Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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L'audition débute à seize heures cinq.

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Nous avons le plaisir d'auditionner cet après-midi la Fédération française de l'assurance (FFA). Je souhaite la bienvenue à M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité, accompagné de MM. Jean-Paul Laborde et Martin Nicol, qui représentent la direction des affaires parlementaires de la FFA.

Je rappelle que cette mission d'information a été créée à la suite des événements Irma, Maria et José aux Antilles, mais qu'elle a pour objectif de couvrir l'ensemble du territoire hexagonal et ultramarin. Elle vise à évaluer les politiques publiques mises en oeuvre face aux événements climatiques majeurs en zone littorale, en matière d'anticipation, de gestion de crise et de reconstruction des territoires.

Nous avons évidemment souhaité entendre le monde des assureurs sur ces différents sujets. Que ce soit pendant la phase d'anticipation ou pendant la phase de reconstruction, ils sont en première ligne dans l'accompagnement des pouvoirs publics, des acteurs de la société civile et des professionnels.

Dans le cadre de cette mission d'information, nous nous sommes rendus dans les quatre îles des Antilles françaises – la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin – et nous avons identifié des besoins spécifiques vous concernant. Je dois vous le dire, les assureurs ont souvent été montrés du doigt en raison des lenteurs des remboursements. Il est apparemment complexe, dans ces îles, d'identifier les propriétaires et de mener les évaluations. Des problèmes d'expertise et de contre-expertise se posent. L'identification même du foncier et des propriétés apparaît difficile.

Sur l'ensemble de ces points, nous souhaiterions aujourd'hui une mise à jour de votre part concernant Saint-Martin. Nous aimerions, plus généralement, échanger avec vous sur d'éventuelles suggestions que vous pourriez formuler, car le but de cette mission est d'évaluer, mais aussi de proposer. Nous sommes donc preneurs de pistes d'amélioration possibles.

Je laisse sans plus tarder la parole à notre rapporteur, qui va préciser l'objet de cette audition.

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Je vous remercie, messieurs, de votre présence.

Nous avons pris connaissance des chiffres diffusés le mois dernier : les ouragans Harvey, Irma et Maria, mais aussi les feux de forêt, ont contribué à diviser par quatre les résultats des vingt et un plus grands réassureurs au niveau mondial, passés de 20,5 milliards de dollars à 5,1 milliards de dollars en 2017.

Au cours de cette même année, le bilan des catastrophes naturelles s'est élevé à 23,6 milliards de dollars. Le montant des paiements dus aux catastrophes naturelles, confondant les assurances privées et les systèmes publics, s'élève en décaissement à 136 milliards de dollars, dont 69 % du fait des trois cyclones qui ont entraîné 94 milliards de dollars d'indemnisations en 2017.

Naturellement, ces chiffres sont globaux et notre mission doit en isoler les éléments relatifs au littoral français. Il est évident que les cyclones représentent une part très importante de ces montants.

Pouvez-vous présenter la situation de l'île de Saint-Martin au lendemain de la catastrophe, du point de vue des dégâts constatés ?

Pourriez-vous, par ailleurs, nous fournir un état des lieux du nombre de sinistrés ? Pour le seul cyclone Irma, les chiffres que nous avons sont de 16 300 sinistres déclarés à Saint-Martin et 8 620 à Saint-Barthélemy.

Au-delà, quel est le montant des sinistres ? Si cela est possible, pouvez-vous nous préciser les sinistres des particuliers en distinguant les logements privés du secteur hôtelier et les différents secteurs d'activité économique ? Quels sont le montant moyen et le montant médian des sinistres ?

Pouvez-vous également nous fournir des chiffres détaillés par compagnie d'assurance ?

Avez-vous des éléments chiffrés de comparaison avec les dégâts constatés lors de précédentes catastrophes naturelles, en milieu littoral notamment, au cours des vingt dernières années ? Est-il exact que l'ampleur de l'événement est inédite ?

Je m'en tiendrai, pour le moment, à cette première série de questions.

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Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

Merci pour cette invitation. Si je comprends bien, nous allons commencer par parler de l'ouragan Irma, et nous élargirons ensuite le débat.

L'ouragan Irma est tout à fait inédit dans l'histoire de l'assurance, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, par sa violence. Les assurances ont rarement eu à indemniser des biens ayant subi de tels dommages. Je me suis rendu trois fois sur l'île de Saint-Martin et j'ai été immédiatement frappé par la violence des destructions. Lorsque des tempêtes ont frappé la métropole, telles que Klaus, Quentin ou Xynthia, les dommages étaient certes très importants, mais 80 % d'entre eux étaient de petits dommages : des toitures envolées, des vitres brisées. À Saint-Martin, le taux de destruction est extrêmement élevé, ce qui est tout à fait inédit.

