Publié le 29 octobre 2019 par : Mme Moutchou, M. Gosselin.
I. – La loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. – I. – Les plafonds annuels d’éligibilité des personnes physiques à l’aide juridictionnelle sont fixés par décret en Conseil d’État.
« II. – Le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte :
« 1° du revenu fiscal de référence ou, à défaut, des ressources imposables dont les modalités de calcul sont définies par décret ;
« 2° de la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productif de revenus et du patrimoine mobilier productif de revenus ;
« 3° de la composition du foyer fiscal.
« III. – Les biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s’appliquent les plafonds d’éligibilité. »
2° L’article 5 est ainsi rédigé :
« Art. 5. – L’appréciation des ressources est individualisée dans les cas suivants :
« 1° la procédure oppose des personnes au sein d’un même foyer fiscal ou bien il existe entre eux, eu égard à l’objet du litige, une divergence d’intérêt ;
« 2° la procédure concerne une personne majeure ou mineure rattachée au foyer fiscal de ses parents ou de ses représentants légaux, lesquels manifestent un défaut d’intérêt à son égard. »
3° Au premier alinéa de l’article 7, après le mot : « manifestement », est ajouté le mot : « abusive ».
4° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ce bureau est établi au siège des juridictions dont la liste et le ressort en cette matière sont définis par décret.
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- À la première phrase, les mots : « ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont supprimés, et sont ajoutés les mots : « ou par voie électronique » ;
- À la deuxième phrase, les mots : « établi au siège de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve » sont remplacés par les mots : « dont relève le siège de » ;
5° L’article 21 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « sur la situation financière de l’intéressé » sont remplacés par les mots : « permettant d’apprécier l’éligibilité de l’intéressé à l’aide juridictionnelle ».
b) Au deuxième alinéa, les mots : « sur sa demande, » sont supprimés
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés d’assurances et les organisations professionnelles intervenant dans ce secteur sont tenues de communiquer au bureau, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé ne bénéficie pas d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection à même de prendre en charge les frais couverts par l’aide juridictionnelle ».
6° L’article 36 est ainsi rédigé :
« Art. 36. – L’avocat désigné peut conclure avec son client une convention écrite préalable qui fixe, en tenant compte de la complexité du dossier, des diligences et des frais imposés par la nature de l’affaire, le montant et les modalités de paiement des honoraires qu’il peut demander si le bureau d’aide juridictionnelle ou la juridiction saisie de la procédure prononce le retrait de l’aide juridictionnelle.
« Lorsque l’avocat perçoit des honoraires de la part de son client après que l’aide juridictionnelle lui a été retirée, l’avocat renonce à percevoir sa rétribution au titre de l’aide juridictionnelle. »
7° Au deuxième alinéa de l’article 37, après le mot : « État », sont ajoutés les mots : « majorée de 50 % » ;
8° L’article 50 est ainsi rédigé :
« Art. 50. – Sans préjudice des sanctions prévues à l’article 441‑7 du code pénal, le bénéfice de l’aide juridictionnelle est retiré, en tout ou partie, même après l’instance ou l’accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants :
« 1° Si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes ;
« 2° S’il survient au bénéficiaire, pendant cette instance ou l’accomplissement de ces actes, des ressources excédant les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ;
« 3° Lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire des ressources excédant les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ;
« 4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable ;
« 5° Lorsque les éléments extérieurs du train de vie du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle apparaissent manifestement incompatibles avec le montant des ressources annuelles pris en compte pour apprécier son éligibilité. »
9° L’article 51 est ainsi rédigé :
« Art. 51. – Le retrait de l’aide juridictionnelle peut intervenir en cours d’instance et jusqu’à un an après la fin de l’instance. Il peut être demandé par tout intéressé et notamment par l’avocat du demandeur. Il peut également intervenir d’office.
« Le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l’aide juridictionnelle ou par la juridiction saisie de la procédure. »
10° Les articles 69‑5, 69‑11, 69‑12 sont abrogés.
