Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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L'audition débute à seize heures quarante.

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Nous avons le plaisir d'accueillir M. Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques, Mme Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et M. Éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

Comme vous le savez, cette mission d'information a été créée à la demande de la présidence de l'Assemblée nationale. Notre objectif est de savoir comment on peut anticiper les événements climatiques majeurs en zone littorale. Comment prépare-t-on les communautés ? Comment gère-t-on ces événements au moment où ils se déroulent ? Enfin, comment reconstruisons-nous ensuite ? Bien évidemment, la mission fera un point spécifique sur les événements qui ont touché les Antilles.

À cet égard, l'audition de cet après-midi est très importante puisque vous êtes au coeur des politiques publiques qui nous intéressent – monsieur le rapporteur précisera nos demandes. En préambule, je souhaitais vous rappeler qu'il est essentiel que, lors de cette audition, nous puissions comprendre comment s'articulent les politiques publiques sur le terrain. Comment les stratégies que nous déterminons se traduisent-elles au quotidien, notamment en zone littorale ?

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Pouvez-vous nous présenter les différents événements climatiques majeurs affectant les zones littorales françaises, en métropole et outre-mer ? Pourriez-vous nous indiquer le rôle de l'ONERC et nous indiquer les travaux que vous menez sur les zones littorales ? Quelles sont les missions de vos directions en matière de connaissance, de prévention et de gestion des risques climatiques dans les zones littorales ? Quelle est la chaîne des responsabilités des différents acteurs et quelles sont les modalités de leur intervention face à un événement climatique majeur en zone littorale ? De quelle manière sont élaborés les plans de prévention des risques naturels (PPRN) ? Quels acteurs sont associés à leur élaboration ? Comment ces politiques s'articulent-elles avec le rôle des collectivités territoriales ?

Pourriez-vous nous présenter les dispositifs de gestion de crise et leur rôle – plans d'organisation des secours, plans communaux de sauvegarde, plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) dans les établissements scolaires ? À la suite des dernières tempêtes ou ouragans importants y a-t-il eu des modifications des modèles de prévention ou des moyens utilisés pour la prévention des événements climatiques majeurs ? Que s'est-il passé après Xynthia par exemple ?

Quelle est votre analyse des ouragans de cet automne ? En tirez-vous des conclusions particulières ? De même s'agissant de la Réunion ? Comment associez-vous les différents acteurs – Météo France, le conservatoire du littoral, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) ?

Quelles zones littorales françaises sont particulièrement vulnérables ? Quelles sont leurs caractéristiques de vulnérabilité ? Quels travaux menez-vous pour améliorer – dans ses différentes composantes – la prévention des risques climatiques dans les zones littorales ?

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Votre première question porte sur les événements climatiques majeurs affectant le littoral. Certains événements climatiques affectent tout le territoire, y compris le littoral : les tempêtes, les inondations et – pour certains aspects – la sécheresse et la canicule. Trois risques sont propres au littoral : le risque de submersion marine – Xynthia en 2011 est encore dans toutes les têtes –, le recul du trait de côte – une part importante de notre littoral est confrontée à l'érosion marine – et le risque de tsunami, auparavant appelé raz-de-marée. Le territoire national est concerné de façon différente par ces vagues très puissantes : il s'agit principalement la Méditerranée en métropole, ainsi que de certains territoires en outre-mer.

Les zones littorales sont marquées par une concentration croissante de population et une urbanisation à proximité des côtes, ce qui accroît les enjeux. Même s'ils ne sont pas directement des outils de prévention des risques, certains outils de gestion de l'urbanisme peuvent être utiles en la matière. C'est le cas de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, qui vise à limiter l'urbanisation le long du littoral.

Enfin, le changement climatique conduit à une élévation du niveau de la mer et donc à une augmentation de l'aléa de submersion marine. Si le niveau moyen de la mer augmente, en cas de tempête, le niveau atteint par la mer sera plus élevé et le risque de submersion plus important. Même s'il y a débat, il y a quand même de bonnes raisons de penser qu'à l'avenir, les phénomènes cycloniques extrêmes seront plus fréquents que par le passé.

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éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)

Au sein de la direction générale de l'énergie et du climat, l'ONERC a plusieurs missions. Il doit collecter des indicateurs représentatifs des effets du changement climatique et les mettre à disposition de la collectivité. Nous devons également collecter et diffuser les connaissances les plus récentes sur le changement climatique et ses impacts. Pour ce faire, nous nous associons étroitement aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) – nous sommes le point focal du Gouvernement français au sein du GIEC. Le GIEC produit des rapports réguliers avec le soutien de la communauté scientifique, selon des règles qui en assurent à la fois la transparence, l'exhaustivité et l'approbation par ses 195 États membres – soit la quasi-totalité des membres de l'Organisation des Nations unies (ONU). C'est donc une force considérable.

