Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE
Mardi 15 janvier 2019
Présidence de M. Xavier Breton, président de la Mission
La mission d'information de la Conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'examen du rapport.
La réunion débute à dix heures cinq.
Chers collègues, notre mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique s'achève aujourd'hui par la présentation du rapport, dans cette salle qui a été mise à notre disposition par la présidente de la commission des affaires sociales, ce dont je la remercie.
Après mon avant-propos, le rapporteur présentera son travail et nous passerons ensuite à un échange sur les propositions puis au vote. Notre mission d'information ayant été créée par la Conférence des présidents, le vote porte à la fois sur l'adoption du rapport – et donc des recommandations qu'il contient – et sur l'autorisation de publication.
Le cycle de révision de la loi de bioéthique organise des passages obligés désormais bien rodés, justifiés par l'importance des questions suscitées par l'évolution des connaissances scientifiques et des pratiques sociales au regard des sciences de la vie et de la santé : un rapport de l'Agence de la biomédecine, une étude du Conseil d'État, un avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), des États généraux de la bioéthique reposant sur des consultations citoyennes et, pour ce qui concerne le Parlement, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). C'est dans ce cadre que s'inscrit ce rapport d'information par notre mission ad hoc, préalable au dépôt du projet de loi.
La Conférence des présidents a bien voulu, le 12 juin dernier, répondre favorablement à une demande – venant de tous les bancs – de création d'une mission d'information pour bien préparer le débat et nous former sur ces sujets.
Contrainte par un calendrier a priori resserré, la mission d'information a concentré ses travaux sur les mois de septembre et d'octobre et a entendu réserver, dans la mesure du possible, deux temps distincts.
Une première série d'auditions généralistes a permis d'éclairer les contours et les enjeux de la révision à venir. Dans cette perspective, ont notamment été entendus le président du CCNE, la directrice générale de l'Agence de la biomédecine, les principaux maîtres d'oeuvre de l'étude réalisée par le Conseil d'État, des représentants de courants de pensée philosophiques ou religieux. La mission d'information a défini un programme d'auditions visant à l'équilibre et de nature à couvrir l'ensemble des questions, même si, dans les faits, les auditions généralistes ont principalement abordé les sujets – sensibles – liés à la procréation, notamment l'extension de l'assistance médicale à la procréation (AMP) et la gestation pour autrui (GPA). À chacune des révisions de la loi, il y a toujours un sujet qui focalise l'attention. La dernière fois, il s'agissait de la recherche sur l'embryon. Cependant, la qualité et l'exhaustivité des très nombreuses contributions remises à la mission ont permis de l'éclairer sur toutes les questions de bioéthique.
La seconde série d'auditions a visé à aborder de manière approfondie des thèmes plus circonscrits : santé et environnement, diagnostics prénatal et préimplantatoire, tests génétiques, recherches sur l'embryon, accès aux origines personnelles, intelligence artificielle. Rassemblant des chercheurs, des praticiens, des juristes et des représentants d'associations, ces auditions ont été l'occasion de présenter aux parlementaires des éclairages variés sur des sujets qui ne l'étaient pas moins.
Le bilan de ces quelque soixante-cinq auditions est positif. Votre participation a été très active et je vous en remercie, d'autant que la période automnale mobilise l'investissement des parlementaires autour de l'examen des budgets de l'État et de la sécurité sociale, textes particulièrement chronophages. Les échanges ont été denses et approfondis, donc utiles. Chaque parlementaire ou personne auditionnée a eu l'occasion d'exprimer ses points de vue, ses doutes et ses interrogations dans un climat de sérénité et de courtoisie rarement démenti. L'objectif de la mission d'information, consistant à éclairer le législateur, peut être considéré comme rempli.
L'exercice s'achève avec la présentation du rapport qui traite des principaux thèmes abordés lors de la révision de la loi de bioéthique. Il fournit plusieurs clefs de lecture puisque, pour chacun des thèmes, figure, à côté de l'indispensable rappel du cadre législatif et des évolutions opérées au fil des révisions, une synthèse des enjeux et des points de vue qui prend appui sur les auditions ou la lecture de documents.
Le rapporteur a souhaité avancer plusieurs propositions qui, si elles devaient être adoptées, conduiraient à de profondes évolutions pour notre droit de la bioéthique et, plus largement, pour notre société. J'ai considéré que, dans ma fonction de président et malgré mes désaccords connus sur ces propositions, il ne m'appartenait pas d'intervenir sur leur contenu. Chaque membre de la mission, comme d'ailleurs chaque parlementaire, pourra donc en prendre connaissance et en discuter les termes et la portée.
Le dépôt du projet de loi sera l'occasion de débattre des choix du Gouvernement en matière de bioéthique. Les divergences d'approche – normales sur des sujets aussi complexes – seront alors abordées, exprimées, discutées, débattues. Ce rapport pourra constituer la toile de fond des débats parlementaires. Il recèle nombre d'éléments permettant de nourrir les échanges et mérite donc d'être lu avec une particulière attention par les membres de la mission mais aussi par tous les parlementaires et ceux qui s'intéressent à ces questions de bioéthique.
Avant de lui donner la parole, je voudrais remercier notre rapporteur pour la qualité de notre collaboration à l'occasion de cette mission d'information. Malgré nos divergences d'appréciation connues, nous avons conduit nos travaux en bonne intelligence. Je réitère mes remerciements aux membres de la mission pour leur présence et la qualité de leurs interventions. Je remercie aussi les services de l'Assemblée pour leur accompagnement et leurs éclairages très utiles pour l'organisation et le déroulement de nos travaux.
Merci, monsieur le président. Je vais essayer de résumer ce volumineux rapport pour laisser le plus de place possible à nos échanges.
Avant cela, je voudrais adresser des remerciements très chaleureux aux administrateurs dont le travail a été important et exemplaire.
Je voudrais vous remercier vous aussi, mesdames et messieurs les députés, pour avoir été assidus à ces nombreuses réunions et pour avoir enrichi le débat, dans un délai contraint de deux mois et à un moment où d'autres textes importants étaient en débat dans l'hémicycle et dans les différentes commissions. Vous avez su trouver le moyen de maintenir votre participation à nos travaux. Je voudrais remercier toutes les personnes auditionnées, même si elles ne sont pas présentes. Nous leur transmettrons nos chaleureux remerciements en même temps que le rapport parce que c'est grâce à elles que nous avons pu avoir un débat aussi riche et précis.
Enfin, last but not least, j'adresse un immense remerciement à notre président, M. Xavier Breton. Cela a été un privilège et un plaisir de travailler sous sa présidence. En dépit de légitimes différences de point de vue, nous ne nous sommes jamais départis d'une grande courtoisie, d'une grande compréhension et d'une ouverture d'esprit. Sans se dire d'emblée que celui qui a une opinion différente se trompe, il faut d'abord essayer de comprendre le cheminement de sa pensée et ce qui le conduit à défendre son point de vue. L'exercice a été extrêmement fructueux. J'ai l'impression que nous avons tous évolué depuis le début de cette mission. Je remercie le président d'en avoir demandé la création. Mes idées ont évolué, les aspérités se sont gommées, ma compréhension des différents points de vue – y compris de ceux qui sont les plus éloignés des miens – est meilleure. À cet égard, la mission a rempli son office.
L'exercice est difficile parce que nous devons avancer, pressés par la demande de nos concitoyens qui observent les évolutions médicales et scientifiques dans les autres pays. Il faut les entendre mais ne pas tout accorder, car certaines choses mettraient en péril nos valeurs fondamentales. Nous constatons tous que la voie est étroite entre la frilosité excessive et la témérité. Il existe néanmoins plusieurs réponses possibles dans le cadre de cette éthique du juste milieu. Aux débuts de la bioéthique, lors de l'adoption du code de Nuremberg, il fallait trier entre le bien et le mal. À l'époque, les expérimentations sur des humains, contre leur gré, représentaient le mal. Les horreurs perpétrées par les médecins nazis étaient le mal. À présent, pour la majorité des questions que nous nous posons, il s'agit de choisir entre plusieurs représentations du bien. Si nous en sommes convaincus, nous parviendrons à comprendre que chacun d'entre nous, ici, est animé de la même volonté de faire prévaloir une vision du bien.
Prenons l'exemple le plus emblématique : l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules ou homosexuelles. D'aucuns trouvent injuste que la PMA ne soit accessible qu'aux seuls couples hétérosexuels. Les femmes homosexuelles ont le droit de se marier et d'adopter, c'est-à-dire d'élever des enfants. Pourquoi n'auraient-elles pas le droit de faire des enfants pour les élever ? Pour une question d'égalité, certains estiment donc qu'il faudrait étendre le droit d'accès à la PMA. C'est un point de vue, une vision du bien. Même si c'est aussi mon point de vue, je comprends que d'autres ne le partagent pas et considèrent que cela reviendrait à organiser des naissances d'enfants volontairement dépourvus de père. Est-ce que cela va engendrer des conséquences ? La question est légitime ; c'est une vision du bien. Même si les nombreuses études montrent toutes que les conséquences ne sont pas redoutables, je peux comprendre que chacun ait sa propre idée du bien. Nos débats servent déjà à nous comprendre mutuellement. Il faudra ensuite choisir mais permettez-moi de redire à quel point je suis tout à fait respectueux des autres points de vue. Une fois encore, je remercie le président d'avoir eu cette même attitude de compréhension et de respect.
J'en viens au contenu de ce rapport de 300 pages, qui a été élaboré en guère plus de deux mois, au terme de soixante-quatre réunions représentant quatre-vingt-dix heures d'auditions – plus de 150 personnes ont été reçues – sans compter les nombreuses contributions écrites. Il en résulte soixante propositions. Il reviendra au Gouvernement – et plus particulièrement à la ministre des solidarités et de la santé, à la ministre de la justice et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation – de décider du texte qui nous sera soumis dans quelques mois. Ces propositions sont le fruit de notre réflexion mais, comme l'a dit notre président, elles ne reflètent pas les positions de tous les membres de notre mission. C'est ce que j'ai essayé de présenter en tant que rapporteur.
