qui, renonçant à établir une trajectoire sur cinq ans, se borne à retenir une échéance électorale, sans aucune assurance, ni en pourcentage ni en volume, que notre aide puisse se poursuivre.
Le texte dispose que la France s'efforcera de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement en 2025. Cette affirmation inscrite en séance manque cruellement d'ambition comme de volontarisme, et laisse planer un doute sur la volonté réelle du Gouvernement d'atteindre cet objectif. Surtout, elle prive les acteurs du développement de toute prévisibilité, ce que nous regrettons.
« Tant que la pauvreté, l'injustice et les inégalités flagrantes persisteront dans le monde, nul ne pourra prendre de repos », disait le sage Nelson Mandela. Avec ce texte, dont nous déplorons quelques imperfections et quelques insuffisances, nous avançons malgré tout pour permettre à la France d'agir plus efficacement contre l'injustice et les inégalités. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LaREM, LR, Dem et Agir ens.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aina Kuric, pour le groupe Agir ensemble.
Enfin, nous en arrivons au terme de l'examen d'un projet de loi très attendu et que nous nous apprêtons à voter avec enthousiasme car, avec ce texte, la France démontre son ambition dans la lutte contre les inégalités mondiales. Elle le fait en témoignant une attention particulière aux pays les plus vulnérables et en ciblant dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit situés en Afrique, qui ne disposent pas des mêmes ressources que les autres pour faire face à la crise tout en poursuivant leur transition vers des modèles de croissance plus résilients, plus inclusifs et plus durables.
Ce texte renforce les moyens et renouvelle les partenariats. Notre groupe salue le choix de donner une place toute particulière aux objectifs de développement durable – ODD – définis dans le cadre de l'agenda 2030 adopté en septembre 2015 par l'Assemblée générale des Nations unies.
Messieurs les ministres, vous connaissez mon attachement à cette question…
Oui !
… et, si tous nos amendements n'ont pas été retenus – je pense notamment à ceux qui visaient à intégrer des indicateurs dans la commission nationale de coopération – , nous saluons évidemment l'ambition caractérisant les objectifs de développement durable, en particulier le dix-septième, qui précise que la grande ambition des ODD est fondée sur la coopération et des partenariats mondiaux solides. C'est ce dix-septième objectif qui permettra la réalisation des seize premiers, cruciaux dans notre stratégie de développement.
Je tiens à remercier Jean-Yves Le Drian et Jean-Baptiste Lemoyne, ainsi que le rapporteur, pour leur écoute et pour la volonté de co-construction dont ils ont constamment fait preuve lors de nos débats en commission…
… et en séance, ainsi que nos collègues sur tous les bancs, avec qui nous avons su nous retrouver pour défendre les intérêts de notre pays, mais aussi des intérêts des plus vulnérables, ainsi que les droits humains, en particulier les droits des enfants, que je me réjouis de voir inscrits dans la loi. Pour tout cela, merci, chers collègues !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Il en résulte un texte enrichi par des propositions concrètes, mais surtout nécessaires. Le groupe Agir ensemble a répondu présent en faisant adopter une vingtaine d'amendements. Ce travail collectif, salué par les précédents orateurs, a permis de clarifier la question des biens mal acquis, en particulier le sort des fonds confisqués par la justice française lors d'une condamnation pénale dans le cadre d'une affaire de corruption internationale, d'introduire le dispositif de 1 % logement au titre de la solidarité internationale en autorisant les bailleurs sociaux français à financer des actions de coopération et de solidarité internationale, ou encore de concrétiser les propositions du rapport sur la problématique des enfants sans identité en faisant de l'enregistrement des naissances une priorité de notre aide au développement – j'en profite pour remercier le groupe Socialistes et apparentés, qui va nous donner l'occasion d'en débattre demain dans cet hémicycle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Agir ens.
Merci les socialistes ! Ça fait cinq ans qu'on ne leur a pas dit merci !
Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble félicite le Gouvernement et l'Assemblée nationale d'avoir construit ensemble ce projet de loi, que, bien évidemment, il votera.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Avant de commencer, permettez-moi d'avoir à mon tour une pensée émue pour notre présidente Marielle de Sarnez, que nous aimions tellement et qui nous manque tellement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Parce qu'elle exacerbe des inégalités déjà existantes, la crise sanitaire, économique et sociale liée à la pandémie a un impact considérable sur les progrès importants réalisés au cours des dernières années en matière de développement. Un choc mondial d'une telle ampleur contribue à nous faire prendre conscience de l'interconnexion de nos sociétés et de nos économies, et de la nécessité de la solidarité avec les pays les plus fragiles.
La représentation nationale peut être fière de renforcer l'efficacité de l'action de la France dans ce domaine en la dotant de moyens financiers, mais aussi de moyens d'évaluation et de contrôle, ce qui permettra de mieux évaluer l'impact de cette action et de renforcer une transparence indispensable quant à l'utilisation des moyens engagés.
M. Meyer Habib remet son masque en place.
En Israël, chers collègues. J'espère que, pour vous, ce n'est pas un mot tabou.
Pour mieux évaluer l'impact de l'action de la France et renforcer ainsi l'indispensable transparence quant à l'utilisation des moyens engagés, ce projet de loi prévoit la création d'une commission indépendante d'évaluation – à cet égard, nous souhaitons saluer les évolutions de l'article 9. La remise au Parlement par cette commission d'un rapport annuel faisant état de ses travaux, conclusions et recommandations, ainsi que la création d'une base de données ouverte, seront par ailleurs des outils non négligeables dans le suivi des politiques d'aide au développement.
En ce qui concerne les dispositions budgétaires de cette loi de programmation, nous nous sommes interrogés à juste titre sur la période dédiée. En effet, les effets du projet de loi censé s'appliquer sur la période 2020-2025 étaient naturellement circonscrits à la fin du quinquennat, donc en 2022. Nous avons souhaité renforcer le contrôle du Parlement au-delà de cette échéance. Compte tenu de son rôle en matière budgétaire, c'est au Parlement qu'il revient de détailler, d'approuver et d'évaluer tout objectif et toute trajectoire de cette nature. Nous saluons donc l'adoption de l'amendement de bon sens tendant à renforcer le contrôle du Parlement en instaurant un vote pour la période de programmation 2022-2025.
Toujours dans le domaine financier, mais sous un autre angle, nous nous félicitons de l'adoption d'un autre amendement visant à transférer les recettes issues des biens mal acquis à l'Agence française de développement. Cela concerne les biens qui n'auraient pu être restitués par la voie de l'entraide judiciaire ou au titre de l'indemnisation des parties civiles, comme le préconise le rapport « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner », que nos collègues Jean-Luc Warsmann, du groupe UDI-I, et Laurent Saint-Martin, ont remis aux ministres de la justice, de l'intérieur et de l'action et des comptes publics en novembre 2019.
Cela me conduit à évoquer la nécessité d'une transparence totale, principe fondamental qui doit guider la solidarité internationale et auquel mon groupe et moi-même sommes particulièrement attachés. Dans cette optique, nous devons parvenir à un meilleur traçage des financements de l'AFD en limitant ses missions à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'État. Il n'est pas acceptable que, comme cela a été le cas ces dernières années, l'AFD apporte son soutien financier à des initiatives qui ne semblent liées que de très loin au développement et qui usent des fonds qui leur sont alloués à des fins politiques obscures, voire à des fins de corruptions, comme l'a dit Bérangère Poletti, des fins qui vont parfois même à l'encontre des intérêts de la France. Je pense par exemple à l'Association France Palestine Solidarité – AFPS – , qui appelle au boycott des produits israéliens en violation de la loi…
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Puissent nos collègues d'extrême gauche souffrir de m'entendre encore quelques instants…
On pourrait également citer le centre socioculturel Al Bustan, qui a des liens étroits avec le Front populaire de libération de la Palestine – FPLP – , organisation terroriste, responsable notamment de l'attentat de la rue Copernic. J'ai déposé plusieurs amendements visant à mettre fin à cette situation.
Aussi ne puis-je que rappeler l'importance des objectifs d'efficacité et de redevabilité inscrits dans le projet de loi, qui se traduisent notamment par l'instauration d'un suivi annuel des décaissements en dons et en prêts et par l'intégration des opérations d'annulation de dettes dans le document de politique transversale.
Par ailleurs, la représentation pluraliste des parlementaires au conseil d'administration de l'AFD est une excellente nouvelle.
J'en arrive à mon dernier point : le partenariat que nous avons noué en termes de politique migratoire, sujet essentiel sur lequel il est nécessaire de poursuivre nos discussions. Nous sommes tout à fait enclins à renforcer notre aide au développement, surtout en cette période de crise sanitaire et économique. C'est l'honneur de la France que d'être au quatrième rang mondial dans ce domaine et de continuer à intensifier cette dynamique. Toutefois, il faut impérativement conditionner cette aide à la coopération pleine et entière des pays partenaires : ils doivent accueillir leurs ressortissants lorsque ceux-ci ne sont pas admis en France !
« Le temps ! » sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
Ajoutons que cette coopération doit être effectuée dans un cadre européen.
J'ai été longuement interrompu, madame la présidente.
Dans le cadre d'une logique partenariale avec les pays ayant accès à l'aide publique au développement, un haut degré de coopération dans la maîtrise de l'immigration s'impose. Cela suppose de la part de certains États une capacité à gérer leurs frontières, à combattre les réseaux de passeurs…
Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Clémentine Autain interpelle Mme la présidente en lui montrant l'horloge.
Je salue les avancées majeures de ce texte qui renforce l'objectif d'efficacité.
Le groupe UDI-I votera en sa faveur. Mais je tiens à vous redire, madame la présidente, que j'ai été interrompu à plusieurs reprises. Ce n'est pas normal !
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il ne faut pas répondre !
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour le groupe La France insoumise.
Par son manque d'ambition, cette loi trébuche sur la grande marche de la lutte contre les inégalités.
Comme je l'ai dit en commission puis lors de la discussion générale, il y a d'abord une faute originelle dans son titre même, puisqu'il ne s'agit en aucun cas d'une loi de programmation. Elle n'offre en effet aucune garantie au-delà de 2022, alors que le propre de l'aide publique au développement est de permettre à nos partenaires d'avancer sur des échéances de court et moyen terme. On ne saurait remplir les objectifs du Millénaire pour le développement avec un programme qui s'arrête à l'année suivante, à moins de considérer que l'on peut franchir un cours d'eau en se laissant porter par le courant.
Cette loi comporte également un défaut de sincérité. Nous aurions souhaité davantage de clarté. Il aurait fallu, par exemple, que les annulations de dettes, les frais d'accueil des réfugiés, les activités de PROPARCO soient définitivement exclus des postes de dépenses comptabilisés dans l'aide publique au développement. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'entre 2017 et 2019, sur les 1,2 milliard d'euros d'augmentation affichée de l'APD, seuls 112 millions d'euros constituaient des financements nouveaux.
Nous attendions de cette loi qu'elle vienne clarifier ces règles de calcul pour éviter que le seuil de 0,7 % du revenu national brut soit toujours aussi facilement atteint par des jeux comptables.
Je redis ici que nous ne nous satisfaisons pas des termes que vous utilisez pour vous engager sur l'objectif des 0,7 % : « s'efforcer d'atteindre ». Cette formule épouse celle employée il y a une cinquantaine d'années au siège de l'ONU, avec le succès que l'on connaît.
Cette loi pèche encore en matière de transparence.
Cet enjeu pourtant tout à fait décisif constitue un angle mort du texte. L'opacité de certains financements publics est bien réelle. Nous savons qu'une part substantielle des financements de PROPARCO transite par des paradis fiscaux. La massification du recours au secteur privé doit nous alerter, parce qu'elle dénature l'objet même de l'aide publique au développement. Mes chers collègues, les intérêts des entreprises ne correspondent pas à l'intérêt commun et il existe aujourd'hui, vous le savez, une déviation très dangereuse, une dénaturation de l'aide publique au développement par le biais d'une privatisation. La mise en examen pour corruption de M. Bolloré, dont le groupe, à travers certaines filiales, a pu bénéficier de retombées d'investissements de PROPARCO en Afrique, est un rappel parmi d'autres de cette situation.
Enfin, l'écart entre les objectifs inscrits dans ce texte et la politique menée par le Gouvernement doit nous alerter. D'un côté, le Gouvernement nous invite à voter un texte dont les grandes ambitions peuvent être louables ; de l'autre, il négocie des traités de libre-échange et mène des politiques qui, au fond, contredisent totalement les principes de ce texte. C'est donc la question de la cohérence entre les paroles et les actes qui se pose.
Le projet de loi ne manque pas de belles intentions, mais elles sont malheureusement souvent reléguées dans les pages d'annexes. Nous avons pointé cette absence de normativité, soulignant notamment le fait que les objectifs de l'aide publique au développement n'étaient pas suffisamment sacralisés. Nous redoutons donc que la stratégie d'aide au développement finisse par n'être qu'une vitrine, un village Potemkine.
S'il vous plaît, chers collègues, un peu de silence : respectez l'oratrice !
Prenons un exemple, celui des vaccins, enjeu crucial à l'heure de la pandémie. Comment se fait-il, monsieur le ministre, que nous soyons aujourd'hui appelés à voter un texte qui se donne pour objectif « l'accès de tous à des produits et des services essentiels de santé abordables, en particulier aux vaccins », alors que dans les faits, la France est atone face aux initiatives allant en ce sens défendues au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC ?
Mme Marie-George Buffet applaudit.
Est-ce parce que nous nous soumettons aux États-Unis que nous refusons de soutenir l'Inde et l'Afrique du Sud lorsque ces pays demandent de suspendre les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins et les médicaments durant la pandémie ? La cohérence, mes chers collègues, elle est là, elle devrait être là : dans la lutte contre le réchauffement climatique, dans la lutte contre les inégalités mondiales, dans la lutte contre la corruption ! Sans cette cohérence, nous serons condamnés à observer, impuissants, les vagues du néolibéralisme recouvrir sans cesse ce que nous croyons gravé dans le marbre alors que ce n'est écrit que sur du sable. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 543
Nombre de suffrages exprimés 502
Majorité absolue 252
Pour l'adoption 502
Contre 0
Le projet de loi est adopté.
