La propension de l'État à s'insinuer dans les sphères dont il doit rester détaché est inquiétante : l'immixtion permanente du législateur dans le refuge sacré que constitue la famille est un pas sans cesse franchi par le Gouvernement, et l'encadrement abusif de l'instruction en famille constitue l'un des points d'orgue de ce phénomène. À l'occasion de la loi sur le séparatisme, le Gouvernement s'est arrogé un droit inédit : le droit de soustraire à une instruction parentale des enfants qui bénéficient de l'enseignement qui leur est le plus adéquat ; le droit de revenir sur ce que le Conseil d'État qualifie de principe fondamental ; le droit de faire de l'école de l'éducation nationale un monopole qui n'aura plus à rendre de comptes, face à l'absence de mode d'instruction alternatif.
L'argument selon lequel il faudrait encadrer l'instruction en famille pour lutter contre le radicalisme islamiste est fallacieux. En effet, diverses études viennent souligner l'absence de convergence entre l'instruction familiale et ces cellules fondamentalistes. Le nombre infime de personnes visées – moins de 30 000 élèves – , est révélateur de l'ambition gouvernementale : l'éducation nationale cherche à enfermer les enfants dans son giron, en dépouillant les parents du droit le plus naturel, celui d'instruire leurs enfants comme ils l'entendent.
Les attaques multiples menées contre l'école hors contrat en sont également un témoignage manifeste. Face aux résultats particulièrement prometteurs produits par ces modes d'instruction alternatifs, l'éducation nationale redoute-t-elle de se confronter à l'excellence ?
Le Gouvernement ne peut s'octroyer des droits exclusifs sans mettre tout en oeuvre pour faciliter la vie des Français : vous ne pouvez pas priver les enfants d'une instruction en famille, alors même que les écoles rurales viennent à manquer. Vous ne pouvez empêcher des écoles hors contrat de s'installer dans des zones où l'école de la République ne tient plus ses promesses et où règne un chaos organisé par quelques élèves perturbateurs et auquel l'éducation nationale peine à mettre un terme.
Je profite de l'occasion pour vous alerter, par ailleurs, sur le traitement spécial réservé cette année aux candidats au baccalauréat scolarisés dans des établissements privés hors contrat : comme le rappelle Anne Coffinier, la présidente de l'association Créer son école, les lycéens inscrits dans ces établissements ne bénéficieront pas de la prise en compte du contrôle continu, à l'inverse de leurs contemporains du public et du privé sous contrat. Ce deux poids, deux mesures n'est pas acceptable.
Le droit français garantit la liberté d'instruction à travers l'article 2 du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il la préserve au titre de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. L'Union européenne encourage quant à elle son respect aux termes de l'article 14 de sa Charte des droits fondamentaux. J'ai déposé, en janvier dernier, une proposition de résolution invitant le Gouvernement à préserver l'instruction en famille en créant un moratoire pour prévenir toute modification législative à son égard. Je maintiens mon invitation.
À l'heure où la crise sanitaire porte chaque jour atteinte aux libertés dont jouissent les Français, entendez-vous également priver les familles du droit fondamental d'instruire leur enfant au sein de leur foyer ?