Publié le 25 septembre 2018 par : M. François-Michel Lambert, M. Maire, Mme Maillart-Méhaignerie, M. Le Bohec, Mme Lardet, M. Gaillard, Mme Mirallès, M. Mbaye, M. Molac, Mme Valetta Ardisson, Mme Lenne, M. Marilossian, M. Cesarini, Mme Guerel, Mme Racon-Bouzon, M. Zulesi, Mme Tuffnell, M. Cédric Roussel, M. Chalumeau, Mme Khedher, Mme Tamarelle-Verhaeghe.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1611‑7‑1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérateurs en financement participatif public sont régis par les dispositions particulières insérées au chapitre IX du présent code. » ;
2° Le titre Ier du livre VI est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« Chapitre IX : Dispositions particulières relatives au financement participatif public
« Art. L. 1619‑1. – Les intermédiaires en financement participatif mentionnés à l'article L. 548‑1 du présent code et les conseillers en investissements participatifs visés à l'article L. 547‑1 du même code ne peuvent financer des collectivités territoriales ou des établissements publics qu'à la double condition d'être immatriculés sur le registre unique prévu à l'article L. 512‑1 du code des assurances et de disposer d'une autorisation spéciale d'exercer une telle activité à l'égard des collectivités territoriales et des établissements publics délivrée par le ministre en charge de l'économie.
Une fois l'agrément et l'autorisation d'exercer détenus, les intermédiaires en financement participatif et les conseillers en investissements participatifs pourront exercer en qualité d'opérateur en financement participatif public.
« Art. L. 1619‑1‑1. – La délivrance d'une autorisation d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif public par le ministre en charge de l'économie se fonde sur les moyens techniques, financiers et organisationnels mis en œuvre et sur tout autre document ou circonstance de fait ou de droit qu'elle jugera utile afin de garantir la fiabilité et la sécurité du dispositif ainsi envisagé.
« L'administration pourra à tout moment de la procédure d'examen de l'autorisation, exiger des garanties supplémentaires raisonnables pour s'assurer du dispositif proposé.
« L'administration dispose d'un délai de quatre mois, à compter du jour de la réception d'un dossier complet, pour instruire la demande d'autorisation à compter de la réception d'un dossier complet, dont les pièces justificatives sont fixées par arrêté du ministre en charge de l'économie.
« En cas d'approbation de la demande de délivrance d'une autorisation spéciale d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif public, l'autorisation est publiée par arrêté du ministre en charge de l'économie sous huit jours.
« Le silence gardé de l'administration, au-delà d'un délai de quatre mois, vaut refus tacite de la demande de délivrance d'une autorisation spéciale d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif.
« Art. L. 1619‑1‑2. – Le fait d'exercer l'activité ou d'usurper la qualité d'opérateur en financement participatif public en l'absence d'immatriculation sur le registre unique prévu à l'article L. 512‑1 du code des assurances et de détention de l'autorisation spéciale d'exercer en cette qualité est puni par l'article 621‑1 du code pénal.
« Art. L. 1619‑1‑3. – 1° L'autorisation spéciale visée aux articles L. 1619‑1 et L. 1619‑1‑1 du présent code est de droit pour tout intermédiaire en financement participatif ou conseiller en investissements participatifs lorsque celui-ci est déjà immatriculé sur le registre unique prévu à l'article L. 512‑1 du code des assurances et fournit à titre principal, avant la promulgation de la loi n° du relatif à la croissance et la transformation des entreprises, des services de financement participatif public depuis au moins un an et à l'encontre duquel l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou l'Autorité des marchés financiers n'a diligenté aucune procédure de sanction
« 2° Les intermédiaires en financement participatif et les conseillers en investissements participatifs déjà immatriculés sur le registre unique prévu à l'article L. 512‑1 du code des assurances et fournissant à titre accessoire, avant la promulgation de la loi n° du relatif à la croissance et la transformation des entreprises, des services de financement participatif public, devront dans les cinq mois suivant la promulgation de cette loi, solliciter l'autorisation spéciale d'exercer dans les conditions de l'article L. 1619‑1‑1 du présent code.
« Le délai d'instruction est réduit à deux mois à compter du jour de la réception d'un dossier complet.
« En cas de rejet de la demande de délivrance d'une autorisation spéciale d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif public, il incombe à l'administration de motiver sa décision. Cette disposition est d'ordre public.
« Art. L. 1619‑1‑4. – L'autorisation spéciale d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif public peut être retirée à titre définitif ou suspendue à titre temporaire ne pouvant excéder 12 mois consécutifs par le ministre en charge de l'économie dans les cas suivants :
« 1° Commission, complicité ou dissimulation de tout crime ou délit prévu par le code pénal lorsque la culpabilité de la personne morale a été établie par une décision définitive au sens de l'article 708 du code de procédure pénale ;
« 2° Manquement répété à des devoirs tirant leur fondement du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales ;
« 3° Fourniture d'un ou plusieurs prêts à titre onéreux comportant un taux usuraire.