La deuxième caractéristique de l'ouragan Irma est qu'il est intervenu en milieu insulaire. Or l'île de Saint-Martin – et puisque vous vous y êtes rendus, vous avez pu constater que son cas était bien différent de Saint-Barthélemy et qu'il concentrait le plus grand nombre de difficultés – n'a pas la capacité intrinsèque de gérer administrativement un tel montant de sinistres. Elle ne dispose pas non plus des ressources locales pour engager la reconstruction. Il faut tout faire venir de Guadeloupe, de Martinique ou de métropole. En 2016, les inondations du centre de la France étaient bien plus simples à gérer sur le plan logistique.

Autre particularité de Saint-Martin, que vous avez sans doute notée également, le principal port d'arrivage et l'aéroport ne se trouvent pas dans la partie française de l'île, mais à Sint Maarten, dans la partie hollandaise. Le fait que ces infrastructures ne soient pas sous l'autorité de la collectivité d'outre-mer ou de l'État français pose évidemment des problèmes.

La troisième caractéristique de l'ouragan Irma est qu'il a frappé un territoire dans lequel 50 % des gens n'étaient pas assurés, ce qui là aussi était totalement inédit. Je rappelle qu'en métropole, le taux de souscription à l'assurance habitation s'élève à 98 % de la population, soit seulement 2 % de personnes qui ne sont pas assurées, contre une sur deux à Saint-Martin.

Les habitations du centre de l'île se trouvent dans des communes plutôt pauvres et n'étaient pas assurées pour la plupart lors de l'ouragan. Sur le littoral, les très nombreuses copropriétés appartiennent à des copropriétaires qui, pour beaucoup, ne sont pas présents sur l'île. Du fait de l'importante politique de défiscalisation appliquée à Saint-Martin, un grand nombre de personnes ont investi dans ces appartements, parfois sans même le savoir. Elles ont confié l'entière gestion de ces biens immobiliers à des syndics. Les appartements sont loués soit à des touristes, soit à des fonctionnaires ou des commerçants qui vivent sur l'île. Pour ce qui nous concerne, nous sommes essentiellement intervenus dans ces copropriétés.

Ce qui m'amène à la quatrième caractéristique de l'ouragan Irma. À Saint-Martin, la présence de ces nombreuses copropriétés a posé d'énormes problèmes aux assureurs. Juridiquement, il a été extrêmement compliqué d'avancer dans le processus d'indemnisation. Les syndics de copropriété ont été débordés par l'événement et dû gérer des situations extrêmement difficiles. Leurs fichiers ayant été détruits, ils étaient dans l'incapacité d'identifier les propriétaires de certains appartements. L'un de ces syndics, parmi les plus importants de Saint-Martin, est au bord de la faillite et en cours de rachat par une société canadienne. Les copropriétaires présents sur place, estimant que leur sécurité n'est pas garantie, lui ont interdit de traiter à leur place.

Tel est le contexte dans lequel les assureurs ont dû intervenir.

Aujourd'hui, la situation est la suivante : 90 % des sinistrés assurés ont reçu soit une provision, soit un règlement total, ce qui est à peu près la norme pour ce type d'événement. Nous suivons les chiffres semaine après semaine et nous les comparons au rythme d'indemnisation d'autres événements importants, tels que la tempête Xynthia, les inondations de juin 2016, les inondations des Alpes-Maritimes en 2015 ou les inondations du Var en 2010.

Pour le nombre de biens partiellement indemnisés, nous sommes à peu près dans les clous. Nous avons rattrapé notre retard initial six mois après l'événement. En revanche, pour le montant de l'indemnisation, la situation n'est pas aussi avancée. Je vous rappelle que nous estimons aujourd'hui à 2 milliards d'euros le montant des dégâts assurés sur les deux îles, selon la répartition suivante : 1,164 milliard d'euros pour Saint-Martin et 840 millions d'euros environ pour Saint-Barthélemy. La semaine dernière, soit neuf mois après l'ouragan, nous avions réglé 46 % de ce montant. Ce résultat, pour le coup, nous situe très en-deçà de notre taux d'indemnisation habituel neuf mois après un tel événement, soit 70 %.

L'explication de ce retard, je vous l'ai donnée en partie. Tout d'abord, nous avons pris du retard dès l'origine, puisque pendant trois semaines aucun expert n'a pu mettre les pieds sur l'île de Saint-Martin. Ensuite, comme je vous l'ai expliqué, la question des copropriétés nous a posé d'énormes problèmes.

Un exemple. Après s'être entendu avec son assureur sur le montant de l'indemnisation, un syndic doit convoquer une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires pour faire approuver ce montant, avec un quorum suffisant, sous peine d'une contestation éventuelle de l'un des copropriétaires. Or, il est particulièrement compliqué d'organiser une telle réunion avec des copropriétaires pour beaucoup en métropole ou qui ne se sont même pas manifestés après le sinistre.

Deuxième exemple. Les expertises sont réalisées sur la base de devis d'artisans. À Saint-Martin, ces derniers ont été complètement débordés par les demandes et les devis n'arrivent pas.