Treize propositions ont trait à la procréation, un sujet dont l'importance a conduit certains médias à réduire tout le projet de révision à ce seul thème. Malgré son importance, ce sujet est loin d'être l'alpha et l'oméga de la bioéthique et il ne donne lieu qu'à treize propositions sur soixante. Le rapport préconise d'ouvrir l'assistance médicale à la procréation (AMP), y compris post mortem, aux couples de femmes et aux femmes seules. Il est donc proposé de lever l'interdiction de la procréation post mortem, qu'il s'agisse d'insémination ou de transfert d'embryon.
L'une des propositions vise à permettre aux personnes conçues à partir d'un don de gamètes ou d'embryon – c'est-à-dire à chaque fois qu'il y a un tiers donneur – d'accéder à leurs origines. À ces personnes, il faut ajouter celles dont la mère a accouché sous X. Il est proposé de faire évoluer notre droit dans tous ces cas. La ministre de la justice aura à définir les conditions de filiation. Dans nos réflexions, nous avons été animés par l'intérêt prioritaire de l'enfant qui prime sur les autres considérations telles que le maintien du secret ou la préservation de la connaissance sur l'infertilité de l'un ou l'autre des parents.
Tous les enfants nés avec un tiers donneur doivent avoir les mêmes droits, les mêmes conditions de filiation et d'accès au droit. Il ne doit pas y avoir de différences, que les enfants soient nés dans un couple homosexuel ou hétérosexuel. Il est même proposé d'étendre ces mesures aux enfants nés de GPA à l'étranger pour qu'il n'y ait pas de discrimination envers des enfants qui n'ont pas choisi leur mode de procréation. Ces enfants n'ont pas à être pris en otage par ceux qui voudraient pénaliser les parents d'avoir choisi une pratique interdite en France mais autorisée à l'étranger. Dans ces conditions, ils auraient accès à la transposition en France des conditions de filiation reconnues à l'étranger. Les parents d'intention deviendraient directement les parents sans qu'il y ait de risque pour les enfants.
Il est préconisé d'accompagner ces mesures d'un plan de lutte contre l'infertilité, qui progresse chez les femmes et encore plus chez les hommes pour des raisons environnementales et autres. Elle progresse aussi par méconnaissance de l'horloge biologique qui est très sévère avec les femmes. Il y a une injustice biologique. Les femmes ont l'avantage de vivre plus longtemps que les hommes mais l'inconvénient d'avoir une période de fertilité plus courte que la leur. C'est ainsi. Les jeunes femmes doivent en avoir conscience mais les jeunes hommes aussi car, bien souvent, ils sont la cause du retard de la première naissance. Il arrive que les hommes mûrissent moins vite que les femmes. Quoi qu'il en soit, les uns et les autres doivent comprendre que le moment optimal pour créer une famille, c'est tôt. La fertilité de la femme est précoce. Bien sûr, certaines femmes n'ont toujours pas trouvé leur prince charmant à plus de trente ans.
Vous êtes pessimiste, vous m'enlevez mes illusions, vous me jugez naïf ! (Sourires.) Disons alors qu'à plus de trente ans, certaines femmes n'ont pas encore trouvé le compagnon de leur vie. Comme elles peuvent utiliser la contraception, elles n'ont pas d'enfants par hasard. Elles attendent, elles attendent. À trente-cinq ans, elles attendent encore alors que leur fertilité continue à décroître et devient dangereusement basse. Quand c'est légitime et dans des conditions encadrées, elles pourront conserver leurs ovocytes si les propositions du rapport sont suivies. Elles pourront ainsi enfanter avec des ovocytes de trente ans même si elles ont trente-six ans. Leurs chances seront meilleures, même si ce ne sont que des chances et jamais des certitudes. Il faut, bien sûr, un encadrement. Il ne faut pas que ce soit un prétexte pour je ne sais quelle personne qui travaille chez Google ou ailleurs, ou pour telle sportive ou telle actrice de cinéma de retarder de façon indue et pas forcément légitime la date de sa procréation. Les conditions devront être encadrées sur le plan d'un choix médicalement approuvé.
L'une des propositions est relative à la prise en charge médicale des personnes qui présentent des variations du développement sexuel et vise à les faire participer au choix de leur orientation sexuelle.
Cinq propositions concernent l'embryon. Il est ainsi proposé d'autoriser les recherches sur les cellules germinales portant sur les embryons qui ne feront jamais l'objet d'un transfert in utero, qui sont en quelque sorte surnuméraires, quand les parents l'autorisent. Ces recherches pourraient permettent, par exemple, de réduire les nombreux cas d'échec de la fécondation in vitro (FIV). Ces échecs multiples sont la première cause de l'existence de ces nombreux embryons surnuméraires. Sachant que la FIV ne réussit que dans un cas sur quatre, on produit beaucoup d'embryons pour pouvoir refaire la tentative si nécessaire. Si le taux de succès de la FIV s'améliore, on n'aura pas besoin de produire autant d'embryons surnuméraires, qui sont congelés pendant des années avant d'être détruits.
D'autres propositions portent sur l'utilisation des lignées de cellules souches embryonnaires. Il s'agit de faciliter le travail des chercheurs et des médecins en évitant des tracasseries juridiques ou administratives sans pour autant se passer de l'encadrement et de l'autorisation des experts de l'Agence de la biomédecine.
Huit propositions concernent la médecine génomique et les tests génétiques, un domaine moins mis en avant dans les médias mais qui est pourtant très important pour l'avenir. Nous sommes à un tournant de l'application de la génétique. En France, il n'est permis d'effectuer des tests génétiques que dans des indications médicales étroitement définies. En réalité, chacun peut faire réaliser de tels tests en envoyant un petit échantillon à l'étranger. Pour 50 ou 60 euros, on lui donnera tout son génome, ses prédispositions à telle ou telle maladie, ses conditions de paternité et un tas d'autres choses. Les deux solutions extrêmes sont également dangereuses : il n'est plus tenable d'en rester aux actuels interdits ; il serait dangereux de tout autoriser sans encadrement.
Il est proposé d'avancer en utilisant les moyens de la génétique actuelle et notamment d'étendre le diagnostic néonatal. La France est l'un des pays développés qui ont le moins recours au diagnostic néonatal : quatre maladies seulement contre une vingtaine dans la plupart des pays qui nous entourent, de la Suède à l'Angleterre en passant par la Belgique et l'Allemagne. Il nous faut évoluer vers le diagnostic de ces maladies qui, lorsqu'elles sont prises en charge très précocement à la naissance, ont un pronostic bien meilleur que si l'on attend un diagnostic tardif. Il est important que ces diagnostics soient effectués dès la naissance avec l'aide de la génétique moderne.
En cas de connaissance d'une maladie dans la famille, des diagnostics prénataux permettent de préconiser des interruptions thérapeutiques de grossesse (ITG) mais aussi des traitements. Il est possible de faire des greffes de cellules souches ou d'autres cellules sur des foetus pour lesquels le diagnostic a été effectué. Il est possible de faire des interventions chirurgicales sur des foetus qui sont ensuite réimplantés dans l'utérus. Le temps de l'opération, le chirurgien ouvre l'utérus et la cavité amniotique. Mais il faut que le diagnostic soit effectué pour que les enfants bénéficient de ces possibilités.
L'une des propositions est relative au dépistage préconceptionnel pour savoir si deux personnes peuvent transmettre une maladie par leurs gènes. Si la réponse est positive, leurs enfants seront porteurs de la maladie dans un quart des cas. Dans le cadre d'une FIV, il sera alors possible d'écarter le quart des embryons porteurs de la maladie et donc de prévenir un nombre notable d'interruptions de grossesse. À défaut d'être préconceptionnel, le diagnostic est effectué une fois que le foetus est développé, et l'on est amené à pratiquer des interruptions de grossesse parfois tardives et qui présentent des difficultés.
Une autre proposition vise à étendre les indications du diagnostic préimplantatoire à la recherche des aneuploïdies. Lors de nos auditions, il a été question de ces cas où la recherche a porté sur une maladie génétique connue dans la famille. En l'absence du gène recherché, la grossesse est allée à son terme et l'enfant est né avec une trisomie 21. Si l'on fait une recherche, elle ne doit pas porter sur un seul gène mais elle doit être complète et s'étendre aux anomalies chromosomiques.
Treize propositions sont développées en matière de dons des éléments et produits du corps humain. En lien avec le dossier de l'AMP, il faudra lancer des campagnes en faveur des dons de gamètes. Avec l'extension de la PMA et la demande faite aux donneurs de gamètes d'accepter de donner des informations qui seront transmises à l'enfant à naître, la pénurie actuelle va s'aggraver. En France, très peu d'hommes ont été sollicités pour donner des spermatozoïdes. On est tous sollicités pour donner notre sang. Pourquoi ne pas faire le même type de campagne en faveur du don de gamètes afin de résorber ce déficit considérable ? Le déficit de gamètes masculins devrait pouvoir être résorbé par des campagnes de promotion, de même que le déficit en ovocytes serait en partie résorbé par l'autorisation donnée à l'autoconservation des ovocytes, par vitrification. Tous les ovocytes surnuméraires, non utilisés par la femme pour fonder sa propre famille, seraient donnés à d'autres personnes.
J'en viens aux dons d'organes pour les greffes. Pour la première fois depuis longtemps, le nombre de transplantations a baissé en France en 2018 alors que l'objectif du plan greffe était de le faire croître de manière très significative à l'horizon 2020 ou 2021. Nous n'atteindrons sûrement pas l'objectif si nous continuons sur cette pente décroissante. Il est donc nécessaire d'agir à tous les niveaux pour favoriser les dons d'organes par des donneurs vivants, notamment pour les transplantations rénales, alors que nous constatons une diminution.
En ce qui concerne les donneurs vivants, il est préconisé d'étendre les possibilités dans le cadre de ce que l'on appelle la « chaîne des dons » : cela permet de donner pour une famille, laquelle donne ensuite pour une autre, etc. Chacun peut alors bénéficier d'un don, même en l'absence de compatibilité au sein d'une même famille. S'agissant des transplantations à partir de donneurs décédés, je propose d'approfondir la formation des équipes qui rencontrent les familles. Nous avons en effet un retard par rapport à d'autres pays, y compris l'Espagne et l'Italie, qui ont de bien meilleures campagnes de prélèvement d'organes grâce à une formation approfondie. Il est important que nous fassions de même, y compris par l'instauration d'un diplôme qui reconnaîtrait cette spécialité. Il s'agit d'obtenir une progression satisfaisante des transplantations – de nombreux malades meurent alors qu'ils sont inscrits sur une liste d'attente.