« L'opérateur en financement participatif public dont l'autorisation est retirée ou suspendue doit poursuivre les opérations en cours mais ne peut plus contracter avec des collectivités territoriales ou des établissements publics à titre définitif ou pendant la durée de la suspension suivant le cas.
« Le Conseil d'État statue en premier et dernier ressort sur le contentieux des autorisations spéciales d'exercer l'activité d'opérateur en financement participatif public.
« Art. L. 1619‑2. – Un financement participatif public désigne tout titre de créance ou prêt à titre onéreux ou sans intérêt, collecté par un opérateur en financement participatif public, pour le financement d'un projet porté par une collectivité territoriale ou un établissement public à l'occasion duquel, des personnes de droit privé se sont volontairement constituées prêteurs.
« Art. L. 1619‑2‑1. – Les contrats conclus entre les opérateurs en financement participatif public et les collectivités territoriales ou les établissements publics, les contrats d'emprunt et les titres de créance légalement formés ne sont pas soumis à la réglementation relative aux marchés publics et ne nécessitent, à aucun moment de l'exécution du contrat, de convention de mandat.
« Art. L. 1619‑2‑2. – Toute collectivité ou établissement public pourra avoir recours au dispositif de prêt tel que prévu par l'article L. 1619‑2 du présent code, dans la limite de ses seules dépenses d'investissement.
« Art. L. 1619‑2‑3. – Les opérateurs en financement participatif public peuvent également collecter des dons au profit d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public.
« Art. L. 1619‑3. – La nullité de l'ensemble des contrats conclus est encourue, lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public réalise un emprunt destiné à financer des dépenses de fonctionnement ou des entreprises.
« Art. L. 1619‑4. – Les opérateurs en financement participatif public devront, à la clôture de chaque exercice, être en mesure de fournir une documentation contenant les informations relatives à leur fonctionnement, aux flux financiers, aux contrats conclus, et en ce compris, toute information relative aux personnes ayant contribué au financement en cas de demande expresse.
« Cette obligation d'information vaut à l'égard du représentant de l'État dans le département lorsqu'un projet est conduit sur le territoire au sein duquel il exerce son autorité, du ministère en charge de l'économie et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l'Autorité des marchés financiers le cas échéant, sans que ne puisse leur être opposé un quelconque droit au secret.
« Art. L. 1619‑5 – Les opérateurs en financement participatif public devront en tous cas observer l'interdiction qui leur est faite de consentir à l'égard d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public un prêt à titre onéreux dont le taux serait usuraire.
« La réglementation du taux d'usure à l'égard des opérateurs en financement participatif est celle relative aux prêts aux personnes morales n'ayant pas d'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale.
« Art. L. 1619‑5‑1. – Le fait de consentir à l'égard d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public un prêt à titre onéreux, dont le taux serait usuraire au sens de l'article L. 1619‑5 du présent code, emporte la nullité du taux et une substitution de celui-ci au taux d'intérêt légal.
« Art. L. 1619‑5‑2. – Le taux effectif global servant à déterminer le caractère usuraire du taux ne comprend pas la commission de l'opérateur en financement participatif public.
« Art. L. 1619‑6. – La procédure de débit d'office dont bénéficient les établissements de crédit, peut s'étendre aux opérateurs en financement participatif public ayant facilité l'octroi d'un prêt au bénéfice d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public.
« Un arrêté du ministre en charge des comptes publics détermine les conditions préalables et la mise en œuvre du dispositif. »
Le financement participatif, ou « crowdfunding », est un moyen de financement en plein essor : au 1er semestre 2017, 391,9 millions d'euros de fonds ont été levés, en progression de 46 % par rapport à 2016, d'après les derniers chiffres publiés par l'association Finance Participatif France.
L'ordonnance n° 2014‑559 du 30 mai 2014 a créé des statuts pour les plateformes de financement participatif dans la perspective du financement des entreprises et des associations.
Depuis septembre 2016, des collectivités locales ont elles aussi commencé à réaliser des campagnes de financement participatif, malgré l'absence de cadre légal spécifiquement prévues pour elles.
Elles financent leurs projets grâce aux citoyens, qui leur accordent des prêts avec ou sans intérêts, ou des dons.
Le financement participatif public dépasse la logique financière : certaines collectivités emploient ce mode de financement pour communiquer sur leur politique d'investissement, fédérer la population, faire participer concrètement les citoyens aux projets publics afin de renforcer leur lien avec eux et les responsabiliser sur les équipements publics.
Par exemple, ont été financés par des prêts participatifs une installation photovoltaïque sur le toit d'un bâtiment public de l'Agglomération de Saint-Brieuc, ou encore une étude en vue de la conception d'habitats éco-responsables d'une petite commune de 600 habitants, Langouët, laquelle, après le succès de cette opération et la dynamique locale qui en a résulté, a lancé un second prêt participatif projet pour financer une ferme en permaculture.
Contrairement au crowdlending (prêt participatif) des entreprises, le financement participatif public est, pour les particuliers, un placement sans risque, l'emprunteur étant la collectivité, et qui plus est, il est réalisé au profit direct de l'intérêt général.