Le troisième exemple concerne la reconstruction. Une fois l'accord trouvé sur le montant expertisé, de nombreux assureurs versent 70 % du montant au titre de l'indemnité immédiate et attendent de recevoir les factures pour verser les 30 % restants, ce qui implique que les travaux aient été effectués. Là encore, les factures ne rentrent pas. Les artisans locaux n'ont pas les moyens de répondre à cet énorme appel d'air que représente la reconstruction de l'île de Saint-Martin. Il n'y a pas que le problème des artisans. Il y a aussi celui des matériaux, qui n'arrivent pas sur l'île ou qui sont parfois bloqués au port de Sint Maarten. Pour des raisons administratives fort compliquées, ils ne sortent pas du port. Bref, on cumule un nombre impressionnant de déboires.

Qu'a fait la FFA après le passage de l'ouragan Irma ? Elle a rapidement mis en place deux cellules de gestion. La première, locale, permet de suivre la situation de l'île au quotidien et de régler les problèmes de manière collective. Nous sommes en contacts réguliers avec les experts et les assureurs sur place. La seconde réunit les patrons des maisons-mères, généralement à Paris, ce qui permet d'accélérer un certain nombre de procédures.

Nous sommes, par ailleurs, en lien permanent avec le préfet Philippe Gustin, délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. M. Gustin a été, je veux le souligner, d'une grande efficacité pour nous aider à régler les difficultés sur place. Lorsque nous peinions à récupérer les titres de propriété ou les « K-bis » des commerçants, il est intervenu auprès de la préfecture pour accélérer les choses. Je veux tout particulièrement saluer le travail qui a été le sien.

Autres mesures prises par la Fédération, nous avons instauré un suivi hebdomadaire de l'évolution des sinistres et nous nous sommes rendus à cinq reprises à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le président de la FFA, M. Spitz, a accompagné M. Macron juste après l'événement, et j'ai personnellement accompagné le Premier ministre, ainsi que Mme Girardin. Nous sommes également retournés dans les îles entre assureurs, pour faire le point avec les artisans, les syndics de copropriété et les chambres de commerce locales, et tenter de dénouer les problèmes qui se posaient. Une nouvelle délégation est partie aujourd'hui même pour une visite de trois jours afin de rencontrer à nouveau les assureurs neuf mois après l'événement.

Voilà globalement quelle est la situation. Il m'est difficile de dire à quel moment elle pourra être définitivement réglée car je n'ai pas de visibilité sur la manière dont vont évoluer certains paramètres. De nombreux commerçants ont vu leur magasin totalement détruit et ne savent toujours pas s'ils vont continuer leur activité sur place. L'indemnité que les assurances leur verseront dépendra évidemment de cette décision. Les propriétaires de maisons particulières ne savent pas non plus s'ils vont rester à Saint-Martin. Ils attendent la révision des plans de prévention des risques naturels pour savoir s'ils pourront satisfaire aux nouvelles normes et reconstruire sur place.

Nous mettons tout en oeuvre actuellement pour que les choses avancent. Il n'est pas impossible que le montant de 2 milliards d'euros de dégâts estimé pour les deux îles finisse par diminuer.

Quand un commerce est détruit, un assureur provisionne un montant correspondant à la réparation du local commercial, mais aussi à la perte d'exploitation subie par le commerçant. Si ce dernier ne reprend pas son activité, l'assureur n'est pas tenu de lui verser le montant correspondant à cette perte d'exploitation. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce montant de 2 milliards d'euros pourrait finalement diminuer.

Il existe, par ailleurs, un grand nombre de copropriétés pour lesquelles nous n'avons aucune information de la part des sinistrés. Nous savons simplement qu'ils sont assurés chez nous, mais, à ce jour, ils ne se sont toujours pas manifestés et ne nous ont pas déclaré leur sinistre. Nous avons placé une provision moyenne, statistique, dans nos comptes, mais elle pourrait bien être revue à la baisse, là aussi.

Pour ces deux raisons, il est probable que le montant des dégâts assurés sur les deux îles sera finalement moins élevé. À titre personnel, je pense qu'il devrait diminuer de 5 % à 10 %.

Outre les dommages causés par l'ouragan Irma, les territoires d'outre-mer sont confrontés à des problèmes plus globaux. Les assureurs sur place ne sont pas très nombreux. Ils sont au nombre de cinq : Allianz ; Generali ; Nagico, une société d'assurance hollandaise de Sint Maarten ; Groupama, présent surtout à Saint-Barthélemy et moins à Saint-Martin ; Ocealiz, un courtier qui travaille pour la Caisse d'assurance meusienne, basée à Bar-le-Duc. La MAIF est également représentée outre-mer.

Vous m'aviez demandé les chiffres des sinistres par assureur. Je ne peux malheureusement pas vous communiquer cette information qui ne relève pas de la compétence de la Fédération.

Historiquement, les principaux assureurs présents outre-mer sont Generali et Allianz. Ils ne sont pas nombreux... Pourquoi les grosses sociétés d'assurance de la place française telles qu'Axa et Covea ne sont-elles pas implantées dans ces territoires ? Parce qu'elles les jugent trop vulnérables. Allianz et Generali ont réaffirmé leur intention d'y rester quoi qu'il arrive. Il fait peu de doute néanmoins que ces assureurs se posent des questions, tout comme Groupama. Un tel ouragan peut tout à fait se reproduire dans deux mois. La capacité des assureurs à assurer des territoires aussi exposés est en jeu.