Les députés des groupes LaREM, Dem et Agir ens se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Mesdames, messieurs les députés, il y a quinze jours, j'ai exprimé le souhait que l'Assemblée nationale s'empare de ce projet de loi pour qu'elle se l'approprie et qu'elle aide le Gouvernement à l'enrichir. Je vous avais dit que ce texte pouvait nous permettre d'envoyer ensemble un très bon signal de lucidité et de responsabilité à nos concitoyens, un très bon signal de soutien aux acteurs français du développement et de l'humanitaire et un très beau signal de confiance et de solidarité à nos partenaires du Sud. C'est désormais chose faite, grâce à ce vote qui marque un tournant dans notre politique de développement.
Je voudrais saluer celles et ceux sans lesquels ce texte n'aurait pu voir le jour et n'aurait pas été ce qu'il est. Je commencerai par la regrettée Marielle de Sarnez, qui a initié ce processus commun.
Tous les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Ce travail a été poursuivi par la commission des affaires étrangères, sous la responsabilité de son président, Jean-Louis Bourlanges, que je salue,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, Agir ens et UDI-I
tout comme Jean-Baptiste Lemoyne, qui a été présent à mes côtés tout au long de nos discussions.
Mêmes mouvements.
Je saluerai tout particulièrement Hervé Berville,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et SOC
et remercierai Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo pour le travail préalable qu'ils ont mené à travers leur mission d'information
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, Agir ens et SOC.
Je saluerai aussi les députés de tous les groupes qui sont intervenus. Nous avons eu un dialogue constant, un dialogue constructif, un dialogue fructueux. De nombreuses propositions, vous avez été plusieurs à le reconnaître, ont été reprises par le Gouvernement avec le soutien du rapporteur. Cela nous a permis d'aboutir à un texte riche.
Ce débat a montré, mesdames et messieurs les députés, que nous partageons une même volonté : doter la France de moyens renforcés et d'une méthode refondée pour tirer toutes les leçons de la crise pandémique, pour défendre nos biens publics mondiaux, pour créer des partenariats de solidarité avec les pays les moins avancés, singulièrement les dix-neuf pays prioritaires que nous avons évoqués. Ce faisant, nous protégeons les Françaises et les Français des désordres du monde dans lequel nous vivons, car l'absence de développement est la source de profondes instabilités et inégalités.
Pour toutes ces raisons, ce vote est à l'honneur de la France.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et SOC.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur la territorialisation du plan de relance.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Saïd Ahamada.
Voilà près d'un an que notre pays est confronté à une crise épidémique mondiale et à une crise économique et sociale d'une ampleur sans précédent ; un an que les Françaises et les Français font preuve de résilience et respectent très majoritairement les consignes sanitaires ; un an que nos entreprises tiennent bon, grâce aux mesures d'urgence prévues par le Gouvernement et la majorité parlementaire : chômage partiel, prêts garantis par l'État, reports de charges, autant de dispositifs vitaux pour l'économie que nous avons déployés quoi qu'il en coûte. Mais un an aussi que de plus en plus de familles font face à la précarité sociale, se voyant parfois contraintes de recourir à l'aide alimentaire pour manger à leur faim. Je l'ai constaté à Marseille, où la pauvreté ne cesse de progresser.
Face à une crise qui dure, le Gouvernement a lancé un plan inédit pour répondre aux urgences et préparer l'avenir, plan que nous avons soutenu et voté et dont nous pouvons être fiers : France relance, ce sont 100 milliards d'euros mis sur la table sur deux ans pour transformer notre pays à l'horizon 2030.
Cette relance, nous la voulons écologique, sociale et inclusive.
Une relance écologique massive, avec 30 milliards d'euros, qui permettra d'accélérer la conversion de notre économie, de protéger l'environnement, de lutter contre les pollutions, de développer les énergies renouvelables, de verdir les grands ports maritimes ou encore de créer des emplois durables et non délocalisables.
Une relance sociale et inclusive, avec 3,3 milliards d'euros fléchés vers les quartiers prioritaires de la ville, mais aussi le plan « 1 jeune 1 solution » doté de 6,7 milliards d'euros – qui inclut des aides à l'embauche ou à l'apprentissage, ainsi que le dispositif « emploi franc + » pour les jeunes des quartiers prioritaires – , ou encore un soutien réaffirmé aux acteurs du système de soins, grâce aux revalorisations salariales prévues dans le cadre du Ségur de la santé.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, la question qui se pose est désormais celle de la méthode. L'enjeu est de donner toute son efficacité au plan de relance. Notre défi collectif est donc éminemment politique : il s'agit de faire en sorte que le plan massif de l'État se traduise concrètement par le financement de projets locaux, y compris et surtout dans les territoires fragiles.
Pour réussir la territorialisation du plan France relance, l'État a pris la décision de travailler main dans la main avec les acteurs locaux, notamment les régions. Je suis convaincu que cette coopération, voulue par le Premier ministre, est la bonne méthode pour identifier sur le terrain les projets concrets à même d'améliorer la vie des Françaises et des Français. Et parce que la relance ne peut être décrétée depuis Paris, l'État a mobilisé dans les régions des sous-préfets à la relance qui ont vocation à agir aux côtés de ces acteurs locaux.
Nous pourrions aller encore plus loin à terme, et je vous appelle à faire preuve d'ambition pour nos territoires. Personnellement, je plaide pour que cette déclinaison locale du plan de relance soit la première étape d'une véritable politique d'équité territoriale. Saisissons-nous du plan de relance pour faire avancer ce chantier de l'équité entre les territoires.
Je terminerai mon propos par quelques questions et pistes de réflexion, afin d'améliorer le déploiement de France relance dans les territoires. Tout d'abord, comment s'effectue le travail entre l'État et les régions pour décliner le plan sur le terrain ? Quel est le premier bilan de la coopération État-régions ?
Au-delà du vote des mesures du plan de relance et de leur évaluation a posteriori, les parlementaires pourraient être pleinement associés à la déclinaison locale des mesures de relance. Qu'avez-vous prévu pour nous impliquer davantage en la matière ?
Enfin, à l'image de ce qui se fait dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », avec une mobilisation très large des acteurs, ne pourrions-nous pas associer davantage la société civile pour que nos concitoyennes et nos concitoyens s'approprient le plan France relance ?
J'ai connaissance à Marseille de structures ou de réseaux d'acteurs, comme l'association Cap Au Nord Entreprendre, qui seraient volontaires pour assurer la promotion du plan de relance sur le territoire et qui pourraient sans doute être davantage associés par les services de l'État.
C'est ensemble que nous réussirons la relance dans les territoires, j'en suis convaincu. La reconstruction du pays se fera partout, grâce à la mobilisation de toutes et de tous, et nous sortirons plus forts de la crise que nous traversons.
Mme Maud Petit applaudit.
Il y a quelques mois, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a décidé de me nommer, avec ma collègue Catherine Kamowski, rapporteure d'un groupe de travail sur la territorialisation du plan de relance.
Depuis plusieurs semaines déjà, nous travaillons, aux côtés du président de la délégation Jean-René Cazeneuve, à évaluer l'effectivité territoriale du plan de relance. Nous avons ainsi débuté nos auditions.
De manière générale, nous ne pouvons que nous réjouir de ce plan de relance qui est, nous le savons tous, absolument nécessaire à notre économie. Le Gouvernement a fait rapidement connaître sa volonté de territorialiser les mesures annoncées dans le plan ; le terme de territorialisation n'a d'ailleurs jamais été autant utilisé que depuis quelques mois. Je salue cette initiative et cette volonté, car il est essentiel d'adapter sur chaque territoire l'application des mesures de relance proposées par l'État pour que leur efficacité soit optimale et que les inégalités territoriales se réduisent.
Avec ma corapporteure, nous avons demandé une évaluation précise de la relance dans les territoires et la communication, notamment, des montants engagés par dispositif et par département. Je me réjouis que le Gouvernement se soit engagé à produire ces données. Personnellement, je veillerai bien entendu à la réalisation de cette évaluation indispensable.
Les différents aspects du plan de relance constituent des avancées vers la reprise de l'économie, mais nous ne devons pas crier victoire trop vite. Notre pays a décroché beaucoup plus que ses voisins, la France ayant connu une récession massive qui s'est traduite par une chute de 8,3 % du PIB en 2020, quand l'Allemagne ne connaît qu'une contraction de 5 % de son PIB. La situation est donc préoccupante.
Dresser un bilan positif de la stratégie de relance ne doit pas nous faire oublier les difficultés qui demeurent quant à sa territorialisation. Nous ne pouvons ignorer certaines failles, notamment concernant le soutien aux entreprises. Les mesures d'aide à l'échelle des régions bénéficient aux petites, très petites et moyennes entreprises, et c'est évidemment une très bonne chose. Les très grandes entreprises peuvent, quant à elles, avoir recours aux plans de soutien nationaux. La bonne santé des entreprises est une condition importante pour notre économie, mais n'oublions pas que toutes les entreprises comptent.
J'ai été saisie par une entreprise de ma circonscription, l'entreprise Thépenier Pharma & Cosmetics, localisée à Mortagne-au-Perche, dans l'Orne, qui n'est pas éligible aux aides régionales au prétexte qu'en raison de sa taille trop importante, elle absorberait la totalité de l'enveloppe prévue par la région pour soutenir les entreprises, ce que je peux comprendre, mais qui est aussi trop petite pour bénéficier des plans nationaux. Cette entreprise doit donc se débrouiller seule. Pourtant, elle veut se développer, investir et embaucher. Il nous faut donc veiller à ce que la manière dont les aides sont attribuées ne conduise pas à des distorsions de concurrence.
L'autre difficulté que je souhaite souligner concerne la répartition territoriale des aides du plan de relance, les montants les plus importants étant fléchés vers les grandes métropoles. Le Gouvernement a prévu une baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d'euros. Je m'en réjouis, mais ces sommes concernent principalement les zones urbaines. Quand les entreprises de la région Île-de-France bénéficient d'une réduction des impôts de production de 2 883 millions d'euros, celles de la région Normandie ne bénéficient que de 351 millions d'euros, ce qui représente une réelle distorsion. Le Gouvernement entend-il ajuster, le cas échéant, ce dispositif pour restaurer une équité entre toutes les entreprises et tous les territoires et ainsi assurer une diminution des inégalités territoriales ?
Enfin, je voudrais évoquer la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR. Un grand nombre de dossiers ont été déposés, puisque le Gouvernement a incité les communes à investir pour participer au plan de relance, ce qui est une très bonne suggestion. Néanmoins, les moyens supplémentaires vont manquer.
La crise sanitaire et économique liée à l'épidémie n'est pas encore derrière nous ; le Premier ministre l'a annoncé, les semaines à venir seront difficiles. Les entreprises françaises ont besoin d'un soutien fort, les collectivités territoriales également. Nous avons engagé une démarche positive ; il reste cependant du chemin à parcourir avant que la territorialisation du plan de relance soit réellement efficace – c'est en tout cas le voeu que je formule.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est bien représentée !
La gestion de la crise de la covid-19 a mis un coup de projecteur sur l'importance de l'articulation, dans les politiques publiques, entre l'action de l'État et des collectivités territoriales. Que ce soit au travers du débat sur le couple maire-préfet ou de la sectorisation des mesures sanitaires, ce sujet est devenu une priorité.
Cette bonne articulation est aussi une condition nécessaire de la réussite du plan France relance que nous avons voté. Doté de 100 milliards d'euros, ce dernier, qui suit un premier plan de 300 milliards d'euros de soutiens, est massif et inédit et nous pouvons en être fiers, quels que soient les bancs auxquels nous appartenons. C'est la preuve que l'État est présent et qu'il déploie la puissance de son action au service de l'économie.
Pour avoir été chef d'entreprise, je sais qu'à une époque, on demandait à l'État d'en faire le moins possible et de nous laisser travailler. Aujourd'hui, le discours a changé : l'État est là, il assume ses responsabilités aux côtés des entreprises et des salariés.
M. le Premier ministre a dit lors de son discours de politique générale, en juillet 2020, qu'il fallait faire confiance à la France des territoires car « c'est elle qui détient en large part les leviers du sursaut collectif ». Il y a des raisons fondamentales et essentielles pour lesquelles les territoires constituent la meilleure chance de succès du plan de relance : après tout, chacun des projets de réindustrialisation, d'innovation, d'investissement, naît, se développe, se déroule, réussit ou échoue sur le territoire, avec les acteurs du terrain.
Pour avoir eu la chance de piloter un schéma stratégique de développement économique – celui de la région Grand Est – , j'ai pu constater qu'il était essentiel de faire confiance aux acteurs de territoire, de terrain ; en réalité, l'État ne peut pas remplacer cette intelligence collective locale, qui doit être une clé pour agir. La question n'est donc pas de se perdre dans des débats de gouvernance – comment réorganiser les choses ? – , mais de trouver le bon point d'équilibre entre la puissance financière de l'État d'une part, l'agilité et la proximité des collectivités territoriales et des élus d'autre part.
S'il réussit à intégrer étroitement les collectivités à son déploiement, le plan France relance confirmera probablement ses premiers résultats encourageants, à savoir 16 milliards d'euros de crédits engagés. Dès lors, la question n'est plus celle des moyens, mais celle du déploiement du plan et des résultats. La création de sous-préfets à la relance et de comités de pilotage et de suivi, à l'échelle départementale comme à l'échelle régionale, est un élément clé du plan et de l'engagement de l'État aux côtés de ceux qui animent le territoire. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est particulièrement attaché à une telle proximité et au rôle des territoires.
Je l'illustrerai par deux exemples. Pour nous, la territorialisation du plan France relance constitue une étape supplémentaire de la dynamique que nous appelons de nos voeux, comme le sera d'ailleurs la loi dite 4D – décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification – que défendra Mme la ministre Jacqueline Gourault, à laquelle nous tenons tant – je parle ici de la loi tout autant que de la ministre ! Il s'agira de prolonger la confiance dans la France des territoires et dans la décentralisation.
Nous avons abordé cet après-midi, à l'occasion d'une question au Gouvernement de mon collègue Jean-Paul Mattei, le sujet des fonds propres ou des quasi-fonds propres des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire. Dans ma région, comme dans beaucoup d'autres, la faiblesse structurelle des fonds propres des entreprises nuit à leur développement. Dans une phase de relance où il faudra innover et imaginer, des fonds souverains régionaux, gérés par les collectivités régionales, permettraient probablement de soutenir la dynamique de relance dont nous avons besoin.
Il nous faudra aussi tirer les leçons de la crise. En particulier, nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion visant à faire un pas de plus dans la décentralisation, notamment s'agissant des politiques de l'emploi.
