Délégation aux outre-mer

Réunion du jeudi 3 octobre 2019 à 9h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PTOM
  • RUP
  • outre-mer
  • pacifique
  • ultramarins

La réunion

Source

La réunion débute à 9 heures 10

Présidence de M. Olivier Serva, président

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8187951_5d95998889276.delegation-aux-outre-mer--audition-de-l-association-interco-outre-mer--mme-amelie-de-montchalin-m-3-octobre-2019

Audition de l’association Interco’outre-mer

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Guy Martin, vice-président de la CINOR

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Yvette Duchemann, vice-présidente de la CINOR

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Eugène Larcher, vice-président d' Interco' Outre-mer

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Joseph Peraste, membre du Bureau d' Interco' Outre-mer

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Eugène Larcher, vice-président d' Interco' Outre-mer

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Gabrielle Louis-Carabin, pdte de la CANGT

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Eugène Larcher, vice-président d' Interco' Outre-mer

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Mikidache Houmadi, président d' Interco' Outre-mer

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Lyliane Piquion, vice-présidente d’Interco’ Outre-mer

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Eugène Larcher, vice-président d' Interco' Outre-mer

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Suspension

Rapport d’information sur la continuité territoriale

Suspension

La Délégation procède à l'audition de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

L'audition commence à onze heures et cinquante-cinq minutes.

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L'ordre du jour appelle l'audition de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.

Mes chers collègues, nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir la meilleure d'entre nous puisqu'Amélie de Montchalin a été élue l'an dernier meilleure députée ! J'ai constaté son efficacité lorsque nous travaillions ensemble à la commission des finances, où elle était porte-parole du groupe majoritaire, avant d'en devenir la vice-présidente.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale. Une telle invitation peut surprendre : peu de nos compatriotes, surtout dans l'Hexagone, savent que l'Union européenne contribue au développement de ce qu'on appelle les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Tous fonds confondus, sur la période 2014-2020, les RUP françaises bénéficieront d'environ 4,8 milliards d'euros pour le financement de leurs projets de développement. À ces fonds s'ajoutent 168 millions d'euros pour leur coopération territoriale frontalière.

Parmi les différentes sources de financement, le Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) est l'outil de mise à disposition d'aides européennes et nationales au secteur agricole pour toutes les régions ultrapériphériques. Doté d'une enveloppe annuelle de 320 millions d'euros environ pour la France, il est alimenté à la fois par des fonds européens – pour environ 280 millions – et par le budget national – pour environ 40 millions. Peut-être pourriez-vous nous indiquer l'évolution de ces fonds avec l'arrivée des nouvelles institutions européennes le 1er novembre dernier ?

Une de nos craintes concerne le Brexit : le départ du Royaume-Uni – un des plus gros contributeurs nets au budget européen – contribuera-t-il à une diminution des aides dont dépendent beaucoup d'agriculteurs ultramarins ?

Nous avons d'autres interrogations quant à la renégociation des crédits consacrés aux filières de l'agriculture et de la pêche des outre-mer pour la période 2021-2027, au renouvellement après 2020 du dispositif des différentiels d'octroi de mer et des lignes directrices relatives aux aides d'État dans la pêche, et, plus globalement, de la garantie de la prise en compte des dossiers ultramarins au sein de la nouvelle Commission européenne.

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Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

En préambule, être parmi vous ne me surprend pas : les sujets relatifs aux outre-mer français, ceux relatifs aux RUP et PTOM, mobilisent mon cabinet, les équipes du Quai d'Orsay, et plus largement tous les acteurs français au niveau européen. Il s'agit d'ailleurs d'un bel exemple de politique européenne complémentaire de la politique gouvernementale. L'action européenne vient soutenir, compléter et permet d'aller au bout des objectifs que se fixe le Gouvernement. Le Premier ministre l'a parfaitement rappelé lors du deuxième comité interministériel des outre-mer qu'il a présidé le 18 septembre dernier.

La France a une particularité en Europe : nous sommes le seul État membre comprenant à la fois des RUP et des PTOM, territoires considérés par l'Union européenne comme ultramarins, mais dans une acception différente de la nôtre. La France joue donc un rôle moteur pour promouvoir les intérêts de ces territoires. À nos yeux, ils font plus que partie de l'Europe, et lui permettent de se déployer sur tous les océans. Nous sommes pleinement mobilisés pour porter leur voix et nous disposons de relais très forts à Bruxelles, mais aussi au Parlement européen à Strasbourg avec Stéphane Bijoux et Younous Omarjee, qui oeuvrent de manière transpartisane. J'échange déjà très fréquemment avec eux car il nous faut construire ce relais au sein du Parlement européen. Je vous encourage d'ailleurs à créer des liens renforcés avec les parlementaires européens.

Tout comme nous essayons de le faire en France, il faut que la Commission développe un « réflexe outre-mer ». Nous nous réjouissons qu'Ursula von der Leyen, présidente élue, ait désigné une candidate portugaise, Élisa Ferreira, pour s'occuper du portefeuille de la cohésion. Comme nous, les Portugais sont concernés par les territoires ultrapériphériques. Elle y est très sensible et sa lettre de mission prévoit notamment qu'elle devra pleinement exploiter les stipulations du traité pour les régions ultrapériphériques. C'est très positif.