Tout dépendra aussi de la façon dont Saint-Martin veut se reconstruire. La résilience de l'île fait aujourd'hui l'objet d'une importante discussion dans le cadre de sa reconstruction. Cette résilience va coûter de l'argent. Or, les assureurs sont là pour reconstruire à l'identique. Si l'on veut reconstruire plus résilient, cela risque de coûter plus cher. Existe-t-il localement des moyens pour reconstruire plus cher ? Par ailleurs, les normes de résilience actuelles sont-elles suffisantes pour faire face à des risques élevés ?

Je rappelle qu'il y a eu, pendant l'ouragan Irma, des vents à 340 kilomètres par heure. Comme je le dis souvent, cela revient à se mettre debout sur un TGV. C'est ce qu'ont subi les habitants de Saint-Martin ! Généralement, les normes anticycloniques européennes fixent le niveau de résistance des constructions à des vents maximum de 250 kilomètres par heure. Pour des vents de 340 kilomètres par heure, aucune norme n'existe actuellement.

Selon moi, l'île de Saint-Martin doit se remettre en position de pouvoir affronter des cyclones classiques, avec des vents entre 250 et 260 kilomètres par heure. L'ouragan Irma était tout à fait exceptionnel, il faut le reconnaître. Les assureurs seront évidemment très vigilants quant aux normes qui seront appliquées pendant la reconstruction : elles décideront de leur capacité ou non à assurer l'île. Permettez-moi d'être très clair sur ce point, car il faut dire les choses comme elles sont. On ne peut pas aujourd'hui assurer contre un phénomène qui n'est plus un aléa. Il est donc nécessaire que soient clarifiés les objectifs que se donne l'île en matière de résilience de la construction.

De manière plus générale, si on compare cet ouragan à d'autres événements climatiques majeurs en termes de coûts pour l'industrie de l'assurance, Irma est numéro deux sur le podium des sinistres naturels depuis 1982, c'est-à-dire depuis que le régime d'assurance des catastrophes naturelles existe. La première place revient aux tempêtes Lothar et Martin de 1999. On était alors très loin au-dessus puisqu'elles ont coûté 7 milliards d'euros aux assureurs, contre 1,8 milliard d'euros pour Xynthia et 1,8 milliard d'euros également pour les inondations de juin 2016.

Irma a constitué un événement extrêmement important, sur un territoire extrêmement réduit. Les coûts moyens que nous voyons dans les sinistres à Saint-Martin sont cinq à six fois plus élevés que ceux que nous avons constatés par ailleurs. Au bout du compte, le nombre de sinistrés est relativement faible si l'on compare à d'autres catastrophes naturelles, mais les coûts moyens sont absolument inédits du fait de la destruction totale des bâtiments.

Vous suggériez, madame la députée, que les assureurs avaient sans doute réfléchi à la question de l'évolution du climat. Le fait que celui-ci pèse de plus en plus lourd dans l'activité des assureurs est une réalité. C'est pourquoi nous avons lancé en 2015, lors de la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), une réflexion sur l'impact du climat pour notre secteur, non pas à un horizon de deux ou trois cents ans, comme les experts climatologues, mais, de manière plus audacieuse, à l'horizon 2040. Cette étude, qui se limite à la métropole, a été menée de manière très sérieuse avec des laboratoires extérieurs et en particulier avec le laboratoire des sciences du climat et de l'environnement de M. Jean Jouzel, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). S'appuyant sur des modèles climatiques et économiques, l'étude conclut, au terme de cinq cents pages, que le coût des dommages causés par les aléas naturels sera multiplié par deux en métropole au cours des vingt-cinq prochaines années.

Une partie de cette hausse s'explique par l'augmentation naturelle des richesses et paraît donc normale. En revanche, dès l'horizon 2040, 20 % de cette augmentation devrait relever de l'intensification des aléas naturels, avec deux périls particulièrement dynamiques en métropole.

Le premier, curieusement, est la sécheresse. D'après les modèles du laboratoire de M. Jouzel et nos extrapolations en termes de dommages et d'assurance, c'est elle qui engendrera la croissance la plus élevée des sinistres dans les prochaines années. La sécheresse provoque à la fois un effet sur les maisons – le gonflement et le retrait des sous-sols entraînent des fissures dans les maisons, voire leur écroulement - et sur les récoltes des agriculteurs.

Le second péril le plus dynamique est la submersion marine. L'inondation restera un risque majeur à l'avenir dans notre pays au regard des montants financiers en jeu, mais, sur le plan dynamique, la sécheresse et la submersion marine domineront.

S'agissant de la submersion marine, en réalité, depuis vingt-cinq ans, nous n'en avons connu qu'une qui a eu des dégâts malheureusement dramatiques, mais aussi très coûteux : Xynthia. En métropole, il y a environ vingt-cinq à trente submersions marines par an, mais elles sont de taille réduite. Elles endommagent des cabanons, quelques maisons, et l'on en parle peu. Avec un niveau de la mer plus élevé de 50 à 60 centimètres, ces mêmes submersions pourraient avoir des effets dévastateurs et des enjeux économiques particulièrement élevés pour notre pays, où les zones de forte croissance se concentrent à proximité des rivières et des zones littorales. À terme, les submersions marines pourraient donc représenter un sujet très important pour l'assurance.