Notre groupe est convaincu de la nécessité de territorialiser l'action publique en général et de faire du plan de relance une démarche audacieuse, qui trace le chemin. Vous l'avez compris, ce plan n'est donc pas seulement pour nous l'exemple même d'une politique publique qui ne peut réussir que si elle est territorialisée : il doit aussi être la première étape déterminante d'une coopération plus forte et plus volontariste entre l'État et les territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Alors que la France traverse depuis un an une terrible pandémie, au bilan déjà très lourd sur le plan sanitaire, nous devons également faire face aux conséquences économiques et sociales de cette crise, tout en ouvrant la voie au rebond de l'économie. Il y va de la pérennité des entreprises, de la préservation ou de la création d'emplois, mais aussi de la résilience et du dynamisme des territoires.
Dans ce contexte inédit, le Gouvernement a présenté, le 3 septembre, un plan de relance de l'économie française – France relance – qui se veut ambitieux par son ampleur, à la hauteur des défis à relever – et ils sont nombreux : renforcer la cohésion sociale, accroître la compétitivité et accélérer la transition écologique. Il poursuit deux grands objectifs aux temporalités différentes : revenir à court terme, dès 2022, au niveau de richesse d'avant-crise ; engager la transformation à long terme de notre modèle économique pour dessiner la France de 2030. De l'urgence à la relance, l'articulation entre ces deux défis est complexe, alors que pèsent encore des incertitudes.
Rappelons que le montant du plan France relance s'élève à 100 milliards d'euros. Pour le groupe Socialistes et apparentés, il est nécessaire de promouvoir une véritable territorialisation de ce plan, reposant sur une association plus étroite avec les collectivités locales, auxquelles doivent être octroyées davantage de marges de manoeuvre. La façon dont elles ont géré la crise a d'ailleurs démontré leurs capacités d'agilité, de réactivité et d'efficacité. Aussi le plan aurait-il pu être davantage décentralisé que déconcentré, en confiant directement une partie de la gestion des crédits aux régions. Le risque est que l'État reste à la manoeuvre, parfois de façon assez verticale.
On notera que sur les 100 milliards du plan de relance, seuls 16 milliards correspondent à des actions déployées au niveau local ; 10 milliards supplémentaires sont cofinancés par l'État et les régions dans le cadre des contrats de plan qui les lient pour la période 2021-2027, et qui dédient des crédits à la relance.
Au-delà des principes et des montants, notre groupe tient à formuler cinq propositions. Avant de les livrer, je tiens à saluer la qualité des réflexions et des recommandations du groupe de travail sur la territorialisation du plan de relance.
Notre première proposition consiste à améliorer la gouvernance en renforçant le copilotage du plan. La création d'un comité régional de pilotage et de suivi et d'un comité départemental, ainsi que la nomination de sous-préfets à la relance, visent à promouvoir la concertation. En ce sens, il est indispensable que les intercommunalités, les pays ou les pôles d'équilibre territorial et rural soient représentés au sein des instances de gouvernance. Sachant que les besoins diffèrent en fonction des territoires, la consommation rapide des crédits ne doit pas prendre le pas sur le soutien aux projets structurants – or l'urgence laisse parfois peu de place à la concertation. Enfin, il serait bienvenu d'organiser régulièrement des temps d'échange entre les sous-préfets à la relance, les parlementaires et les élus locaux.
Notre deuxième proposition entend faciliter la lisibilité du plan pour sensibiliser le maximum de porteurs de projets. La superposition de plans de relance aux niveaux européen, national et régional est parfois difficile à appréhender globalement ; des interrogations persistent quant à l'articulation des dispositifs et des périodes de contractualisation. La publication de cartes et de données départementales sur le site du ministère de l'économie constitue une avancée et va dans le sens de la proposition de ma collègue Christine Pires Beaune. Enfin, la fluidité des informations entre les administrations centrales, les agences, les services déconcentrés de l'État et les élus locaux pourrait être améliorée.
Notre troisième proposition consiste à renforcer l'accompagnement au montage et à la gestion des projets. En effet, les retours du terrain mettent en lumière le besoin d'accompagnement des chefs d'entreprise – que ce soit par les chambres consulaires ou par les cabinets d'expertise comptable – ou des élus locaux – par les services déconcentrés de l'État.
Notre quatrième proposition vise une simplification propice à accélérer le déploiement du plan de relance. Lors des auditions du groupe de travail, un consensus s'est dégagé en faveur d'une contractualisation plutôt que d'une multiplication des appels à projets. J'appelle aussi votre attention sur le rythme trop serré des calendriers : ils nécessiteraient sans doute un assouplissement.
Enfin, notre cinquième proposition consiste à veiller à une juste répartition des crédits. Tous les territoires ne sont pas affectés de la même manière par la crise et n'ont pas la même capacité de rebond. Un instrument de péréquation serait le bienvenu pour éviter de creuser des inégalités entre les territoires. Par ailleurs, une conditionnalité écologique et sociale des aides constituerait un levier d'accélération de la transformation de notre modèle économique.
Pour conclure, nous partageons la volonté de territorialisation du plan de relance, mais nous considérons qu'elle mérite d'être approfondie et améliorée pour devenir une réussite collective.
Je tiens tout d'abord à saluer la volonté du groupe La République en marche d'inscrire à l'ordre du jour, durant cette semaine de contrôle, un débat sur la territorialisation du plan de relance. Ce plan est déterminant à plusieurs titres : déterminant au vu des sommes engagées, qui ont peu d'équivalents dans notre histoire nationale ; déterminant parce qu'il dessine la France de demain ; déterminant parce que l'état de nos finances publiques ne permettra sans doute pas de faire un nouvel effort similaire à moyen terme. Le déploiement du plan conditionne le futur des territoires de la République ; aussi son équité est-elle absolument primordiale.
Mon intervention s'intéressera aux ruralités, parce que j'ai grandi dans une commune de trente habitants, que je suis conseiller municipal d'un village de 250 habitants, que je suis député d'une des circonscriptions les plus rurales de France, que j'aime la ruralité et que je crois en son avenir.
Le plan de relance peut faire encore mieux pour les ruralités. Il constitue sans doute une chance unique d'inverser un phénomène qui asphyxie peu à peu les territoires ruraux, cette concentration qui vide nos campagnes – non pas la province, mais bien la ruralité – et qui, à terme, menace la possibilité même d'y vivre. Il offre aussi l'occasion de répondre à l'immense défi démocratique induit par le sentiment croissant d'abandon des campagnes.
Certains éléments défavorables aux ruralités persistent dans la construction de France relance. Laissez-moi en citer quelques exemples pour que nous puissions y remédier ensemble. Ainsi, la combinaison d'une logique d'appel à projets avec un nombre extrêmement important de dispositifs est l'ennemie des territoires les plus défavorisés. La complexité est l'amie de ceux qui possèdent les ressources et l'ingénierie pour la lire et s'en emparer ! Ni quelques heures de secrétaire de mairie ni la meilleure volonté des sous-préfectures ne permettent de mobiliser des moyens équivalents à ceux des grandes collectivités, dotées de directions générales des services et d'équipes importantes.
Par ailleurs, les délais rapides de remise des dossiers, laissant très peu de temps entre l'appel à projets et le dépôt, défavorisent les territoires ruraux. Nous comprenons que, par essence, la relance ne puisse être renvoyée aux calendes grecques, mais il faut mesurer les difficultés que rencontrent les conseils municipaux renouvelés, installés en juillet, pour déposer dès janvier des projets complets faisant appel à la DSIL – dotation de soutien à l'investissement local – exceptionnelle.
Certaines dépenses très significatives sont également concentrées sur les zones qui se portent le mieux. À titre d'exemple, la dépense fiscale représentée par la baisse des impôts de production soutient en réalité l'existant : 2,8 milliards d'euros sont dépensés à ce titre pour l'Île-de-France, contre 364 millions pour la région Centre-Val de Loire. Au sein même de cette dernière, les départements les plus dotés sont ceux qui se portent le mieux : 119 millions sont dépensés pour le Loiret, mais trois fois moins – 40 millions – pour le Cher, et cinq fois moins – 22 millions – pour l'Indre.
Aussi, messieurs les ministres, laissez-moi vous faire quelques propositions. Pourquoi ne pas introduire une logique de discrimination positive au profit des territoires ruraux, en fléchant vers eux les relocalisations d'activités stratégiques, dans une double logique d'aménagement du territoire et de résilience nationale ? Pourquoi ne pas créer une gouvernance qui serait d'abord départementale, avant d'être nationale – avec les agences – et régionale ? Pourquoi ne pas introduire davantage de proximité et de flexibilité, en donnant aux préfets de département de réelles enveloppes ? Enfin, pourquoi ne pas investir plus massivement dans des sujets spécifiques à la ruralité, notamment dans le défi que représente un linéaire très important, couplé à un faible nombre d'habitants – défi que l'on retrouve, par exemple, pour les réseaux d'eau potable ou l'entretien des digues ? Ce serait d'autant plus pertinent que ces réseaux vieillissants, qui sont eux-mêmes le fruit d'une politique d'aménagement du territoire, sont en fin de cycle.
Enveloppes, gouvernance, sujets stratégiques… : la ruralité mérite d'être davantage priorisée. Ce faisant, nous pourrons construire un pays plus résilient. Le commissaire à la défense que je suis n'oublie pas les travaux du maréchal Foch : en concentrant nos efforts, nous facilitons le travail de l'ennemi, qu'il soit sanitaire ou militaire. Au contraire, la crise a montré que la capillarité, la proximité et la déconcentration étaient des atouts. Une France concentrée est une France fragile, qui économise des coûts individuels immédiats, mais qui fait exploser les coûts collectifs de long terme pesant sur l'environnement – artificialisation des sols, pollution – comme sur le vivre ensemble, la sécurité et la démocratie.
Le plan de relance voté par le Parlement cet automne se veut à la hauteur du défi sans précédent que représente la crise sanitaire. Néanmoins, créer des enveloppes – aussi importantes soient-elles – ne fait pas tout : cette manne financière doit être utilisée intelligemment, et les crédits doivent être répartis de façon équitable, à chacun selon ses besoins. Cet argent, dont notre économie a tant besoin dans le contexte actuel, ne doit pas être fléché uniquement vers les grandes villes et métropoles, mais doit profiter de façon juste aux territoires, qu'ils soient ruraux, de montagne ou ultramarins. Pour cela, un effort de décentralisation des processus de décision et d'attribution des aides est nécessaire. Afin de faciliter l'accès aux fonds, aux appels à projets et aux programmes du plan de relance dans l'ensemble du territoire, il est souhaitable que la prise de décision et les structures qui gèrent les dossiers de candidature soient au plus près des entreprises, des associations et des particuliers.
Malheureusement, ce n'est pas le propre de l'administration que de faire preuve de proximité. Même si elle fait son travail en étant présente sur le territoire, on voit bien qu'avec cette crise et l'augmentation du télétravail, elle a été éloignée du terrain pendant un certain temps, tandis que les élus – députés, conseillers départementaux ou maires – étaient présents sur le terrain et sont restés très accessibles et à l'écoute des gens, qui avaient beaucoup de mal à garder le contact avec l'administration. Plus que jamais, au vu des difficultés actuelles, nous remarquons que beaucoup d'associations ont été coupées de leur administration mais ont gardé un lien fort avec leurs élus. Face à des situations de détresse ou des difficultés administratives, les parlementaires ont fait un travail de relais et de facilitateur indispensable, là où l'administration était lourde ou parfois trop absente pour faire du cas par cas.
De plus, de nombreuses demandes de soutien financier continuent d'affluer malgré la suppression de la réserve parlementaire. Cela témoigne de l'incompréhension des acteurs du territoire face à cette mesure votée en 2017. Nombreux sont nos concitoyens qui viennent nous demander un soutien financier ou une aide matérielle. Pour quelques rares dérives, tous les députés ont été sanctionnés et privés d'un levier d'action crucial qui alimentait directement les territoires et participait activement à la vitalité de nos tissus économiques locaux. C'est pourquoi nous pensons qu'il serait souhaitable de réfléchir à l'idée de rendre des leviers d'action aux parlementaires afin de leur permettre d'aider matériellement les administrés qui viennent directement leur demander de l'aide. Actuellement, toutes les subventions sont centralisées par l'administration et les ministères. Pourtant, les lois de moralisation de la vie publique ont apporté des changements significatifs pour notre démocratie représentative et les dérives d'hier ne seraient plus possibles aujourd'hui. Les temps ont changé.
Forts de ce constat, nous devons reconnaître que dans notre démocratie, les élus ont un rôle à jouer pour soutenir la vie publique et économique locale. Les parlementaires – et pas uniquement l'administration – ont ainsi leur rôle à jouer dans la gestion et la distribution de subventions publiques par ailleurs absolument vitales dans nos territoires ruraux.
Messieurs les ministres, nous côtoyons chaque jour dans nos circonscriptions des associations, des gens dans le besoin, des entreprises porteuses de projets relocalisants. Vous-mêmes, qui avez été élus locaux et parlementaires, savez aussi bien que nous l'importance pour les élus de pouvoir faire partie du processus décisionnel et aider au mieux les associations et les entreprises. Faites confiance aux parlementaires : ne laissons pas l'administrocratie décider seule des acteurs qui méritent d'être soutenus ! Il ne doit pas s'agir d'un travail l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre. La réussite du plan de relance dépendra aussi en partie de son accessibilité et de sa proximité avec les besoins et enjeux locaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Messieurs les ministres, je commencerai mon intervention en rappelant qu'un décret publié le 8 avril dernier, juste en amont du plan de relance, permet au préfet de déroger à certaines normes réglementaires dans un champ d'application assez vaste pour couvrir la construction, le logement, l'urbanisme, l'emploi, les subventions, l'aménagement du territoire ou encore l'environnement. Depuis cette date, le préfet peut notamment restreindre la durée d'une enquête publique, passer outre une étude d'impact, limiter certaines consultations préalables ou même déroger à la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement – ICPE. Un mot est depuis sur toutes les lèvres : la différenciation. Cela nous pose problème, puisqu'il devient possible de déroger à la loi qui, à nos yeux, protège nos concitoyens, notamment sur les questions concernant l'écologie. Dans ce schéma, le plan de relance est aussi une façon d'adapter l'organisation territoriale aux exigences de la relance, des conséquences de la crise et de la construction de la résilience territoriale, toujours dans une logique de différenciation.
