« Hier matin j'arrive chez la dame, elle était tombée et s'était fracturée le crâne. J'appelle les bureaux, mais il n'y a personne pour me répondre, personne d'astreinte. Est-ce que vous trouvez ça normal ? J'ai appelé les pompiers, la famille, je me suis débrouillée, mais est-ce que vous trouvez ça normal ? » Samedi après-midi, c'est à Flixecourt, dans mon coin, qu'une auxiliaire de vie se plaignait de sa solitude, et le lendemain, à Villeurbanne, c'était encore une pluie de témoignages sur les horaires, les salaires, les congés. « Les cadres eux-mêmes s'épuisent, raconte Aline. Quand j'étais responsable de secteur, la plus grosse difficulté, c'était de trouver des gens pour faire le travail. À tel point que je suis allée quelquefois m'occuper de personnes âgées durant les week-ends sans avoir aucune compétence, sans en avoir le droit, mais je ne pouvais pas laisser les personnes dans leur lit, pas lavées, sans avoir mangé. »
C'est l'asphyxie dans l'aide à domicile. Quatre fédérations du secteur ont alerté le Gouvernement et les Français : elles nous disent que, bientôt, on ne pourra plus choisir de rester à domicile et qu'il leur est déjà impossible, faute de personnels, d'honorer toutes les demandes d'accompagnement des personnes âgées.
Cela fait trois ans que je sonne l'alarme et que je réclame un vrai statut et de vrais revenus pour les auxiliaires de vie. Depuis trois ans, sur les bancs du Gouvernement, on me renvoie à la loi sur le grand âge. Cet automne encore, lors de l'examen du budget, Olivier Véran déclarait que la future loi Grand âge et autonomie permettrait de revaloriser encore davantage ces métiers. Mais cela fait trois ans que nous ne voyons rien venir…
Je vais retracer l'historique de cette affaire, parce que la situation en deviendrait presque comique. En mai 2018, après une marée blanche, le Président de la République Emmanuel Macron promet en personne un plan Grand âge et une loi votée avant la fin de l'année 2019. Un an et demi plus tard, à la fin 2019, pas de loi, mais Agnès Buzyn se donne « d'ici à 2020 pour réussir ». Début 2020, nouveau report : le projet de loi sera présenté à l'été ; puis en juin, c'est à nouveau promis, juré, la loi sera prête d'ici à la fin de l'année… Fin 2020, Emmanuel Macron s'engage pour une loi dès le début 2021. Nous voici au printemps 2021 et j'ai regardé le calendrier parlementaire : aucune loi Grand âge à l'horizon. Cinq reports, c'est un record ! Comme vous l'ont dit les directeurs d'établissements, stop au blabla, on veut une loi ! Pour quand est-elle prévue ? Avez-vous une nouvelle promesse à nous faire ?