Nous sommes également en charge de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la stratégie nationale d'adaptation au changement climatique, afin de préparer la France aux changements climatiques qui se produiront inévitablement. Avec l'Europe, la France est très active pour réduire les émissions de gaz carbonique. Mais, on le sait, à cause des émissions passées et de la lenteur du processus de réduction, le changement climatique que l'on connaît déjà va encore se prolonger pendant quelques dizaines d'années. En conséquence, il va falloir s'adapter, tant en termes de risques que d'impacts sur l'économie, l'agriculture ou les forêts.

En termes de connaissances, sur le littoral, nous suivons par exemple un indicateur produit par le Centre national d'études spatiales (CNES) concernant la hausse globale du niveau des mers. À l'heure actuelle, ce niveau augmente de 3,3 millimètres par an. La valeur est relativement stable d'une année sur l'autre. C'est un des indicateurs du changement climatique les plus réguliers, à l'inverse de la température : pendant quatre ou cinq ans, la Terre semble ne plus se réchauffer et puis, en quelques années, la tendance reprend le dessus.

La mer connaît une hausse plus régulière. Depuis l'ère préindustrielle, le niveau mondial de la mer a déjà augmenté d'environ vingt centimètres. Le GIEC produit tous les six à sept ans des données synthétisant les travaux scientifiques. Ce délai peut paraître long, mais les connaissances sur le niveau des mers évoluent peu et nous avons encore beaucoup d'incertitudes. À l'automne 2019, le GIEC va publier un rapport spécial sur les océans et la cryosphère – l'ensemble des glaces. Il fera état des dernières connaissances sur les différentes causes de la hausse du niveau des mers : la part liée à l'extension de l'océan du fait qu'il est plus chaud – par le biais d'une analyse des températures de surface des océans (TSO) ; la part liée à la fonte des glaces. En termes de hausse du niveau des mers au cours du siècle présent, ce rapport effectuera surtout des projections qui constitueront la base scientifique la plus solide disponible.

En la matière, l'ONERC avait confié la rédaction d'un rapport au climatologue Jean Jouzel. Il avait coordonné le travail de différents scientifiques français, afin de faire le point sur la hausse du niveau des mers et sur la relation entre la hausse globale moyenne de tous les océans et ses conséquences sur les côtes françaises métropolitaines et ultramarines. S'il y a des différences d'une côte à l'autre, elles sont minimes. L'indicateur global est donc relativement raisonnable pour suivre ce qui se passe sur nos côtes. Ces conclusions avaient fait l'objet d'un rapport annuel au Parlement et au Premier ministre en 2015, ainsi que d'une lettre trimestrielle diffusée aux élus. Cet exemple permet d'illustrer la façon dont on passe de connaissances amont, difficilement compréhensibles par les non-scientifiques, aux synthèses du GIEC, puis à nos rapports, qui traduisent ces études et conclusions dans un langage que l'on espère compréhensible par la société !

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Quelles sont les missions de notre direction générale et des services déconcentrés ? Nous travaillons en amont, à la prévention des risques, même si, pour les risques naturels, contrairement aux risques anthropiques, il est difficile de faire disparaître l'aléa. Des actions sont malgré tout possibles, visant à en réduire les conséquences.

Étant centrés sur la prévention, nous travaillons peu sur la gestion de crise, sauf en matière d'inondations. En l'espèce, nous sommes donc directement associés et avons un rôle important en matière de gestion de crise puisque le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI), rattaché à la DGPR, gère le dispositif Vigicrues dont on a beaucoup parlé au cours des dernières semaines en métropole – avec l'épisode de crue. Une partie de la DGPR et des services déconcentrés travaillent sur ce dispositif.

Par ailleurs, par le biais des actions de prévention, les services disposent également d'informations précieuses pour la gestion de crise, et peuvent à ce titre y être associés. Ainsi, en cas de forte marée et de risque élevé de submersion, un service ayant élaboré un plan de prévention des risques de submersion marine peut rapidement identifier les zones à risques – et donc de potentielles interventions. Mais, côté État, c'est le ministère de l'intérieur qui gère la crise, notre apport n'étant que technique.

En quoi consiste la prévention ? C'est d'abord une meilleure connaissance de l'aléa. Il convient d'essayer de le caractériser, seul ou en lien avec des opérateurs, souvent très autonomes. Ainsi Météo France joue un rôle fondamental dans les prévisions météorologiques – notamment pour le risque cyclonique outre-mer.

Notre seconde mission est régalienne. Le corpus réglementaire est moins développé pour les risques naturels que pour les risques anthropiques, mais nous sommes notamment chargés de l'animation, du pilotage et de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Ces plans visent à territorialiser l'aléa et à en tirer les conséquences, notamment en termes d'interdiction de constructions nouvelles, de prescriptions applicables aux constructions nouvelles ou de travaux à prévoir sur l'existant afin de réduire la vulnérabilité au risque. Ces travaux ne peuvent représenter plus de 10 % de la valeur vénale du bâti concerné.

Notre troisième mission est financière puisque nous gérons le fonds de prévention des risques naturels majeurs – également appelé « fonds Barnier ». Il est alimenté par une cotisation sur les polices d'assurance automobile ou habitation et sert à financer des actions de prévention, comme le programme d'action et de prévention contre les inondations ou le plan séisme Antilles – qui n'est pas un risque climatique, mais constitue un risque naturel très important.