Nous avons conclu de notre étude de 2015 sur l'évolution du climat que la seule variable d'ajustement face à ce phénomène est la prévention, en particulier dans les domaines de la protection et de l'aménagement du territoire. Nous avons formulé des propositions très concrètes en ce sens afin de faire évoluer le régime d'assurance des catastrophes naturelles. Nous estimons que ce régime est relativement efficace en France, même s'il doit être aménagé ici ou là. En revanche, les politiques de prévention doivent s'accélérer et s'intensifier.

Nous voyons trop souvent, quand nous indemnisons une commune, des plans de prévention qui certes ont été prescrits, mais qui n'ont pas été mis en place. Nous voyons trop souvent des plans communaux de sauvegarde qui n'ont pas été dictés alors qu'ils auraient dû l'être. Nous voyons trop souvent des zones industrielles ou commerciales inondées parce qu'aucune étude préalable sur les effets de ruissellement n'a été menée. Il y aurait, en un mot, beaucoup à faire pour améliorer les politiques de prévention dans notre pays.

Outre des documents d'information relatifs à l'ouragan Irma, j'ai apporté à votre intention plusieurs exemplaires de notre étude sur le climat. Ses principales conclusions sont résumées dans un fascicule que nous mettons également à votre disposition.

Tels étaient les éléments que je souhaitais vous communiquer en tant qu'assureur. Je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.

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Nous vous remercions pour ces réponses très précises sur la situation de Saint-Martin, pour le diagnostic que vous dressez et pour vos prévisions sur les prochaines catastrophes que vous aurez à gérer. Tous ces éléments dessinent une tendance des événements climatiques aujourd'hui anticipés par le secteur des assurances.

Votre étude date néanmoins de 2015 et nécessite d'être recoupée avec les nouvelles politiques stratégiques. La prévention, l'anticipation et le renforcement de la résilience de nos territoires, pourraient permettre, en effet, à terme, de réduire l'impact des événements climatiques majeurs.

Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous compléter vos questions, en commençant peut-être par Saint-Martin, avant d'élargir le sujet ?

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Oui. Il nous a été dit que la gestion des secours se faisait à partir de la Guadeloupe et non pas directement de Saint-Martin. D'après vous, cette organisation mériterait-elle d'être modifiée ?

Vous avez évoqué la résilience de Saint-Martin et la tension qui existe entre la nécessité de construire vite et l'importance d'élaborer des modèles de construction résilients. Avez-vous des solutions à proposer pour éviter que l'on ne reconstruise à l'identique sans tenir compte des enseignements de l'ouragan Irma ?

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Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

S'agissant de la capacité de Saint-Martin à faire face à un nouvel événement de l'ampleur d'Irma, je pense honnêtement qu'il faut se garder de mesures disproportionnées. C'est le fameux débat sur les chasse-neige de Marseille : la ville devait-elle s'équiper de quarante chasse-neige pour déblayer la neige une fois tous les dix ans ? Je crois, comme le préfet Gustin – qui a été nommé préfet de la Guadeloupe –, que les moyens doivent rester proportionnés et que la solidarité doit jouer. L'île de Saint-Martin peut toutefois se doter d'un certain nombre d'outils. En outre, comme cela a été souligné après les événements, certains services de l'État tels que les services statistiques ou les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), gagneraient à être renforcés.

Du point de vue assurantiel, les moyens alloués par les sociétés d'assurance resteront programmés à l'échelle des Antilles. Ils sont principalement concentrés sur la Guadeloupe. Puis viennent Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Guyane.

Vous avez eu raison de poser votre deuxième question, sur des modèles de construction résilients, car cela prend du temps de définir des normes. Je ne sais pas si vous le savez, mais la collectivité d'outre-mer jouit d'un statut spécifique qui lui confère une autonomie en matière de normes de construction. Elle n'est pas tenue de suivre les normes de construction de l'État.

Sur ce sujet, nous avons, me semble-t-il, également travaillé intelligemment. Avec le préfet Gustin, nous avons élaboré un Guide de bonnes pratiques pour la reconstruction et la réhabilitation de l'habitat. À Saint-Martin, les dégâts n'ont pas été simplement causés par le vent et la submersion marine, mais également par des projectiles provenant de toitures en tôle mal fixées. C'est d'ailleurs un miracle qu'il n'y ait pas eu plus de morts. Une tôle qui vole à 250 ou 300 kilomètres par heure, ça ne pardonne pas...

Il a donc été décidé de préconiser, à ceux qui ne sont pas assurés et qui vont reconstruire eux-mêmes, quelques mesures de bon sens à respecter. Accompagné d'une délégation d'assureurs, le préfet Gustin doit présenter ce guide à Saint-Martin dans les prochains jours. Les habitants de l'île sont invités, entre autres, à chaîner leur toiture pour éviter les projectiles et les impacts. Je dirais, mais c'est une estimation personnelle, qu'un tiers des dégâts causés par l'ouragan Irma l'ont été par des projectiles.