Le rapport contient aussi treize propositions relatives à l'intelligence artificielle. Ce sujet, qui n'a pas été traité jusqu'à présent, sera probablement prioritaire dans les réflexions à venir dans le domaine de la bioéthique. L'intelligence artificielle va bientôt pénétrer toute notre vie, y compris dans le domaine de la santé. Nous ne sommes certainement pas encore assez mûrs pour prendre toutes les décisions nécessaires, mais il est très important de commencer à réfléchir à ce qu'il faudrait faire. On peut disposer dès aujourd'hui de robots affectifs, voire de robots sexuels. Certaines personnes peuvent s'isoler sur le plan social en ne recourant plus qu'à des services de robots, au lieu d'avoir des relations humaines. Il serait dramatique que l'humanité évolue ainsi. Mais il faut aussi se prémunir du risque de perte de confidentialité de nos données de santé, et du risque d'une utilisation inopportune des algorithmes. Il faut savoir ce que l'on doit faire lorsque les algorithmes induisent des effets néfastes ou des erreurs : qui est responsable ? Tout cela doit être codifié. Mais l'avenir de la bioéthique dans ce domaine ne se réduit pas aux treize propositions qui vous sont soumises. Il faudrait aussi créer un comité d'éthique ad hoc, pour l'intelligence artificielle et le numérique, qui serait « cocooné » par le Comité consultatif national d'éthique avant de voler de ses propres ailes. Cela me paraît très important pour l'avenir.
Il y a aussi quelques propositions concernant la fabrique de la loi de bioéthique. En accord avec le président et beaucoup d'autres membres de la mission d'information, j'estime qu'il est nécessaire de franchir une étape supplémentaire en ne se contentant plus d'organiser une révision périodique, même si elle reste importante – nous proposons d'ailleurs qu'elle ait désormais lieu tous les cinq ans, au lieu de sept ans. Il faudrait en fait se doter d'une délégation permanente afin que ces questions fassent l'objet de débats réguliers : chaque année, un rapport serait adopté dans le cadre de l'Assemblée nationale sur les progrès médicaux et scientifiques qui posent des questions sur le plan éthique et sur l'évaluation des dispositions en vigueur – des propositions seraient alors soumises au Gouvernement.
Ce sont des modifications substantielles : comme le président de la mission d'information l'a dit, elles sont probablement plus importantes que celles issues des précédentes révisions de la loi de bioéthique. Ce n'est pas par volonté personnelle, mais parce que nous sommes désormais nourris par l'expérience d'autres pays. Ces questions demandent des arbitrages et il peut y avoir des évolutions. Nous devons nous prononcer sans avoir peur d'avancer et sans perdre de vue les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Pour résumer cette façon de faire évoluer la loi de bioéthique à la française, je rappelle que nous sommes à l'origine moins permissifs que d'autres pays, notamment anglo-saxons, et plus encore asiatiques, car nous avons adopté un encadrement plus fort et davantage d'interdictions. Nous nous sommes ainsi protégés dans des domaines où nous avions peur de nous aventurer. En fonction de l'évolution des connaissances et de l'analyse des possibilités et de leurs conséquences, dans le cadre des sciences dures mais aussi des sciences humaines et sociales, nous pouvons ensuite décider quels sont les interdits qu'il est possible de lever sans danger, pour permettre à des gens de bénéficier de progrès sans prendre de risques. Avec cette prudence qui nous caractérise, nous pouvons aujourd'hui proposer des avancées sans nous départir de la volonté de préserver les fondements de nos valeurs. Je sais que les priorités peuvent varier, en ce qu'elles sont basées sur des philosophies différentes : nous aurons à en débattre en commission et dans l'hémicycle, le moment venu.
Voilà ce que je voulais vous dire, mes chers collègues, au risque de survoler un peu le projet de rapport. Je suis évidemment prêt à répondre à toutes les questions et à participer avec vous à la réflexion.
Je tiens à souligner que nos travaux ont lieu ce matin à huis clos, de manière à assurer la sérénité de nos échanges, mais qu'ils feront l'objet d'un compte rendu. Il sera joint à ceux des différentes auditions et tables rondes que nous avons organisées.
Le rapporteur a dit que la grande question consiste à savoir où est le bien et au nom de quoi on est pour telle ou telle mesure. Dans la plupart de vos propositions, je pense que vous avez plutôt privilégié l'intérêt de l'enfant, comme vous l'avez indiqué, mais pas systématiquement, me semble-t-il.
En ce qui concerne la première partie, intitulée « Procréation et société », il y a un volet que l'on n'a pas assez approfondi : c'est le statut des donneurs de gamètes, qui est un point important. Si l'on suit vos propositions, y aura-t-il une augmentation ou une baisse des dons avec la levée de l'anonymat ? On m'a expliqué que c'est plutôt une hausse qui se produira, alors que beaucoup de gens pensent le contraire. Je suis favorable à la proposition que vous faites, mais cela pose quand même un problème : celui de savoir comment l'enfant découvre qu'il est issu d'une PMA. Certains parents le disent, d'autres non. C'est aussi un sujet sur lequel il faut travailler, à mon avis.
Je suis personnellement hostile à l'AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, au nom de l'intérêt de l'enfant, mais l'existence de législations absolument pas coordonnées en Europe et au plan mondial fait que l'on peut adopter les lois qu'on veut en France mais que cela ne change pas les comportements. Il faudrait réfléchir à la limite que connaît le législateur dans ces domaines : les règles que nous établissons ont-elles encore une portée, ou bien essaie-t-on seulement de limiter un peu les choses, en sachant très bien ce qui se passera ? Je crois être le plus vieux dans cette salle, non par l'âge mais sur le plan de la durée des mandats : j'ai connu toutes les lois de bioéthique, et je suis frappé par leur grande évolution. Même si l'on freine en droit français, qui est resté un peu atypique par rapport au droit anglo-saxon, on se dirige en fait vers le même schéma.
Nous n'avons pas non plus approfondi la question des embryons surnuméraires, qui a fait l'objet d'un très grand débat. La situation est très bizarre, car nous avons voulu établir un non-statut en renvoyant la question à plus tard. Or ce que vous nous proposez ne tranche pas vraiment…
La deuxième partie du rapport concerne une question très délicate – j'ai connu des cas. Certains disent qu'il ne faut pas attendre trop longtemps pour réduire les variations du développement sexuel. Mais associer l'enfant est très difficile si des interventions ont lieu assez tôt. Peut-on attendre qu'il ait 14 ou 15 ans, ou faut-il intervenir plus rapidement ?
En ce qui concerne les recherches impliquant l'embryon, je trouve que le rapporteur est trop libéral. On voit la pression qui existe pour « libérer la science ». Des scientifiques nous disent : « Laissez-nous définir nous-mêmes nos critères ; pourquoi le législateur intervient-il ? » J'ai toujours une crainte, ou plutôt une certitude, car j'ai des amis qui travaillent dans ces domaines : la tentation de manipuler des embryons existe. Autant je vous suivrai assez largement en ce qui concerne les cellules souches, autant je trouve que la question du statut juridique se pose à propos de l'embryon, une fois de plus. Vous n'abordez pas trop cette question de fond.
S'agissant de la médecine génomique et des tests génétiques, j'ai dit tout à l'heure à ma voisine que vos propositions ne sont pas très romantiques. (Sourires.) Je m'explique : le risque de dérive serait de n'accepter des relations qu'après avoir pris connaissance de la carte génomique de l'autre, même si je caricature un peu. Est-ce le « meilleur des mondes » ou au contraire un monde cauchemardesque ? Vous avez posé la question de l'endroit où il faut mettre le curseur, entre un libéralisme absolu d'un côté et une interdiction absolue de l'autre.
Quant au don des éléments et des produits du corps humain, je suis assez d'accord avec vos propositions. Faisons simplement attention à respecter la liberté de chaque être, à laquelle j'ai toujours été très attaché : on ne doit pas faire des prélèvements sur des personnes qui ne l'ont pas explicitement accepté préalablement à leur mort, à moins que la famille ne soit d'accord. On peut rétorquer que cela réduit les prélèvements, mais dans ce cas il faut faire évoluer les esprits en expliquant bien que chacun d'entre nous peut donner, à sa mort, une partie de son corps s'il est encore en état.
La partie relative à l'intelligence artificielle est intéressante, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin sur le plan de l'autorisation préalable. Tous les systèmes informatiques que l'on présente comme inviolables sont violés. Si l'on ne pose pas le principe que l'on ne doit pas exploiter des données de santé sans une autorisation préalable, on ira vers des catastrophes dans ce domaine, comme dans d'autres, d'ailleurs.
À propos du dernier volet du projet de rapport, je ne sais pas s'il faut que l'on descende à cinq ans en ce qui concerne la révision de la loi de bioéthique. La technique évolue très vite, c'est vrai, mais on a quand même besoin d'un peu de stabilité juridique. Si l'on change certaines règles tous les cinq ans, elles seront à peine comprises qu'elles bougeront déjà. Je serais donc pour une durée de dix ans, ou comprise entre dix et cinq ans. J'ajoute que l'espérance de vie d'un député est d'un mandat et demi.
Pardonnez-moi si j'ai été un peu long.
Je tiens à vous remercier, monsieur le président et monsieur le rapporteur : comme vous l'avez dit, tout le monde a pu être entendu – un nombre impressionnant d'auditions ont ainsi été organisées – et le débat a pu avoir lieu. Les questions ont pu être posées, parfois dans le cadre de séances s'éternisant au point de nous empêcher de manger (Sourires) – mais ce n'était pas grave, car cela nous a permis d'aller jusqu'au bout. La parole a été libre, et je crois que nous avons pu réaliser un travail de qualité.
Dans un contexte marqué par une urgence économique et sociale, la bioéthique ne doit absolument pas être laissée de côté : il est bon que ce rapport soit adopté aujourd'hui, car ce sont des sujets qui nous concernent tous – il y va de nos familles, de notre santé et de la société que nous pouvons construire ensemble. C'est pourquoi nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur ces sujets, et il faut impérativement continuer à le faire. Une nouvelle loi de bioéthique doit être adoptée dans un délai raisonnable – je crois que c'est prévu avant la coupure de cet été, ce qui est une bonne chose.
