Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du mardi 16 mars 2021 à 15h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Motion de rejet préalable

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Vous comprendrez que je ne puis qu'émettre un avis défavorable sur cette motion de rejet préalable. Je souhaite d'abord souligner que j'aurais aimé que le projet de révision constitutionnelle aille à son terme car, dans le respect d'un autre principe de rang constitutionnel, celui d'égalité, la simplification aurait été encore plus importante.

Cela étant, fallait-il ne rien faire ? Je ne le crois pas et les solutions que je présente aujourd'hui conduisent à aller au bout de ce que le cadre constitutionnel permet. Oui, nous avons des marges de manoeuvre. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs rappelé à deux reprises ces dernières années, dans son avis du 7 décembre 2017 et dans son étude sur les expérimentations, publiée en octobre 2019.

Ainsi la différenciation est-elle possible selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle le principe d'égalité devant la loi « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Les règles relatives à l'exercice des compétences locales peuvent donc être différentes selon les territoires, sous réserve qu'elles soient justifiées par des différences de situation.

C'est pour cette raison que le Conseil d'État a permis que les mesures prises à titre expérimental puissent être maintenues dans tout ou partie des collectivités expérimentatrices et, éventuellement, étendues à d'autres.

Votre crainte, que je connais bien – nous en avons souvent parlé – est que ce projet de loi organique mette à mal l'égalité entre les territoires et, au fond, l'unicité de la République. À cet égard, je m'efforcerai de faire preuve de la plus grande clarté. Premièrement, il me paraît important de distinguer l'égalité de principe, formelle, à laquelle vous faites référence, de l'égalité réelle. Ces dernières années, l'égalité formelle de traitement entre les territoires n'a pas contribué à résorber les fractures territoriales : au contraire. Celles-ci se traduisent concrètement par de très fortes assignations à résidence et d'insupportables inégalités de destin, ce qui, in fine, remet grandement en cause notre modèle social.

Dès la première conférence des territoires, en juillet 2017 – c'était d'ailleurs au Sénat – , voici ce qu'avait affirmé le Président de la République : « L'égalité, qui crée de l'uniformité, n'assure plus l'égalité des chances sur la totalité de notre territoire aujourd'hui. » C'est pour cette raison que l'égalité devant la loi doit parfois être contrebalancée par un principe d'équité. Qui comprendrait que l'on traite exactement de la même manière un quartier prioritaire de la politique de la ville et un quartier d'affaires, un territoire urbain et un territoire rural, un territoire de montagne et un territoire littoral, la vallée de la Meuse et la vallée de la Seine ?

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