Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Texte n° 1503

Amendement N° CL133 (Rejeté)

(10 amendements identiques : CL219 CL392 CL78 CL251 CL421 CL148 CL430 CL35 CL212 CL285 )

Publié le 18 décembre 2018 par : M. Latombe.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer l'article 6 du présent projet de loi.

En effet, l'article 6 consacre une banalisation des mesures de fixation de la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, ce qui constitue à une déjudiciarisation de cette fixation. Cette déjudiciarisation est plus qu'inquiétante puisqu'elle aboutit à une atteinte d'une exceptionnelle gravité aux droits de l'enfant ainsi qu'à ceux des parents de défendre une situation qui peut être complexe. La protection de l'enfant et la bonne fixation de ces contributions doit être la priorité.

Le projet de loi, suite aux modifications adoptées en commission des lois de l'Assemblée nationale, propose de transférer le contentieux de la modification des pensions alimentaires pour les enfants aux seuls directeurs des CAF.

Or, cette mesure présente les risques suivants :

- Une procédure modificative de pension alimentaire nécessite un nouvel et réel examen complet au fond de la situation financière respective de chacune des parties et des besoins des enfants ; elle est par ailleurs bien souvent indissociable des autres mesures concernant les enfants (résidence, droit de visite et d'hébergement), qui restent de la compétence exclusive du JAF. Il existe un vrai risque de confusion dans l'esprit du justiciable.

- Cette procédure ne vise que le montant mensuel des pensions alimentaires, et ce alors même qu'en pratique, nombre de parents souhaitent voir fixer les modalités de prise en charge directe de frais, indépendamment ou en plus de la pension alimentaire en numéraire.

- La fixation de la pension alimentaire est guidée par l'intérêt supérieur des enfants, dont le seul le juge peut être le garant.

- Par ailleurs, l'article 6 pose un problème majeur dans le cas d'un débiteur défaillant. En effet, dans cette hypothèse, la CAF – organisme de droit privé – se substitue à ce dernier pour régler la pension alimentaire (article L581-2 du code de la sécurité sociale). Or, c'est également elle qui en fixera le montant en cas de révision. Cela ne manque pas de poser un problème d'impartialité, auquel l'article 6 ne répond pas.

- Il existe un risque d'automatisation des montants fixés en se référant aux barèmes (qui ne peuvent qu'être indicatifs). Or, la fixation de la pension alimentaire peut s'avérer compliquée en présence de revenus complexes (dirigeants de sociétés, revenus du patrimoine) et de situations disparates en termes de charges (crédits, loyers, mise à disposition gratuite du logement etc…). Seul le juge, gardien des libertés et guidé par l'intérêt supérieur des enfants est en mesure de fixer les pensions alimentaires.

- La réforme envisagée est contraire aux engagements de la France sur le plan européen : en effet, l'article 2§1 3) du Règlement CE n°4/2009 du 18 décembre 2008, s'il permet une fixation des obligations alimentaires concernant les enfants par voie d'acte authentique, réserve son utilisation strictement en cas d'accord ce qui n'est pas le cas de la réforme envisagée qui envisage une fixation par les officiers ministériels en cas de désaccord entre le créancier et le débiteur des obligations alimentaires ; de même, l'article 2§2 du même Règlement ne reconnaît un caractère juridictionnel aux autorités administratives que dans la mesure où celles-ci offrent des garanties d'impartialité et le droit des parties à être entendues, ce qui n'est pas le cas de la réforme envisagée qui réserve expressément le cas de la non-comparution du débiteur

- Les textes européens imposent aux autorités françaises de statuer, au besoin d'office, sur leur compétence en matière d'obligations alimentaires (article 10 du Règlement CE n°4/2009 du 18 décembre 2008) : dès lors, lorsqu'il existe le moindre élément d'extranéité (résidence habituelle ou nationalité du créancier ou du débiteur), les directeurs de la CAF ou les officiers ministériels devront vérifier leur compétence internationale ce qui requiert des connaissances de droit international privé qui n'est pas forcément maîtrisé et susciterait des risques de conflit de compétence, que ce soit avec des Etats-membres de l'Union européenne ou avec des Etats tiers

- Des difficultés pourront par ailleurs se poser s'agissant de l'exécution des décisions de fixation de contribution rendues par les directeurs de CAF : en effet, s'il ne s'agit pas d'un accord constaté par acte authentique, ou si le caractère juridictionnel des autorités administratives prête à discussion, nombre d'autorités étrangères (intra ou extra-UE) risquent de refuser d'exécuter les décisions rendues.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à supprimer l'article 6.

Cet amendement a été rédigé avec les avocats.

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