Nous nous sommes placés au carrefour du droit, de la philosophie et de la science. Moi qui suis membre de la commission des lois et juriste, j'ai parfois assisté à des auditions auxquelles je ne comprenais pas grand-chose, mais qui ont ouvert de nouveaux horizons. Nous avons eu des auditions très techniques, sur le plan juridique et médical, et nous avons également été confrontés à des situations personnelles réelles.
On a vu les membres de cette mission d'information évoluer – vous l'avez souligné en ce qui vous concerne, monsieur le rapporteur. Le fait d'être confronté à des situations familiales et personnelles réelles conduit, en effet, à s'interroger et parfois à bouger, ce qui est heureux. La bioéthique ne se résume pas à des postures idéologiques sur lesquelles on s'arc-boute : c'est aussi être confronté au réel, au vécu.
Quand on entend des couples de femmes expliquer l'insécurité de leur famille, compte tenu des liens de filiation existants, on comprend la situation d'une mère « sociale » qui élève au quotidien son enfant mais n'a pas de droits à son égard, et on se dit qu'il faut apporter une réponse. Face aux alertes sur des recherches qui pourraient confiner à de l'eugénisme, on voit aussi qu'il y a une différence entre des recherches visant à éviter des pathologies graves pour des enfants à venir et celles de chercheurs fous qui voudraient nous proposer une humanité sans défaut, parfaite. C'est pour ça qu'il était important que des médecins viennent nous parler de cas réels et concrets.
Le débat à venir devra être de la même qualité. Il faudra entendre des techniciens du droit et de la science, et toujours parler d'humain, de cas personnels – d'enfants, de familles, de gens, de vécu… C'est ainsi que nous arriverons à légiférer dans les meilleures conditions.
Comme nous avons beaucoup travaillé, je n'ai pas de questions complémentaires à poser. Je voudrais seulement vous féliciter et vous remercier à nouveau.
Nous l'avons beaucoup entendu, et nous l'avons aussi beaucoup dit : la famille revêt aujourd'hui des aspects protéiformes. Il s'agit de trouver des solutions pour adapter la loi et les capacités médicales à cette réalité. Je me suis principalement intéressée à l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, à l'établissement d'un lien de filiation pour garantir la sécurité de toutes les familles et à l'accès aux origines pour les personnes nées de dons de gamètes : sur ces différents points, les propositions qui nous sont faites me paraissent tout à fait satisfaisantes et je voterai évidemment en faveur du rapport, sans aucune réserve.
Je m'associe aux remerciements : cette mission a été menée brillamment et toujours avec beaucoup de respect. Je reste habitée par des questions philosophiques et guidée par l'intérêt de l'enfant à chaque fois que je m'interroge sur ces sujets. En tant qu'éducatrice, j'ai trop souvent vu les enfants trinquer à cause des désirs des adultes.
Ce rapport m'interpelle. Je l'ai reçu vendredi soir, ce qui laissait en réalité deux nuits pour lire les 300 pages qui nous ont été adressées – quand on a 173 communes dans sa circonscription, on assiste à des cérémonies des voeux tout le week-end, et il ne reste donc que la nuit pour lire un tel rapport. J'ai été très admirative de son contenu, mais aussi et surtout très étonnée : j'avoue que je ne m'attendais pas à ça. Pour moi, mais c'est sûrement à tort, un rapport vise à « rapporter ». Je pensais que seraient rapportées là toutes les auditions que nous avons eues, un peu comme le fait un compte rendu, pour informer tous ceux qui n'ont pas pu assister aux différentes auditions.
Lorsque nous avons reçu quatre juristes, par exemple, je me souviens que deux d'entre eux ont dit qu'il fallait avancer dans le domaine de la filiation, que ce n'était rien du tout comme modification de la loi, alors que les deux autres expliquaient qu'il ne fallait surtout pas toucher à ce pan du droit. Voilà le genre de choses que je pensais voir apparaître dans le rapport. L'idée aurait été d'informer sur les prises de position des uns et des autres – c'était généralement « 50-50 », aussi bien chez les biologistes que chez les juristes ou les philosophes. Or ce n'est pas ce que j'ai vu dans le rapport, et son contenu m'étonne donc un peu. En même temps, il est admirable – c'est une thèse. Je ne m'attendais pas du tout à ça, mais bravo !
Je voudrais saluer, à mon tour, la qualité des travaux qui ont été menés : ils ont été extrêmement exigeants, et ils sont assez fidèlement retranscrits dans le rapport, à mon avis.
Sur les soixante propositions qui nous sont faites, treize concernent la PMA – son extension aux couples de femmes et aux femmes célibataires, la prise en charge par la sécurité sociale du recours à cette pratique, l'instauration d'un mode de filiation unique ou encore la reconnaissance des enfants issus d'une GPA à l'étranger. J'ai la conviction que l'ensemble de ces propositions constitueront des avancées majeures pour l'égalité et les droits des femmes, et je tiens à vous en remercier vivement, monsieur le rapporteur.
L'enjeu primordial de cette mission d'information était de s'appuyer sur la connaissance et le savoir. Même si la connaissance a pu être malmenée à la marge, parfois, je tiens à souligner la très bonne manière dont nos travaux ont été conduits et à adresser tous mes remerciements à notre président, Xavier Breton, qui a su nous réunir au-delà des dissensions politiques et de l'impossibilité d'arriver à un consensus sur certains sujets, y compris lorsque les interventions et les débats ont commencé à s'animer. Je voudrais donc saluer non seulement le sérieux mais aussi le tact avec lequel nos travaux ont été dirigés.
J'ai seulement une question – ou plutôt une remarque. Elle concerne le recours à la PMA pour les hommes transgenres. J'aimerais vous entendre sur ce sujet qui n'est pas mentionné dans le rapport.
En ce qui concerne les délais, il est vrai que l'exercice a été compliqué. On peut considérer que le rapport a été envoyé un peu tard, mais nous avons quand même eu quatre nuits (Sourires) pour le lire. C'est davantage que pour certains rapports d'information qui sont déposés sur table le jour même de leur présentation. Comme le rapporteur l'a dit dans son propos introductif, les services ont été mobilisés de manière intensive, en particulier pendant la période de rédaction du rapport : ils ont fait le maximum et, de toute façon, on n'a jamais assez de temps sur de tels sujets. Nous en aurons, en revanche, pour débattre dans les semaines qui viennent. Ce sont des sujets qu'il faut approfondir, et nous aurons l'occasion de le faire. Trois jours de plus auraient sans doute été bienvenus, mais je crois que le délai permettait à chacun de prendre une première connaissance du rapport.
Vous avez été plusieurs à évoquer la prise en compte de l'intérêt de l'enfant. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Il y a des sujets sur lesquels nous serons tous parfaitement en phase, dans la mesure où l'intérêt de l'enfant impose de lui accorder certains droits dont il a été en partie privé jusqu'à présent. En ce qui concerne son information, je crois que la grande majorité d'entre nous est d'accord pour dire que les temps passés sont révolus. Nous ne les jugeons pas, puisqu'il y avait alors d'autres impératifs, mais le secret dont on a voulu entourer le don de spermatozoïdes n'est plus adapté au monde moderne : les enfants, une fois arrivés à l'âge adulte, parviendront de toute manière à trouver le donneur, s'ils cherchent bien, et les dispositions actuelles ne correspondent pas au besoin de transparence de notre société moderne. Nous sommes d'accord pour dire que l'intérêt de l'enfant est d'avoir accès à des informations sur ses origines et parfois même de pouvoir rencontrer le donneur, si ce dernier le souhaite aussi.
Il y a aussi des sujets pour lesquels il existe plusieurs visions de l'intérêt de l'enfant, et je respecte tous les points de vue. Je comprends que certains puissent affirmer que l'intérêt de l'enfant est d'avoir un père, une mère, des frères et des soeurs, etc. Cela peut se concevoir. D'autres diront, et des études vont en ce sens – les avis sont donc difficiles à départager – que l'intérêt de l'enfant est d'avoir été désiré, d'être aimé, d'être l'objet d'attentions et d'avoir une éducation lui permettant d'atteindre l'âge adulte – il est théoriquement fixé à 18 ans, mais le rôle des parents se prolonge bien au-delà. C'est un engagement très fort, à vie, d'être un parent. Érasme disait d'ailleurs que c'est une folie pour les femmes de s'embarquer dans une telle aventure – un plaisir furtif avec des conséquences qui le sont moins…
Être parent, c'est aussi merveilleux, formidable, et il est assez désagréable de constater que certaines personnes sont empêchées par la nature de le devenir. Quoi qu'il en soit, l'intérêt de l'enfant doit toujours être préservé. Il ne saurait être soumis à des règles qui soient objectivement à son détriment. Pour le reste, on peut avoir des points de vue différents. Il faut savoir l'accepter, tout comme il faut accepter l'idée que l'autre puisse défendre lui aussi les intérêts des enfants en disant qu'ils doivent avoir tous les atouts que j'ai évoqués.
En ce qui concerne le statut des donneurs de gamètes, vous avez raison : c'est très important. Je précise donc qu'il est recommandé dans le rapport qu'un suivi soit organisé. Il n'y a pas suffisamment de suivi et de traçabilité des donneurs de gamètes, de même, d'ailleurs, que des donneurs de cellules hématopoïétiques ou des donneurs d'organes. La même remarque vaut également pour les receveurs.
Il faut que les enfants nés grâce à un tiers donneur soient suivis jusqu'à l'âge adulte, et même au-delà, pour que nous sachions si se révèlent des problèmes que nous n'avions pas anticipés. Les parents – je veux parler de ceux qui élèvent l'enfant : « Le père, c'est celui qui aime », disait Pagnol – doivent eux aussi être suivis quand ils ont bénéficié d'un don. En effet, des interrogations peuvent surgir dans la famille, et l'enfant lui-même peut mettre ses parents en cause : « Moi, je n'ai rien demandé. Vous m'avez fait naître, mais ce n'est pas moi qui l'ai voulu. » Quand il y a, de surcroît, le concours d'un tiers, cela peut être encore plus compliqué. Selon moi, les familles doivent donc être suivies par des psychologues spécialisés, et il convient de mettre en place les procédures adéquates.
