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Dès que l'on touche de près ou de loin à la liberté d'expression, un auteur s'impose : Philippe Muray. Je ne résiste donc pas au plaisir de le citer une nouvelle fois ici : « Notre temps est si rongé de bonnes intentions, si désireux de faire le bien qu'il voit le mal partout. » Quel meilleur résumé peut-on faire de votre proposition de loi ? La censure drapée dans l'inévitable principe de précaution : sauver ce qu'il reste de notre cohésion sociale en combatt...
...liement : « Ce n'est pas une opinion, c'est un délit. » Votre leitmotiv : « La régulation n'est pas la censure. » Vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État. C'est pourtant bien ce chemin que le texte indique. Je vous mets donc en garde une nouvelle fois : attention à la censure au nom des bonnes intentions, attention à la mise à l'index au nom de la tolérance. La liberté d'expression n'est pas seulement l'un des socles sur lesquels se construit une démocratie, elle est aussi, plus profondément, ce qui nous fait hommes, parce que libres. Et, chaque fois qu'un régime la restreint, c'est une blessure qu'il inflige à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, pour mieux manquer à son esprit, pour mieux la trahir.
Certains voient internet comme une zone de non-droit dans laquelle la liberté d'expression est poussée à son paroxysme : on pourrait tout y dire, et tout se permettre, jusqu'aux propos les plus odieux. Mais le droit qui régit au quotidien notre vie réelle doit aussi encadrer notre vie virtuelle. Car, derrière chaque écran, il y a une personne qui ne peut échapper à ses responsabilités au prétexte que ses actes sont commis par l'intermédiaire d'un ordinateur. Ainsi, ce qui est réprimé d...
...que répréhensibles juridiquement. Puisque les opérateurs sont clairement prêts à faciliter l'ouverture des comptes, il relève logiquement aussi de leur responsabilité d'amener tout aussi clairement les usagers à se protéger, mais également à adopter une attitude responsable et citoyenne en ligne. L'article 1er est la pierre angulaire du combat que nous menons à l'Assemblée pour que la liberté d'expression triomphe sur la dictature de la haine et du mépris de l'autre.
...en première instance que la qualification d'injure envers les musulmans pouvait être retenue s'agissant du dessin montrant Mahomet avec une bombe dans son turban, même si Charlie Hebdo était par ailleurs relaxé au titre de sa bonne foi. Cette analyse sera ensuite infirmée par la cour d'appel. Plus récemment, en 2018, il a fallu aller jusqu'en cassation pour trancher la qualification à donner à l'expression « Fuck Church », peinte sur la poitrine dénudée de plusieurs Femen. L'injure envers les catholiques n'a finalement pas été retenue. Depuis plus de deux cents ans, le modèle de régulation de la liberté d'expression passe par la constatation d'un abus et par sa sanction par le juge judiciaire, gardien des libertés fondamentales. Ce modèle est issu de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. I...
...n problème. La notion de haine est difficile à définir ; les juges eux-mêmes éprouvent des difficultés à qualifier l'incitation à la haine, dont la définition varie en fonction des jurisprudences. De plus, un contenu peut être notifié comme illicite pris isolément alors que, replacé dans un contexte plus général, il prendra un tout autre sens, incontestablement légal et qui relève de la liberté d'expression. La Cour de cassation a ainsi eu l'occasion de déclarer légal au regard de la notion de débat d'intérêt général un contenu manifestement illicite. Par ailleurs, l'article donne aux plateformes un pouvoir de police des moeurs, alors que ce n'est pas leur rôle mais bien celui du juge. La liberté d'expression ne peut être bridée par des opérateurs privés dont l'expérience prouve que leur appréciati...
... haine qui gangrène pourtant internet, mais également de nombreuses zones de non-France : il s'agit bien évidemment de la haine issue des fondamentalistes islamistes et du racisme anti-blanc. Loin de nous l'idée de refuser de mener ce combat essentiel et nécessaire à notre cohésion nationale ; ce que nous refusons, c'est qu'au nom d'une pénalisation légitime des dérives sur internet la liberté d'expression politique soit menacée. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi.