Le « fonds Barnier » a été créé quand Michel Barnier était ministre de l'environnement. Ses dépenses représentent à peu près 180 millions d'euros par an. Nous assurons la gestion des dossiers instruits par les services déconcentrés et, le cas échéant, changeons ses modalités d'application.

Notre dernier axe d'intervention concerne la diffusion de la culture du risque. Certaines actions peuvent être réalisées en lien avec le ministère de l'intérieur. Cette mission est importante car la culture du risque est plus ou moins développée dans notre pays. En octobre 2015, des pluies extrêmement intenses près de Cannes, avaient fait vingt morts. Ce bilan humain lourd interpelle, d'autant que huit personnes étaient décédées en allant chercher leur voiture dans un parking souterrain… On aurait sans doute pu limiter ces décès.

Nous ne sommes pas en première ligne dans la gestion de crise, je l'ai dit, mais nous travaillons malgré tout avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur sur les retours d'expérience. Il s'agit pour nous d'améliorer la prévention des risques et de réduire les conséquences des catastrophes naturelles, tout en favorisant un retour à la normale le plus rapide possible après la catastrophe naturelle.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

Vous avez mentionné l'épisode de 2015. Suite à ce retour d'expérience, en lien avec la direction générale de la sécurité civile, nous avons lancé une campagne de communication entre août et mi-octobre, intitulée « Campagne Cévenole ». Elle est relayée par les préfets et les préfets de zones de défense. Depuis deux ans – nous allons renouveler l'opération cette année –, pendant cette période sensible propice aux crues cévenoles, nous rappelons les bons comportements dans les quinze départements de l'arc méditerranéen : n'allez pas chercher vos enfants à l'école – ils y sont en sécurité –, ne vous approchez pas des cours d'eau, etc. Cela peut paraître trivial mais nous constatons que ces messages sont entendus.

Ce travail doit être développé et démultiplié à différentes échelles. Les services déconcentrés s'investissent aussi sur la culture des risques, par le biais de prix ou d'appels à projets. Les élus locaux sont également très impliqués. Cette culture est développée dans les outre-mer, où les cyclones sont fréquents.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Au sein de la chaîne des responsabilités, il est très important de distinguer la prévention des risques de la gestion de crise – mais nous travaillons évidemment en relation avec le ministère de l'intérieur.

Sur le terrain, en métropole et dans les outre-mer membres de l'Union européenne – Antilles, Réunion, Mayotte et la Guyane –, les politiques de prévention des risques et de gestion de crise sont menées sous l'autorité du préfet : les directions départementales des territoires (DDT), avec l'appui des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) en métropole, ou les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) outre-mer. Les crises sont, quant à elles, gérées par les services de la préfecture, notamment le Service interministériel de défense et de protection civiles de la préfecture (SIDPC).

Les collectivités – et surtout les maires – ont également d'importantes compétences locales de gestion de crise. Leur devoir d'information est étendu : les plans communaux de sauvegarde décrivent ainsi les actions à mener en cas de crise. Par ailleurs, s'il faut héberger des personnes, les maires sont aussi mobilisés, en liaison avec la préfecture.

S'agissant de la préparation, l'État est responsable de la rédaction du dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM), sorte de « porter à connaissance » des principaux aléas du département. Ce document sert ensuite aux communes concernées, notamment dans le cadre de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN).

Ces PPRN doivent être élaborés par l'État sur les territoires où cela se justifie, et non partout. Ainsi, les PPR Avalanches ne sont élaborés que dans les communes de montagne où ce risque est élevé.

Le PPRN est un outil très important puisqu'il permet de maîtriser l'urbanisation, voire d'agir sur celle qui existe déjà, en tentant de réduire la vulnérabilité du territoire aux risques. L'élaboration d'un PPRN est un travail difficile pour les services de l'État : en règle générale, nous n'apportons pas de bonnes nouvelles… Laure Tourjansky a raison : la culture du risque est certes développée dans les territoires qui ont subi récemment des événements majeurs mais elle s'est souvent perdue ailleurs. On estime donc la plupart du temps – et c'est d'ailleurs assez compréhensible – que l'administration est trop prudente et que les règles imposées vont obérer le développement du territoire. Nous devons donc faire preuve de beaucoup de pédagogie et d'explications. L'État n'élabore pas seul ce PPRN : il le fait en concertation avec les acteurs locaux – collectivités et, le cas échéant, habitants. Il peut y avoir des réunions publiques. Lorsqu'un PPRN conduit à classer en zone inondable des périmètres habités, l'impact sur la valeur marchande des biens immobiliers concerné sera en effet majeur. Cela étant, la pédagogie et le sens de l'adaptation ne nous conduisent pas à tout céder. Nous ne perdons pas de vue notre objectif qui consiste à éviter de construire dans des zones fortement exposées aux risques, afin de limiter les atteintes aux biens et aux personnes. Sous l'autorité du préfet, les services déconcentrés travaillent pour trouver cet équilibre. En matière de zonage, le PPRN est une servitude qui doit être annexée au document d'urbanisme de la commune – le plan local d'urbanisme.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

La procédure d'établissement d'un PPR comprend une phase de caractérisation de l'aléa, avec un porter à connaissance. Ce travail approfondi, qui requiert parfois le recours à des consultants, peut comporter des contre-expertises sur l'aléa – différents scénarios, ampleur de la submersion marine – et une partie consacrée à l'élaboration du règlement, où seront définies les zones soumises à plus ou moins de contraintes.