Il nous faudra être vigilant avec la commissaire finlandaise chargée des partenariats internationaux car, si sa lettre de mission mentionne le renouvellement de l'accord de Cotonou, elle n'évoque pas noir sur blanc les PTOM. C'est regrettable. J'irai la voir mais je vous encourage aussi à créer des liens avec la nouvelle équipe de la Commission, afin qu'elle soit consciente de notre vigilance.

À court terme, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, nous devons défendre les intérêts ultramarins au sein du prochain cadre financier pluriannuel. L'outre-mer est une priorité et nous y portons beaucoup d'attention. Les enjeux sont à la fois budgétaires et réglementaires : nous devons garantir une enveloppe, tout en renforçant et en adaptant au mieux les dispositifs. En effet, les acteurs que je rencontre me demandent avec insistance de négocier de grosses enveloppes européennes. Je suis ravie de le faire, je le fais avec ardeur, et mon mandat consiste à m'assurer que les fonds européens sont bien liés à nos priorités – comme l'agriculture. Mais je suis triste – voire énervée – quand je constate que les fonds européens sont si peu programmés, si peu consommés et que nous devons rendre de l'argent parce que nous n'avons pas su l'utiliser. Dans les outre-mer, comme dans beaucoup de régions françaises, nous avons des difficultés à mettre des projets face à l'argent dont nous disposons.

Nous devons donc construire avec l'Union européenne des règlements plus adaptés et, avec vous, mobiliser les acteurs de terrain tout en développant leurs compétences techniques afin que les fonds soient déployés. L'enjeu du cadre financier pluriannuel se situe autant au niveau de nos négociations au sein du Conseil affaires générales, que dans vos territoires, afin qu'ils soient capables de mobiliser les fonds.

Je vais m'arrêter là et répondrai volontiers à vos questions sur les autres sujets. Sachez en outre que je reviendrai bien volontiers devant vous. Il s'agit d'un enjeu territorial essentiel à notre rayonnement national et européen. Nous devons donc pouvoir échanger régulièrement.

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Je vous remercie pour ces propos introductifs qui soulignent bien votre intérêt pour les territoires ultramarins, RUP ou PTOM. Nous ne doutions pas de votre volonté de défendre leurs intérêts.

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Madame la secrétaire d'État, je tiens en préalable à souligner l'important travail que vous menez dans le cadre des négociations du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Ma question concerne la situation des PTOM au sein de l'Union européenne. Compte tenu de leur dimension océanique, il est important que l'Union européenne soutienne ces territoires, notamment sur les enjeux climatiques. Or les fonds structurels européens destinés aux régions d'outre-mer, comme à la métropole, demeurent sous-utilisés.

Il est essentiel que l'Union européenne continue de bien tenir compte des spécificités des territoires ultramarins et des nécessaires adaptations, y compris budgétaires, qu'elles peuvent impliquer, afin d'inscrire une dynamique positive entre l'Union et les PTOM. Quels instruments financiers seront prévus par le prochain cadre financier pluriannuel pour accompagner le développement économique et social des PTOM ? Auront-ils toujours accès aux crédits de l'aide extérieure et aux programmes sectoriels de l'Union européenne ?

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Je vous remercie d'avoir accepté de rencontrer la délégation aux outre-mer. Il nous faut traiter dans des délais serrés de sujets particulièrement sensibles, comme le renouvellement de l'accord de Cotonou. Quel est l'état d'avancement des négociations ? On nous indique qu'il y aura un accord Afrique-Caraibes-Pacifique (ACP), mais aussi un accord spécifique pour les PTOM. Cela signifie-t-il que, demain, nous serons dans le même accord que le Groenland ? Nous craignons de perdre des crédits… Pouvez-vous nous garantir la stabilité des financements ?

La Nouvelle-Calédonie étant très active sur le sujet, mon collègue Philippe Gomès pourra y revenir, mais l'accès aux financements européens est très complexe – et pas uniquement pour les outre-mer. Les territoires ne manquent pas de volonté, mais la machine européenne est extrêmement complexe, voire contre-productive et le mille-feuilles administratif d'autant plus compliqué que nos territoires sont petits. L'ingénierie n'y est donc pas forcément présente, ce qui ne nous permet pas d'accéder aux financements.

J'ai eu le plaisir d'organiser une réunion avec le gouvernement de la Polynésie en présence de Stéphanie Atger il y a deux semaines. Qu'a-t-on relevé ? Parfois, les appels à projets européens nous imposent des partenariats avec deux autres pays membres de l'Union européenne. Quand vous êtes à 20 000 kilomètres, autant dire que vous raccrochez tout de suite…

Ces blocages ne nous permettent pas d'être efficients et d'avoir concrètement accès aux financements. Vous avez raison, avant d'aller chercher d'autres financements, dépensons déjà ceux qu'on nous octroie ! Pour les RUP, c'est encore pire. Ils ont vraiment besoin d'accompagnement dans l'accès aux financements. Je rappelle également que, pour un euro d'aide accordée au PTOM, on accorde 60 euros aux RUP. Améliorons l'accès aux financements et rééquilibrons-les. Ce qui n'est pas dépensé par les départements d'outre-mer (DOM) devrait pouvoir financer les besoins prioritaires des collectivités d'outre-mer (COM). En effet, si je ne m'abuse, les premiers sont à peine à 10 % de consommation des crédits.