Il va devenir obligatoire de révéler aux enfants leurs origines. Si la proposition du rapport est suivie, l'acte de naissance, accessible à partir de la majorité, indiquera l'intervention d'un tiers donneur. Cela vaudra aussi bien pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels ou les femmes célibataires : tous les enfants conçus au moyen de la procréation médicalement assistée sauront, à l'âge de 18 ans, s'il y a eu un donneur extérieur. C'est une très forte incitation à sortir du secret qui prévaut aujourd'hui. Le rapport préconise que la révélation ait lieu avant l'adolescence, car les enfants font preuve d'une résilience, d'une faculté d'adaptation formidables. Une révélation de cet ordre, si elle intervient à l'adolescence ou à l'âge adulte, n'est pas toujours facile à accepter.
Une députée, dont je ne donnerai pas le nom, confrontée aux questions liées à l'AMP, m'a expliqué comment elle avait fait. Elle a constitué, depuis le tout début, un album de photos où elle montre à ses enfants comment les choses se sont passées, quand les parents sont allés ici ou là, ont fait tel ou tel voyage, puis l'apparition des bébés. Toute l'histoire de ces enfants est ainsi résumée dans un album photos. Au moment d'aller en maternelle, ils ont déjà vu ces photos, et peu à peu les mots sont mis sur les images : quand les enfants sont petits, on parle de petite graine, ensuite on peut expliquer d'une façon un peu plus complète. La députée en question m'expliquait qu'il pouvait y avoir des problèmes, mais pas sur ce plan, parce que la chose est complètement dédramatisée si on en parle suffisamment tôt.
Le statut de l'embryon est un vaste sujet, à tel point que je ne suis pas sûr que je vais l'aborder. On pourrait, en effet, en parler très longuement. Depuis la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), notre société ne sait pas comment définir l'embryon. Pour ma part, je parlerai en tant que médecin et chercheur, en commençant par une évidence : entre le rien et le tout, on avance en général par étapes. Le rien, ce sont les gamètes isolés : un spermatozoïde d'un côté et un ovocyte de l'autre. Le tout, c'est l'enfant venu au monde, qui est naturellement protégé, sacralisé. Entre ces deux réalités, il y a des étapes. Quand les deux gamètes se sont rencontrés, cela donne ce que les Britanniques appellent le « pré-embryon » – pour notre part, nous utilisons aussi, à ce stade, le terme « embryon » –, qui n'est pas encore susceptible de nidation, et dont la probabilité qu'il arrive à terme n'est pas très forte, car beaucoup de ces pré-embryons sont éliminés sans même que la femme s'en rende compte, puisqu'il n'y a même pas de retard de menstruation. Peu à peu, les chances de l'embryon vont en augmentant, une fois qu'il s'est implanté dans la cavité utérine et qu'il se développe, puis quand le foetus est constitué – c'est-à-dire au bout de deux mois – et plus encore, évidemment, quand il devient viable, soit aux alentours de sept mois. On a là des étapes complètement différentes. C'est si vrai que, sur le plan de la loi, la protection est différente. Les indemnités versées par les assurances ne sont pas non plus les mêmes selon qu'une femme perd un embryon au début de sa grossesse ou un foetus viable. Ces situations sont considérées comme différentes. En outre, on perçoit intuitivement qu'il n'est pas aussi grave – même pour ceux qui sont contre l'interruption de grossesse – d'avoir un stérilet que de pratiquer un infanticide. Le stérilet, je le rappelle, empêche l'oeuf initial de s'installer dans l'utérus.
Ainsi, il est quasiment impossible d'élaborer un statut unique permettant d'englober ces différentes étapes. Il faudrait plusieurs statuts. Qui plus est, vous ajoutez – et vous avez raison – le statut de l'embryon surnuméraire. Celui-là est à part, puisqu'il n'a pas d'avenir : on sait qu'il va être détruit. Dans la mesure où il ne fait pas partie d'un projet parental, il est sorti du congélateur et détruit au bout de cinq ans. Pendant quelques jours, si les parents l'acceptent, des recherches seront effectuées, mais de toute façon il finira par être détruit. J'aimerais mieux, si vous m'accordez un « joker », vous répondre que nous n'allons pas définir aujourd'hui ces différents stades et créer un statut.
Vous me dites que je ne suis pas « romantique ». Tout à l'heure, on m'a dit au contraire que j'étais trop naïf en croyant que les femmes attendaient leur prince charmant. Nous, les hommes, avons pourtant attendu notre princesse charmante : pourquoi pas vous, mesdames ? Je ne serais donc pas romantique au motif que je préconise les tests génétiques ? Ce n'est pas si sûr. Je dirais même que, justement, les tests génétiques permettent le romantisme. Peut-être ne suis-je pas moi-même romantique – vous demanderez à ma femme ce qu'elle en pense : il se peut que, certains jours, elle soit critique (Sourires) –, mais je permets le romantisme. Dans de nombreux pays du pourtour méditerranéen, on dit aux couples concernés : « Vos deux familles sont porteuses du trait thalassémique : interdit de vous marier. » Eh bien, moi, je permets à ces couples non seulement de filer le bel amour mais aussi d'avoir des enfants. Il s'agit simplement d'écarter le quart des enfants à naître, à savoir ceux qui ont la maladie ; les autres, ceux qui n'en sont pas porteurs, pourront venir au monde. Les gens ont ainsi la possibilité de vivre leur amour, de développer leur couple et de fonder une famille. On voit que, quelquefois, les tests génétiques peuvent, sinon venir au secours du romantisme, tout au moins permettre de fonder une famille sans difficulté.
S'agissant de l'intelligence artificielle, il faut une autorisation, bien évidemment – c'est même plus important que jamais –, mais une autorisation informée. Si je puis me permettre une comparaison, c'est un peu comme quand vous voyez un chirurgien qui vous demande l'autorisation de vous opérer, mais en vous disant seulement : « Il faut vous opérer, signez-moi un papier comme quoi vous êtes d'accord. » Il vaut mieux une autorisation informée, c'est-à-dire vous permettant de comprendre tous les tenants et aboutissants : qu'est-ce que je risque ? Comment serai-je après ? Est-ce que j'aurai des limitations ou des séquelles ? Parfois même, on peut demander un deuxième avis, car il arrive que les avis divergent. On voit bien que l'autorisation est indispensable mais qu'on a énormément à faire pour donner une bonne information. En effet, beaucoup de gens – et même nous qui sommes ici – ne connaissent pas tout sur l'intelligence artificielle. On va nous demander : « Êtes-vous d'accord pour qu'on utilise telle ou telle donnée ? » Mais que va-t-il advenir de ces données ? On ne le sait pas avec certitude. Quels commerciaux vont y avoir accès ? Pourquoi, après, est-on bombardé de propositions commerciales ?
En ce qui concerne la révision tous les cinq ans, il est vrai qu'on peut en discuter, mais les choses avancent très vite. M. Jean-François Delfraissy, président du CCNE, évoquait ainsi l'accélération des avancées et des nouvelles possibilités. Or il ne faut pas toutes les accepter, bien sûr, et si l'on ne statue pas rapidement, des gens essaieront de les mettre en oeuvre en catimini, et il sera difficile de revenir en arrière. Il vaut donc mieux anticiper sur les utilisations inopportunes.
Madame Fajgeles, l'évolution que vous avez décrite existe effectivement. Si vous me le permettez, j'évoquerai un souvenir. J'ai eu la chance de participer à la création des comités d'éthique. Or les mandarins de l'époque – c'est le terme que l'on employait, et ils exerçaient effectivement leur pouvoir comme tels –, qui avaient accompli de très grandes avancées médicales, me disaient : « Mon jeune ami, vous voulez mettre de l'éthique dans tout ça ? Vous êtes bien naïf ! S'il y avait eu des comités d'éthique, rien de ce que nous avons fait n'aurait été possible. Nous n'aurions pas pu réaliser les premières greffes, car vous vous imaginez bien qu'ils ne nous auraient pas permis de prélever les reins des personnes guillotinées. Ils ne nous auraient pas non plus autorisés à prendre le rein d'une personne saine pour le greffer à quelqu'un d'autre, et cela d'autant moins que le receveur avait toutes les chances de le rejeter, car au début il y avait des échecs. Vos comités d'éthique vont entraver le progrès. »
Quant à moi, je continuais à défendre l'idée selon laquelle il valait mieux, quand même, un progrès accompagné, un progrès raisonnable, parce qu'au bout du compte il doit servir à la société dans son ensemble : il ne doit pas être accaparé par les experts, chercheurs ou médecins. L'évolution est donc souhaitable ; elle doit être accompagnée, encadrée. Etre trop confiant dans le progrès serait dangereux, mais ne pas vouloir avancer du tout le serait tout autant. Il ne faut pas être naïf : des puissances commerciales sont à l'affût, et il convient d'éviter que ce soient elles qui dictent l'évolution. De la même façon, il est vrai que certains chercheurs – mais pas la majorité – n'ont pas de limites. Je pense à ce chercheur chinois dont la presse a récemment rapporté les méfaits – disons plutôt, ce dont il se glorifie mais qui a été jugé critiquable par la plupart des généticiens du monde. Il faut donc encadrer, sans pour autant tomber dans l'immobilisme, par excès de prudence et nostalgie du passé – car la loi de la nature, je le rappelle, c'était une espérance de vie moyenne de trente ans, tandis que la moitié des enfants mouraient avant d'atteindre l'adolescence, par une sélection naturelle impitoyable. On ne reviendra pas en arrière, et il faut même accepter d'aller de l'avant, mais en encadrant.
Madame Thill, j'ai déjà répondu s'agissant de l'intérêt de l'enfant. Pour le reste, vous avez raison : nous abordons des questions philosophiques. Je retire de ce que vous avez dit – et bien dit – que nous devons tous, en permanence, être habités par le doute. Une fois que nous aurons voté, nous défendrons bien sûr ce que nous aurons proposé, mais nous devrons toujours garder à l'esprit la possibilité d'un relatif doute car, dans ces matières-là, il n'y a pas de vérité absolue. J'aime beaucoup cette phrase de Condorcet : « La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir. » Aucun d'entre nous ne peut prétendre détenir la vérité sur la plupart des questions dont nous parlons ici. Continuons donc à douter, même s'il nous faut être positifs et concrets et si nous voulons avancer. Nous devons accepter l'idée que nos successeurs seront peut-être amenés à revenir sur ce que nous avons fait parce qu'il s'avérera que ce n'était pas tout à fait aussi positif que nous l'avions espéré.