Un PPR a plus de portée lorsqu'il existe une pression foncière forte et qu'il s'agit d'interdire de nouvelles constructions que lorsque la zone est très construite et que les recommandations, à la marge, ne portent que sur l'existant. Ce document est concerté, dans la mesure où il est soumis à enquête publique, avec des réunions de préparation et d'explicitation. Même lorsqu'il existe des savoirs ancestraux, les cartes sont importantes et apportent aux habitants une autre vision.

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éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)

Le rôle de l'ONERC est de prévoir l'évolution des aléas. La hausse du niveau de la mer est un phénomène lent, mais elle devient un aléa lorsque d'autres événements, comme les tempêtes, lui sont concomitants. On peut parler de « surcause » : les vents forts d'une dépression, notamment sur l'Atlantique, peuvent pousser la mer vers l'intérieur, la soulever, avec des conséquences bien plus importantes qu'il y a trente ans, lorsque le niveau était 5 ou 10 centimètres plus bas : la mer passe alors par-dessus les ouvrages de protection, les endommage ou les détruit. La submersion est alors due à la conjonction des deux phénomènes.

Il faut avoir à l'esprit aussi bien les certitudes que les incertitudes liées au changement climatique. La hausse du niveau des mers est considérée comme certaine. Toutefois, la communauté scientifique internationale s'interroge encore sur des phénomènes de très grande ampleur qui pourraient survenir en Antarctique de l'Ouest. Une hausse du réchauffement de 1,5 °C ou 2 °C pourrait déstabiliser des masses de glace considérables et provoquer une élévation d'environ 1 mètre en un siècle. Des millions de personnes et de nombreuses infrastructures seraient concernées, puisque la simple montée des eaux affecte déjà des zones urbanisées. Cela ne se produira pas du jour au lendemain – la communauté scientifique exclut une hausse de 10 ou 20 cm par an –, mais les interrogations sont grandes sur ce que sera la hausse globale du niveau de la mer à la fin du siècle.

Nous portons une attention particulière aux tempêtes, qui sont, comme dans le cas de Xynthia, à l'origine des submersions. Force est de constater que la communauté scientifique internationale, telle qu'elle est synthétisée dans les rapports du GIEC, reste désarmée face à ces phénomènes et a peu de certitudes sur le fait que le réchauffement climatique causerait des tempêtes plus fréquentes ou plus violentes.

En revanche, s'agissant des cyclones tropicaux, une majorité d'études s'accordent à démontrer que si leur nombre ne variera pas dans un climat plus chaud, leur intensité sera plus grande, tant en termes de vents que de précipitations. Ainsi, des publications scientifiques ont montré que le climat plus chaud expliquait les précipitations colossales associées au cyclone Harvey. Il y a vingt ou trente ans, elles auraient été de 20 ou 30 % moindres. Or les conséquences ne sont pas linéaires et un dixième de pluies en plus, sous l'effet de la propagation, peut entraîner des inondations gigantesques.

L'ONERC se doit de diffuser les connaissances produites par la communauté scientifique, nationale et internationale, de la façon la plus fidèle possible, en rendant les informations compréhensibles pour la population et les décideurs. Il n'est pas toujours facile de refléter le discours scientifique, ses certitudes et ses incertitudes, et en se gardant de verser dans le catastrophisme.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Je ne suis pas forcément la personne la mieux placée pour parler des différents dispositifs de gestion de crise, car ils ne relèvent pas tous de la compétence de la DGPR. Ainsi, c'est la préfecture qui met en place le plan ORSEC et organise les secours en cas de crise.

Nous essayons d'encourager l'élaboration par les communes de plans communaux de sauvegarde, des outils très utiles, notamment dans le cadre des programmes d'action de prévention contre les inondations – PAPI. En forme d'incitation, il est désormais exigé que la commune soit dotée d'un plan communal de sauvegarde pour qu'elle puisse bénéficier du versement du solde au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Enfin, l'éducation nationale gère les plans particuliers de mise en sécurité – PPMS –, qui ont pour but de protéger les établissements scolaires en cas d'accidents majeurs d'origine naturelle – en cas d'épisode Cévenol, il est recommandé que les enfants restent à l'école –, technologique – comme l'explosion d'une usine chimique –, ou d'attaque terroriste.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

Si l'articulation entre l'État et les collectivités locales est centrale, les associations jouent un rôle essentiel et sont des relais importants. Je pense à l'Institut français des formateurs risques majeurs et protection de l'environnement, IFFO-RME, qui fait de la prévention dans les écoles et sur lequel nous nous appuyons pour la « campagne Cévenole », ainsi qu'à l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles, l'AFPCN, qui fédère les associations travaillant en culture du risque.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Vous nous avez interrogés sur les suites qu'ont pu avoir les ouragans et les tempêtes récents en matière de politique des risques naturels et de prévention du risque inondation. Xynthia, suivie quelques mois plus tard par les inondations dans le Var, a déclenché une prise de conscience sur la nécessité d'aller plus vite et plus loin en la matière.