11° L’article 70 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Le montant des plafonds prévus à l’article 4 ainsi que leurs modalités de révision, les correctifs liés à la composition du foyer fiscal, les modalités d’estimation du patrimoine et des ressources imposables à prendre en compte lorsque le revenu fiscal de référence n’est pas applicable ;
b) Au 2° , après le mot : « juridictionnelle, » sont insérés les mots : « les modalités de leur saisine par voie électronique, »
II. – L’ordonnance n° 92‑1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – I. – Les plafonds annuels d’éligibilité des personnes physiques à l’aide juridictionnelle sont fixés par décret en Conseil d’État.
« II. – Le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte :
« 1° du revenu fiscal de référence ou, à défaut, des ressources imposables dont les modalités de calcul sont définies par décret ;
« 2° de la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productifs de revenus ;
« 3° de la composition du foyer fiscal. ;
« III. – Les biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s’appliquent les plafonds d’éligibilité. »
2° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4.– L’appréciation des revenus est individualisée dans les cas suivants :
« 1° la procédure oppose des personnes au sein d’un même foyer fiscal ou bien il existe entre eux, eu égard à l’objet du litige, une divergence d’intérêt ;
« 2° la procédure concerne une personne majeure ou mineure rattachée au foyer fiscal de ses parents ou de ses représentants légaux, lesquels manifestent un défaut d’intérêt à son égard. »
3° Le premier alinéa de l’article 11 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « sur la situation financière de l’intéressé » sont remplacés par les mots : « permettant d’apprécier l’éligibilité de l’intéressé à l’aide juridictionnelle ».
b) À la deuxième phrase, les mots : « sur sa demande, » sont supprimés.
4° L’article 22 est ainsi rédigé :
« Art. 22. – Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l’aide juridictionnelle est retiré, en tout ou partie, même après l’instance ou l’accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants :
« 1° Si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes ;
« 2° S’il survient au bénéficiaire, pendant cette instance ou l’accomplissement de ces actes, des ressources excédant les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ;
« 3° Lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire des ressources excédant les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ;
« 4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ;
« 5° Lorsque les éléments extérieurs du train de vie du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle apparaissent manifestement incompatibles avec le montant des ressources annuelles pris en compte pour apprécier son éligibilité.
III. – Le I du présent article est applicable en Polynésie française.
IV. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er décembre 2020.
Cet amendement vise à mettre en œuvre, à dépenses constantes pour le budget de l’État, une partie des préconisations du rapport de la mission d’information sur l’aide juridictionnelle qui a récemment rendu ses conclusions (Rapport d’information n° 2183 Naïma Moutchou/Philippe Gosselin « Réformer l’aide juridictionnelle : une exigence démocratique pour améliorer l’accès à la justice » - Commission des lois, juillet 2019).
Aujourd’hui, pour apprécier les revenus du justiciable qui demande à pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle, le bureau d’aide juridictionnelle doit tenir compte des « ressources de toute nature » dont le demandeur a la jouissance ou la libre disposition. Or, le rapport d’information constate une prise en compte très disparate des revenus des demandeurs selon les bureaux d’aide juridictionnelle et donc des inégalités de traitement entre les justiciables inacceptables.
Cet amendement propose de prendre comme critère d’éligibilité à l’aide juridictionnelle une donnée objective et susceptible de prendre en compte l’ensemble des revenus du justiciable : le revenu fiscal de référence afin de mettre fin à ces inégalités de traitement.
Ce critère présente plusieurs avantages : le revenu fiscal de référence est l’agrégat fiscal le plus proche des critères retenus pour les demandes d’aide juridictionnelle, il permet une appréciation objective des ressources des demandeurs, il a pour effet de simplifier la demande d’aide et il a pour conséquence un gain de temps pour les bureaux d’aide juridictionnelle.
Par conséquent, cet amendement modifie les modalités d’appréciation de la condition de ressources. Il supprime la notion de « ressources de toute nature » comme critère unique d’appréciation de l’éligibilité du demandeur à l’aide juridictionnelle en considération de ses ressources. Cette notion sera remplacée par le « revenu fiscal de référence » au sein du décret n° 91‑1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Si le revenu fiscal de référence constituera le critère de principe, les ressources imposables seront à défaut prises en compte, notamment pour les personnes imposables à l’étranger ainsi que pour celles résidant en Nouvelle Calédonie, en Polynésie Française ou à Wallis-et-Futuna.