Je comprends certaines interrogations de nos collègues quant aux risques d'atteinte à la liberté d'expression. Mais je ne pense pas que ces derniers se concrétiseront : en la matière, nous sommes à la recherche d'un point d'équilibre que nous allons nous efforcer de trouver au cours de nos débats. Le travail de Laetitia Avia, que je salue, nous en rapproche certainement, même si nous ne pourrons peut-être jamais l'atteindre tant l'entreprise est difficile. La liberté d'expression ne permet pas tout. Auj...
L'article 1er apporte des réponses aux interrogations qu'ont exprimées certains sur les limites à fixer à cette proposition de loi. Ce texte, il est vrai, ne crée pas d'incrimination nouvelle en matière d'expression. L'article 1er se contente de répéter un certain nombre de textes existants – loi de 1881, loi contre l'homophobie, etc. – , qui introduisent des limites à la liberté d'expression. Aujourd'hui, ces textes sont mal appliqués dans le cadre d'internet. Dorénavant, une procédure administrative viendra préciser cet aspect. Cela n'empêchera pas que, ultérieurement, le juge, décideur ultime, soit saisi ...
... le législateur se doit de réagir. À 70 %, les Français indiquent qu'ils ont déjà été la cible de messages abjects sur internet. Chaque année, 700 000 élèves subissent un harcèlement qui conduit certains à nourrir des pensées suicidaires, voire à passer à l'acte. Avec des mesures fortes et opérationnelles, le texte proposé vise un objectif double. Il s'agit d'abord de réaffirmer que la liberté d'expression – à laquelle nous sommes tous très attachés – n'est pas sans limite dans notre droit, et qu'internet n'est pas une zone de non-droit. Il s'agit ensuite de mettre un terme à la quasi-impunité des délinquants du monde virtuel. Cet article 1er consacre le principe de la responsabilité des opérateurs de plateformes – c'est sa singularité. Ceux-ci, après un signalement par une personne victime de mes...
...naler des propos répondant à une vision extensive du caractère illicite. Nous proposerons donc un amendement complémentaire visant à sanctionner tout à la fois les propos illicites et la censure excessive. Les exemples cités par nos collègues montrent bien que la perception du caractère illicite peut prendre des proportions étendues dans le domaine culturel comme au regard du droit à la liberté d'expression ou à conduire des politiques contestataires. Enfin, le sujet principal n'est pas de savoir s'il faut ou non réguler internet, mais qui est autorisé à le faire et qui en a la légitimité. Peut-on accepter que les plateformes elles-mêmes en fassent un marché, loin de l'intérêt général et de l'intérêt public ? Dans une République, ce rôle ne revient-il pas plutôt au droit et au juge ?
...rtain qu'il relève totalement du sujet qui nous occupe. L'article 1er fixe un cadre ; tout est là. C'est l'occasion de rappeler combien il est important de veiller aux mots que nous employons. Ainsi, on ne lutte pas contre la haine. La haine est un sentiment intime, personnel. Je pense ce que je veux à l'égard de qui je veux. Cependant, je n'ai pas le droit de l'exprimer. De fait, c'est contre l'expression de la haine et non contre la haine elle-même que l'on peut lutter. C'est l'acte, et lui seul, que nous devons condamner. Prenons garde à ne pas laisser croire que le législateur s'immisce dans les consciences pour y réglementer d'autres passions, comme la colère ou l'amour. Il était important de le rappeler. Par ailleurs, l'article 1er vise à appliquer les dispositions du présent texte aux opéra...
...t qu'il a connu ces dernières années. La loi pour la confiance dans l'économie numérique avait posé des jalons qui nous fournissent, parmi d'autres, des outils d'intervention dont on trouve les sources dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée depuis. Nous sommes dans cet état d'esprit, moins préoccupés de protéger les données que la liberté d'expression, attachés à préserver l'équilibre entre l'évolution nécessaire de la société et le maintien de certains interdits, malgré l'anonymat que permet internet. Parce que nous avons assisté, ces dernières années et particulièrement ces derniers mois, à un déferlement de propos haineux sur les réseaux sociaux, ciblant un public de plus en plus large, jusqu'au monde agricole, tout le monde comprend bien ...
Cet amendement tend à supprimer l'article, car, comme nous l'avons précédemment expliqué, ce texte passe à côté de l'objectif qu'il se fixe et porte gravement atteinte au principe de la liberté d'expression. Par ailleurs, M. Corbière a raison : contrairement à ce que nombre de nos collègues ont sous-entendu, l'espace d'internet est déjà régulé par la loi. La loi permet déjà à la justice d'intervenir rapidement, même sur internet. L'article 50-1 de la loi de 1881 prévoit un référé spécifique contre la diffusion des propos de haine à raison de l'injure commise envers une personne ou un groupe de pers...