Plusieurs actions ont été initiées. Je pense en particulier à la vigilance météorologique vagues-submersion, mise en place par Météo-France pour mieux informer les populations et les acteurs concernés.

Par ailleurs, nous avons arrêté une liste de 303 PPRL jugés prioritaires, du moins à réaliser le plus vite possible. La moitié d'entre eux ont été approuvés. Il reste encore beaucoup de travail, notamment là où s'exerce une pression foncière importante ; les discussions sont difficiles et nécessitent du temps, mais les choses avancent.

Enfin, comme l'a souligné Éric Brun-Barriere, nous avons modifié la doctrine pour les PPRL, afin d'anticiper l'élévation du niveau de la mer du fait du réchauffement climatique : l'aléa a été augmenté de 60 centimètres.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

C'est une modification importante : s'agissant de documents d'aménagement portant sur un temps long – trente à cinquante ans sur la durée de vie du bâti –, il est nécessaire d'intégrer dès à présent ces 60 centimètres. Toutefois, cela ne se fait pas de façon aussi coercitive dans le règlement.

D'aucuns se demandent si 60 centimètres, ce n'est pas trop. Nous estimons, sous le contrôle de l'ONERC, qu'il s'agit d'un seuil raisonnable, que nous pourrions même être amenés à relever. Il s'ajoute, pour tous les PPR, à l'aléa de référence de submersion marine – événement centennal ou plus hautes eaux connues.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Le plan « submersion rapide » a été lancé à la suite de Xynthia et mis en oeuvre de 2011 à 2016. Aujourd'hui, ce sont les collectivités concernées qui, à travers les PAPI, conduisent les travaux en prévention du risque de submersion marine. La tempête de 2010 a montré en effet que les ouvrages de protection contre la mer étaient insuffisants et qu'un nouveau phénomène occasionnerait une surverse. Il importe donc de mieux protéger et de consolider les ouvrages de protection. Le fonds Barnier a largement été mobilisé pour les PAPI en zone littorale, et particulièrement dans les zones concernées par Xynthia.

La réforme de la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations – GEMAPI –, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, clarifie les responsabilités. En effet, certaines digues sont domaniales, surtout dans le Val-de-Loire et en Haute-Savoie, d'autres relèvent de collectivités, d'autres sont privées, gérées par des associations syndicales autorisées, d'autres encore sont des ouvrages qui remplissent le rôle de digues, comme les remblais ferroviaires. Désormais, ce sont les établissements publics de coopération intercommunale qui sont responsables de la gestion des systèmes d'endiguement, dont ils définissent aussi le niveau de protection. On peut penser que la tempête Xynthia, en mettant en évidence les défaillances, a contribué à faire aboutir cette réflexion.

Les ouragans de cette fin d'été sont des signes avant-coureurs de phénomènes appelés à devenir plus fréquents. Cela reste encore théorique, mais montre la nécessité de mieux se préparer. Sans vouloir porter de jugement sur la gestion de crise à proprement parler, je pense que ces phénomènes ont montré toute l'importance des plans de prévention des risques, et toute l'importance de les appliquer – les préfectures n'ont pas toujours les moyens de s'opposer, par le contrôle de légalité, à la délivrance de permis de construire contraires aux plans.

Nous sommes aussi très attentifs à la qualité du bâti. Cela rejoint une autre de nos préoccupations : la prévention du risque sismique, dans la partie du territoire national qui y est précisément la plus exposée. Les normes para-cycloniques et para-sismiques sont assez cohérentes et le plan séisme Antilles, qui consiste à renforcer le bâti et à conforter les bâtiments sensibles – écoles, hôpitaux, centres de secours – pour que les services de base puissent y être assurés en cas de catastrophe, est, de ce point de vue, très important.

Il est essentiel de mener une réflexion sur la façon de rendre les réseaux plus résilients pour permettre un retour à la normale plus rapide. Après le passage de l'ouragan, il a fallu beaucoup de temps pour rétablir certains réseaux, notamment des services de base comme l'alimentation en eau potable.