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Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Les PTOM, territoires d'outre-mer que l'Union européenne considère comme un « deuxième cercle » par rapport aux RUP, sont des territoires à part entière dans notre République et, donc, à part entière en Europe. C'est la position française, affirmée avec fermeté. Nous ne voulons pas de territoires doublement relégués – géographiquement et politiquement. Certes, ils ne font pas partie intégrante de l'Union européenne d'un point de vue juridique.

Il y a quelques semaines, j'étais dans l'Hémicycle pour la ratification de l'extension des protocoles de l'union intérieure aux PTOM . Mais dans le cadre du vote du budget, nous veillons à ce que ces territoires continuent de bénéficier de la solidarité européenne, que j'aimerais plus efficace et, peut-être, plus simple.

Madame Atger, le soutien passe par trois grands piliers. En premier lieu, un programme est dédié aux PTOM, avec un budget adéquat, réparti équitablement entre tous les territoires et – vous avez raison – le Groenland. Mais nous avons plaidé avec succès – vous pouvez le mettre à votre crédit – pour que l'enveloppe soit définie au niveau des chefs d'État et de gouvernement, dans le cadre de la boîte de négociation. Il ne s'agira donc pas d'une négociation technique qui interviendra en fin de processus, mais d'une ligne intégrée à la négociation politique, ce qui permettra aux chefs d'État et de gouvernement d'en discuter.

Le deuxième outil est le Neighbourhood, development and international cooperation instrument (NDICI), le nouvel instrument de développement et de coopération internationale de l'Union européenne, qui vise une meilleure intégration régionale des PTOM. Cet outil d'action extérieure a été repensé. Ainsi, le Fonds européen de développement (FED), auparavant autonome, devrait y être intégré, même si nous discutons encore des critères. Nous tenons à la bonne accession des PTOM à cet outil.

Le troisième volet, important, passe par l'accès aux politiques sectorielles de l'Union. Certains thèmes prioritaires vous intéressent, comme l'intégration régionale, la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de l'environnement, la biodiversité, etc. Il est important que les PTOM bénéficient d'instruments dédiés et de l'aide extérieure, mais aussi des politiques sectorielles.

Il faut également bien articuler les financements dédiés aux RUP, aux PTOM et à leurs voisins afin qu'ils puissent entretenir des coopérations régionales, plutôt que des coopérations avec des États membres situés à 20 000 kilomètres, comme l'a souligné Mme Sage. Les instruments européens visent à encourager le travail en commun. Il est plus difficile avec la Belgique quand vous êtes en Polynésie qu'à Douai ! À l'inverse, il faut le soutenir entre des RUP et des PTOM parfois très proches les uns des autres, mais aussi avec des États proches, avec lesquels l'Europe a déjà engagé des programmes de développement et une politique extérieure.

Vous en avez également parlé, l'autre enjeu, ce sont les négociations de renouvellement de l'accord de Cotonou. Cet accord, dit ACP pour Afrique, Caraïbes, Pacifique, comporte trois protocoles. Les négociations sont beaucoup plus avancées sur les protocoles Caraïbes et Pacifique que sur celui concernant l'Afrique. Nous souhaitons bien sûr que cet accord se poursuive : c'est un pilier majeur de la coopération entre l'Union européenne, les Caraïbes et le Pacifique.

Il est stratégique de comprendre comment les négociations sont menées pour qu'elles puissent se poursuivre dans les territoires où elles ont déjà bien avancé. La Commission reprend ses travaux, nous allons donc exposer notre stratégie. Nous suivrons de près les négociations menées par la commissaire finlandaise, Jutta Urpilainen, en charge des partenariats internationaux, et porterons une attention particulière aux liens avec les RUP. Sinon, le risque est réel de créer des outils en silo, alors que les objectifs sont communs.

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Je vous remercie pour votre présence devant notre délégation. Dans les territoires ultramarins, les affaires européennes sont complexes et sources de multiples préoccupations. Depuis le 23 novembre dernier, Saint-Martin assume la présidence de la Conférence des présidents des RUP (CPRUP) et de l'association des RUP (ARUP), dont les principaux objectifs sont d'éviter les dégagements d'office sur les programmes 2014-2020 et de négocier au mieux les montants financiers des programmes 2021-2027. Les enjeux sont donc importants car – je ne vous apprends rien – les RUP sont confrontés à des retards structurels en termes d'équipement et de formation.

Vous n'ignorez pas que la collectivité de Saint-Martin a, pour la période 2021-2027, ses propres objectifs européens au nombre desquels figure l'obtention d'un programme propre – distinct de celui de la Guadeloupe –, l'augmentation significative des dotations par rapport à la période 2014-2020 pour parachever la reconstruction post-Irma, son accession à la qualité d'autorité de gestion pour les futurs programmes des Fonds européens structurels et d'investissement (FESI), a minima pour le Fonds européen de développement régional (FEDER) – un objectif que nous partageons d'ailleurs avec le département de Mayotte. Pour ce faire, Saint-Martin renforcera dès l'année prochaine ses services gestionnaires et ceux en charge des questions européennes. Mais nous avons besoin de toute l'implication des autorités nationales, en particulier de l'INSEE, pour renforcer l'outil statistique qui nous permettra d'accéder à la nomenclature des unités territoriales statistiques de niveau 2, dite NUTS 2. Ma question est donc toute simple : madame la secrétaire d'État, Saint-Martin peut-elle compter sur votre mobilisation dans la poursuite de ses objectifs ?