Je vous prie de nous excuser pour l'envoi tardif du rapport. Vous avez, disiez-vous, consacré des nuits à sa lecture. Je vous en félicite. Quant à nous, nous avons consacré le jour de Noël et le jour de l'An à rédiger et à échanger. Xavier Breton a reçu la première mouture il y a peu de temps, et lui aussi a dû lire l'ensemble, à la fois rapidement et dans le détail, pour voir si le texte était acceptable.
J'avoue que je lui avais fait la proposition d'indiquer, pour chacun des chapitres, nos deux positions. Il m'a fait remarquer que le résultat ne serait pas très cohérent, que cette présentation compliquerait la lecture. En outre, le rapport est construit de manière à aboutir aux propositions, et non à des contre-propositions. C'est la raison pour laquelle il a préféré rédiger un avant-propos, que je trouve très bon. Du reste, quand bien même nous aurions essayé de confectionner un patchwork présentant nos points de vue respectifs, on n'y aurait toujours trouvé que deux visions, alors que vous tous, membres de la mission d'information, avez apporté une richesse encore plus grande. Il y a des propositions que ni Xavier Breton ni moi-même ne ferions. Si nous les intégrions toutes, le rapport ferait bien plus de 300 pages et serait presque illisible.
Tenons compte également du fait qu'il existe d'autres textes sur les différents sujets – soyons humbles. Je pense à l'avis du CCNE, à l'étude du Conseil d'État, au rapport de l'OPECST et à celui de l'Agence de la biomédecine, sans parler des travaux de bien d'autres organismes sur tel ou tel point. Au total, je pense que nous avons une vision assez globale de la diversité qui existe, même si – et nous devons l'accepter – il est impossible d'en rendre compte complètement. Le rapport présente le point de vue de certains, l'avant-propos témoigne d'une autre vision, et vos contributions enrichiront l'ensemble. Surtout, bien entendu, le débat parlementaire aura lieu.
Le rapport surprend ? Peut-être mais, dans le fond, ce n'est pas une mauvaise chose : quand les conclusions d'un rapport correspondent trop à ce que l'on attendait et sont trop conventionnelles, on le lit avec moins d'intérêt. Je suis sûr, madame Thill, que vous vous êtes d'autant plus plongée dedans et que vous avez d'autant plus volontiers consacré des heures nocturnes à sa lecture que vous avez été surprise. Je serai moi aussi surpris des contre-propositions qui seront formulées.
Merci, monsieur Chiche, pour vos remarques. Vous avez rappelé que les connaissances existantes ont nourri ce travail, comme le montrent les citations et les renvois à d'autres documents. Nous avons effectivement essayé de nous nourrir des connaissances, dans les sciences dures comme dans les sciences sociales et les sciences humaines. Je respecte parfaitement les croyances, mais il est moins aisé de débattre de façon rationnelle sur des croyances – au demeurant diverses – que sur des connaissances. Le parti pris adopté a été de fonder ce rapport sur les connaissances, sur l'état de l'art sur les différents sujets. Les données seront périmées dans cinq ou dix ans, bien sûr, mais aujourd'hui, c'est bien l'état de l'art. Nous pouvons débattre sur ces connaissances. Cela ne nous empêche pas d'avoir chacun notre propre philosophie, fondée sur des croyances ou d'autres points de vue, mais c'est là un élément qui vient en sus du corpus des connaissances.
Vous avez également soulevé la question des transgenres. Le rapport évoque ce qu'on appelait avant les « ambiguïtés sexuelles ». Le sujet est très complexe, vous le savez, car il y a une grande diversité.
Certains enfants naissent avec des caractéristiques physiques un peu à la marge, mais fournissant tout de même une indication assez importante sur le sexe. Pour d'autres, c'est beaucoup plus ambigu. Le choix a été, dans ces derniers cas, d'attendre que l'enfant puisse donner son avis – ce qui ne signifie pas forcément l'âge adulte. Il est vrai que, quelquefois, il faut administrer des traitements de façon précoce si l'on veut qu'ils soient efficaces. Tout cela n'est donc pas simple mais, je le répète, il est proposé de tenir compte, autant que possible, du choix de l'enfant, dès qu'il est en âge de décider.
Les transgenres adultes, c'est-à-dire les personnes qui, psychologiquement, ont un autre sexe que celui qui est apparent et veulent modifier leurs organes génitaux, représentent eux aussi une catégorie tout à fait importante. Des réflexions très opportunes ont été menées par des associations, afin de sortir des jugements stigmatisants qui avaient cours dans le passé. Ce sont des gens qui souffrent considérablement parce que le sexe qu'ils considèrent comme étant le leur est différent de celui qu'indiquent leurs organes génitaux. Ces personnes sont très malheureuses. Il est donc important de ne plus avoir sur elles un regard ironique comme c'était le cas dans le passé. Tout au contraire, il faut les aider à surmonter leur souffrance.
Il n'est pas vraiment nécessaire d'avancer sur le plan de la loi, puisqu'il est désormais possible de répondre à leurs demandes. Il faut, en revanche, continuer à progresser, non seulement en termes réglementaires, mais surtout en matière d'organisation des services médicaux – je pense à ce qui concerne l'accompagnement psychologique, toujours long et délicat, des personnes elles-mêmes, mais aussi celui de leurs familles, car certains transgenres décident de changer de sexe alors qu'ils sont déjà parents : outre le père qui veut devenir femme, il convient donc d'accompagner les enfants, voire le reste de la famille. Il faut organiser tout un environnement pour faire en sorte que ces gens puissent mener une vie normale, alors même qu'ils sont pénalisés du fait de l'inadéquation entre leur sexe physique et leur sexe psychologique.
Je n'ai pas assisté à la totalité des auditions, car je ne suis membre de la mission d'information que depuis peu, mais j'ai été interpellée par les propos du docteur Sarah Bydlowski – page 44 du rapport –, qui préconise une consultation systématique pour les enfants nés à la suite d'une AMP. Je voudrais appeler votre attention sur la question des moyens humains, car la pédopsychiatrie manque de personnel. Si l'on veut qu'il y ait une adéquation entre les propositions du rapport et la réalité, il faut dès à présent se demander qui pourra, concrètement, assurer ce suivi. Du reste, à mon sens, opter d'emblée pour la pédopsychiatrie est peut-être excessif, car cela revient à psychiatriser la situation, ce qui n'est pas forcément nécessaire. En revanche, il me paraîtrait tout à la fois plus adapté et plus réaliste de préconiser une prise en charge par des personnels formés non seulement à la médecine mais aussi à l'accompagnement particulier que requièrent ces enfants. Quoi qu'il en soit, merci beaucoup pour ce rapport extrêmement précis, concis et intéressant.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, les lois de bioéthique ont ceci de particulier que non seulement elles nous engagent en tant que législateur, mais elles entrent également en résonance avec notre vécu personnel et professionnel, parfois aussi religieux. Sur ces sujets, nous n'avons pas seulement une opinion de citoyen : notre rôle est de voter, et de le faire sans avoir de certitude absolue – cela aussi vous l'avez souligné –, puisque le doute nous habite toujours. J'espère, par ailleurs, que le respect, la bienveillance et l'écoute, dont vous avez dit qu'ils avaient guidé votre démarche, prévaudront au sein du Parlement jusqu'au terme du débat.
L'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui est celui de l'examen du rapport de la mission d'information, avec des propositions. Nous ne sommes pas dans une démarche législative, avec la possibilité de déposer des amendements : il nous appartient de dire si nous sommes plutôt pour ou plutôt contre. À titre personnel, je suis plutôt pour : j'ai assez envie de voter en faveur de ce rapport qui comporte beaucoup de propositions qui résonnent positivement en moi et vont, je pense, répondre à des attentes importantes d'un grand nombre de nos concitoyens, tant il est vrai que nous sommes le plus souvent à la remorque de leurs demandes. De la même façon, les progrès scientifiques nous précèdent quasiment toujours.
Certaines propositions me satisfont énormément, notamment la possibilité donnée aux enfants nés de PMA de connaître leurs origines. Les propositions sur l'intelligence artificielle sont vraiment essentielles, car il s'agit là d'un enjeu énorme qui est devant nous, et pour essayer d'être le moins en retard possible, il faut effectivement y réfléchir assez régulièrement.
D'autres propositions, en revanche, m'interrogent, notamment l'AMP pour les femmes seules. En dépit des témoignages que j'ai entendus, je ne peux m'empêcher de penser qu'élever seule un enfant parce que la vie ou le destin en a décidé ainsi est une chose – c'est très difficile –, mais que le faire après l'intervention de la médecine en est une autre. La PMA post-mortem me pose elle aussi question – pour tout dire, elle me met mal à l'aise. La notion d'utérus artificiel est également évoquée dans le rapport, même si elle ne donne pas lieu à des propositions, et il est vrai que cela fait plusieurs années qu'on en parle ; en tant qu'ancienne sage-femme, cela me révulse. Je suis épouvantée à l'idée que l'on puisse, à l'avenir, fabriquer des enfants de manière industrielle.
En dépit de ces réserves, je suis globalement satisfaite que les travaux se soient déroulés dans l'écoute et l'intelligence. Je voterai en faveur du rapport.
Je me félicite de ce rapport et des propositions qu'il contient, notamment de la proposition no 12 : « Dans l'hypothèse où l'accès à l'AMP serait étendu aux couples de femmes, instaurer un mode unique d'établissement de la filiation à l'égard des enfants nés de tous les couples bénéficiaires d'un don de gamètes, que leurs membres soient de même sexe ou de sexe différent. » J'ai peur, toutefois, qu'on laisse sur le bord du chemin de l'égalité les couples de femmes qui n'auraient pas eu recours à la procréation médicalement assistée, mais auraient adopté un moyen « artisanal » afin d'accéder aux joies de la parentalité. Je voudrais donc savoir si d'autres choses sont prévues sur le sujet. Par ailleurs, quelles sont les solutions envisagées pour les couples de femmes ayant eu des enfants ensemble avant le mariage pour tous, qui se sont séparés et dont la filiation n'a pas pu être établie ?
En ce qui concerne le suivi post-AMP, je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est important que les familles qui le souhaitent puissent avoir accès à des personnes compétentes pour les aider à résoudre tel ou tel problème.