Enfin, l'enjeu est de mieux reconstruire. Nous sommes en liaison avec la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, et avec le délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il s'agit de ne pas reconstruire n'importe où, dans des zones dont on a vu qu'elles étaient très exposées au risque de submersion marine en cas d'ouragan. Il s'agit aussi d'améliorer la qualité du bâti afin que les îles soient plus résilientes, en cas de survenue – peut-être pas si lointaine – d'un nouvel événement.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

Après le passage d'Irma, nous nous sommes appuyés sur le PPR existant pour aider à la gestion de crise. Ensuite, le CEREMA est allé sur place relever les laisses de crue et a caractérisé immédiatement l'aléa de l'événement extrême, dorénavant connu, pour établir une nouvelle cartographie. L'élaboration d'un PPR peut être longue, notamment dans sa phase de concertation, mais, une fois la nouvelle cartographie de l'aléa établie, on produit un porter à connaissance que le maire intègre dans son document d'urbanisme. Ainsi, nous avons immédiatement tiré les conséquences de ce nouvel événement extrême pour modifier les zones d'aléas du futur PPR.

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éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)

La philosophie du deuxième plan national d'adaptation au changement climatique – PNACC II –, qui sera publié d'ici à quelques semaines, est de faire une priorité de l'augmentation de la résilience aux phénomènes climatiques. C'est ce que l'on appelle aussi l'adaptation sans regret, puisque l'on en tire les bénéfices immédiats. Il s'agit d'avoir un regard très éclairé sur ce qui s'est produit récemment et d'utiliser les retours d'expérience pour se préparer à des événements qui surviendront dans quelques décennies.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Vous nous avez interrogés sur les relations que nous entretenons avec les différents opérateurs. En sus de la subvention générale de service public, il nous arrive de leur verser des fonds dans le cadre de conventions spécifiques. Ainsi, nous menons avec Météo-France un programme commun pour améliorer la couverture radar du territoire national, y compris des outre-mer, et améliorer les prévisions.

Les compétences en sciences de la terre du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, nous intéressent, notamment la connaissance des mouvements de terrain, qui peuvent être occasionnés par des pluies abondantes. L'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture – IRSTEA, ex CEMAGREF – a une expertise en matière de sûreté des digues, tandis que le CEREMA travaille sur la résilience de l'aménagement. Enfin, les données géographiques fournies par l'Institut géographique national, l'IGN, nous sont précieuses, notamment pour améliorer la prévision des crues.

Marc Mortureux souhaitait organiser en début d'année un séminaire afin que les différents opérateurs dans le domaine des risques naturels apprennent à mieux se connaître et se coordonnent. Il s'agit d'un domaine où toutes les expertises sont précieuses, qu'il s'agisse de la connaissance générique de l'aléa ou de la connaissance tirée du terrain.

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éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)

Ces opérateurs ont été mobilisés lors de la phase de concertation précédant l'élaboration du PNACC II. Ce sont des acteurs importants, riches d'une expérience opérationnelle et de solides acquis scientifiques. Nous associons ces experts à des chercheurs qui travaillent sur des thématiques plus en amont. De ces concertations sortent des informations et des connaissances primordiales.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Vous nous avez demandé quelles étaient les zones littorales françaises particulièrement vulnérables aux risques. La cartographie dont nous disposons montre que la Vendée, la Loire-Atlantique, la Charente-Maritime sont assez exposées au risque de submersion marine, ainsi que le littoral du Nord-Pas-de-Calais et la partie ouest du littoral méditerranéen. Le CEREMA a produit une étude sur les parties du littoral les plus exposées au risque de recul du trait de côte. Nous pourrons vous communiquer ces cartographies qui permettent, notamment, de définir les territoires pour lesquels il est important d'élaborer des PPRL.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

L'inondation est le seul risque naturel sur lequel nous travaillons dans le cadre d'une directive européenne, la directive inondation. Sur les autres risques naturels, notre outil est le PPR, un outil d'inspiration française datant des années 1980 et modernisé par Michel Barnier.

Dans le cadre de la directive inondation, nous faisons, à l'échelle des grands bassins hydrographiques, ce travail de croisement de l'aléa et des enjeux pour déterminer quelles sont les zones où le risque est le plus fort. Cela nous a conduits à identifier 122 territoires à risque important d'inondation – TRI –, dont 39 sont situés sur le littoral. Pour ces territoires les plus exposés, nous cherchons à mettre en place une stratégie globale de gestion du risque inondation. S'il y a eu un sursaut, après Xynthia, sur l'état des digues et des systèmes d'endiguement, nous pensons qu'il est important, dans le PPR, de privilégier une approche multiaxiale.

Cette stratégie doit être portée par la collectivité, en lien avec l'État. Il s'agit de s'assurer que l'on travaille sur la poursuite de l'amélioration de la connaissance, la culture du risque, les protections nécessaires et leur bonne gestion, l'aménagement du territoire situé en avant ou en arrière de la protection, et, le cas échéant, la gestion de crise. Ce raisonnement sur l'ensemble des axes est celui que nous menons pour tous les aléas, mais dans le cas du risque inondation, il a été formalisé grâce à la directive.

Travailler en premier lieu sur les TRI est une façon de prioriser l'action, mais cela ne signifie pas que l'on ne fait rien ailleurs, puisqu'il existe des PPR hors TRI.

Le recul du trait de côte constitue un sujet beaucoup plus récent, apparu dans le cadre des travaux préparatoires à la proposition de loi de Mmes Got et Berthelot. Il est associé au thème de la transformation des territoires, très présent dans les travaux du PNACC II.