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La délégation m'a désigné co-rapporteur d'une mission relative à la lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Les travaux ont démarré dans ma circonscription, en Guyane, avant que l'ordre du jour de la délégation ne modifie le délai de remise du rapport. Je profite de votre passage pour vous interroger sur un point qui m'interpelle. Madame la secrétaire d'État, les habitants de mon territoire sont fatigués par le coût exorbitant de la vie et par les mécanismes qui y contribuent. L'octroi de mer a été identifié comme un de ces facteurs. Afin d'alléger ce dernier, la collectivité territoriale de Guyane, comme d'autres, applique une réduction, ce qui permet de le ramener à une très faible valeur, ou procède à son exonération pour une liste de produits locaux qu'elle cherche constamment à élargir.

Ces exonérations d'octroi de mer servent, d'une part, à aider les entreprises de production locale et à maintenir la compétitivité des produits locaux vis-à-vis des produits importés, d'autre part, à aider les Guyanais en réduisant le coût direct de leur consommation. Nous savons bien que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne permet pas, en principe, d'appliquer une fiscalité différente selon que les produits sont locaux et importés. Toutefois, la spécificité des régions ultrapériphériques a permis cette exception, en application de la décision du Conseil du 17 décembre 2014. Afin de reconduire le dispositif au-delà de 2020, la Commission a sollicité de la part des autorités françaises un rapport, qui a été rendu en 2017, puis elle a elle-même rendu le sien au Conseil le 13 décembre 2018. La proposition de la Commission consiste à modifier la décision du 17 décembre 2014 et amender la liste des produits pouvant faire l'objet d'une taxation différenciée. Or, dès 2010, les autorités françaises avaient communiqué la demande de la Guyane tendant à ce que la liste concerne 80 produits, et celle-ci avait été ramenée à 64. Nous allons donc de réduction en réduction ; la Commission ne mesure pas les répercussions de ces exonérations sur le pouvoir d'achat des consommateurs ultramarins. Dès lors, je m'interroge sur les lignes directrices qui seront applicables à compter de 2021 et, dans l'attente de votre réponse au sujet de l'intérêt des modifications proposées, j'en appelle à votre vigilance pour protéger les intérêts des régions ultrapériphériques.

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Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

En ce qui concerne Saint-Martin, nous sommes pleinement mobilisés. Je tiens d'ailleurs à vous dire que nous évoquons très régulièrement le cas de l'île au conseil des ministres, car il y va de la politique européenne, bien sûr – je vais y revenir dans le détail –, mais également de l'ensemble des politiques publiques nationales. Je voulais donc me faire la porte-parole de mes collègues du Gouvernement, qui portent une attention particulière à la situation de Saint-Martin.

Pour vous répondre plus précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, la gestion du programme INTERREG à Saint-Martin et du financement provenant du Fonds européen de développement (FED) pour la partie néerlandaise de l'île est très complexe ; il faut savoir le reconnaître. Je ne vais pas vous dire que tout cela est très simple. Les difficultés tiennent en partie au contexte post-Irma, car l'ouragan n'a pas amélioré les choses, mais aussi à l'histoire, que nous connaissons tous, et à la coopération entre les deux parties de l'île. Nous souhaitons – et je parle aussi en ma qualité de diplomate – que cette coopération s'améliore ; j'ai d'ailleurs des échanges réguliers avec mon homologue néerlandais, qui s'est rendu il y a quelques mois à Saint-Martin. Il m'a dit en souriant que c'était la seule frontière que nous partagions. Je lui ai alors rappelé qu'elle était essentielle, et qu'il fallait d'ailleurs qu'elle soit un peu moins une frontière, c'est-à-dire que nous réussissions à coopérer activement. Vous me direz qu'il n'y a pas de frontière physique ; certes, mais il s'agit tout de même d'une frontière administrative.

La perte des fonds du fait du dégagement d'office serait effectivement très dommageable : nous voyons bien que Saint-Martin a particulièrement besoin de projets associant les deux parties de l'île, dans le cadre de la reconstruction, mais aussi pour créer de grandes infrastructures, satisfaire ses besoins énergétiques, ou encore procéder au traitement de l'eau. Pour remédier à tous ces problèmes, il serait utile à la population que les projets soient menés en commun. Nous sommes totalement engagés – y compris, bien entendu, la ministre Annick Girardin – pour faire comprendre à la Commission européenne qu'il faut tenir compte du fait que les retards s'expliquent par la situation sur place, au niveau tant administratif qu'humanitaire, social et démocratique, qui s'est trouvée très dégradée après le passage de l'ouragan Irma.

En ce qui concerne plus spécifiquement la gestion des fonds européens, le Premier ministre a déjà été interrogé par le président de la collectivité de Saint-Martin. Force est de constater que la gestion de ces fonds est très complexe. En conscience, il a été décidé que les conditions n'étaient pas vraiment réunies pour qu'ait lieu un transfert de l'autorité de cette gestion de l'État vers la collectivité. En effet, compte tenu de la lourdeur des procédures, dont je viens de parler, ce n'est pas forcément un cadeau à vous faire. En revanche, il a été acté que la collaboration entre les services de l'État et la collectivité devait être bien meilleure : il faut travailler en bonne intelligence pour faire émerger les projets, déclencher leur financement et suivre leur déroulement. Certes, il devrait en aller de même dans tous les territoires, mais c'est encore plus important dans les territoires fragilisés et vulnérables.