Quant aux normes de construction elles-mêmes, il s'agit d'une question qui n'est pas encore résolue. Un plan de prévention a été imposé par le préfet à la collectivité, mais il ne définit pas précisément les normes de construction à appliquer. Il ne fait que lister les zones dans lesquelles il est possible de reconstruire et la hauteur des habitations dans ces zones. Il va effectivement falloir que nous nous posions la question d'une échéance pour l'élaboration des normes. La reconstruction se fait maintenant. Nous ne pouvons pas attendre deux ans.

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Je vous remercie, Monsieur le directeur, pour votre exposé, qui traduit bien la situation que nous avons constatée sur place.

La prochaine saison cyclonique approche et soulève deux préoccupations majeures.

À l'avenir, les primes et les cotisations d'assurance pour les îles soumises à des risques importants seront-elles réévaluées à la hausse en raison de l'événement cyclonique subi par Saint-Martin et Saint-Barthélemy ?

En termes d'indemnisation, que se passerait-il si un nouvel événement climatique intervenait sans que les travaux aient pu être entrepris, indépendamment de la volonté des sinistrés ? Sur quelle base seraient-ils indemnisés ? Comment se ferait l'évaluation des experts puisque, comme vous le savez, il n'y a pas suffisamment d'artisans pour que les travaux débutent ? En outre, la loi de l'offre et de la demande a entraîné une inflation des prix.

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Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

En ce qui concerne l'impact de l'ouragan Irma sur le prix de l'assurance, je ne peux qu'émettre des conjonctures. Je vous rappelle que ce sont les assureurs qui décident et que la Fédération n'intervient pas dans ce domaine – si elle s'y risquait, elle serait d'ailleurs en infraction. Néanmoins, il est probable que les assureurs augmentent les prix. Reste à savoir jusqu'à quel point.

C'est l'objet même de l'assurance que de mutualiser les risques et, pardonnez-moi cette expression, « d'amortir » des événements tels que ceux qu'a subis Saint-Martin. Comment les amortit-on ? Tout d'abord, les années où tout va bien, sans événements notables - elles sont de moins en moins nombreuses, malheureusement -, les assureurs mettent de l'argent de côté, qu'ils utilisent lorsque survient une catastrophe naturelle. Ils amortissent donc leurs coûts dans le temps.

Ils amortissent également leurs coûts dans l'espace, en faisant en sorte de diversifier les risques selon les régions françaises. Lorsqu'une région est touchée, l'argent d'une autre région, préservée du sinistre, permet de couvrir les coûts de la première. Il y a donc une mutualisation entre les régions, que l'on peut même considérer comme une solidarité dans le cas de transferts importants.

Troisième amortissement, celui de la réassurance, c'est-à-dire, si je puis dire, de l'assurance de l'assurance. Pour le coup, les réassureurs ne mutualisent pas leurs coûts sur la France, mais sur le monde. Ils achètent un peu de risque aux États-Unis, en Asie, en Afrique et en Europe. Ayant diversifié leurs risques, il faudrait que les quatre régions du monde traversent en même temps une mauvaise période pour qu'ils connaissent de graves difficultés. En général, ils parviennent à compenser les coûts de l'une par l'absence de coûts de l'autre. Comme vous le voyez, il existe de nombreux amortisseurs dans l'assurance. Son rôle est précisément de couvrir l'ensemble des risques en les morcelant.

Un événement tel qu'Irma n'en aura pas moins un impact sur les assureurs. En fixant leurs prix, ils font de la segmentation, c'est-à-dire qu'ils ne font pas payer le risque réel, sinon ils demanderaient à Saint-Martin de rembourser les 2 milliards d'euros de coûts, ce qui ne serait plus de l'assurance. Les assureurs reverront donc très certainement leurs prix à la hausse, mais je ne peux vous dire dans quelle proportion.

Cette augmentation pourrait toutefois avoir des conséquences problématiques : 50 % des habitants de Saint-Martin n'étant pas assurés, ne va-t-elle pas accentuer la non-assurance ? Sur ces 50 % de personnes, 20 % pourraient sans doute être assurées. Elles ne le sont pas probablement parce que la culture du risque sur place n'est pas suffisante. Elles choisissent de faire l'économie d'une assurance, certaines qu'elles pourront se débrouiller en cas de catastrophe. Un travail d'éducation au risque est nécessaire dans ces territoires. Les nombreux Saint-Martinois sinistrés après le passage d'Irma ont douloureusement compris la leçon.

La proportion de non-assurés est la même à La Réunion et légèrement inférieure, 30 %, en Guadeloupe et en Martinique, ce qui montre que l'assurance reste insuffisante dans de nombreuses régions ultramarines. Nous devons sensibiliser les habitants de ces îles à la nécessité de s'assurer. Cela permettrait aussi aux assureurs de mieux diversifier leurs risques et de les asseoir sur une base plus large.

