Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 16 mars 2021 à 21h00
Simplification des expérimentations article 72 alinéa 4 de la constitution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Madame la ministre, à la fin de l'année dernière, vous avez présenté en conseil des ministres un avant-projet de la loi dite 4D, avec pour objectif de donner aux collectivités territoriales davantage de responsabilités afin qu'elles puissent mettre en oeuvre des mesures plus adaptées concernant l'organisation de leurs compétences.

Malheureusement, ce projet n'a pas encore vu le jour. Je ne crois pas trahir un grand secret en vous disant que l'ensemble des collectivités territoriales et locales attendent le fruit de vos travaux avec beaucoup d'impatience.

Le Premier ministre a lui-même rappelé, dans sa déclaration de politique générale, le 15 juillet 2020, le droit à la différenciation territoriale. C'est ce que vient consacrer ce projet de loi organique. Avec lui, les collectivités locales pourront appliquer dans un cadre expérimental puis, sous certaines conditions, de façon pérenne, des règles relatives à l'exercice de leurs compétences, différentes pour tenir compte de leur spécificité.

Afin d'inciter les collectivités territoriales à se saisir davantage de ces expérimentations, votre projet de loi en simplifie le cadre juridique. Les conditions d'entrée en vigueur des actes pris par les collectivités dans le cadre d'une expérimentation et les conditions d'exercice de leur contrôle de légalité seront allégées. La procédure de sortie des expérimentations sera elle aussi modifiée.

Tout cela est très bien mais – car il y a un « mais » – , pour tout vous dire, nous aurions aimé aller encore un peu plus loin. Car, en l'état actuel des choses, les collectivités territoriales et leurs assemblées délibérantes ne sont pas associées au processus de décision en amont de ces lois d'habilitation. C'est particulièrement regrettable puisqu'elles sont non seulement les premières concernées, mais surtout les mieux à même de défendre leurs spécificités et leurs besoins.

Si l'objectif de ce projet de loi est de simplifier le processus d'expérimentation afin d'en permettre une mise en oeuvre plus fréquente et moins complexe, il n'est, à mon sens, que partiellement atteint : la démarche est louable, mais le texte examiné aujourd'hui n'est pas tout à fait à la hauteur de l'ambition de simplification affichée.

En effet, le processus d'expérimentation débute toujours par une autorisation législative dont le calendrier d'adoption est souvent très long, ce qui freine l'initiative locale puisque c'est le législateur qui détermine les caractéristiques des collectivités susceptibles d'expérimenter.

Aussi, pourquoi ne pas prévoir que la procédure d'expérimentation puisse être lancée à l'initiative de la collectivité, le contrôle de légalité étant destiné à s'assurer que les conditions définies par la loi organique et par l'article 72, alinéa 4, de la Constitution seront bien respectées ?

Pourquoi ne pas laisser aux collectivités territoriales qui partagent les mêmes contraintes la liberté de s'associer pour proposer ensemble une expérimentation en lien avec leurs spécificités, charge aux préfets de département, voire aux préfets de région, de s'assurer de la légalité de la mesure, et permettre ainsi que le processus d'expérimentation puisse partir de la base ?

Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, nos régions, nos terroirs, ont besoin de cousu main pour être plus agiles, et vous nous avez indiqué en commission que les associations d'élus pourront aussi être à l'origine de propositions. Dès lors, pourquoi ne pas inscrire dans la loi organique cette possibilité pour les collectivités elles-mêmes ? À tout le moins faudrait-il que les lois qui lanceront ces futures expérimentations évitent de fixer des critères trop stricts et laissent aux collectivités une totale liberté dans le choix des moyens mobilisés pour y participer.

En conclusion, je profiterai de cette tribune pour illustrer mes propos d'un seul exemple : nous étions nombreux en 2019 à regretter publiquement qu'une expérimentation concernant le dispositif Pinel n'ait été mise en place que pour la seule Bretagne – je sais que cet exemple ne relève pas de l'article 72, mais je le cite à dessein parce qu'il est significatif – alors que nombreuses sont les régions qui réclament la possibilité d'en bénéficier, sans succès à ce jour à ma connaissance. Que de temps perdu à tenter de convaincre le Gouvernement de mettre à l'ordre du jour l'élargissement de cette expérimentation… Si les collectivités concernées avaient un pouvoir de proposition, nul doute que cette souplesse, cette agilité que vous réclamez, aurait grandement contribué à renforcer l'efficacité de nos politiques publiques.

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