...enus gris, se révélera donc bien plus problématique que vous l'avez dit : dans les faits, il est impossible de tracer avec précision la limite entre le contenu manifestement illicite et le contenu relevant de la zone grise. La plateforme choisira évidemment par facilité, et je la comprends, de censurer le propos. C'est la raison pour laquelle l'article 1er me semble porter atteinte à la liberté d'expression.
La prolifération de contenus haineux sur internet est un phénomène que nous ne pouvons ignorer, car il nous touche tous. Que ce soit en tant que victimes ou en tant que témoins, nous y avons tous été confrontés à des propos offensants et agressifs. Lorsqu'ils s'inscrivent dans un débat d'idées et dans les contours de notre liberté d'expression, pilier de nos valeurs démocratiques, ces propos peuvent être dérangeants, sans pour autant être illégaux, mais, lorsqu'ils franchissent les lignes rouges de notre liberté d'expression, qu'ils viennent nous frapper en plein coeur, non pas pour ce que nous disons ou pensons, mais pour ce que nous sommes – noirs, arabes, chinois, juifs, musulmans, homosexuels, handicapés, ou tout simplement femmes ...
...urs doivent aujourd'hui combattre de façon plus volontaire l'hydre numérique qu'ils ont contribué à créer, car c'est bien leur modèle économique, fondé sur l'exploitation algorithmique de nos données, qui nourrit l'enfermement intellectuel et, partant, l'intolérance croissante aux opinions contraires. Et c'est l'impunité totale des auteurs anonymes de propos haineux sur internet qui favorise leur expression exponentielle mais également leur banalisation dans la vie réelle. C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi comporte plusieurs mesures tendant à renforcer substantiellement les obligations à la charge des opérateurs de plateforme. Ils auront notamment à répondre au CSA, dont les missions sont complétées pour lui permettre d'exercer un contrôle fin de l'action des plateformes en mat...
...e la religion, de l'ethnie, du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap ne sont permises ni dans la rue, ni à la télévision, ni à la radio, ni dans la presse. Pourquoi le seraient-elles sur internet ? Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par notre collègue Laetitia Avia, rapporteure de ce texte. Nous sommes fiers de ce texte dont l'objectif est de protéger la liberté d'expression de tous sur internet. Chaque jour, des femmes, des homosexuels, des personnes de couleur, des juifs, des musulmans ou des personnes handicapées se font insulter sur internet parce qu'ils sont des femmes, des homosexuels, des personnes de couleur, des juifs, des musulmans ou des personnes handicapées. Chaque jour, les auteurs de propos haineux sont de plus en plus nombreux. Et, chaque jour, ils so...
...mblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai conscience que ce débat doit s'inscrire également dans le cadre du respect des droits de l'homme et du citoyen. Dans une démocratie, les individus et les organisations, quelles qu'elles soient, doivent pouvoir s'exprimer, diffuser des informations, des opinions, par le biais des réseaux sociaux, mais on atteint très vite les limites de la liberté d'expression dans les domaines controversés : avec l'incitation à la violence, voire des comportements criminels, sous la forme de la propagande du terrorisme ou du djihadisme, avec les discours de haine en raison de la race, de la religion du sexe ou du handicap. La diffusion des contenus haineux connaît incontestablement une progression exponentielle en l'absence de contrôle ou de sanctions. La proposition...
...es habituelles et vient compléter l'arsenal juridique disponible pour les utilisateurs quotidiens de ces plateformes. L'angle adopté est intéressant car il s'agit ici d'envisager les plateformes comme étant des catalyseurs de contenus afin de mieux les réguler en les responsabilisant et en responsabilisant les utilisateurs ; c'est là un point d'équilibre qui garantit la protection de la liberté d'expression et empêche ceux qui voudraient la détourner de ses fondements de s'en prévaloir. Bien sûr, certains éléments appellent des précisions, notamment le champ d'application de la proposition de loi, mais je crois que des amendements apportant les précisions souhaitables ont été déposés. Je veux tout de même vous interroger, madame la rapporteure, sur plusieurs points. N'est-il pas envisageable de dép...