Nous sommes donc très actifs en ce qui concerne Saint-Martin. Il faut nouer le dialogue, car l'idée n'est absolument pas de considérer que l'État fera tout et la collectivité rien : comme la gestion des fonds est très lourde sur le plan administratif, l'État en assume la responsabilité, mais en collaboration avec la collectivité. J'espère avoir répondu à vos inquiétudes. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous dire, ainsi qu'à la population que vous représentez, à quel point nous sommes conscients du fait qu'il faut encore beaucoup travailler, notamment autour des outils européens, et y compris avec le reste de l'île.

Monsieur Adam, vous m'avez interrogée, en faisant oeuvre salutaire de pédagogie, sur la liste des produits exonérés de l'octroi de mer. Ainsi, vous avez retracé l'historique du dossier et expliqué où nous en sommes. En décembre 2018, le commissaire européen Pierre Moscovici avait annoncé une liste de 84 produits locaux supplémentaires qui pourraient bénéficier d'une réduction ou d'une suppression de la taxe d'octroi de mer. Vous le savez, le dispositif découle du règlement général d'exemption par catégorie en matière d'aides d'État. Dans le cadre européen, réduire la fiscalité pour des territoires ou des produits spécifiques suppose un travail de notification pour s'assurer de la loyauté de la compétition économique au sein de l'Union européenne. En l'espèce, les enjeux sont très spécifiques. D'ailleurs, vous avez raison : il est sain que votre délégation se penche sur la question de la vie quotidienne des habitants des territoires ultramarins. La vie chère outre-mer est effectivement une réalité à laquelle il faut que nous réfléchissions, et nous devons avancer.

Nous sommes très attachés à ce dispositif d'exemption et l'avons rappelé à la Commission, tout en lui démontrant son efficacité économique et son utilité en termes de gestion de l'emploi dans les territoires. Nous avons souligné que les handicaps qui motivent ce régime existent toujours – car, bien que nous travaillions chaque jour à développer les territoires, il faut continuer à soutenir l'activité locale –, que son utilisation est bien proportionnée et que ses effets sur le développement économique sont prouvés. À notre demande, la Commission a engagé des travaux en vue de reconduire le régime à partir de 2021, et un cabinet d'expertise externe indépendant a été chargé de mener une évaluation. J'en suis très contente car, trop souvent, quand un pays s'exprime sur ce genre de question, on a l'impression qu'il cherche à manigancer. Nous suivrons ces travaux de très près. Votre rapport sera lui aussi une pierre intéressante apportée à cet édifice de rationalisation et de factualisation. Il y aura là des arguments utiles pour nous permettre, dans le futur, non seulement d'élargir le régime, mais surtout de rappeler son intérêt économique factuel, aussi bien pour améliorer le niveau de vie des populations que pour favoriser le développement économique – les deux marchent ensemble.

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Avant de passer la parole à M. Gomès, je voudrais moi aussi vous poser quelques questions, madame la secrétaire d'État.

Le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) pour la période 2021-2027 fait-il partie, comme je le suppose, de vos priorités ?

En mars, le Parlement européen a adopté une résolution sur les droits fondamentaux des personnes d'ascendance africaine en Europe. En 2015, les Nations unies avaient, quant à elles, proclamé la décennie internationale des personnes d'ascendance africaine. Que comptent faire l'Union européenne et la France ?

En ce qui concerne les pêcheurs ultramarins, soutiendrez-vous l'assouplissement du plafond des plans de compensation des surcoûts et la réintroduction de la possibilité d'abonder ces plans à travers les aides d'État ?

Je voulais également vous interroger à mon tour sur l'octroi de mer, même s'il vient d'en être question. Êtes-vous déterminée à demander à Bruxelles la reconduction du dispositif ?

Quelle est votre vision concernant le dispositif actuel en faveur du rhum venant des départements d'outre-mer, qui est un produit de qualité ?

Enfin, comment comptez-vous assurer le maintien, après 2020, des aides nationales au renouvellement des flottes dans les RUP, autorisées par la Commission européenne ?

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Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

De la même façon que nous demandons la stabilisation de la PAC à son niveau actuel dans le cadre de l'UE à vingt-sept, nous souhaitons que l'enveloppe consacrée au POSEI pour la période 2021-2027 soit la même que pendant les années 2014 à 2020. Au demeurant, le POSEI est une déclinaison dans les RUP du premier pilier de la PAC. Dans le cadre de la négociation de la PAC, nous nous appliquons donc à faire en sorte que le volet POSEI soit maintenu en l'état. En ce qui concerne la conditionnalité environnementale, dont nous demandons le renforcement au sein de la PAC, nous souhaitons que les modalités en soient adaptées dans les RUP, car la nature des productions n'y est pas la même – de même, par conséquent, que les actions agricoles engagées. L'adaptation pourrait concerner notamment le taux de cofinancement. Le POSEI fait donc partie de la négociation de la PAC, mais nous y sommes tout à fait vigilants.

Nous savons que les plans de compensation des surcoûts sont essentiels pour le secteur de la pêche dans les régions ultrapériphériques ; nous l'avons rappelé lors des discussions relatives au prochain Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), dont l'objet est de moderniser la pêche. Lors du conseil des ministres européens chargés de la pêche qui s'est tenu en juin dernier, il a été décidé de modifier la proposition de la Commission, laquelle tendait à plafonner le montant des plans de compensation. Les ministres ont souhaité que nous puissions continuer à prendre vraiment en compte les spécificités locales, et sont donc revenus sur l'idée d'un plafonnement. Certes, les montants qui seront consacrés à ces plans dépendront du cadre financier pluriannuel (CFP) dans son ensemble mais, comme pour le POSEI, la position de la France est très claire : nous demandons le maintien de l'enveloppe. Je tiens d'ailleurs à dire qu'au regard du budget européen, les montants en jeu ne pèsent pas sur le reste de la négociation.