Le revenu fiscal de référence est un montant annualisé, calculé sur la base des ressources imposables auxquelles est appliqué un abattement de 10 %. Les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle seront donc adaptés en conséquence. Ils ne seront désormais plus fixés par la loi mais par un décret en Conseil d’État.
Le plafond de ressources tiendra compte de la composition du foyer fiscal, de façon à maintenir le principe de correctifs pour charges de famille.
Cet amendement prévoit également que les modalités d’appréciation du patrimoine immobilier et de l’épargne du demandeur sont fixées par décret en Conseil d’État.
Par ailleurs la dispense, pour le demandeur bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou du revenu de solidarité active, de justifier de l’insuffisance de ses ressources est supprimée. En effet, avec la récupération automatique du « revenu fiscal de référence » du demandeur auprès de l’administration fiscale via le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), cette disposition n’a plus lieu d’être. De même, l’alinéa relatif aux français de l’étranger est supprimée : cette disposition s’avère être superflue dans la mesure où les plafonds de droit commun sont applicables aux français de l’étranger.
Il est également proposé que la notion d’ « éléments extérieurs du train de vie », actuellement utilisée pour apprécier l’éligibilité à l’aide juridictionnelle, constitue désormais un motif pour prononcer le retrait de l’aide juridictionnelle.
L’amendement propose également plusieurs mesures de simplification de l’aide juridictionnelle, afin d’en améliorer le fonctionnement et d’en diminuer le coût de gestion :
– il vise à permettre au justiciable de transmettre sa demande d’aide juridictionnelle par voie électronique via l’application informatique Système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ). Une informatisation du traitement de la demande d’aide juridictionnelle est prévue. Les bureaux d’aide juridictionnelle pourront également solliciter les compagnies d’assurance afin de savoir si un demandeur a souscrit un contrat d’assurance de protection juridique. Dans tous les cas, la mission insiste sur la nécessité de maintenir, à l’échelle de chaque tribunal, un point d’accueil physique et de proximité pour les justiciables ;
– il prévoit de remplacer le principe selon lequel chaque tribunal de grande instance dispose d’un bureau d’aide juridictionnelle par la possibilité d’en définir l’implantation au moyen d’un décret en Conseil d’État. Il s’agit ici de rendre possible le regroupement de BAJ au sein d’un ressort de Cour d’appel, à destination des tribunaux volontaires ;
– il prévoit également de renforcer le dispositif permettant aux avocats de recouvrer, sur la partie non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, une indemnité fixée par le juge correspondant aux frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide.
De même, afin de limiter la progression importante de certaines dépenses d’aide juridictionnelle, le présent amendement prévoit :
– de permettre aux bureaux d’aide juridictionnelle de refuser la demande d’aide si l’action apparaît manifestement abusive, cette modification devant permettre le rejet des demandes émanant des quérulents processifs ;
– de modifier les conditions de retrait de l’aide juridictionnelle. Ainsi, l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 permet désormais à l’avocat de conclure une convention d’honoraires préalable avec son client, même lorsque celui-ci bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, dans l’hypothèse où cette aide lui serait retirée. Cette convention permet au justiciable d’être informé au préalable de la somme qu’il peut être amené à verser à l’avocat en cas de retrait de l’aide qui lui a été attribuée. L’aide juridictionnelle peut notamment être retirée à un justiciable qui connaît un retour à meilleure fortune ou qui bénéficie d’indemnités du fait d’une décision passée en force de chose jugée. Dans ces deux hypothèses, le retrait est désormais possible lorsque les nouvelles ressources dont bénéficie le justiciable excèdent le plafond d’admission à l’aide juridictionnelle : l’appréciation des cas où le retrait peut être prononcé est désormais objective dans la mesure où elle est liée à un plafond déterminé par décret en Conseil d’État.
Toutes ces modifications ont pour but d’améliorer le fonctionnement de l’aide juridictionnelle. Elles ont un coût nul pour le budget de l’État car les dépenses induites sont compensées par des baisses correspondantes dues à la modernisation de ce dispositif.
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