Les rapporteures du groupe de travail sur la territorialisation du plan de relance au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation tiennent à critiquer la méthode du « premier arrivé, premier servi » qui a été appliquée aux divers appels à projets. Elles appellent à une vision globale de la mise en oeuvre du plan de relance à partir de 2021, pour une répartition équitable des crédits qui permette une forme de péréquation entre les territoires et ne conduise pas à un creusement des inégalités entre ceux-ci. En effet, les territoires les plus réactifs seront les premiers servis, tandis que ceux qui ont besoin d'un appui pour finaliser leurs projets ne pourront voir ceux-ci aboutir. C'est notamment le cas des agglomérations rurales, qui n'ont pas l'armature pour répondre à des appels à projets de l'État. Leurs dossiers arriveront par conséquent trop tard. Il faut y remédier.
Ce même rapport abonde dans ce sens, en soulignant que 25 % des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – sont totalement démunis en matière d'ingénierie et risquent de passer à côté du plan de relance. De l'aveu même des interlocuteurs auditionnés, les appels d'offres des communes accusent une diminution de 40 %. Les crédits s'entassent dans la trésorerie des collectivités, du fait d'une forte préoccupation pour l'avenir et d'un réflexe de thésaurisation.
S'agissant de d'eau et de l'assainissement, par exemple, on note des carences dans la maîtrise d'ouvrage, dues notamment à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRE, qui a transféré les compétences en matière d'eau et d'assainissement aux communautés de communes et d'agglomération à compter du 1er janvier 2020. Nombre de ces collectivités sont mal armées pour présenter des projets. Cette différenciation tant souhaitée par les représentants des collectivités ne l'est donc pas réellement, que ce soit au niveau des citoyens, à celui des élus ou même à celui des structures d'appui, qui ont également été auditionnées. Pour ces dernières, les règles ne doivent pas changer sans cesse si l'on veut que la coordination puisse être efficace.
Comment ne pas aborder les difficultés d'ingénierie humaine qui ont déjà été relevées ? Le projet de loi de finances pour 2021 rend plus inquiétant encore cet état de fait, le schéma d'emplois pour la fonction publique n'allant pas dans le sens des recrutements. Il y a un vrai problème de fixation des cadres, notamment en province.
Enfin, de l'aveu même de l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, qui regroupe plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, le plan de relance se réduit à du saupoudrage. Si l'on prend l'exemple du plan de relance fléché vers le secteur ferroviaire, l'investissement additionnel par rapport à la période d'avant la crise est estimé à 650 millions d'euros, et non à 4,8 milliards comme annoncé. En outre, la chargée d'études de la Fédération nationale des travaux publics indique que le projet de loi de finances pour 2021 précise dans la mission « Plan de relance » qu'il s'agit d'autorisations d'engagement permettant de lancer les projets. Cependant, les montants réellement décaissés en 2021, c'est-à-dire les crédits de paiement, représentent moins d'un tiers des engagements, soit 173 millions d'euros. Ce constat met en lumière l'effet du plan, qui intervient majoritairement à partir de 2022 et à très moyen terme.
En matière d'aide à l'investissement de transformation vers l'industrie du futur, il semblerait que ces plans soient façonnés pour répondre uniquement aux besoins des grandes entreprises. En effet, le guichet numérisé, géré par l'Agence de services et de paiement, mentionnait qu'il en excluait les entreprises artisanales et agricoles. Enfin et surtout, la relance telle qu'elle est présentée par le Gouvernement ne vise pas à soutenir la demande, mais à permettre à l'offre de s'adapter et d'innover pour créer sa propre demande.
Oui. Si vous le souhaitez, vous pouvez encore faire une phrase de conclusion.
Allez-y !
Oui, allez-y ! C'était intéressant !
À l'automne dernier, nous votions les crédits alloués au plan de relance. Nous voici aujourd'hui dans sa phase d'application. Dès septembre 2020, le Gouvernement annonçait sa volonté de territorialiser sa mise en place. Sur le principe, c'est un choix que nous saluons.
L'exécution du plan de relance doit placer les élus territoriaux au coeur de la reprise économique – ce sont eux qui sont les plus au fait de la structure économique et sociale de leur territoire – afin que le déploiement des crédits et des projets s'effectue au plus près des besoins du terrain – c'est une évidence. Cette territorialisation du plan de relance est d'autant plus nécessaire que les territoires ont été touchés différemment par la crise du covid-19. Leurs capacités de rebond diffèrent elle aussi. Le travail de l'Observatoire des impacts territoriaux de la crise, créé par les économistes Olivier Portier et Vincent Pacini, est précieux et instructif sur le sujet, notamment à travers l'image des wagons et des locomotives. Les économistes constatent également que la période que nous vivons frappe tous les territoires de manière différente, et pas nécessairement les mêmes secteurs d'activité à tous les endroits. C'est pourquoi un pilotage uniforme de la relance par le haut ne peut être adapté. Les constats sur la situation économique et sociale de certains territoires divergent d'ailleurs même entre les élus et les acteurs socioprofessionnels d'un côté, les services de l'État de l'autre. Je prends évidemment pour exemple la Corse, où un travail d'élaboration long d'un plan concerté entre la collectivité de Corse et le tissu économique insulaire, dit plan Salvezza, a été effectué. Ce plan propose différentes mesures simples. Or l'État, en l'occurrence le Président de la République lui-même, et le préfet de Corse ont répondu que la situation économique de la Corse n'était pas si catastrophique et que le plan de relance de l'État suffisait. Le PIB de la Corse a baissé de 18 % en 2020, contre 8,3 % dans l'hexagone : un cataclysme ! Je pourrais également parler des territoires de montagne, mais je laisse ce soin à ma collègue Jeanine Dubié, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne – ANEM – , qui le fera mieux que moi.
Afin d'assurer la territorialisation du plan de relance, le Gouvernement a fait le choix de nommer – une fois de plus – des sous-préfets à la relance. Pour vous, territorialisation rime toujours avec déconcentration, jamais trop avec décentralisation des décisions – c'est un marqueur constant. Nous craignons que ces préfets à la relance trouvent difficilement leur place dans l'architecture déjà complexe que prévoit le Gouvernement : trois échelons de comités de suivi – aux niveaux national, régional, départemental – , deux niveaux de contractualisation entre les collectivités et l'État, trois types d'enveloppes de 16 milliards d'euros au total, certaines territorialisées, beaucoup verticalisées et centralisées. Ce sont autant de lourdeurs procédurales inutiles qui font courir le risque d'un flou artistique quant à l'organisation du plan de relance.
Nous souhaitons exprimer une inquiétude qui revient régulièrement sur le terrain : celle de la capacité des petites collectivités à gérer le travail administratif du plan de relance. Celui-ci est aujourd'hui calibré pour les grosses collectivités qui disposent des moyens administratifs et d'ingénierie nécessaires pour traiter rapidement les dossiers. Les petites communes disposent d'instruments moins importants, nous le savons, et nombreuses sont celles qui peuvent renoncer à certaines aides ou certains projets, voire en être écartées. Dès lors, nous voyons bien le risque d'une relance à deux vitesses, creusant toujours plus la fracture territoriale. Prenons l'exemple de l'enveloppe exceptionnelle de la DSIL « plan de relance ». Nous ne pouvons qu'être favorables à l'objectif de soutenir des projets prêts à être déployés, mais nous regrettons un calendrier trop contraint. Avec une annonce à l'automne pour un dépôt de projets prévu au 31 décembre, comment voulez-vous que les élus aient le temps de réfléchir à un projet pertinent, de contacter les prestataires pour réaliser les travaux et d'estimer un devis pour ensuite postuler à l'aide du plan de relance ?
C'est pourquoi le bon accès des collectivités territoriales aux dispositifs d'aide, indépendamment de leurs ressources et de leur taille, est un enjeu important, crucial. C'est là que l'accompagnement conjoint et non concurrent des services de l'État, des régions, des départements, des collectivités territoriales vis-à-vis des communes et intercommunalités doit jouer son rôle. Être davantage dans l'accompagnement et moins dans la décision doit être la priorité. Or si l'État semble se reposer sur les collectivités territoriales et leur capacité à déceler les besoins du terrain et accompagner des projets locaux, on ne peut que s'interroger sur leur rôle dans l'élaboration même de ce plan de relance où les volets territoriaux ne peuvent se déployer. Comment expliquer que la plupart des financements octroyés le seront sur décision des préfets ? Vous réduisez les collectivités au seul rôle d'opérateur de l'État et les élus territoriaux à des supplétifs. Nous pensions, au contraire, que le plan de relance constituait l'opportunité d'une plus grande décentralisation des décisions. En effet, la territorialisation, telle qu'envisagée par le Gouvernement, demande du temps dans sa mise en place, repoussant encore des stimuli économiques déjà étalés dans le temps. Il aurait été plus pertinent de permettre des investissements ciblés sur les actions à fort effet d'entraînement sur l'économie, notamment via les collectivités territoriales. Les achats des acteurs locaux représentent près de 60 % de la commande publique en France, ce qui fait d'eux un levier privilégié de relance par la demande. Or les transferts aux collectivités territoriales ne représentent que 2,4 milliards d'euros en 2021. L'investissement des collectivités est donc négligé pour la relance immédiate, alors que son effet d'entraînement, notamment pour les secteurs du bâtiment et des travaux publics, doit être fort et qu'il génère en grande partie de l'activité locale.
Bref, nous sommes plusieurs à émettre des doutes à ce stade sur les impacts positifs de ce plan. J'espère vraiment me tromper, car accompagner la reprise est vital pour l'emploi et nos territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Le 3 septembre dernier, le Gouvernement et la majorité présentaient leur plan de relance pour la France. Ce plan, d'un montant de 100 milliards d'euros, avait pour but de sauver ce qui pouvait l'être de l'économie française tout en proposant des pistes de reprise. Il aura bien du mal à répondre à l'urgence économique, écologique et sociale : les 100 milliards d'euros qu'il propose sont répartis sur deux ans et, sur les 50 milliards prévus cette année, seuls 21 milliards sont des crédits nouveaux. Nous n'allons pas refaire ici la bataille, mais les choses auraient pu être différentes. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est pour aborder le thème principal et primordial de la territorialisation de la relance, qui est l'un des facteurs de sa réussite.
Débattre de grands chiffres et de grandes idées, c'est bien. Aborder la réalité de la diversité de nos territoires et contrôler la manière dont sont appliquées nos politiques publiques, c'est mieux. La crise ne touche pas la France de manière homogène, et tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne – c'est ce qui se dégage des premiers constats communiqués en janvier par l'Observatoire des impacts territoriaux de la crise, mené par les économistes Vincent Pacini et Olivier Portier.
De prime abord, les territoires ruraux peuvent apparaître comme les moins touchés, à l'inverse des urbains, plus touchés par exemple par le chômage partiel, mais une fois ce constat fait, ce sont une nouvelle fois les territoires urbains qui s'en sortent le mieux. En effet, la méthode du « premier arrivé, premier servi », ou celle qui consiste à arroser là où c'est déjà mouillé, caractérise le démarrage de ce plan de relance. C'est facile à expliquer : les territoires les plus réactifs sont ceux qui disposent de moyens humains et de compétences leur permettant de finaliser rapidement les projets, quand il ne s'agit pas d'effets d'aubaine. Pour les autres territoires, souvent ruraux, monter un projet est plus difficile, voire parfois impossible. La question est véritablement celle de l'ingénierie.
Cette réalité n'a pas été assez prise en compte par le Gouvernement. Il faut une répartition plus équitable, afin que le plan de relance ne conduise pas, finalement, à un nouveau creusement des inégalités entre les territoires. Aujourd'hui, le plan de relance n'est pas territorialisé – c'est la réalité. Pire : il attise la concurrence entre les petites villes et les grandes, qui raflent la mise. Il aurait fallu qu'il fasse l'objet d'une concertation avec les élus locaux de terrain, qui auraient pu faire remonter les problèmes rencontrés par les uns et les autres. Nous devons penser à organiser différemment nos territoires, et cela demande parfois du temps.
Injecter des milliards sans remettre en question ce qui se faisait auparavant, sans prendre en compte les particularités des territoires et sans accompagnement spécifique des collectivités territoriales rurales, revient à acter le fait que cet argent ne sera pas mobilisable pour tout le monde. In fine, combien reviendra véritablement aux territoires délaissés ?
Par ailleurs, les collectivités locales sont obligées de rester prudentes dans leurs investissements, à cause de l'incertitude liée aux différentes réformes les privant de rentrées fiscales. Ces baisses de ressources limiteront forcément, dans certaines collectivités, la participation au plan de relance.
En novembre dernier, le groupe de travail sur la territorialisation du plan de relance, animé par Mmes Catherine Kamowski et Véronique Louwagie, apportait également certains éléments d'information. Les rapporteures lançaient notamment l'alerte quant à la nécessité d'articuler les différents plans. Équité ne signifie pas égalité : il faut prendre garde à ce que les territoires soient aidés selon leurs besoins, en veillant à une répartition réaliste des crédits. Là encore, nos élus doivent être plus impliqués dans les prises de décision en amont.
Les parlementaires du groupe GDR ont proposé leur propre mouture du plan de relance. Chiffrée à 252 milliards d'euros, elle se veut le contre-pied du projet gouvernemental, en ce qu'elle tend à être plus efficace économiquement, plus juste socialement et soucieuse de l'environnement. C'est un pied-de-nez à cette politique de l'offre qui ne fait qu'exacerber les inégalités et a pour seule obsession la compétitivité, en oubliant l'humain.
Il faut tirer rapidement des leçons du démarrage du plan de relance et, avec sa territorialisation, prendre un vrai virage politique pour répondre réellement aux besoins de chaque collectivité et de chaque territoire – pour le court terme, certes, mais aussi pour être en mesure de voir plus loin, parce que la précipitation et l'accompagnement de certains projets déjà prêts compromettent parfois la réalisation d'autres projets qui ont besoin d'une maturation plus longue et qui seront, au bout du compte, le développement de demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
La crise sanitaire liée à la covid-19 a durement touché notre économie et, au premier rang, les chefs d'entreprise et les salariés. Commerçants, artisans, indépendants, industriels, agriculteurs, associations : aucun secteur économique n'a été épargné. Certains ont mieux résisté que d'autres, et il faut s'en féliciter collectivement.