Vous m'avez également parlé du rhum. Là aussi, la Commission européenne a lancé une évaluation en vue d'une éventuelle proposition législative autorisant l'application d'un taux réduit de droit d'accise pour le rhum traditionnel produit dans les régions ultrapériphériques. Pour dire les choses plus clairement, l'objectif est d'avoir un taux réduit sur ce qui est produit dans ces zones. L'enjeu, un peu comme dans le cas des appellations d'origine protégée, est de contrôler également l'origine des produits bénéficiant du droit d'accise réduit. Les autorités françaises ont répondu à la consultation publique de la Commission en soulignant l'importance du dispositif et la nécessité de le reconduire, et en rappelant que, s'il était décidé de ne pas l'autoriser, les conséquences socio-économiques seraient extrêmement négatives, vu la place de cette activité dans nos territoires. Nous avons également demandé – je pense que vous n'y serez pas opposé, monsieur le président – une simplification du processus, notamment pour la réévaluation du volume du contingent – car un volume maximal a été fixé pour bénéficier du dispositif. Là aussi, et cela rejoint la question de Lénaïck Adam, il s'agit de réévaluer les choses de manière factuelle. Nous devons nous situer sur le terrain des faits et adopter une approche dynamique, mettre à jour les données pour nous assurer de la pertinence économique du dispositif, laquelle, en l'espèce, est avérée.

En ce qui concerne le renouvellement des flottes de pêche dans les RUP, la Commission européenne a modifié il y a quelques mois les lignes directrices relatives aux aides d'État dans le secteur de la pêche, afin d'ouvrir sous conditions la possibilité d'aides publiques à l'achat de navires de pêche neufs dans les RUP. Il me semble que c'est une bonne nouvelle. Les ministères concernés sont en train de déterminer la forme précise des aides qui pourront être apportées. La question fera l'objet d'un point spécial lors du prochain comité interministériel des outre-mer. Il y a, là aussi, des enjeux essentiels, dans le cadre des priorités fixées pour l'outre-mer, à savoir le développement endogène des territoires, notamment autour de la modernisation des activités ; nous en avons longuement parlé quand je siégeais sur les bancs de l'Assemblée. Il me semble que c'est vraiment essentiel.

Je le disais, nous sommes attachés au mécanisme de l'octroi de mer. Nous avons la chance de bénéficier d'une expertise indépendante pour factualiser les choses, montrer à quel point, sur le plan économique, le dispositif est pertinent. Les propositions faites consistaient, effectivement, à élargir la liste des produits concernés et à renouveler le dispositif au-delà de 2020. Je vous confirme une fois encore notre mobilisation ; nous poursuivons nos démarches dans ce sens auprès de la Commission. Nous essayons d'apporter des faits, de fonder le mécanisme sur une évaluation économique. Cela permettra d'ailleurs de sortir de l'idée selon laquelle seul un sursis serait accordé : l'objectif est d'ancrer le dispositif dans le temps.

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Merci, madame la secrétaire d'État, pour la clarté de vos propos et votre détermination à défendre les intérêts des territoires ultramarins.

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Je vous remercie à mon tour, madame la secrétaire d'État, d'avoir pris le temps nécessaire pour venir échanger avec les membres de la délégation aux outre-mer, qui en sont extrêmement honorés.

Vous avez dit que la France avait une responsabilité particulière à l'égard des PTOM – c'est la fameuse idée de la France des trois océans, qui n'est pas seulement une formule marketing. Or l'Europe a elle aussi une responsabilité, parce qu'elle trouve dans les collectivités françaises du Pacifique une ultime déclinaison dans cet océan. La France et l'Europe ont donc une responsabilité particulière à l'égard de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Cette responsabilité est d'autant plus particulière, madame la secrétaire d'État, que le Président de la République, à l'occasion de sa venue en Nouvelle-Calédonie, en mai 2018, a prononcé un discours important au théâtre de l'Île, à Nouméa, dans lequel il insistait sur la nécessité de donner corps à un axe indopacifique. En effet, il a dit clairement – ce qui n'a pas beaucoup plu, d'ailleurs – que « la Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas » dans notre région. De fait, nous vivons cette réalité tous les jours, très concrètement. L'axe indopacifique fort que le Président de la République appelle de ses voeux, auquel la France et l'Europe doivent contribuer, est bien sûr l'axe Paris-New Delhi-Canberra, mais il a eu l'amabilité, la gentillesse – peut-être aussi la lucidité – d'y inclure Nouméa et Papeete. Tout cela pour dire que le gouvernement de la République française doit prêter une attention extrême aux PTOM du Pacifique car, au cours du siècle à venir, cette région sera le nouveau centre de gravité de la planète ; être en charge des affaires européennes suppose aussi d'avoir conscience de cette situation.