Plutôt que de parler de recul du trait de côte, il vaut mieux parler de mouvement, puisqu'il existe aussi un phénomène d'accrétion. Parmi les zones les plus exposées à l'érosion figurent la Vendée et PACA. Même si certains PPRL ont une composante « érosion du trait de côte », les travaux législatifs se poursuivent pour trouver des outils adaptés à ce phénomène lent et prévisible, contrairement aux avalanches ou aux mouvements de terrain qui peuvent survenir à tout moment. Il est particulièrement motivant de réfléchir, dans le cadre de l'adaptation au changement climatique, aux outils permettant la transformation des territoires côtiers soumis à l'érosion.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur les travaux en cours. Je citerai un projet très important, que nous menons en liaison avec l'IGN et le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), le projet Litto3D. Il s'agit d'élaborer une cartographie très précise des zones littorales, y compris sous-marines, pour améliorer les modèles de prévision.

Un autre projet, HOMONIM – historique, observation, modélisation des niveaux marins – conduit avec Météo-France et le SHOM, vise à améliorer les prévisions de surcote liée aux vagues et à la météorologie. Il est très important de disposer d'un meilleur modèle de prévision de submersion marine.

Pour ce qui est des inondations par débordement de cours d'eau, nous avons beaucoup progressé : 22 000 kilomètres de cours d'eau sont surveillés dans le cadre du dispositif Vigicrues ; des cellules de veille hydrologique, qui permettent de prévoir les crues sont installées dans les Antilles, à la Réunion, à Mayotte et en Guyane. Si la couverture radar est suffisante, le dispositif Vigicrues Flash permet d'informer rapidement les autorités qu'une rivière non surveillée risque de déborder. Enfin, les directions départementales des territoires accueillent en leur sein un référent départemental inondation, qui travaille avec le service de prévision des crues, en DREAL, pour apporter les premiers conseils et aider. Ce dispositif a acquis une certaine robustesse et commence à bien fonctionner. Il est possible de prédire quelle hauteur l'eau atteindra à tel endroit.

Cela n'est pas encore le cas pour les submersions marines, pour lesquelles nous sommes moins bien armés. Cela tient au fait que la prise de conscience de cet aléa est plus récente, mais aussi à ce qu'il est objectivement plus compliqué d'établir des prévisions. Mais c'est un domaine sur lequel nous travaillons.

Enfin, nous poursuivons l'élaboration des PPRL et suivons avec attention les réflexions parlementaires qui sont menées sur le recul du trait de côte.

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Merci beaucoup pour ces informations riches, denses et précises sur l'ensemble des points évoqués par notre rapporteur.

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Je suis député de Vendée et président du comité national de suivi pour la gestion intégrée du trait de côte. Madame Tourjansky, vous avez dit que le recul du trait de côte était un phénomène prévisible. Or, ce matin, Jean-Yves Le Gall, du CNES, a évoqué une part d'imprévisibilité, citant l'exemple de ces forts coups de vent qui ont pu retirer des volumes de sable assez importants dans les territoires ultramarins.

Dans le cadre de nos travaux législatifs, nous conduisons une réflexion ardue pour parvenir à définir ce phénomène, mais les interrogations demeurent. Nous savons que nous sommes attendus sur ce sujet très complexe, et par vous et par les élus locaux. Moi qui ne suis pas scientifique, je suis assez circonspect sur le fait que nous n'arrivions pas à définir de façon plus précise ce phénomène. Or cela aura, dans la future loi, des impacts sur les indemnisations, les projets de territoire, les relocalisations.

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Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques à la DGPR

Le phénomène qui est à l'origine des outils de la prévention des risques est un mouvement de terrain bien connu, situé à Séchilienne, dans les Alpes. On ne sait pas quand ce morceau de montagne, qui surplombe le village, tombera, mais il tombera. La seule solution a été d'exproprier les habitants et de surveiller le terrain. Nous sommes là en présence d'un danger grave et imminent pour la vie.

Sur le recul du trait de côte, tout dépend, si je peux dire, de la maille à laquelle on travaille. Grâce à la carte du CEREMA, on peut prédire à cinquante ou cent ans les endroits où le trait de côte reculera, mais on ne sait dire si ce sera de 25 ou de 30 mètres. On ne peut pas non plus prévoir l'ampleur des mouvements, érosion ou accrétion, qui seront causés par les tempêtes. En Vendée ou en Charente-Maritime, les natifs savent que la plage bouge à chaque saison ; mais il peut arriver qu'elle bouge un cran de plus. Il faut ajouter à cela l'élévation du niveau de la mer. On peut penser que ces phénomènes s'accéléreront. Nous disposons de tendanciels sur chaque zone, qui nous permettent de dire globalement si le trait de côte reculera et jusqu'où, selon la géomorphologie et les cellules hydrosédimentaires.

C'est un phénomène que les assureurs ne prendront pas en compte car ils estiment qu'il est prévisible. Il y a une frontière entre le risque certain, dont on ne sait pas quand il se concrétisera, et le risque prévisible, que l'on peut gérer grâce à des outils de transformation des territoires. Et cela n'a rien à voir avec des phénomènes imprévisibles, comme une crue ou un mouvement de terrain dus à des pluies torrentielles.

