Publié le 25 septembre 2017 par : M. Collard, Mme Le Pen, M. Aliot, M. Bilde, M. Chenu, M. Evrard, M. Pajot.
Chapitre Ibis
De l'indignité nationale
I. – Peut être déclarée coupable de l'indignité nationale toute personne physique condamnée pour un des crimes et délits contre la Nation, l'État et la paix publique tels que définis aux titres I et II du livre IV du code pénal et puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.
La culpabilité est prononcée à titre complémentaire sans préjudice des autres peines criminelles ou correctionnelles encourues dans les cas où les faits reprochés constitueraient des infractions aux lois pénales en vigueur.
II. – L'indignité nationale est prononcée par la formation de jugement appelée à connaître des crimes et délits mentionnés à l'article.
Pour l'appréciation de la culpabilité, la juridiction pénale compétente peut tenir compte de la pression exercée sur les auteurs ou de l'importance et de la fréquence de leurs agissements.
Cette juridiction peut également déclarer excusées et relever de l'indignité nationale les personnes physiques qui, postérieurement aux agissements retenues contre elles se sont réhabilitées en se distinguant par une participation active, efficace et soutenue dans la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, le terrorisme ou les atteintes à l'autorité de l'État.
III. – L'indignité nationale est punie de la dégradation nationale. La dégradation nationale est une peine qui comporte :
1° La privation des droits de vote, d'éligibilité et du droit de porter aucune décoration.
2° La destitution et l'exclusion des condamnées de hautes fonctions publiques, emplois publics, offices publics et corps constitués.
3° La perte de tous les grades dans l'armée de terre, de l'air et de mer.
4° La destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions d'administration et de direction dans une entreprise bénéficiaire soit de subventions publiques, soit d'une concession, soit d'une délégation de service public accordée par l'État ou une autre collectivité publique.
5° L'incapacité d'être juré, arbitre, expert ou témoin.
6° La destitution et l'exclusion des condamnés des professions d'auxiliaires de justice et d'officier ministériel.
7° La privation du droit d'enseigner dans les établissements publics ou privés, cette interdiction s'étendant à toute forme d'enseignement religieux.
8° La destitution et l'exclusion des condamnés de tous organismes, associations et syndicats chargés de représenter les professions et d'assurer la discipline.
9° La privation du droit de diriger une entreprise d'édition, de presse, d'information par la voix audiovisuelle électronique ou télématique, ou de cinéma ou d'y collaborer régulièrement.
10° La privation du droit de détention et de port d'armes.
11° L'interdiction d'être administrateur ou gérant de sociétés.
12° La juridiction peut en outre prononcer la confiscation totale ou partielle des biens de la personne physique condamnée à la dégradation nationale.
IV. – La dégradation nationale ne peut être confondue avec aucune autre peine.
V. – La juridiction déclarant l'indignité nationale peut interdire à la personne reconnue comme indigne de résider ou de séjourner dans certaines parties du territoire français.
VI. – La durée des déchéances, exclusions, incapacités et privations des droits ci-dessus énumérés ne peut être inférieure à dix années.
Dans le cas d'une indignité temporaire, la mention portée au casier judiciaire cessera de figurer au bulletin n° 3 dix ans après l'expiration de la peine ; lorsque dans l'intervalle ne sera intervenue aucune condamnation à une peine afflictive ou infamante.
VII. – La violation pour une personne condamnée pour indignité nationale des dispositions de la présente loi est punie d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.
Les dirigeants des administrations, concessions, établissements, entreprises ou régies convaincus de complicité sont punies des mêmes peines.
VIII. – Les voies de recours extraordinaires sont régies par le livre III du code de procédure pénale.
Hormis le cas d'indignité nationale prononcée par la Cour de justice de la République, les procédures d'appel sont régies par ce même code.
Lors des débats parlementaires qui ont suivi les graves attentats terroristes qu'a connus notre Nation, le rétablissement de l'indignité nationale avait fait consensus ; avant que le débat ne s'enlise dans une réforme de la citoyenneté. La perte de nationalité, pourtant déjà inscrite aux articles 23‑7 et 23‑8 du code civil, a débouché sur l'enlisement des débats.
Il vous est donc proposé de revenir aux sources de cette initiative en rétablissant une infraction créée par le Gouvernement Provisoire de la République Française, après avis de l'Assemblée consultative.
L'indignité nationale fut instaurée par une ordonnance dite « d'Alger » du 26 août 1944, dont le présent amendement s'inspire assez directement.
L'indignité nationale était une infraction sui generis sanctionnant à cette époque les faits de collaboration avec l'occupant et le régime qu'il avait instauré.
La sanction consistait en la peine de déchéance nationale : le condamné était quasiment exclu de tout rôle dans les affaires publiques et les activités connexes. La seule peine modulable était la confiscation de tout ou partie des biens du condamné.
La présente rédaction reprend ces mêmes principes. Le présent titre ne comporte que trois différences notoires :
1° La législation est d'application permanente, alors que sauf infractions connexes, les faits visés par l'ordonnance de 1944 se prescrivaient six mois après la libération du territoire métropolitain français.
2° Elle ne réprime plus les faits de collaboration mais les crimes et délits liés au terrorisme et plus généralement des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.
3° La présente proposition tient compte de la création de la Cour de justice de la République, de la promulgation du nouveau code pénal ainsi que de la création des cours d'assises d'appel.
Pour le reste, la présente proposition s'inspire du texte rédigé par le garde des sceaux François de Menthon, signé par le Général de Gaulle et approuvé unanimement par le Gouvernement provisoire : de Charles Tillon (PCF) à Augustin Laurent (SFIO) ou encore René Capitant (UDSR), Georges Bidault (MRP), Louis Jacquinot (RI) et Pierre Mendès France (Radical). Il s'agit d'une législation approuvée par René Cassin et dont la France n'a pas à rougir, eu égard aux circonstances d'une époque troublée.
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