Au-delà des généralités, comment ce constat doit-il être décliné concrètement ? D'abord, dans la négociation du contrat financier pluriannuel, c'est-à-dire de l'instrument financier dédié pour les PTOM. Comme le sujet a déjà été abordé, je n'y reviendrai pas, sinon pour dire qu'il faut être attentif non seulement à la taille de l'enveloppe, mais aussi à l'équité de traitement entre le Groenland et nous, puisque désormais la question se pose dans ces termes. Sur ce point, il ne faut pas « lâcher l'affaire », pour reprendre une formule appréciée par la jeune génération ; il faut se battre pour préserver nos intérêts. C'est une modeste affaire de dépendances, mais on sait bien que, parfois, c'est dans ces endroits que se jouent les moyens d'existence.

Ensuite, de manière plus fondamentale, il faut s'interroger sur la place des PTOM dans la négociation des accords post-Cotonou. L'accord de Cotonou, qui concerne 79 pays d'Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique, arrive à échéance en 2020. On sait qu'il y aura une gouvernance dédiée et que des partenariats régionaux seront instaurés. Dans ce cadre, la possibilité d'une coopération entre les pays ACP et les PTOM a été envisagée. Nous qui sommes les représentants de la France et de l'Europe dans la région du Pacifique, comment pouvons-nous être associés, participer d'une manière ou d'une autre à la négociation des accords post-Cotonou ? Il ne s'agit pas seulement pour nous d'être invités à la table : nous considérons qu'il serait bête que l'Union européenne ne s'appuie pas sur les PTOM français pour mener les actions européennes dans cette région ; qu'il serait quand même dommage de ne pas donner la possibilité aux PTOM français de nouer des coopérations avec les pays ACP ; qu'il serait regrettable de ne pas permettre aux PTOM français de s'intégrer davantage dans la région du Pacifique. La France, l'Europe et les PTOM français du Pacifique ont vraiment un intérêt commun à contribuer à construire un axe indopacifique fort. Il faut renforcer la présence de l'Europe dans cette région du monde, à un moment où la Chine est en train de prendre toutes ses aises.

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Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

En écoutant votre intervention sur Papeete, nouveau centre de gravité mondiale, je me disais que vous devriez proposer d'accrocher ici un planisphère dont le méridien central serait celui qui passe en Polynésie, ou du moins dans le Pacifique. Je pense que cela changerait notre regard sur ces territoires très éloignés : il serait intéressant de voir le monde depuis cet océan Pacifique.

Plus sérieusement, nous voyons que le développement économique de cette zone indo-pacifique est très fort et que les territoires dont vous parlez sont au coeur de cette zone. La question est de savoir comment ces territoires, loin d'être un trou noir du développement environnant, peuvent au contraire en bénéficier.

Je vois deux enjeux. D'abord, un enjeu financier, car il faut disposer des outils pour se raccrocher pleinement à ce développement, non seulement pour y être associé, mais aussi, potentiellement, pour en être le moteur. Je me rendrai au mois de décembre à Copenhague, où j'aurai une discussion précise sur les intentions du Danemark vis-à-vis du Groenland, dans le cadre de cette discussion de répartition de l'enveloppe européenne des PTOM. Je suis ce sujet de très près. Je vais aussi avoir, sur le sujet des RUP, une discussion avec la Commission, avec mes homologues espagnol et portugais en charge de ces questions. Là aussi, nous essayons de mener un dialogue rapproché et de parler d'une même voix. Voilà pour l'enjeu du développement économique permis par l'enveloppe européenne.

Le second enjeu – enjeu-clé – est de savoir comment se raccrocher au développement de la région et, surtout, au développement que l'Union européenne permet elle-même dans la région. Cela pose la question-clé de la coordination entre les outils post-Cotonou ACP et les programmes mis en oeuvre. Cela n'aurait guère de sens de vous demander de signer un accord avec des États membres tels que la Belgique et la Finlande, alors que vous êtes au milieu du Pacifique. En revanche, on voit bien l'intérêt d'activer des programmes européens sectoriels liés à des politiques menées dans les régions de pays géographiquement voisins de votre territoire, pays où l'Union européenne elle-même agit. Qu'il s'agisse du trafic maritime, de la pêche, des énergies renouvelables ou d'innovation, il y a énormément de choses à faire dans ces bassins géographiques. Or les outils européens, même s'ils sont intéressants, ne sont pas adaptés. Il faut donc poursuivre la discussion.

Je crois que la nouvelle commissaire finlandaise a l'avantage de connaître ce que sont des territoires géographiquement non centraux, car la Finlande compte aussi des territoires éloignés, qui présentent leurs particularités, même si elles ne sont pas du tout les vôtres. En tout cas, politiquement, elle voit l'intérêt de ces régions éloignées, ou faiblement développées, ou décentrées. Annick Girardin ira la rencontrer très rapidement et j'irai la rencontrer très rapidement, pour qu'on définisse une doctrine politique, sans cantonner les sujets ultramarins dans une discussion technique ou dans une discussion d'outils. D'après les échanges que j'ai eus, le dossier qui lui a été préparé est d'une complexité technique incroyable ; on y parle uniquement d'outils, de territoires qui bénéficient de telle ou telle mesure, d'enveloppes, de plafonds, de cofinancements… C'est hyper technique.