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Vous paraît-il pertinent d'inscrire dans la loi que le recul du trait de côte est un phénomène prévisible qui comporte – en même temps – une part d'imprévisibilité, en raison de phénomènes dont on ne connaît pas avec précision la fréquence ? Cela se tient-il scientifiquement ou est-on en dehors des clous ? Le législateur doit-il adopter un raisonnement binaire, blanc ou noir, lorsque les auditions, les unes après les autres, nous montrent que l'équilibre est plutôt dans le gris ? Des phénomènes très localisés peuvent provoquer un recul brutal du trait de côte et nécessiter des relocalisations, donc des indemnisations. Comment, dans ce cadre, percevez-vous le rôle du législateur ?

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éric Brun-Barrière, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)

La cartographie réalisée par le CEREMA, un outil important dont nous ne disposions pas auparavant, montre une cohérence d'ensemble. Des zones entières – cela ne varie pas d'un kilomètre à l'autre – sont soumises à l'érosion, d'autres à l'accrétion. C'est cela qui donne le caractère prévisible, sur le long terme.

Mais, et cela s'est vu durant l'hiver 2013-2014, une côte qui ne bouge presque plus peut, sous l'action des tempêtes, reculer de plusieurs dizaines de mètres. Toutefois, ce phénomène imprévisible s'inscrit dans une logique historique.

Enfin, il est difficile de prévoir jusqu'à quel point la hausse du niveau des mers accélérera l'érosion. La communauté scientifique s'est emparée de ce sujet ardu, mais il faudra plusieurs années avant de pouvoir disposer d'estimations solides.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

La loi prévoit, pour l'indemnisation au titre du fonds Barnier, un autre critère : l'existence d'un risque menaçant gravement la vie humaine. Laure Tourjanski a cité le mouvement de terrain de la Séchilienne ; on peut aussi penser au risque de surverse après le passage de Xynthia : dans les deux cas, on pouvait craindre un lourd bilan humain.

Il est vrai que lorsque le trait de côte recule au point de venir fragiliser un bâtiment, on voit venir le danger. Un phénomène d'une brutalité extrême peut survenir et changer la donne. Le bâtiment Le Signal à Soulac a été évacué et il n'y a plus de risque pour la vie humaine.

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Nous avons vu que tout dépendait d'une meilleure connaissance de l'aléa. Je souhaiterais savoir qui décide des programmes de recherche, des missions qui sont confiées à vos différents partenaires. Je me souviens en effet qu'une chercheuse du CNRS à La Rochelle, auditionnée sur les conséquences de l'évolution climatique outre-mer sous la précédente législature, m'avait expliqué qu'elle ne disposait d'aucune donnée sur Saint-Pierre-et-Miquelon. Comment un député peut-il initier des recherches sur son territoire ?

Je me permettrai de citer un exemple concret. En décembre 2016, nous avons subi une tempête qui a occasionné d'importants dégâts, notamment au Petit Barachois, sur la presqu'île de Langlade, où une maison a été déplacée de vingt mètres. Il nous a fallu deux ans pour constituer le dossier de reconnaissance de catastrophe naturelle, car on nous demandait dix années d'études consécutives et de relevés climatiques. Nous ne disposions que d'un roulographe, posé en 2012. Les sinistrés ont réussi à se faire indemniser en ce début d'année, grâce à leur opiniâtreté et parce que la ministre a mis tout son poids dans la balance.

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Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR)

L'État signe avec les opérateurs des contrats d'objectifs et de moyens, mais pour des actions plus ponctuelles, les opérateurs peuvent passer des conventions avec d'autres administrations. Nous cherchons, avec Météo France, à améliorer le niveau de la couverture radar. Un territoire comme la Corse, qui a connu des précipitations très importantes durant l'hiver 2016-2017, ne disposait que d'un radar. Un deuxième vient d'être construit et se trouve encore en phase de test. Nous essayons de faire au mieux pour améliorer progressivement la couverture du territoire.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, nous échangeons avec la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer – DTAM –, compétente en matière de risques naturels ; je crois savoir que les débats sur les PPR ne sont pas simples ! Nous essayons d'être présents sur l'ensemble des territoires ; notre zone d'intervention regroupe la métropole, les Antilles, la Réunion, la Guyane et Mayotte. En Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, la compétence « prévention des risques » relève du gouvernement local.

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Je vous remercie pour vos contributions très riches, qui nous permettront de mieux cerner la prévention des événements et l'organisation des moyens d'action au niveau national. Je vous serais reconnaissante de nous transmettre la documentation que vous jugerez utile, notamment sur le « fonds Barnier ».

L'audition s'achève à dix-huit heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 16 h 30

Présents. - M. Bertrand Bouyx, M. Stéphane Buchou, M. Stéphane Claireaux, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, M. Emmanuel Maquet, Mme Maina Sage

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Sophie Panonacle