Projet de loi de finances pour 2020 — Texte n° 2272

Amendement N° 2333C (Rejeté)

Publié le 13 novembre 2019 par : M. Latombe.

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Exposé sommaire :

Le présent amendement vise à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement à l’article 57 du projet de loi de finances, compte tenu des nombreuses interrogations qu’il soulève.

Il y a lieu de s’interroger, tout d’abord, sur l’opportunité de compléter les outils d’investigation à la disposition des administrations fiscale et douanière pour lutter contre la fraude. Le législateur est récemment intervenu - notamment par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude - pour renforcer la palette de ces outils. Et les résultats de cette lutte se sont améliorés de manière significative au cours de l’année écoulée, comme en attestent les 5,6 milliards d’euros de recouvrement d’impôts engrangés sur les neuf premiers mois de l’année 2019, dont près de 640 millions d’euros grâce aux seules techniques existantes d’exploration des données déclaratives à sa disposition.

Cette interrogation est d’autant plus légitime que l’évolution proposée n’est pas mineure, puisqu’elle constitue un changement de paradigme dans les méthodes de travail de ces administrations, en passant d’une logique de traitement ciblé de données en cas de doute ou de suspicions de fraude à une logique de collecte générale et préalable de données en vue de programmer des opérations ciblées de contrôle.

Ensuite, l’inscription d’un tel dispositif dans un projet de loi de finances, sans réflexion préalable approfondie sur ses implications, notamment en matière de respect des droits et libertés, et sur un cadre juridique uniforme applicable à d’autres administrations poursuivant des objectifs similaires, ne paraît pas propice à l’adoption de dispositions satisfaisantes et respectueuses des droits et libertés. L’évaluation préalable présentée par le Gouvernement est d’ailleurs silencieuse sur le nombre de personnes susceptibles d’être concernées par les traitements envisagés, le volume et la nature des données qui pourraient être collectées comme les gains escomptés, ce qui ne permet pas d’en apprécier précisément l’ampleur.

Enfin, les traitements envisagés au travers de cette disposition font naître de sérieuses interrogations sur la proportionnalité du dispositif au regard de ses finalités. Si la lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnelle, elle ne peut s’opérer que sous réserve de respecter certaines garanties pour un traitement adéquat et proportionné des données. Certes les dispositions de droit commun de la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés s’appliqueraient. Mais, en l’état de sa rédaction, l’article 57 autorise la collecte massive de données personnelles - la circonstance que ces données ont été rendues librement publiques n’exonère pas de la nécessité de respecter les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel - pour un large spectre d’infractions fiscales et douanières de gravité variable. L’indétermination des technologies qui seront utilisées pour cette collecte et la probabilité qu’il soit recouru à des algorithmes « auto-apprenants » rendent particulièrement difficile la définition a priori, par le législateur, de ces garanties.

Il semble donc nécessaire à votre rapporteur de recommander la suppression de cette disposition afin d’en reporter l’examen à un véhicule législatif dédié, permettant d’en évaluer toutes les conséquences et d’y apporter toutes les garanties nécessaires.

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