Pour conclure : oui, l'assurance va augmenter ses prix ; ces augmentations ne seront pas énormes car l'assurance a pour rôle d'amortir les coûts ; il faut absolument développer la culture du risque en outre-mer.

Quant au fait que la plupart des habitations ne sont pas encore remises en état et qu'un nouveau cyclone pourrait survenir dès le mois de juillet, la règle est claire : les biens assurés continuent de l'être. Soit ils sont en chantier, et c'est le constructeur qui est couvert par une assurance « tous risques chantier » ; soit ils sont en reconstruction, sans chantier et sans permis de construire, et ce sont les biens eux-mêmes qui sont assurés. Dans les deux cas, les assureurs tiendront leurs engagements et, bien entendu, indemniseront de nouveau les dommages liés strictement au deuxième événement. Ce qui aura été décidé pour Irma restera valable et on y ajoutera les éventuels surcoûts générés par le nouveau cyclone.

La situation est donc très claire. Nous sommes là pour réparer. S'il y a un deuxième dommage, il y a un deuxième plafond et une deuxième garantie.

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L'intervention de Mme Guion-Firmin souligne le besoin des populations d'être informées sur leurs droits et sur la continuité de l'assurance de leurs biens. Tout le monde se pose la question de la prochaine saison cyclonique et de la manière dont elle sera gérée du point de vue assurantiel.

S'agissant des versements effectués par les assurances, vous dites que 46 % l'ont été au bout de neuf mois et que ce n'est pas suffisant. Cela représente toutefois un chiffre important. Pourriez-vous nous remettre une analyse plus qualitative des niveaux de versement par types de sinistres ?

On nous a beaucoup parlé des versements à titre conservatoire, mais ils représentent des montants si infimes qu'ils ne permettent pas de démarrer un chantier. Vous avez précisé que votre taux d'indemnisation habituel neuf mois après une catastrophe naturelle était de 70 % et que les 30 % restants étaient versés après la construction. À Saint-Martin, les échos que nous avons du terrain semblent indiquer, pour un grand nombre de dossiers individuels, qu'une infime part de l'indemnisation a été versée, qui ne permet même pas d'enclencher le chantier.

Serait-il possible de nous communiquer le nombre précis des dossiers indemnisés et leur part d'indemnisation ? De telles données, bien sûr anonymes, nous permettraient d'apprécier l'impact des mesures conservatoires.

Plus généralement, sur les pistes d'amélioration possibles, on nous a dit qu'il était inconstitutionnel d'imposer l'utilisation du remboursement pour la reconstruction. Si les assureurs peuvent provisionner, c'est également parce qu'ils sont eux-mêmes assurés – nous entendrons tout à l'heure des représentants de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Dans le cadre de destructions causées par des catastrophes naturelles, est-il envisageable que l'assuré garantisse aux assureurs la bonne utilisation des fonds ? Je parle évidemment des dossiers de particuliers. Pour les entreprises, la situation est différente puisqu'elles peuvent décider ou non de reprendre leur activité. On comprendrait mal, en revanche, qu'un particulier qui a reçu une indemnisation pour reconstruire sa maison l'utilise pour acheter une voiture.

Je m'interroge par ailleurs sur le fonds « catastrophes naturelles ». Vous l'avez dit, certaines régions peuvent être frappées par des épisodes climatiques peu communs. Ce week-end encore, un orage de grêle sans précédent a touché la Charente-Maritime et d'autres territoires plus au sud, provoquant la destruction de zones agricoles très importantes.

Je me rappelle un épisode similaire, il y a un an. La grêle ne faisait pas partie des aléas retenus pour les zones concernées, qui n'avaient pas pu bénéficier d'une couverture assurantielle.

N'est-il pas nécessaire aujourd'hui, sur le plan législatif, de faire évoluer le droit et d'élargir le cadre des catastrophes naturelles à tous types d'aléas ? Personne ne peut en effet garantir que tel ou tel aléa ne frappera pas un territoire en 2018.

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Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

Je ne peux malheureusement pas répondre dans le détail à vos deux premières questions, ne disposant pas des statistiques en question. En revanche, je peux vous dire comment se font les indemnisations en général.

Dans un premier temps, sans même savoir si un devis a été effectué, les assureurs versent une avance à leurs assurés pour leur permettre de faire face à l'urgence. L'expertise et l'évaluation des dégâts ont lieu ensuite. Si les dommages sont, par exemple, de 100, nous versons entre 70 et 80 à nos assurés. Les 20 restants ne sont versés que sur factures, c'est-à-dire quand les travaux ont effectivement été réalisés.

Beaucoup de gens ne réalisent pas les travaux et n'envoient pas les factures. Ils prennent les 80 et en font autre chose. Soit ils réparent eux-mêmes et gardent l'argent, soit ils revendent leur maison pour déménager. C'est la liberté de l'assuré, garantie par la loi. Nous ne sommes pas tenus d'imposer une utilisation des indemnisations.