Ce choc est intervenu alors que la santé économique de notre pays présentait un certain nombre d'indicateurs macro-économiques positifs. Les effets s'en faisaient ressentir nettement au niveau de l'emploi, et donc dans le quotidien des Françaises et des Français. Le Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République et après vote du Parlement, s'est fortement mobilisé pour apporter des réponses adaptées et amoindrir un choc économique aux conséquences psychosociales sans précédent.
En complément des mesures d'accompagnement et de soutien destinées aux acteurs économiques et sociaux et aux collectivités, un schéma global d'intervention, visant à donner à notre pays les moyens d'un rebond nécessaire, a été décidé. Doté d'une enveloppe budgétaire de 100 milliards d'euros, le plan de relance vise à la fois à répondre à l'immédiateté de certains projets, qu'ils émanent du secteur privé ou du secteur public, et à soutenir des projets qui demandent plus de temps pour atteindre pleinement leurs objectifs.
Cette territorialisation du plan de relance a d'ailleurs conduit, comme cela a déjà été rappelé plusieurs fois, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à mettre en place un groupe de travail spécifique sur ce sujet. Nos collègues Catherine Kamowski et Véronique Louwagie ici présente, ont rendu en novembre dernier le résultat de leurs travaux, formulant vingt propositions qu'elles ont structurées autour de cinq objectifs : apporter davantage de lisibilité au plan de relance ; articuler les différents plans et les financements pour une mise en oeuvre équitable sur les territoires ; renforcer la fluidité de l'information et l'efficacité de la comitologie ; créer un environnement juridique et financier facilitateur ; enfin, élargir les actions éligibles et mieux articuler avec les dispositifs ou structures existants.
Nous pouvons déjà relever avec satisfaction que certaines de ces propositions ont reçu un écho positif de la part du Gouvernement et ont été traduites dans les faits. D'autres propositions demandent un travail de coordination complémentaire entre les différents échelons administratifs, les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques pour trouver leur pleine et entière résonance dans leur application. Nous sommes convaincus que la réussite de ce plan de relance nécessitera un partenariat étroit et régulier avec les acteurs de terrain.
Cette appropriation a pour effet que certaines lignes budgétaires sont déjà sous tension. C'est un signal positif. Nous pouvons d'ailleurs déjà mesurer certaines retombées de ce plan de relance, et je ne citerai que quelques chiffres pour les illustrer : plus de 141 000 ménages et copropriétés ont bénéficié de MaPrimeRénov' en 2020 et 4 214 projets de rénovation de bâtiments de l'État ont été lancés, 815 entreprises bénéficient du plan de modernisation et de relocalisation de projets industriels, avec 710 millions d'euros qui bénéficieront essentiellement à des TPE et PME, ou à des ETI. Pour l'année 2021, la DSIL a été augmentée de 650 millions d'euros, ce qui porte l'enveloppe nationale à 1,6 milliard d'euros. Je pourrais continuer à égrener d'autres données chiffrées : force est de constater que ce plan de relance produit bel et bien les effets escomptés.
Cette appropriation a pour effet que certaines lignes budgétaires sont déjà sous tension. C'est un signal positif. Nous pouvons d'ailleurs déjà mesurer certaines retombées de ce plan de relance, et je ne citerai que quelques chiffres pour les illustrer : plus de 141 000 ménages et copropriétés ont bénéficié de MaPrimeRénov' en 2020 et 4 214 projets de rénovation de bâtiments de l'État ont été lancés, 815 entreprises bénéficient du plan de modernisation et de relocalisation de projets industriels, avec 710 millions d'euros qui bénéficieront essentiellement à des TPE et PME, ou à des ETI. Pour l'année 2021, la DSIL a été augmentée de 650 millions d'euros, ce qui porte l'enveloppe nationale à 1,65 milliard d'euros. Je pourrais continuer à égrener d'autres données chiffrées : force est de constater que ce plan de relance produit bel et bien les effets escomptés.
Je tiens également à saluer l'engagement de l'administration et des fonctionnaires dans la mise en oeuvre de ce plan et à souligner qu'ils sont un maillon essentiel de sa réussite. La désignation de sous-préfets à la relance est un signe positif et encourageant, compte tenu de l'importance de l'enjeu que représente la continuité territoriale.
Messieurs les ministres, les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont identifié plusieurs questionnements majeurs quant à la réussite pleine et entière de ce plan. J'en retiendrai deux. Le premier est celui de l'équité territoriale : comment faire en sorte que ceux qui ne sont pas prêts tout de suite puissent, demain, profiter également du plan de relance ? Le second porte sur l'articulation entre les différents programmes et autres schémas territoriaux ou thématiques existants et le plan de relance : comment faire pour que le plan de relance puisse trouver les leviers nécessaires afin de s'adapter aux aspirations du terrain ? Merci de m'apporter des éclairages sur ces questions.
Mmes Sophie Mette et Maud Petit applaudissent.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Je suis particulièrement heureux de pouvoir discuter avec vous de la territorialisation de notre plan de relance, qui est au coeur des objectifs de celui-ci. Ce plan de relance, que vous avez voté, se déploie vite et bien, avec 100 milliards d'euros disponibles. Mon obsession est sa bonne exécution, c'est-à-dire son exécution rapide pour que l'argent irrigue tous les territoires sans exception et puisse relancer la machine économique dans les meilleurs délais, avec les créations d'emplois nécessaires.
Au 31 décembre 2020, nous avions déployé 11 milliards d'euros sur les 100 milliards disponibles, notamment pour la SNCF, avec 4,1 milliards d'euros pour ouvrir de nouvelles lignes, les collectivités territoriales, avec la DSIL, les jeunes, avec le plan « 1 jeune 1 solution », qui a notamment permis de financer près de 500 000 places d'apprentis, et les ménages, avec la prime à la conversion et MaPrimeRénov' – dispositif dont le rythme atteint actuellement 55 000 dépôts de demandes chaque mois, ce qui montre l'attente dont il fait l'objet de la part des ménages.
Olivier Dussopt et moi-même avons donc décidé d'accélérer le déploiement de la relance sur tous les territoires français. Depuis septembre, avec 16 milliards d'euros de dépenses budgétaires et 10 milliards d'euros de baisse des impôts de production qui bénéficieront principalement aux PME industrielles, ce sont 26 milliards d'euros qui sont déjà déployés sur le territoire, sur les 40 milliards que j'ambitionne de déployer dès l'année 2021.
J'entends les inquiétudes parfaitement légitimes qui s'expriment, et en particulier deux d'entre elles, auxquelles je veux répondre immédiatement.
La première est que, comme l'a dit M. Dufrègne, la crise touche différemment tous les territoires et qu'un besoin d'équité se fait sentir. Je partage pleinement ce souci : il est essentiel que des territoires moins équipés, qui peuvent avoir besoin de plus de temps pour instruire les dossiers, puissent disposer de ce temps.
Croyez que nous n'avons pas l'esprit de système : si nous voulons que le plan se déploie vite, nous ne voulons pas pour autant que des territoires moins équipés administrativement ne puissent plus disposer du moindre euro parce qu'ils n'auraient pas instruit les dossiers assez vite. Nous allons donc donner aux territoires les plus fragiles, en particulier aux territoires ruraux et aux quartiers prioritaires de la ville, du temps supplémentaire pour instruire les dossiers afin qu'ils reçoivent, eux aussi, l'argent de la relance.
La deuxième interrogation, qui m'a été relayée très souvent par les députés de la majorité, est celle de savoir comment les députés seront associés au processus. J'ai demandé aux préfets que l'ensemble des parlementaires – quelle que soit, bien entendu, leur appartenance politique – puissent être associés aux comités régionaux comme aux comités départementaux pour faire part de leurs observations sur chacun des projets du plan de relance.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Dem.
C'est là un droit, qui va de soi mais qu'il est toujours bon de rappeler : les préfets doivent faire droit aux observations des parlementaires, au niveau régional comme au niveau départemental. Associer tous les élus, au niveau régional comme au niveau communal, à la conception et la mise en oeuvre du plan, est du reste, je le rappelle, la méthode que nous avons suivie durant toute la préparation de celui-ci. Nous l'avons fait avec les régions : le Premier ministre a signé en juillet dernier un accord sur la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production, et nous avons mené durant un an des discussions avec l'Association des régions de France – au président de laquelle je tiens à rendre hommage, car Renaud Muselier s'est beaucoup associé à ces discussions visant à ce qu'il y ait une compensation intégrale, à l'euro près, de la perte de recettes fiscales liée à la baisse des impôts de production.
Le Premier ministre et moi-même avons déjà signé sept accords de relance entre l'État et les régions pour coordonner nos actions, et mis en place des contrats de relance et de transition écologique, dont le premier sera signé avec la métropole de Nantes. Tous les autres contrats le seront d'ici le 30 juin 2021, ce qui représente 800 contrats locaux de relance et de transition écologique. On ne peut mieux montrer qu'il existe une association directe entre l'État et les collectivités locales.
Si l'on examine les différents projets du plan de relance, on constate aussi que les collectivités locales sont toujours associées aux décisions – je pense en particulier à toutes les aides à l'industrie, auxquelles Olivier Dussopt et moi-même attachons une grande importance, car le plan de relance est une occasion d'accélérer la reconquête industrielle de notre pays et d'ouvrir de nouvelles chaînes de valeur pour garantir l'indépendance technologique et industrielle de la France.
Plusieurs projets sont en cours dans le cadre du programme « Territoires d'industrie », qui permet d'accorder une subvention publique à des TPE, PME ou ETI industrielles, par exemple pour ouvrir une nouvelle ligne de production. Ces projets ne sont pas sélectionnés par Olivier Dussopt ou moi-même…
… mais bien par le préfet et le président de région, en association avec les parlementaires, afin que soient retenus les meilleurs projets pour les territoires. La décision, je le répète, est prise au niveau régional, et non au niveau central.
Le succès des aides à l'industrie se lit dans les crédits décaissés. Nous disposions de 400 millions d'euros, mais la demande excède les prévisions d'origine ; nous allons donc abonder le programme de 150 millions d'euros. Les projets financés par cette aide publique directe – car il s'agit bien d'une subvention, et non d'un prêt – sont très concrets. Adhex Technologies, implantée à Chenôve, près de Dijon, où je me suis rendu il y a quelques jours, a obtenu 1 million d'euros ; ils permettront la création de 300 emplois supplémentaires. La manufacture de porcelaine Bernardaud, qui a été particulièrement touchée par la crise et la chute des ventes aux États-Unis, a reçu 550 000 euros pour moderniser son site de production. Archipel Bois Habitat, à Saint-Pierre, sur l'île de La Réunion, a également obtenu une aide, tout comme la société SAFRA – Société albigeoise de fabrication et de réparation automobile – , à Albi, qui a reçu 750 000 euros pour produire des bus à hydrogène. Encore une fois, ce ne sont pas des prêts, mais bien une aide budgétaire directe, sous forme de subventions, qui permet chaque fois de créer 10, 15, 20, 100 ou 200 emplois et qui irrigue le territoire – je le sais pour me rendre chaque semaine dans différents territoires. C'est d'autant plus important que, je le rappelle, 80 % de l'industrie se trouve en dehors des métropoles urbaines, dans les territoires.
Nous travaillons également avec les communes et les départements à la rénovation énergétique des écoles et des collèges. Pas moins de 1 milliard d'euros de dotations de soutien seront ainsi accordés aux communes et départements, dont 10 % seront spécifiquement dédiés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Derrière ces chiffres, il y a l'école maternelle Max Barel à Vénissieux, l'école primaire Jean Rostand à Berck, ou encore le collège Gaston Bonheur à Trèbes, qui fait l'objet de travaux d'isolation. Là encore, l'attribution des aides est décidée localement. Pour qu'il n'y ait pas d'inquiétude, je redis que les plus petites communes de 500, 1 000 ou 1 500 habitants – que je connais bien pour être moi-même élu d'un département rural, cela a été rappelé à la tribune – disposeront d'un délai supplémentaire pour déposer leurs projets de rénovation énergétique pour leurs écoles, sans quoi elles risqueraient de ne pas pouvoir bénéficier de ces aides.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que les projets agricoles ont été massivement soutenus par le plan France relance. Ce soutien public va permettre de moderniser quatre-vingt-six abattoirs, de planter 7 000 kilomètres de haies, mais également de mener des actions en faveur des forêts – dans les Landes, par exemple, les opérateurs forestiers seront soutenus par Alliance Forêts Bois.
La territorialisation, c'est enfin la préférence accordée aux PME. Il s'agit d'un choix absolument stratégique du plan de relance : la priorité doit être donnée aux petites et moyennes entreprises. Par exemple, nous avions prévu 280 millions d'euros pour favoriser la digitalisation des PME. Vous connaissez tous la réalité, que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer à de nombreuses reprises ici même : la France accuse un retard considérable en matière de digitalisation et de robotisation des PME. Je pense que celles-ci attendaient juste qu'on leur mette le pied à l'étrier : 7 600 demandes ont été déposées en quelques semaines pour seulement 280 millions d'euros disponibles. Je vous annonce que nous avons décidé de dégager les 600 millions d'euros supplémentaires nécessaires pour accompagner la digitalisation des PME industrielles, ce qui portera cette aide à près de 1 milliard d'euros. Cela permettra d'accélérer la digitalisation des entreprises et le déploiement de commandes numériques, pour que les PME industrielles françaises rattrapent enfin leur retard en la matière.
Vous le voyez, qu'il s'agisse de la méthode de la mise en place du plan de relance, de son exécution ou de la priorité accordée aux PME, la territorialisation est bien au coeur de nos ambitions. Et si, grâce à ce débat, nous pouvons l'améliorer encore, cela ne pourra que parfaire le travail déjà accompli en faveur des territoires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique. Je vous demanderai de respecter le temps imparti.
Nous commençons par les questions du groupe La République en marche.
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
Pour commencer, je voudrais rendre un hommage appuyé aux services de l'État qui, dans les territoires – en particulier dans le département du Calvados et ma circonscription du Bessin et de la Côte de Nacre – mènent un travail de terrain exceptionnel, au plus près des citoyens, des collectivités, des entreprises – sous l'impulsion, bien évidemment, des préfets et des sous-préfets.
Je viens de souligner l'aspect constructif de ma question, mais je souhaiterais vous interroger sur quelques angles morts du déploiement du plan France relance, qu'il me paraît essentiel de mettre en lumière.