Pour ma part, je pense qu'il faut qu'on ait aussi un discours politique. Il faut que tous ces outils servent une stratégie. Il faut que l'Union européenne ait une stratégie claire, affirmée, comprise. Bien sûr, cela ne concerne que peu d'habitants, mais, du point de vue géographique, il y va de notre rayonnement international et de notre présence dans le monde, à nous Français, mais aussi à nous Européens. Je crois donc qu'il faut qu'on reconstruise une doctrine claire, qui soit partagéee avec les territoires, pour que tous ces outils entrent finalement en cohérence. Sinon, même si cela représente beaucoup d'argent sur la table, on peine à activer les crédits. La coordination de ces divers outils n'est d'abord pas très simple à comprendre, pour qui n'est pas spécialiste. Ensuite, je ne suis pas sûre qu'il y ait grand monde qui soit spécialiste de tous les outils, chacun ne voyant plutôt qu'un fragment de l'ensemble. Or il est toujours difficile de faire avancer une politique sans en comprendre la cohérence d'ensemble. Puisons de la confiance dans une cohérence reconstruite, puis, dans cette confiance, de l'énergie pour la mise en oeuvre.

Il faut aussi qu'on puisse travailler avec les pays partenaires. Car ce que je vous dis aujourd'hui, mon homologue portugais peut le dire au parlement portugais et mon homologue espagnol au parlement espagnol. C'est pourquoi nous aimerions tenir en novembre, avec l'Espagne et le Portugal, cette réunion sur le CFP avec la Commission, en présence d'Annick Girardin. Car nous ne devons pas être les seuls à dire qu'il faut définir une stratégie pour l'ensemble des territoires concernés.

Je ne saurais trop vous encourager, Monsieur le président, à organiser une petite visite de votre délégation à la Commission, pour y rencontrer la commissaire finlandaise et mieux lui présenter tant les enjeux stratégiques que les évolutions que vous aimeriez porter. Peut-être que les députés, qui pourraient a minima rencontrer ses équipes et ses services, pourraient aussi avoir un entretien avec elle. Qu'elle vous connaisse ! Vous savez qu'on fait avancer une politique quand elle est incarnée. Lire ces dossiers est une chose, c'en est une autre d'en parler avec vous, c'en est encore une troisième que de vous voir, et c'en est une quatrième de nouer un échange de confiance.

Certes, je peux porter votre voix, mais il est aussi intéressant qu'elle vous rencontre. Peut-être pouvez-vous l'inviter pour une audition ; il faut qu'on réfléchisse à ce qui est adapté.

Enfin, je pense que la mobilisation est aussi interministérielle. J'ai la chance d'être en charge d'un sujet qui n'est pas le mien, mais qui est celui de tout le monde. Quand je vous parle d'Europe et d'environnement, quand je vous parle d'Europe et d'agriculture ou quand je vous parle d'Europe et de pêche, il s'agit d'un travail que j'anime en coordination avec d'autres administrations, avec d'autres ministères et avec d'autres ministres. Tout comme il faut que la Commission ait un réflexe outre-mer, il faudrait que les ministres qui parlent d'outre-mer aient un réflexe européen ! Eh oui, je sais que cela fait beaucoup de réflexes à développer… Mais je pense que c'est dans cet esprit qu'on peut travailler.

Pour ma part, je suis tout à fait prête à continuer d'échanger techniquement, mais la clef est d'avoir une stratégie cohérente. On peut discuter à foison d'outils, de curseurs, de tours de tournevis… Mais je pense qu'il faut que ceux qui nous regardent, loin de la capitale, puissent s'y retrouver. Il faut aussi que les collectivités territoriales puissent se saisir de ces outils et comprendre que ce n'est pas seulement une question budgétaire, mais bien une question politique, citoyenne et démocratique.

Je vous remercie pour l'échange que nous avons eu. Je reviendrai volontiers devant vous. Je vous tiendrai aussi au courant, par des voies peut-être plus administratives, de ce qui se passe. Je crois que la réunion de novembre sera une réunion-clé pour engager le dialogue. Je tenais beaucoup à ce qu'on puisse s'y rendre de concert avec des représentants de l'Espagne et du Portugal, notamment pour montrer que le sujet de l'outre-mer n'est pas seulement un sujet français, même si, de fait, nous présentons la particularité de compter beaucoup de territoires de ce type – ce qui est, je crois, une vraie chance pour nous tous.

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Je vous remercie beaucoup, madame la ministre, chère Amélie de Montchalin. Je reconnais bien votre pragmatisme et l'efficacité de votre esprit de synthèse apte à formuler des propositions concrètes.

Vous nous avez dit que les fonds européens sont peu programmés et peu consommés : la problématique de l'ingénierie mérite sans doute d'être posée. Vous avez aussi indiqué que vous nous invitez fortement, d'une façon ou d'une autre, à nous rapprocher de la commissaire européenne, avec vous et, pourquoi pas, avec la ministre des outre-mer en charge de ces affaires : nous saisissons la balle au bond et nous nous rapprocherons de vos services pour voir les meilleures voies et moyens d'y parvenir rapidement. Vous nous avez indiqué qu'il est important de définir une doctrine politique pour les outremer et de développer une analyse beaucoup plus transversale, parce que les territoires ultra-marins participent au rayonnement de la France et de l'Europe, de sorte que les outils adaptés issus de cette politique ne pourront voir le jour qu'après un échange incarné suscitant de la confiance.

La réunion s'est achevée à 12 heures 50.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Lénaïck Adam, Mme Stéphanie Atger, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Folliot, M. Philippe Gomès, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monica Michel, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, Mme Cécile Rilhac, Mme Maina Sage, Mme Nicole Sanquer, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville.

Excusés. – M. Stéphane Claireaux, Mme Françoise Dumas, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Hugues Renson,