La question s'est néanmoins posée au sujet du risque sécheresse. Lorsqu'après un nouvel épisode de sécheresse, un assureur constate dans la maison d'un particulier les mêmes fissures que celles pour lesquelles une indemnisation a été versée cinq ans auparavant, il ne peut que conclure que les réparations n'ont pas été effectuées. Il serait bon de pouvoir s'assurer que l'argent va réellement servir cette fois-ci à réparer les fissures, mais ce n'est pas possible. Les assureurs n'ont pas réussi à obtenir gain de cause même sur ce sujet. La liberté pour un sinistré de faire ce qu'il veut avec l'argent de son assureur est un principe auquel tient le législateur.

Quant au régime d'assurance des catastrophes naturelles – ce n'est pas un fonds –, il est très encadré et bénéficie d'un dispositif un peu particulier de réassurance, via la CCR et la garantie de l'État. Le législateur a introduit dans son périmètre les événements climatiques caractérisés par « toute intensité anormale d'un agent naturel » en y excluant certains périls.

Ainsi, en métropole, le vent n'est-il pas assuré par le régime d'assurance des catastrophes naturelles. Lorsqu'une tempête survient, elle n'en est donc pas une au sens législatif du terme. S'appliquent alors les assurances classiques, contractuelles, néanmoins obligatoires, puisque tout assureur doit introduire dans les contrats une garantie tempête. Seuls les vents cycloniques en outre-mer rentrent dans le régime d'assurance des catastrophes naturelles.

La grêle et, de manière générale, les dommages aux récoltes non engrangées (inondation, sécheresse), ne rentrent pas non plus dans ce régime. Ils relèvent du régime de l'assurance des récoltes, qui constitue une assurance optionnelle.

Dans le cas des vignobles de Côtes de Blaye, des Côtes de Bourg et de Cognac, qui ont en effet subi de graves dommages le week-end dernier, ce n'est pas le régime d'assurance des catastrophes naturelles qui jouera, mais le contrat d'assurance contre la grêle, si les viticulteurs l'ont souscrit. Il s'agit ici aussi d'une assurance purement optionnelle.

Le choix du législateur a sa logique technique. Le vent est considéré comme un aléa plus aléatoire que l'inondation parce que plus dispersé dans l'espace. On estime par conséquent que le régime d'assurance privée et contractuelle est suffisant pour y faire face. Les trente dernières années l'ont d'ailleurs confirmé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle a été l'implication du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », après le passage de l'ouragan Irma ? À votre avis, faut-il envisager une évolution des textes ?

Et que vous inspire l'absence de prise en compte des mouvements dunaires, confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 avril dernier ?

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Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

À ma connaissance, le fonds Barnier n'a pas été sollicité pour le moment au sujet d'Irma et Maria. Le préfet Gustin s'interroge sur la possibilité d'y recourir pour financer les surcoûts liés à la résilience des reconstructions. D'après la loi, le fonds Barnier peut intervenir si un plan de prévention des risques naturels (PPRN) l'impose. Autrement dit, si un plan de prévention exige qu'un bâtiment réponde à certaines caractéristiques de résilience, l'assureur rembourse sa part à l'identique et les surcoûts de résilience imposés par le plan de prévention peuvent être pris en charge par le fonds Barnier. Je ne sais pas si de telles demandes ont été faites, ni si elles seront juridiquement fondées. Je vous avoue que nous n'avons pas examiné cette question pour l'instant.

Quant au cas de l'immeuble du Signal, puisque c'est ce dont il s'agit, il est en effet exclu, désormais, que le fonds Barnier indemnise les personnes expropriées en raison de l'érosion côtière. Je n'ai pas de commentaire particulier à formuler sur ce sujet, mais j'observe que pour permettre la prise en compte de ce type de péril par le fonds Barnier, il va falloir une fois de plus modifier son périmètre d'intervention. Ce fonds a subi, en vingt ans d'existence, une vingtaine d'élargissements de ses missions. Il faudra bien, à un moment donné, que l'on s'inquiète de son financement, mais c'est un autre sujet.

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Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires de la Fédération française de l'assurance

Permettez-moi une question avant la fin de cette audition. Vous avez évoqué l'évolution du droit. Cette mission d'information pourrait-elle éventuellement déboucher sur une initiative législative ?

Comme vous le savez, la réforme du régime des catastrophes naturelles a été envisagée. S'intéressant tout particulièrement aux questions de prévention, une précédente législature y avait ardemment réfléchi, sous la forme d'un projet de loi en souffrance au Sénat.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nos travaux consistent bien évidemment à évaluer, mais aussi à proposer. Parmi les propositions de la mission d'information, des pistes d'amélioration du droit seront très certainement présentées et, à ce titre, nous aborderons probablement les questions liées au régime des catastrophes naturelles. Notre mission porte toutefois sur un sujet global.

Encore une fois, merci à vous. Nous sommes preneurs de tous les documents écrits complémentaires que vous pourriez nous transmettre.

L'audition s'achève à dix-sept heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 16 heures

Présents. - Mme Claire Guion-Firmin, M. Yannick Haury, Mme Maina Sage

Excusés. - M. Bertrand Bouyx, M. Mansour Kamardine, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Hugues Renson