Vous avez raison, madame Mauborgne : le déficit actuel en pédopsychiatres est très problématique. Bien souvent, il faut attendre un an pour avoir un rendez-vous, ce qui ne permet pas de résoudre les problèmes au moment où ils surgissent. Les pédopsychiatres ne sauraient effectivement être les seuls à prendre en charge les personnes concernées, et cela ne peut être assorti d'une obligation.
Il faut également savoir que, quelquefois, les personnes qui ont le plus besoin d'aide ne sont pas forcément celles qui en sollicitent. Les choses peuvent ne pas évoluer dans ce sens dans telle ou telle famille, pour diverses raisons. Certaines familles n'ont pas envie d'exposer leurs difficultés.
Il est sain et souhaitable que des professionnels de santé puissent au moins écouter les gens, leur proposer des éléments de réponse et trier, parmi les interrogations, celles qui justifient vraiment une prise en charge par un pédopsychiatre. Mais je reconnais qu'en disant cela, je gère la pénurie actuelle – car vous avez raison : la première chose à faire est de trouver le moyen de remédier aux carences de notre pays, s'agissant des pédopsychiatres et des psychiatres en général, mais aussi des médecins généralistes.
Il faut aussi offrir une formation aux médecins afin qu'ils disposent des éléments de réponse aux questions qui leur seront posées à l'avenir. Au cours des études médicales, ainsi que dans la formation continue des médecins, ces questions doivent être abordées. Il ne faudrait pas qu'un pédopsychiatre apporte des éléments, puis que le médecin généraliste donne ensuite à la famille des réponses, si ce n'est opposées, tout au moins divergentes. Il faut donc que l'ensemble du monde soignant – pédopsychiatres, médecins de famille, infirmiers –aille dans le même sens.
Le rapport propose également de créer un plus grand nombre de conseillers en génétique. Certaines propositions formulées dans ce rapport seront adoptées, et le nombre de tests génétiques va inéluctablement augmenter. Si cette augmentation n'est pas accompagnée de recommandations pertinentes, à quoi serviront ces tests ? La situation serait pire, car mal utilisées, ces informations peuvent aboutir à des catastrophes : décisions d'interruption de grossesse, craintes injustifiées, angoisses nées de la prédiction de développer une maladie dans trente ans. C'est pourquoi il faut créer plus de conseillers en génétique ; ils sont bien plus nombreux dans d'autres pays tandis que leur nombre est trop réduit en France.
Madame Poletti, je vous remercie pour votre soutien. Je sais d'expérience que lorsqu'un texte contient une soixantaine de propositions, il est difficile d'être d'accord avec toutes, ou de se priver de toutes. Se prononcer contre revient à se priver de certaines propositions avec lesquelles on est d'accord. La situation la plus difficile est celle dans laquelle l'avis est partagé à parts égales, et qu'il y a autant de choses positives que de choses négatives de son point de vue. Si l'on estime que la majorité des propositions vont dans le bon sens, on est amené à tolérer des choses que l'on aurait souhaité régler différemment. Je comprends vos interrogations.
Vous avez raison, l'accès aux origines est très important, et l'intelligence artificielle va devenir l'une des questions principales en bioéthique dans les années à venir, c'est un champ immense que nous commençons à peine à défricher.
Vous soulevez, comme beaucoup, la question de l'AMP pour les femmes seules : toutes les enquêtes d'opinion montrent que si de plus en plus de personnes se laissent convaincre d'accepter l'AMP pour les couples de femmes homosexuelles, il existe plus de réticences pour les femmes seules. J'ajouterai simplement que, pour l'instant, les femmes seules ont la possibilité d'adopter des enfants. Mais je comprends que cette proposition soit plus difficile à accepter.
S'agissant de l'AMP post mortem, nous souhaitons qu'elle soit très fortement encadrée. Cela relèvera en partie du domaine réglementaire, mais il faut exclure certaines conditions et certains moments.
En premier lieu, lorsque c'est un homme qui décède, il ne faut pas que la famille du mari défunt impose à la belle-fille une procréation. De même, il ne faut pas que l'AMP intervienne immédiatement après le décès, pour compenser un deuil : ce ne serait pas sain. Il ne faut pas non plus le faire vingt ans après le décès, pour rappeler le souvenir d'une personne disparue. Nous pouvons nous inspirer de ce qui existe pour les donneurs d'organes vivants volontaires : pour donner un rein à sa soeur, il faut passer devant un juge qui entend la personne, seule, sans aucun membre de sa famille, pour s'assurer que cette décision n'est imposée par aucune forme de pression. Le juge auditionnera la personne jusqu'à être convaincu que c'est bien une décision personnelle. De même, il faut s'assurer que la femme qui va utiliser un embryon ou des spermatozoïdes congelés le fera sans subir aucune pression, psychologique ou familiale. Cela impose un encadrement particulier.
Vous dites que l'utérus artificiel se fera dans quelques années. J'ai trouvé des textes à ce sujet de près d'un siècle, et les travaux concernant les ovins ont beaucoup progressé. L'utérus artificiel précédera la couveuse, pour les derniers stades de développement du foetus. Cette technique sera applicable à l'espèce humaine à un horizon très proche. Elle servira à réduire les risques de handicaps chez les grands prématurés, qui naissent aujourd'hui avec 90 % de chances d'être affectés de lourds handicaps.
Évidemment, cette solution évoluera un jour, mais plusieurs mandats parlementaires nous séparent de ce moment, et les gens se demanderont alors si toute la grossesse peut, et doit, se développer hors du corps maternel. Mais je vous assure que nous avons le temps de longuement y réfléchir, car entre l'embryon dans ces stades de développement initiaux et le grand prématuré, il y a un trou qu'il est difficile de combler, et cela nous demandera du temps.
Madame Vanceunebrock-Mialon, j'ai oublié votre question…
Je souhaitais aborder la proposition n° 12. J'ai peur qu'elle ne laisse de côté les couples ayant utilisé un moyen artisanal, tel qu'une soirée en discothèque au cours de laquelle une des compagnes aurait profité des avances faites par un de ces messieurs…
La proposition ne mentionne que les couples ayant eu recours à la procréation médicale assistée. En fait, on sait très bien qu'il existe d'autres cadres, plus sauvages.
En outre, existe-t-il des propositions pour les couples qui se sont séparés avant la loi sur le mariage pour tous, et dont les enfants ne bénéficient pas d'une filiation double ?
Cette question renvoie aux propos de M. de Courson sur les limites des parlementaires. Nous ne pouvons pas statuer pour tout ce qui est sauvage. Il faut simplement recommander des précautions, en faisant connaître les risques que courent ceux qui se placent dans la marginalité. Les PMA faites en cherchant sur internet un étalon qui viendrait donner ses spermatozoïdes dans la pièce adjacente…
Je ne parle pas des cas médicalement assistés, mais de ceux où il n'y a pas recours à un médecin. Malheureusement, ces situations aboutissent parfois à la transmission du virus du sida ou d'autres maladies sexuellement transmissibles. Et, juridiquement, l'homme pourra revendiquer la paternité, faire réaliser des tests génétiques pour réclamer des droits sur l'enfant…
Ce sont des situations extrêmement dangereuses. Qu'il s'agisse du cas que je viens de décrire ou de rencontres en boîte de nuit, tout ce qui se déroule dans la marginalité ne peut pas être encadré par la loi. Il faut expliquer aux jeunes femmes concernées qu'elles ne doivent pas se hasarder à des comportements dont les conséquences ne peuvent pas toujours être prévues. Ce que l'on trouve sur internet n'est pas toujours bon, ni ce que l'on trouve en boîte de nuit. Parfois, oui, mais pas toujours. Il faut éduquer les jeunes, et ce n'est pas facile.
Les cas de séparation sont très importants, et nous allons connaître une phase intermédiaire qui ne sera pas simple. Il faudra définir comment la gérer, mais pas forcément dans la loi, cela se fera au niveau du ministère. De la même façon, tous les donneurs de sperme des générations précédentes peuvent être contactés pour savoir s'ils veulent transmettre des données non identifiantes, car les centres d'études et de conservation du sperme humain (CECOS) ont gardé leurs coordonnées. Mais s'ils ne le veulent pas, ils en ont tout à fait le droit : ils ont signé pour un autre projet, et personne ne leur imposera de changer d'avis.
Oui, les séparations après une PMA créent des situations difficiles. Oui, il serait bon que les deux femmes aient des droits sur l'enfant. Il faut ouvrir cette possibilité, mais on ne pourra pas l'imposer autrement que pour l'avenir, car la loi ne pourra pas être rétroactive. Il faut ensuite discuter, au ministère, les façons d'améliorer les situations héritées du passé en tenant compte de la nouvelle philosophie, qu'il serait ridicule de ne pas reconnaître, mais qui devra être consentie plutôt qu'imposée.
Je vous remercie pour la qualité de cette mission, des auditions, des échanges et des travaux, et la fidélité du rapport. Je salue également le fait qu'il soit autant axé sur l'intérêt de l'enfant. Tout ce travail nous a permis d'évoluer : en ce qui me concerne, je n'avais pas au départ la même position qu'aujourd'hui sur l'accès aux origines et le don de gamètes et d'ovocytes . Ce sont des éléments importants qui nous permettent de progresser dans notre réflexion et d'alimenter les débats.
Ce rapport contient énormément d'éléments positifs sur la PMA, le dépistage, ou encore les tests génétiques. Le renforcement de la formation et de l'information des professionnels de santé et des enseignants, abordé à la fin du rapport, me semble important, ainsi que la promotion de la profession de conseiller en génétique. Enfin, s'agissant du suivi parlementaire, je pense aussi que la révision des lois de bioéthique tous les cinq ans doit entrer dans les moeurs, et l'évaluation plus rapprochée par une délégation parlementaire se saisissant de l'actualité et permettant l'évaluation de ce qui a été décidé est cruciale.
Je reste plus interrogative à propos de la procréation post mortem, je partage les interrogations de Mme Poletti à ce sujet.
Mon vote sera néanmoins favorable pour la publication de ce rapport très étayé et bien construit.
Sur la forme, je souhaite remercier le président et le rapporteur pour la manière dont ils ont conduit ces auditions. Le travail réalisé est un véritable travail parlementaire, il faut le souligner. Cette mission d'information a pleinement joué son rôle.