Premièrement, l'agenda industriel a bien du mal à se caler avec celui du plan de relance. En effet, le temps de latence entre le dépôt du dossier et la réponse des services de l'État plonge les entreprises dans l'incertitude, les obligeant souvent à engager des fonds sans savoir si la demande d'aide sera acceptée. Si certains délais sont incompressibles, quelles mesures pourraient être envisagées pour répondre concrètement aux contraintes des entreprises ?
Deuxièmement, le volet agricole du plan de relance prévoyait, dans l'objectif d'assurer notre souveraineté alimentaire, un accompagnement dans le domaine des protéines végétales. Victime de son succès, le guichet est aujourd'hui fermé et de nombreuses entreprises agricoles restent sans proposition. Quelles sont les perspectives de reprise de ce dispositif ?
Enfin, j'ai pu constater dans ma circonscription que de nombreuses collectivités – notamment les communes – restent peu informées des possibilités offertes par le plan de relance. Quels outils pourraient aujourd'hui être déployés pour assurer la promotion du plan de relance au niveau local et accompagner les services de l'État, fortement mobilisés sur le terrain ?
Avant de répondre aux trois points que vous avez évoqués, permettez-moi de m'associer aux remerciements que vous avez adressés aux services de l'État pour leur mobilisation.
S'agissant de la banque publique d'investissement – Bpifrance – et de notre capacité collective à répondre aux candidatures déposées dans le cadre des différents appels à manifestation d'intérêt dans le domaine industriel, Bruno Le Maire a rappelé le très grand succès des appels à projets, ce qui a pu entraîner des retards dans le traitement des dossiers. Depuis, Bpifrance a établi un plan d'action spécifique pour réduire ces retards, définissant notamment des délais cibles : l'objectif est de rendre une décision sur les demandes d'aide en deux mois, et que l'application de la décision – notamment le conventionnement avec les bénéficiaires – intervienne dans le mois suivant la prise de décision. Nous avons aussi mobilisé des moyens : une trentaine d'équivalents temps plein – ETP – permettent d'accompagner cette volonté de réactivité et d'amélioration des délais.
Il en va de même pour le guichet de réception des dossiers dans le cadre de l'aide à la numérisation industrielle : 7 600 dossiers ont été reçus, alors que nous n'en avions anticipé que 300 ! Cela a pu entraîner des retards, mais nous veillerons à ce que toutes les demandes soient instruites d'ici fin avril. C'est un point important, car si le guichet n'opère pas de sélection dans les dossiers, qui sont instruits par l'opérateur, les dépenses peuvent être engagées par les entreprises dès réception du récépissé de dépôt émis par l'ASP. Nous veillons donc à accélérer la cadence, pour faire en sorte que l'agenda industriel concorde avec l'agenda administratif.
S'agissant de l'appel à projets relatif à l'indépendance protéinique, il a été saturé en moins de vingt-quatre heures ! 20 millions d'euros étaient prévus, mais une centaine de millions d'euros ont été demandés. Avec le Premier ministre et Bruno Le Maire, nous avons donc décidé de rouvrir les candidatures pour répondre à cette demande. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, aura l'occasion dans les prochains jours de préciser les modalités de ce second appel à projets.
Enfin, un document extrêmement exhaustif sur les dispositifs du plan de relance a été publié : nous vous le transmettrons, ainsi qu'aux groupes, afin que l'ensemble des élus puissent se saisir de toutes les possibilités offertes par le plan de relance.
Le Gouvernement a choisi de déployer le plan de relance à travers de nombreux appels à manifestation d'intérêt ou appels à projets. Si ce choix permet une sélection fine des projets les plus pertinents, il signifie aussi que le Parlement a eu peu de visibilité, en amont, sur les critères et modalités de sélection des projets – d'où l'intérêt du débat de ce jour. Le mode d'instruction des dossiers des nombreux appels à projets prévus par le plan de relance implique une multiplicité d'acteurs : le pilotage est souvent assuré au niveau du ministère, mais l'instruction peut être gérée par les opérateurs de l'État – en particulier Bpifrance – , une pré-instruction étant parfois effectuée au niveau de la préfecture de département ou de région ou par les conseils régionaux.
Cela me conduit à poser une double question. Tout d'abord, comment l'articulation entre les services de l'État, Bpifrance, les préfectures et les collectivités – en particulier les régions – dans l'instruction des dossiers est-elle assurée ? Quelles sont les logiques incitant à confier l'instruction de tel appel à projets au conseil régional, quand l'autre est confié à un opérateur de l'État ?
Ensuite, quel est le rôle des préfectures, et en particulier des sous-préfets à la relance, dans la priorisation des projets ? Il semblerait que pour certains appels à projets, les sous-préfets à la relance n'aient aucun pouvoir d'orientation ou de priorisation des dossiers de candidature, alors qu'ils ont une focale locale et une précieuse connaissance du tissu d'entreprises du territoire. Je crains que les appels à projets dont les candidatures ne sont instruites que par un opérateur de l'État n'entraînent une concurrence entre les territoires, les plus dynamiques envoyant le plus grand nombre de candidatures et concentrant in fine les projets lauréats. Quel est le rôle des instructeurs des appels à projets, et quel est le processus d'instruction mis en oeuvre pour assurer la territorialisation du plan de relance ?
Comme cela a été rappelé, les crédits « territorialisables » – si vous m'autorisez ce barbarisme – peuvent être regroupés en trois catégories.
Tout d'abord, il y a les crédits finançant les mesures nationales dont nous pouvons mesurer les effets à l'échelle d'un territoire. C'est le cas, par exemple, de MaPrimeRénov' ou des aides à l'apprentissage. Nous savons mesurer la mobilisation de ces dispositifs territoire par territoire.
Ensuite, il y a les crédits finançant des dispositifs qui font l'objet d'appels à manifestation d'intérêt ou d'appels à projets gérés directement par le ministère – comme pour les appels à projets industriels – ou par des opérateurs comme Bpifrance ou l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – dans le cadre d'un règlement national, sur lesquels il n'existe pas de prise territoriale, mais dont nous pouvons déconcentrer la gestion à des opérateurs.
Enfin, il y a les crédits dont nous avons choisi de déléguer la gestion aux collectivités territoriales, soit qu'ils financent des dispositifs relevant du coeur de leurs compétences – Régions de France assurera ainsi la ventilation de l'enveloppe de 300 millions d'euros dédiée à la rénovation thermique et énergétique des lycées – , soit que nous ayons considéré que les objectifs étaient suffisamment partagés pour être au coeur des accords de relance territoriale passés notamment avec les régions, mais aussi avec d'autres collectivités, ce qui justifie une ingénierie partagée.
Les sous-préfets à la relance, que vous avez évoqués, ont avant tout un rôle de facilitateurs : ils doivent faire connaître le plan de relance et lever les difficultés administratives afin de permettre l'accès de toutes les collectivités et entreprises au plan de relance. Ils n'ont pas nécessairement vocation à instruire ou co-instruire les dossiers ou à donner un ordre de priorité – sauf si celui-ci est sollicité, notamment par l'administration préfectorale. Le cas échéant, comme pour l'appel à projets relatif à la rénovation énergétique des bâtiments publics de l'État, nous avons systématiquement veillé à ce que l'instruction conduite par les autorités déconcentrées de l'État soit parfaitement respectée par l'administration centrale. Aucun projet retenu par les préfets de région ou de département dans le cadre de l'appel à projets géré par la Direction de l'immobilier de l'État – DIE – n'a été écarté. Nous nous sommes appuyés sur leur avis : c'est un point important à valoriser, car il souligne l'autonomie que nous donnons à nos administrations.
Enfin, les difficultés d'ingénierie des collectivités locales pour répondre aux appels à projets ont été prises en compte. C'est notamment en raison de ces difficultés que nous avons transformé les modalités de gestion des fonds dédiés à la rénovation thermique des bâtiments publics : l'appel à projets initialement envisagé a été transformé en une DSIL « rénovation énergétique ». Ce mode de gestion en propre, communément assimilé à la DSIL, permettra d'avoir plus de prise sur les collectivités et d'augmenter leur capacité de réponse.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pierre Cordier.
Je dois dire que le plan de relance a été accueilli de fort belle manière par les départements qui souffrent. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, vous connaissez bien le département des Ardennes, vous y êtes souvent venu lorsque nous partagions les mêmes valeurs – peut-être en partageons-nous encore un certain nombre aujourd'hui.
Oui, toujours !
Sourires
Je crois d'ailleurs que vous avez encore pas mal d'amis dans les Ardennes, monsieur le ministre !
Tout à fait !
Je voudrais me réjouir de la nomination de sous-préfets à la relance. Le département des Ardennes a pu obtenir un sous-préfet dédié à cette mission, et c'est une excellente nouvelle.
Après avoir rencontré des chefs d'entreprise, je voudrais également saluer la simplicité des dossiers de demande d'aide : c'est un élément important, car toutes les entreprises n'ont pas les équipes pour remplir des dossiers qui peuvent être fastidieux et lourds.
Au-delà de ces éléments positifs, j'ai quelques interrogations sur les effets d'aubaine. Certaines entreprises, qui avaient des projets prêts bien avant le plan de relance, se sont en effet glissées dans la brèche pour profiter des fonds mis à disposition par l'État.
Je voudrais également évoquer la lisibilité des dispositifs, car sur le terrain, les entrepreneurs ont parfois un peu de mal à s'y retrouver parmi les différents plans : France relance, Territoires d'industrie, les mesures d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 inscrites dans les quatre lois de finances rectificatives, les dispositifs créés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires – ANCT. Si ces mesures sont intéressantes, certaines sont incomplètes ou se chevauchent, appelant une amélioration.
Je conclurai par un point concernant la relance de la consommation. Nous savons que beaucoup de Français ont épargné durant l'année 2020 et épargneront durant l'année 2021. Comment comptez-vous, messieurs les ministres, libérer cette épargne pour assurer la relance de notre économie ?
M. Vincent Rolland applaudit.
Permettez-moi d'abord de rassurer M. Cordier : nous partageons beaucoup de valeurs, et en tout cas l'attachement au département des Ardennes.
Je ne parlerai pas d'effets d'aubaine. La réalité, c'est que certaines PME, qui avaient déjà des projets en cours, vont accélérer leur mise en oeuvre. Mais après tout, si cela permet de hâter le retour de la croissance et la création d'emplois sur les territoires, en particulier dans les Ardennes qui sont particulièrement touchées par la crise, c'est faire oeuvre utile.
Je le redis, les sous-préfets à la relance – il y en a un par département – qui, sous l'autorité du préfet, font un travail tout à fait remarquable dont je les remercie, sont à votre entière disposition.
Quant à l'épargne des Français, vous avez raison de souligner que c'est un point très important. Nous avons un plan de relance de 100 milliards d'euros et les Français épargneront probablement près de 200 milliards d'euros ; il faut donc les inciter à les placer d'abord dans l'économie française. C'est ce que nous avons fait avec les fonds « relance », qui fonctionnent remarquablement bien, ainsi que je l'ai annoncé ce matin, puisque 26 milliards d'euros ont été collectés pour financer les PME, ce qui est considérable. Ce succès montre que les Français sont prêts à financer le retour de la croissance économique, leurs PME et l'économie réelle.
Par ailleurs, une partie de l'épargne pourrait être transmise entre les générations : c'est un projet auquel je réfléchis. Je ferai des propositions en ce sens au Premier ministre et au Président de la République dans les semaines qui viennent. L'épargne doit circuler, en particulier vers les jeunes générations qui ont été particulièrement touchées par la crise.
100 milliards d'euros pour relancer le pays, c'est un chiffre qui parle et dont nous serions tentés de nous satisfaire. Les aides aux entreprises, la transition écologique, la cohésion sociale et territoriale : tout y est ou presque.
Cependant, il y a les annonces et il y a la réalité locale. J'en veux pour preuve le département de la Savoie, où vous avez sans doute aussi des amis, monsieur le ministre.
Les collectivités locales du département n'ont bénéficié que de 4 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'ordinaire pour 430 000 habitants. Alors qu'elles sont fortement touchées par la fermeture des remontées mécaniques et une baisse prononcée de la fréquentation touristique, les crédits supplémentaires du plan de relance sont, pardonnez-moi, une goutte d'eau dans un océan de récession.
Le Gouvernement a répondu présent en soutenant les professionnels du tourisme au travers de différents dispositifs. Malgré nos demandes, il reste cependant des trous dans la raquette : les versements devraient être effectués plus rapidement et les opérateurs touristiques devront être accompagnés sur le long terme, bien au-delà du mois de juin.
Vous allez me renvoyer au plan de relance de la montagne. J'aimerais en connaître la forme et le contenu et savoir s'il ira au-delà de ce qui a déjà été annoncé. Les attentes des montagnards sont très grandes, car ils souhaitent voir se concrétiser leurs projets – Dieu sait s'ils en ont – pour préparer le tourisme de demain.
Monsieur Rolland, je ne sais pas si les aides que nous apportons aux territoires sont une goutte d'eau : je crois au contraire qu'elles sont importantes.
Lorsque vous évoquez la somme de 4 millions d'euros, j'imagine que vous faites référence à la part supplémentaire de dotation de soutien à l'investissement local, qui représente 4 millions d'euros sur 1 milliard d'euros, votée lors de la troisième loi de finances rectificative en juillet dernier. À ces 4 millions d'euros supplémentaires, viendra s'ajouter la fraction de DSIL consacrée à la rénovation thermique pour accompagner les collectivités locales. Cela signifie qu'au total, et alors même que les règles d'attribution sont conformes à ce que nous avons toujours fait en matière de dotation de soutien à l'investissement, 2 milliards d'euros de plus ont été consacrés aux collectivités pour soutenir l'investissement du bloc local, à savoir les communes et intercommunalités.
Dans le même temps, nous avons instauré des dispositifs de soutien aux départements, avec des avances remboursables assorties de clauses de retour à meilleure fortune pour les droits de mutation à titre onéreux – DMTO. Nous avons fait de même pour les autorités organisatrices de la mobilité.
Enfin, et sans être forcément exhaustif, nous avons créé un mécanisme de garantie des recettes de fonctionnement pour les collectivités, calculé sur la base de la moyenne entre 2017 et 2019 pour les recettes fiscales et domaniales de l'année 2020 et sur la même base pour les recettes fiscales de l'année 2021, en portant une attention particulière aux communes touristiques – dans la mesure où les recettes fiscales incluent notamment la taxe sur les remontées mécaniques et la taxe de séjour. Ce sont les communes touristiques, dans des départements comme le vôtre, qui vont bénéficier le plus fortement du mécanisme de garantie des recettes au cours de l'année 2020.