Dans un contexte où l'investissement des collectivités, qui joue un rôle crucial dans l'économie, souffre (baisse des dotations, prêts structurés, Bâle III, baisse des ressources fiscales ...), le développement de cette solution alternative qui repose sur l'épargne stable des Français doit être soutenu.
Aucun texte n'encadre le financement participatif public.
Un seul texte l'aborde sans l'encadrer : le décret n° 2015‑1670 du 14 décembre 2015 relatif aux conventions de mandat.
Ce texte est source d'insécurités juridiques, pouvant être dissuasives pour certaines collectivités, conduire au refus de comptables publics, ou encore faire prendre le risque de l'annulation de l'opération réalisée.
Ce décret relatif aux conventions de mandat pourrait être interprété en ce sens qu'il n'autorise le recours au financement participatif des collectivités que pour les projets réalisés au profit d'un « service public culturel, éducatif, social ou solidaire ».
Or, d'une part la conclusion d'une convention de mandat est inutile pour ces opérations et, elle crée des contraintes inutiles et, d'autre part et surtout, la notion de « service public culturel, éducatif, social ou solidaire » n'est pas définie.
C'est la raison pour laquelle il vous est proposé d'introduire dans le code général des collectivités territoriales un chapitre spécifiquement dédié au financement participatif public.
Ce nouveau chapitre clarifie le champ du financement participatif public en rappelant que les collectivités et les établissements publics peuvent, comme pour les « prêts classiques », financer tout type de dépense d'investissement, conformément aux principes de la comptabilité publique généraux. Il rappelle également que la conclusion d'une convention de mandat n'est pas obligatoire.
Par ailleurs, des dispositions doivent être adaptées pour tenir compte de l'existence du financement participatif public et permettre son développement :
Il est ainsi proposé d'introduire le financement participatif public parmi les exceptions du Code des marchés publics, pour le mettre sur un pied d'égalité avec les prêts bancaires et les émissions obligataires, qui en sont également exclus.
Cette disposition est une mise à jour de la liste des exclusions du Code des marchés publics, dont la dernière réforme de 2015, n'avait pas tenu compte du prêt participatif des collectivités, qui n'existait pas encore.
De plus, il vous est proposé pour sécuriser les remboursements des prêts participatifs aux citoyens d'autoriser aux plateformes de financement participatif, dont il est rappelé qu'elles sont agréées et contrôlées par l'ACPR et/ou l'AMF, de recourir comme les banques à la procédure du débit d'office, ce qui permet de prélever les échéances de remboursement des collectivités.
L'objectif est d'éviter, comme pour les emprunts bancaires, les défauts ou retard de paiement, au profit des citoyens prêteurs.
Enfin, il vous est proposé d'adapter les obligations en matière de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme au financement participatif public pour le don.
En effet, les plateformes de don doivent réaliser des « dues diligences » pour identifier les donateurs (notamment recueillir la pièce d'identité et le justificatif de domicile des donateurs). L'objectif est de réduire le risque de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme en identifiant les associations créées dans ce dessein, avec parfois des pseudo-donateurs qui cherchent à blanchir leur argent.
Si ce risque est plausible s'agissant d'associations, il ne l'est pas concernant les collectivités territoriales et les établissements publics qui sollicitent des dons pour leurs projets, à la condition qu'ils soient identifiés par les plateformes de financement participatif.
C'est la raison pour laquelle il est proposé d'exonérer les plateformes de l'obligation de réaliser des « dues diligences » vis-à-vis des donateurs dans les projets de don des collectivités locales et établissements publics, dès lors que ces-derniers sont identifiés.
Ce dispositif offre en contrepartie d'importantes garanties à l'état avec notamment l'exigence de disposer d'une autorisation spécifique afin d'exercer en qualité d'opérateur en financement participatif sous peine de commission d'un délit ainsi qu'une interdiction des taux usuraires pour tout contrat de financement participatif conclu. Dès lors, et en ce qui concerne le régime d'autorisation spécifique pour exercer en qualité d'opérateur en financement participatif public, l'amendement distingue trois acteurs différents : 1° Ceux qui n'ont jamais offert de prestation à l'égard du secteur public ; 2° Ceux qui en ont déjà offert, mais à titre essentiellement accessoire ; et 3° ceux qui en ont offert à titre d'activité principale. Dans ces trois cas, l'autorisation spéciale à délivrer prend en compte un critère de réalité économique pour ne pas bouleverser leur activité. Dès lors, pour ceux qui n'ont jamais offert de prestation à l'égard du secteur public, l'autorisation spéciale est à demander au plus tôt, et l'administration dispose d'un délai de quatre mois pour statuer sur la demande. Lorsque le financement participatif a déjà été fourni aux acteurs du service public, mais à titre d'activité accessoire, l'opérateur dispose d'un délai de cinq mois pour se manifester auprès de l'administration laquelle devra examiner l'objet de la demande sous deux mois. Enfin, en ce qui concerne les opérateurs ayant, à titre principal, fourni de telles prestations aux acteurs du secteur public pendant un an moins, avant la promulgation de la présente Loi, cette autorisation est de droit, sous réserves d'observer des conditions strictes.
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