Sur le fond, nous devons être très clairs : le rapport est un état de l'art qui mérite d'être salué, mais il est clair que ses propositions n'ont pas vocation à faire consensus, et elles ne peuvent le faire dans la mesure où sur certains sujets, nous avons indiqué qu'il y aurait des désaccords. Il est important d'être honnête intellectuellement et de le dire.
En ce qui me concerne, certaines propositions relatives à la procréation et à la recherche sur l'embryon franchissent des lignes rouges. Même si, quantitativement, ces propositions sont peu nombreuses, elles m'amènent, en mon âme et conscience, à voter contre ce rapport. Je n'en mets pas du tout en cause la qualité, le rapporteur a effectué un vrai travail que je salue pleinement. Ceci étant, nous allons entrer dans la phase du débat parlementaire, qui donnera l'occasion de montrer que malgré la qualité du travail qui a été réalisé, il demeure des différences de nature politique. C'est notre rôle, et aussi notre honneur, que de revenir sur ces différences lors du débat parlementaire.
Je ne crois pas que ce débat doive être ouvert ce matin, je tiens encore à saluer ce qui a été fait, mais un certain nombre de points justifie mon vote contraire. Vous aurez noté la diversité au sein de notre groupe parlementaire, car sur ces questions, je suis certain que nous voterons chacun en notre âme et conscience sur les évolutions juridiques qui nous semblent possibles.
Madame Dubré-Chirat, l'information et la pédagogie sont d'autant plus importantes que notre pays accuse un retard dans ces domaines. Je ne sais pas à quoi cela est dû, c'est malheureusement une tradition établie, et je crains qu'il ne faille faire beaucoup d'efforts pour changer cette culture. Pendant longtemps, nous avons cru qu'il suffisait de définir de nouvelles règles, de nouvelles lois, de nouvelles possibilités, et nous nous arrêtions là. Nous ne nous sommes pas demandé si les gens avaient accès à ces droits.
Nous nous sommes même donné bonne conscience en allant beaucoup plus loin que les autres en matière d'égalité d'accès sous l'angle pécuniaire. Nous accordons des droits sans que les gens aient à payer pour les exercer, il n'y a pas de sélection basée sur l'argent pour l'accès à des traitements coûteux et innovants, mais il existe de grandes différences culturelles, au niveau de l'information. Nous savons bien que, même pour des gestes médicaux et chirurgicaux tout à fait ordinaires, ceux qui n'ont pas accès à l'information sont un peu pénalisés par rapport aux autres. Nous tous, ici, avons des réseaux nous permettant de rencontrer le spécialiste le plus opportun. Mais M. Dupont, habitant en zone rurale, va cheminer progressivement d'un médecin généraliste à un premier spécialiste qui l'enverra ensuite vers un autre, toujours avec des délais d'attente de quelques mois. Cela entraîne parfois des pertes de chances.
Pour les préoccupations qui nous retiennent aujourd'hui, il est important que nous allions beaucoup plus loin pour l'information de la population. Nous nous sommes rendu compte que les adolescents, garçons et filles confondus, étaient aujourd'hui complètement ignorants de l'horloge biologique pour la procréation. Ils ont des idées complètement fausses sur ces questions. Il faut rectifier cela, et il y a des moments « magiques » pour le faire : au lycée, pendant le service civique… On se rend compte que parfois, si l'on informe ces jeunes, ils pourront eux-mêmes éduquer leur famille, et c'est très bien ainsi. Nous devons trouver le moyen pour que tous les gens, dans tous les milieux, aient accès à des informations égales, ce qui suppose de se doter de moyens que nous n'avons pas pour l'instant.
Il en va de même s'agissant de la prévention. Nous ne sommes pas le meilleur pays du monde en matière de prévention ; nous savons vendre beaucoup de choses aux gens, même des choses dont ils n'ont pas besoin – les commerciaux savent y faire – mais nous ne savons pas leur vendre le bien le plus précieux : leur santé. La France a du retard pour expliquer comment se prémunir des facteurs de risque principaux. Nous devons développer la pédagogie et l'explication, dès la jeunesse.
Il faut ensuite, bien sûr, un suivi parlementaire, c'est indispensable. Je crois qu'il est important de mettre cela en place. D'ailleurs, ce sera peut-être le moyen d'améliorer cette formation, car chacun d'entre nous, dans sa circonscription, pourra relayer ce discours en organisant des réunions, en allant parler dans une école, créant petit à petit un effet « boule de neige ».
L'état de l'art qui est dressé sera différent dans un certain temps, et il n'est pas partagé par la totalité d'entre nous. Il est légitime de considérer qu'aucune proposition ne peut être parfaitement consensuelle, il est donc normal qu'un débat parlementaire s'engage sur ces différentes propositions, et M. Hetzel l'a dit en toute honnêteté : les différences méritent d'être énoncées. Il n'y a pas de raison de cacher nos différences de point de vue, d'autant que certaines propositions ne sont pas fondées exclusivement sur des données scientifiques dûment établies : il y a une part de choix philosophique, qui peut varier. Lors du débat parlementaire, cela va animer les prises de position des uns et des autres, en plus de la somme d'informations que nous avons le devoir d'apporter à nos collègues, même ceux qui ne font pas partie de la mission, pour que tous partagent les données scientifiques rigoureuses, puis décident en leur âme et conscience.
Pour terminer, certains peuvent dénoncer le fait que l'évolution de notre législation se fasse selon le principe du cliquet. Le cliquet permet toujours d'avancer, jamais de revenir en arrière. Il permet d'octroyer des droits supplémentaires, mais les droits précédemment acquis ne sont jamais remis en question. C'est probablement en raison du fait que, plus que d'autres pays, nous tentons de ne pas légiférer pour autoriser des choses qui n'ont pas été évaluées au préalable. Les possibilités que nous proposons d'ouvrir sont celles pour lesquelles nous estimons que le rapport bénéfice-risque est positif. Je peux comprendre que d'autres personnes fassent une évaluation différente, mais nous sommes plus prudents que certains pays qui ont tout de suite ouvert toutes les vannes, pour édicter ensuite des interdits secondaires. Nous avons une propension à faire des lois de bioéthique réservées, puis, grâce à l'expérience acquise, à permettre, conformément au principe du cliquet, quelque chose qu'hier encore nous avions placé sous moratoire.
Puisqu'il y a soixante propositions, pourquoi ne pas voter séparément sur chacune d'entre elles ? Il y a des propositions avec lesquelles je suis d'accord, d'autres auxquelles je m'oppose. Or, on nous propose un vote bloqué sur ce texte, qui va être utilisé pour préparer le futur projet de loi gouvernemental. Pourquoi ne pas voter proposition par proposition ?
Le vote porte simplement sur la publication des travaux qui ont été menés, nous n'exprimons pas d'avis en faveur ou en défaveur du contenu. Les débats parlementaires postérieurs nous permettront de nous exprimer sur les sujets contenus dans ce rapport. Il nous faut nous prononcer sur l'ensemble des travaux et ne pas faire de ce rapport un sondage selon lequel 80 % des membres de la commission seraient favorable, par exemple, à l'intelligence artificielle tandis que 20 % seraient défavorables au diagnostic préimplantatoire. Ce qui nous intéresse est de publier ce rapport.
Il ne s'agit pas de se prononcer simplement sur la publication, il y a bien adoption des propositions, car il s'agit d'une mission d'information de la conférence des présidents.
Lors des missions d'information précédentes, il était de tradition que le vote n'indiquait pas un attachement pieds et poings liés à chacune des propositions. Vous pouvez dénoncer ultérieurement certaines propositions lors des débats. Si vous votez aujourd'hui pour le rapport, c'est parce que vous considérez que, globalement, la mission a été conduite de façon satisfaisante, que les propositions ne vous choquent pas et que leur publication vous paraît opportune.
Sans ce vote, le rapport ne sera pas publié et nous ne pourrons plus avancer : là est le problème. Pour voter chaque proposition de façon distincte, il aurait fallu en décider préalablement, lors du déroulement de la mission, pour que chacun se prépare à réfléchir sur chaque thème. Il n'a pas été possible pour tout le monde d'assister à la totalité de chaque audition, ce qui fait que certains n'ont pas acquis tous les éléments pour se prononcer sur chacune des propositions.
Nous pouvons nous en tenir à la tradition selon laquelle le vote ne revient pas à approuver totalement les propositions, simplement que l'on pense que les choses doivent avancer et que le rapport, en l'état, est considéré correct. Ensuite, chaque proposition pourra être largement débattue.
Cela va au-delà de la tradition. Il y a des propositions extrêmement précises, tous n'ont pas assisté à la totalité des auditions, je ne pense pas que nous soyons capables de nous prononcer proposition par proposition sans débat. M. le rapporteur nous éclaire par ce rapport, très large, il faut voter pour ou contre ce rapport, ou s'abstenir si l'on n'est pas en accord avec la totalité des propositions.
C'est le mécanisme du vote bloqué, mais la tradition peut changer. Voter point par point permettra d'éclairer le Gouvernement et nos collègues, qui verront qu'une très grande majorité soutient certaines propositions, tandis que d'autres divisent.
Je ne suis pas favorable à un vote proposition par proposition, car il faudrait, sur chacune, un débat contradictoire et un examen plus détaillé. Est-il possible de dissocier le vote sur le contenu du rapport et celui sur sa publication ?
On ne peut pas dissocier l'adoption des propositions et la publication du rapport. Mais, dans la mesure où nous avions prévu la possibilité pour les groupes de déposer des contributions écrites, nous pouvons ajouter la possibilité de contributions individuelles, qui permettraient à chacun d'exprimer un désaccord sur tel ou tel point.
C'est une bonne solution, car les groupes – le mien en tout cas – ont laissé à chacun la liberté de s'exprimer à titre individuel.
La mission d'information adopte le rapport, autorisant ainsi sa publication conformément aux dispositions de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.
La réunion s'achève à douze heures quinze.
Membres présents ou excusés
Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique
Réunion du mardi 15 janvier 2019 à 10h05
Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Philippe Chalumeau, M. Guillaume Chiche, M. Charles de Courson, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Élise Fajgeles, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Jean-Carles Grelier, M. Patrick Hetzel, Mme Caroline Janvier, Mme Brigitte Liso, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, M. Thomas Mesnier, Mme Danièle Obono, Mme Bérengère Poletti, M. Alain Ramadier, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Agnès Thill, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon
Excusés. – M. Jean-François Eliaou, Mme Annie Vidal