Au total, ce sont plus de 10 milliards d'euros d'aides directes aux collectivités que nous apportons, dont plus de 4 milliards consacrés au maintien des recettes de fonctionnement. Ce dispositif est à comparer avec le plan de relance précédent, qui proposait comme seule solution, ce qui était certes utile, d'anticiper une année de remboursement du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée – FCTVA – pour soutenir l'investissement des collectivités qui en étaient capables.
Nous sommes très présents aux côtés des collectivités locales ; nous le serons auprès de l'industrie du ski et de l'industrie de la montagne, comme vous l'avez vous-même rappelé. Aussi aurons-nous l'occasion, dans les prochains jours, de présenter des pistes de travail pour la relance de la montagne et de son économie, avec notamment la réouverture des stations touristiques. Je suis convaincu que vous y participerez avec nous.
La parole est à M. Philippe Bolo, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
Ambitieux et nécessaire : ces deux mots décrivent bien le plan de relance présenté par le Premier ministre le 3 septembre 2020. Ambitieux, car avec ses 100 milliards d'euros mobilisés pour la refondation écologique, économique et sociale de la France, il constitue le plus important des plans annoncés par les grands pays européens. Nécessaire, car il est construit pour permettre à notre économie de rebondir, à de très nombreux Français de conserver leur emploi et aux territoires de ne pas décrocher.
Après le temps des annonces, vient celui de l'action ; il faut passer de la parole aux actes. C'est par la territorialisation que le plan de relance va franchir ce cap et irriguer chaque territoire pour atteindre les entreprises, les collectivités territoriales et les ménages.
Messieurs les ministres, quatre mois après la publication de la circulaire relative à la mise en oeuvre territorialisée du plan de relance, je constate un certain flou dans l'application de ce plan. Il provient d'abord du foisonnement des opérations financées, parfois hors du cadre des quatre-vingt-quatorze mesures initiales, ce qui est sans doute la conséquence de la nécessaire adaptation du plan pour faire face à une épidémie qui se prolonge. Il est ensuite suscité par les interactions du plan de relance avec d'autres dispositifs comme Petites villes de demain, l'agenda rural ou encore Territoires d'industrie, altérant la lisibilité de chacun d'eux. Enfin, il est la conséquence de la multiplication des acteurs impliqués : des sous-préfets à la relance à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, l'ANCT, en passant par les chambres consulaires, Bpifrance et de nombreux autres opérateurs, il reste difficile d'identifier les guichets à cibler. Les bénéficiaires potentiels du plan de relance peinent donc à s'y retrouver : tout comme les collectivités locales, les entreprises éprouvent des difficultés à identifier si leurs projets sont éligibles et à quelle porte elles doivent frapper.
Bref, si tout le monde parle du plan de relance, trop peu de personnes savent aujourd'hui comment y avoir recours.
Comment comptez-vous améliorer la lisibilité du plan de relance afin d'apporter une double garantie : celle de l'équité territoriale dans l'accès aux financements et celle de la juste exécution des crédits ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
Vous avez raison, monsieur le député, c'est un défi considérable.
Penser qu'on va pouvoir flécher les 100 milliards d'euros qui sont sur la table en utilisant une procédure unique serait une illusion.
En revanche, je suis tout à fait d'accord, il faut sans cesse simplifier. Nous nous y employons avec le site internet planderelance. gouv. fr, lequel offre un guichet unique recensant les accès pour toutes les aides. Nous pouvons encore améliorer la simplicité d'accès à certaines aides.
Néanmoins, et j'insiste aussi là-dessus, l'accès à d'autres aides, qui est très simple, marche trop bien. Tel est le cas de la digitalisation des démarches des PME industrielles : comme nous avons fixé un crédit d'impôt avec un taux très élevé et instauré une déclaration unique, nous avons été débordés par le succès. Reconnaissons les choses comme elles sont : nous avions prévu une enveloppe de 280 millions d'euros et nous allons atteindre pratiquement le milliard.
MaPrimeRénov' est un autre dispositif qui marche très bien, parce que les Français se le sont approprié : 55 000 dossiers de demande d'aide sont déposés chaque mois.
Pour répondre à votre interrogation, nous devons nous servir de ce modèle-là pour améliorer et simplifier les dispositifs au fur et à mesure de l'exécution du plan, en s'assurant que chacun puisse effectivement y avoir accès. Cela rejoint la question de M. Dufrègne relative à l'amélioration de l'accès de ceux qui sont les moins bien équipés.
Enfin, ce qui a été dit par tous les orateurs montre à quel point le défi du plan de relance est aujourd'hui celui de son exécution.
J'entends dire qu'il faudrait systématiquement remettre de l'argent. Nous verrons bien, le moment venu, si une enveloppe est totalement asséchée ou si l'épidémie suscite de nouveaux besoins – je reste très prudent sur les questions de sécurité sanitaire. Cependant, au moment où je vous parle, la priorité absolue, c'est l'exécution.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Ma question ressemble étrangement à celle de M. Bolo. Face à ce contexte de crise inédite, le Gouvernement a présenté le plan de relance le 3 septembre 2020. Une circulaire d'octobre dernier ciblait les objectifs des préfets et les enveloppes spécifiques mises à disposition. Elle mentionnait également la possibilité de signer des contrats de relance et de transition écologique – CRTE – sur des périmètres réputés pertinents, que les préfets viennent d'ailleurs d'arrêter.
Première question : comment le plan de relance s'articule-t-il avec les dispositifs existants, qui peuvent parfois épouser des périmètres différents ? Les dispositifs sont nombreux. Je pourrais citer les contrats de transition écologique et solidaire – CTES – , Territoires d'industrie, le programme Leader, les contrats de ruralité, les pactes territoriaux, auxquels viennent chaque jour s'ajouter les appels à projets ou les appels à manifestation d'intérêt. Les élus sont quelque peu déboussolés face à cette jungle de dispositions et pénalisés, dans nos territoires ruraux, par la logique du « premier arrivé, premier servi ». Vous venez de nommer des sous-préfets à la relance, que nous avons rencontrés pour essayer de mettre un peu d'ordre et de gagner en clarté. Monsieur le ministre, l'allocation de crédits supplémentaires imposait-elle de créer ce nouveau dispositif, avec des appels à projets dont les critères d'éligibilité sont parfois un peu flous ?
Par ailleurs, je constate une pression des préfectures et sous-préfectures sur les élus locaux pour les convaincre de s'engager dans de nouveaux projets. Or ils ne sont pas toujours prêts – certains viennent de prendre leurs fonctions, quand d'autres manquent de moyens en ingénierie de projet, notamment dans les plus petites collectivités. Pour être efficaces et économes de l'argent public, ces projets doivent cependant être réfléchis et cohérents d'un point de vue territorial. Les moyens sont sur la table, mais il me semble important que nous soyons économes de l'argent public. À quand une simplification pour garantir l'efficacité et la lisibilité de l'action des élus ?
Pardonnez-moi de relever une forme de paradoxe dans votre question. Au cours des débats budgétaires, je vous ai entendu à plusieurs reprises demander et même revendiquer la territorialisation du plan de relance et l'association des élus. Nous savons tous que la multiplication des périmètres de contractualisation aboutit parfois à un manque de lisibilité, constat bien antérieur au plan de relance.
Aujourd'hui, comment procédons-nous pour territorialiser le plan de relance ? Nous avons signé avec toutes les régions un accord régional et territorial pour la relance, qui permet d'arrêter les priorités partagées par l'État et les régions. La circulaire que vous avez mentionnée offre la possibilité de signer des accords infrarégionaux avec des métropoles – celle de Nantes a signé un accord pour s'engager dans la relance – ou avec des départements. Trois d'entre eux ont d'ores et déjà contractualisé : la Gironde, la Charente-Maritime et l'Ardèche, un département qui m'est cher et dont le contrat a été signé il y a quelques jours.
Nous sommes en train de rendre public le périmètre des CRTE. Il nous avait été opposé qu'aucun élu ne s'intéresserait à ces contrats et que ce dispositif ne rencontrerait aucun succès. À l'heure où nous parlons, 99,1 % du territoire sera couvert par des CRTE et au maximum cinq intercommunalités – voire peut-être une seule – ne seront pas engagées dans un CRTE parce que les élus ne souhaitent pas y participer.
Les CRTE sont justement pensés pour regrouper et mettre en cohérence les dispositions du plan de relance avec les actions menées sur le territoire. Ce sont des outils utiles qui nous permettent d'avancer. Pour les communes rurales ou encore celles où se trouvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous prévoyons une aide à l'ingénierie ainsi qu'un délai supplémentaire d'un mois – Bruno Le Maire l'a rappelé – pour achever le montage des dossiers et permettre à tous les territoires d'accéder à la relance.
Si nous avions été dans une logique complètement descendante, en nous appuyant uniquement sur les administrations déconcentrées, je suis convaincu que les critiques que vous venez de nous adresser auraient été encore plus fortes, justement parce que les élus n'auraient pas été associés au choix des projets soutenus par l'État dans leur territoire.
Monsieur le ministre délégué, Bruno Le Maire et vous-même l'avez dit, le plan France relance se déploie rapidement, comme l'illustrent les 26 milliards d'euros déjà engagés. Certains instruments, à l'instar de « Territoires d'industrie », rencontrent un franc succès, dont nous nous félicitons tous. À ce titre, le redéploiement d'1 milliard d'euros de crédits en faveur des aides aux industries est une excellente nouvelle, et nous considérons que le plan de relance européen doit désormais suivre ce mouvement.
Ma question concerne la territorialisation du plan de relance européen. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, ce plan, adopté à l'initiative du couple franco-allemand, représente une avancée historique pour l'Union européenne. Toutefois, son exécution semble nourrir quelques complexités qui pourraient atténuer son efficacité. Plusieurs interrogations demeurent à cette heure sans réponse, alors que le Comité européen des régions alerte sur les écueils que le plan pourrait rencontrer. Nous avons donc besoin de plus de visibilité sur son déploiement.
J'aurai donc trois questions, auxquelles j'associe mon collègue Jean-Charles Larsonneur. Pouvez-vous nous dire très simplement quelles mesures de France relance seront financées par les crédits européens ? Quel est le calendrier prévisionnel de déploiement de ces crédits, s'agissant notamment du préfinancement de 4 milliards d'euros ? Enfin, quelle concertation menez-vous avec les collectivités territoriales pour prévoir un pilotage optimal de la facilité pour la reprise et la résilience et des divers fonds structurels et d'investissement européens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Vous l'avez dit, le plan de relance européen est entré en vigueur le 19 février et nous pouvons donc présenter, comme tous les États membres, notre plan national pour la relance et la résilience. Notre objectif est très clair : nous souhaitons que 40 des 100 milliards d'euros de France relance soient financés grâce au plan de relance européen. Il ne s'agit pas de dire ce qui relèverait d'un financement direct par l'Union européenne, mais plutôt d'obtenir le remboursement, la prise en charge, de 40 % de notre plan de relance.
Les crédits des politiques de cohésion, qui préexistaient à la facilité pour la reprise et la résilience, sont également importants pour contribuer à la relance dans les territoires. À cet égard, nous préconisons une ligne de partage assez claire afin d'éviter les cofinancements, étant donné qu'il serait difficile d'obtenir, sur les mêmes actions, un financement au titre de la facilité pour la reprise et la résilience et un autre au titre des politiques de cohésion. Nous allons définir ces lignes de partage au cours des semaines à venir. Pour ce faire, le ministère de la cohésion des territoires, sous l'autorité de Jacqueline Gourault, et le secrétariat général aux affaires européennes conduisent actuellement des réunions de concertation avec les ministères et les différentes autorités de gestion régionales des fonds de cohésion. Nous voulons mobiliser pleinement aussi bien le plan de relance européen que les fonds de la politique de cohésion.
Le PNRR – plan national pour la relance et la résilience – sera présenté par le Gouvernement français à la Commission européenne. S'ouvrira alors un cycle de discussions et d'échanges qui durera plusieurs semaines, notre objectif étant qu'après la validation du plan national pour la relance et la résilience, nous puissions bénéficier du décaissement de l'avance. Celle-ci a été fixée à 13 % du total escompté, soit un peu plus de 5 milliards d'euros sur les 40 milliards visés. Sous réserve que l'ensemble des PNRR soient validés, nous estimons que nous bénéficierons de ce premier décaissement en juin ou juillet de cette année, ce qui nous serait évidemment utile. Par la suite, les fonds seront progressivement décaissés par l'Union européenne et encaissés par la France entre 2021 et 2026.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour le groupe UDI et indépendants.
100 milliards d'euros, c'est le montant du plan de relance voté au Parlement cet automne. La question-clé est celle de la répartition de cette manne financière dans les territoires, qui doit être équitable et surtout accessible au plus grand nombre.
Dans ma circonscription, l'entreprise vosgienne VT2i a été lauréate du fonds de soutien à la modernisation de la filière automobile. Grâce à cette aide à l'investissement, inscrite dans les mesures du plan de relance, cette entreprise pourra se doter de nouveaux moyens de production. Il en va de même pour la société de tissage Garnier-Thiebaut, située à Gérardmer, qui a également été sélectionnée pour son projet de relocalisation.
Il a néanmoins été fastidieux pour les dirigeants de ces PME de monter les dossiers de candidature. Les démarches à effectuer sont en effet complexes et quelque peu chronophages. Par conséquent, beaucoup d'entreprises qui pourraient prétendre à ces dispositifs et appels à projets y renoncent, car candidater est lourd sur le plan administratif, sachant qu'elles n'en ont parfois tout simplement pas connaissance – les entrepreneurs ne savent pas comment faire.
Cette politique de relance exceptionnelle mériterait donc un effort pédagogique et de simplification. Pour les particuliers, près de quarante dispositifs ont été créés ; pour les entreprises, ce sont plus d'une centaine de programmes et de mesures de soutien qui existent. Il est parfois difficile de s'y retrouver ! La création d'un guichet unique serait de nature à rendre toutes ces aides plus accessibles. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour simplifier les démarches d'accès à ces dispositifs afin de faciliter le ruissellement du plan de relance sur l'ensemble du territoire ?
D'une certaine manière, le guichet unique existe déjà. Il s'agit du site du Gouvernement dédié au plan de relance, qui récapitule l'ensemble des plus de 250 dispositifs, avec l'ensemble des porteurs et des instructeurs pour chacun d'entre eux, ainsi que le calendrier – lorsque les dates ont été définies – des appels à manifestations d'intérêt, des appels à projets et des dépôts de dossier.
Nous devons veiller à ce que les choses soient les plus simples possible. À cet égard, nous avons l'occasion, Bruno Le Maire, moi-même et l'ensemble des ministres du pôle économique et financier de Bercy, de nous déplacer chaque semaine dans des entreprises lauréates, mais aussi à la rencontre d'entreprises intéressées par le plan de relance. Beaucoup nous disent – je le note même si cela va à l'encontre de votre intervention – que les modalités de soumission des dossiers, par exemple pour répondre aux appels à projets sur l'industrie du futur, la modernisation ou la numérisation, sont simples, du moins plus qu'à l'accoutumée.
Il reste encore un effort de simplification à faire. Je le disais tout à l'heure en réponse à un orateur, nous avons demandé à Bpifrance de modifier ses processus d'instruction et d'accompagnement des dossiers. Nous veillons aussi à ce que le partenariat initié avec les chambres de commerce et d'industrie soit utile pour l'ensemble des entreprises. Je souligne d'ailleurs que les chambres de commerce et d'industrie tiennent leurs engagements en matière de contact téléphonique auprès des entreprises potentiellement éligibles. De la même manière, nous avons demandé à plusieurs reprises aux préfets de déployer des efforts de communication et de pédagogie pour toucher toutes les entreprises potentiellement concernées par le plan de relance.
J'ajoute qu'à intervalles réguliers, notamment pour préciser certaines mesures fiscales comme la baisse des impôts de production, nous avons eu l'occasion de nous adresser directement, par courriel, aux entreprises concernées pour faire encore et toujours connaître le plan de relance.
Je ne sais pas si nous arriverons à toucher et atteindre chacun des bénéficiaires potentiels, mais je puis vous assurer de la mobilisation totale des services de l'État. J'espère aussi pouvoir compter sur votre soutien en tant que parlementaires pour relayer ces outils. En tous les cas, nous sommes à votre disposition pour partager avec vous tous les outils pédagogiques qui nous permettront de relever ce défi ensemble.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise.
Ce débat pose une question centrale : faites-vous confiance aux territoires pour qu'ils définissent eux-mêmes leurs orientations ou revient-il au pouvoir central, à Paris, d'imposer sa vision ? Le plan de relance national doit-il être simplement décliné ou offre-t-il une chance extraordinaire à chaque territoire de bâtir un plan propre à ses spécificités, ses problèmes et, surtout, ses atouts, à plus forte raison dans les outre-mer ? Dans son avis rendu le 26 janvier dernier à la suite de sa saisine par le Premier ministre, le CESE – Conseil économique, social et environnemental – vous prévient qu'une simple déclinaison des orientations générales nationales du plan de relance dans les territoires irait buter contre les politiques publiques locales.
La France d'outre-mer représente 2,8 millions d'habitants, soit 4 % de la population nationale. Or sur les 100 milliards d'euros annoncés du plan de relance, les outre-mer devraient bénéficier de 1,5 milliard d'euros, soit 1,5 % de l'enveloppe globale. Ce montant correspond-il à quelque chose de précis ou a-t-il été défini de façon arbitraire ? La Réunion, par exemple, est une terre de multiples défis, mais aussi de projets dans les domaines de l'économie bleue, de l'économie verte ou des énergies renouvelables. Encore faut-il nous donner les moyens de les réaliser !
Par ailleurs, le dispositif gouvernemental Petites villes de demain est efficace en ce qu'il réunit tous les partenaires pour définir les projets et met à disposition l'ingénierie pour les villes de moins de 20 000 habitants. Aussi, monsieur le ministre délégué, pourquoi ne pas étendre ce guichet unique en outre-mer, en l'élargissant à l'ensemble des collectivités, quel que soit le nombre d'habitants ? Voilà la démarche qu'il faudrait suivre dans l'intérêt des ultramarins et conformément à l'esprit de votre prochain projet de loi « 4D ».
Pardonnez-moi, monsieur Ratenon, de revendiquer devant vous le fait que lorsque l'État engage 100 milliards d'euros pour accompagner et soutenir la relance, lorsque le Parlement, au travers du projet de loi de finances, vote cette mobilisation, l'État, incarné par la représentation nationale et le Gouvernement, est en capacité et a toute légitimité pour déterminer les priorités et les orientations du plan de relance.
Cela ne signifie évidemment pas que les collectivités sont censurées. Chacune d'entre elles dispose de compétences, qu'elle exerce librement dans le respect du principe de libre administration. Chaque fois que les priorités des collectivités rencontrent celles de l'État en matière de relance, nous concluons des accords, faisons converger nos dispositions et mutualisons les moyens. Et chaque fois qu'il n'y a pas d'accord ou que les domaines d'intervention envisagés sont trop différents, chacun dispose de son autonomie, de son libre arbitre, de sa libre administration, et applique ses propres orientations.
Concernant l'outre-mer, je tiens à vous assurer de la mobilisation du Gouvernement et tout particulièrement de Sébastien Lecornu. Nous avons veillé à prendre en compte certaines spécificités ultramarines : je pense notamment aux 50 millions d'euros fléchés pour le financement du plan séisme, aux crédits que nous avons inscrits pour des questions relatives à la biodiversité ou encore à la question cruciale de la qualité des réseaux d'eau.
Nous avons aussi veillé – c'est un autre exemple sur lequel je souhaite insister – à ce que les projets portés par les acteurs ultramarins, notamment ceux appartenant à l'administration de l'État dans le cadre de l'appel à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments d'État, soient particulièrement écoutés. Nous avons ainsi retenu 237 projets, pour un montant de 161 millions d'euros, ce qui correspond à 6 % de l'enveloppe totale, alors que 3 % du parc immobilier de l'État se situe en outre-mer. Cela signifie que lorsque les projets sont portés et cohérents avec les critères d'éligibilité que nous avons fixés, nous savons les retenir sans limiter les aides versées à l'outre-mer en fonction de la population ou des surfaces par comparaison avec le reste des territoires de la République.
Nous veillons à ce que les outre-mer soient entendus et pris en compte. Je le répète, mais vous le savez, Sébastien Lecornu est parfaitement mobilisé pour faire en sorte que tous les territoires ultramarins soient concernés par France relance.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe Libertés et territoires.
En septembre dernier, le Gouvernement a présenté le plan France relance, feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays. Il a souhaité décliner territorialement l'exécution de ce plan au travers de contrats signés avec les régions ; c'est une ambition que nous partageons et que nous soutenons.
Toutefois, la mise en application de cette territorialisation du plan de relance nous questionne en matière de tourisme. En effet, en mai dernier, un plan relatif au tourisme a été présenté, lequel prévoit dans ses mesures 21 et 22 des feuilles de route sectorielles, pour le thermalisme par exemple, et territoriales, notamment pour Lourdes, la Corse et l'outre-mer. À ces feuilles de route se sont ajoutés, d'une part, le programme montagne, piloté par l'Agence nationale de cohésion des territoires, qui prévoit d'accompagner en ingénierie trois objectifs – le développement économique du territoire, la préservation du patrimoine naturel et l'adaptation nécessaire au changement climatique – , d'autre part, un plan national d'investissement pour la montagne, annoncé par le Premier ministre le 1er février et devant être lancé au printemps, pour proposer une offre plus verte, plus diversifiée et plus compétitive dans les années à venir.
Il va de soi que la priorité d'aujourd'hui doit être la sauvegarde des activités fortement touchées par la crise sanitaire, grâce à des mesures d'urgence adaptées à chacun des secteurs concernés. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Je pense particulièrement au thermalisme, dont la perte de recettes de 110 millions d'euros en 2020 pose, pour certains établissements, la question de leur survie – mais c'est un autre sujet.
Concrètement, monsieur le ministre délégué, pourriez-vous nous préciser comment ces plans et programmes s'articuleront entre eux et avec la territorialisation du plan de relance ?
Vos questions, multiples, témoignent d'une volonté partagée d'apporter des réponses aussi larges que possible aux problèmes rencontrés par le secteur du tourisme, en prenant en considération toute sa diversité – diversité tant des territoires que des activités proposées. Les différents plans sectoriels que nous avons annoncés se doivent évidemment d'être parfaitement cohérents avec le plan de relance. Nous avons inscrit 50 millions d'euros dans le plan de relance spécifiquement pour l'accompagnement du secteur touristique, mais les structures touristiques sont aussi éligibles aux aides « de droit commun », destinées à toutes les entreprises.
Nous voulons également travailler avec Bpifrance sur des prêts spécifiques, afin d'aider les acteurs les plus touchés à retrouver leur souffle et à envisager l'avenir de la façon la plus sereine possible. Nous veillons à ce qu'un certain nombre de structures qui rencontraient des difficultés voient leurs problèmes pris en considération, et à ce qu'elles soient accompagnées et protégées. Vous avez évoqué les établissements thermaux : le dispositif de prise en charge des coûts fixes, qui fait l'objet d'un décret en cours de publication, répondra désormais à leurs difficultés.
Dans le secteur du thermalisme, comme du ski, la crise a d'ailleurs révélé un problème qui touche des structures depuis longtemps en activité. Parfois, parce que le temps a passé et qu'elles fonctionnaient bien, une confusion s'est installée entre la nature juridique du service – service public administratif ou service public industriel et commercial, ou SPIC – et les modalités de recrutement des personnels permanents et saisonniers, avec des contrats de droit public et des contrats de droit privé, sans qu'il y ait forcément cohérence entre la nature des recrutements et de l'assujettissement des personnels concernés d'une part, et la nature juridique du service de l'autre.
Ce sont des difficultés que nous rencontrons pour des domaines skiables gérés en régie, parfois de manière très directe, ou pour des établissements thermaux gérés eux aussi en régie mais avec les caractéristiques d'un SPIC, ce qui rend parfois les choses inextricables.
Mme Jeanine Dubié acquiesce.
Il nous faudra donc déployer les mesures du plan de relance, mais nous devrons aussi mettre à profit cette expérience malheureuse pour aplanir ces difficultés juridiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Quelle sera l'efficacité du plan de relance ? Permettra-t-il une accélération de la transition écologique et sera-t-il à la hauteur du défi social ? Le territoire depuis lequel je vous parle est un port, une terre d'industrie, et les infrastructures de transport n'y sont pas à la hauteur de ces enjeux ; elles ne répondent pas non plus aux besoins de la population. Nous devons développer massivement le fret ferroviaire, ainsi que les lignes du quotidien – notamment celle de la Côte bleue – et mieux relier les villes.
Mais y a-t-il une volonté politique ? Y a-t-il un plan ? Il faut territorialiser, mais l'État doit aussi prendre toute sa part.
Les infrastructures routières doivent également être aménagées, au nom de la santé environnementale et de la sécurité. Nous devrions profiter de ce moment pour examiner à nouveau, par exemple, l'organisation du bassin-versant Durance-Verdon.
L'État, en lien avec les collectivités, a-t-il des idées ou se contente-t-il d'être un distributeur, sur la base d'appels à projets ?
Sans transition industrielle, il n'y aura pas d'action efficace pour le climat et la planète. Je réitère ici ma proposition de faire du golfe de Fos un site pilote dans la lutte contre les pollutions atmosphériques. Les outils industriels doivent être transformés pour produire autrement ; mais on ne peut financer des projets à valeur ajoutée environnementale, ce qui est nécessaire, en détournant le regard des choix économiques et sociaux. Dans les discussions, il faut poser, en toute transparence, des conditions sociales.
En ce qui concerne les secteurs stratégiques, pourquoi l'État ne profite-t-il pas de ses investissements pour s'asseoir autour de la table, a fortiori quand des projets nouveaux demandent une mutualisation ? Je pense par exemple à l'hydrogène. Nous devons injecter de l'intérêt général dans les décisions qui se prennent et qui engagent l'avenir.
Pourquoi ne pas instaurer un conseil national du plan de relance qui puisse contrôler l'utilisation des fonds ? Dans chaque entreprise bénéficiaire d'aides, les instances représentatives doivent être informées et pouvoir contrôler, au plus près, l'usage qui en est fait.
Votre question me permet de souligner combien il est important de faire travailler ensemble État et collectivités. Je me garderai d'émettre ce soir un avis sur votre proposition, que je ne connais pas, sur le golfe de Fos.
Vous appelez l'État à s'asseoir autour de la table. Cela peut vouloir dire plusieurs choses. S'il s'agit de cofinancer un projet et la création d'une filière industrielle, d'une filière de valeur, d'une filière d'avenir, nous y sommes prêts : nous sommes prêts à travailler pour voir comment le programme d'investissements d'avenir – PIA – peut permettre d'accompagner une filière, là dans l'hydrogène, ailleurs dans les techniques quantiques, peut-être dans votre région sur d'autres sujets industriels. Les collectivités pourraient aussi participer au développement d'infrastructures.
Il y a une deuxième modalité pour se mettre autour de la table : c'est la prise de participation.
Ce n'est pas celle que nous privilégions, même si vous avez noté que nous avons ouvert un compte spécial d'affectation à l'occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative, avec 20 milliards pour 2020, afin de nous autoriser le cas échéant à prendre des participations au capital d'entreprises stratégiques, mais plutôt dans le cas où certaines, dont nous souhaiterions garder le contrôle, deviendraient des proies d'acteurs un peu voraces.
Je précise également que nous avons prévu des crédits destinés à aider les collectivités locales à renouveler leurs infrastructures. Nous travaillons aussi pour qu'elles puissent, notamment par le biais de l'agence France Locale, se financer sur les marchés de façon intéressante. Le plan de relance alloue d'importants crédits au renouvellement du réseau ferré, ainsi qu'à la recapitalisation de la SNCF. Nous avons notamment la volonté de développer les petites lignes, et je ne reviens pas sur les annonces qui ont été faites en matière de trains de nuit ou de maillage du territoire.
S'agissant enfin des ports, le plan France Relance prévoit 200 millions pour que l'État puisse accompagner les autorités de gestion des ports, nationaux ou régionaux, pour qu'elles financent la modernisation de ces équipements.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur les moyens de remédier aux effets de l'épidémie de covid-19 sur la jeunesse.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra