Publié le 14 mai 2020 par : Mme Anthoine.
Supprimer cet article.
Amendement de suppression.
Le projet de loi met en œuvre abusivement la notion de personne morale chargée d’une mission de service public pour en déduire la faculté d’imposer un mode de gestion de leurs « disponibilités ».
La mission de service public à l’inverse d’une délégation de service public peut être exercée par une personne qui ne dispose d’aucun lien organique avec la puissance publique, dont le critère de distinction est purement fonctionnel et à l’égard de qui, de ce fait, aucune directive d’organisation notamment de gestion des « disponibilités » ne peut être décidée unilatéralement par l’Etat, sauf à considérer qu’il s’agit d’une expropriation qui impliquerait une juste indemnisation non envisagée par le texte.
Le libellé du texte évoque les « disponibilités… d’organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public » sans préciser lesquels ni établir une règle uniforme de détermination desdits organismes concernés par le dispositif.
Le choix discrétionnaire des « organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public » qui seront soumis à l’obligation de « dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités » abandonné à l’exécutif est contraire au principe d’égalité appliqué par le Conseil figurant à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la loi doit être la même pour tous ».
Le projet ne peut s’abstenir d’établir un critère objectif de discrimination entre les «organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public » qui seront soumis à l’obligation de « dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités ».
Le simple exercice par une personne morale d’une mission de service public est donc impuissant à conférer à l’Etat un pouvoir d’injonction sur l’usage ou la disposition de ses « disponibilités ».
A titre d’exemple, l’Ordre des Avocats de Paris, les Carpa (caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats) et la CNBF (Caisse nationale des barreaux français) sont des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, et non pas vocation, à ce titre, à déposer leurs « disponibilités » sur le compte du Trésor (décision CNBF du conseil d’État du 11 octobre 1978, n°111-67).
En l’état, le projet fondé sur le critère inadéquat «d’organisme de droit public ou de droit privé chargé d’une mission de service public » porte une atteinte non constitutionnelle à la protection du droit de propriété qui se fonde sur les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, intégré au bloc de constitutionnalité.
L’exposé des motifs du projet de loi est à cet égard très éclairant puisqu’il énonce que : « la centralisation des trésoreries permet de réduire l’endettement de l’État, d’améliorer son coût de financement et contribue ainsi à limiter la charge d’intérêts de l’État et de tous les émetteurs publics dont le coût de financement est calculé en fonction du coût de financement de l’État. » Le législateur compte ainsi s’approprier un patrimoine qui n’appartient pas à l’État pour prétendre facialement à l’existence d’actifs dont il n’a ni la propriété ni la disposition, ni même l’usage.
Par surcroît, le projet de loi n’opère aucune distinction entre les personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique dépendant de l’Etat et celles dépendant des collectivités territoriales pas plus qu’entre les organismes exerçant une mission de service public d’Etat et les organismes exerçant une mission de service public locale, méconnaissant ainsi le principe de libre-administration des collectivités territoriales.
Enfin, la notion de « disponibilité » qui ne détermine pas avec une précision suffisante l’élément de patrimoine sujet à l’obligation de dépôt, ne peut être abandonné à la libre décision de l’exécutif sans méconnaître les principes susvisés.
Fondé sur des critères inadéquats, qui ne permettent pas de mettre en œuvre le dispositif qu’il prévoit, sans méconnaître le droit de propriété, le principe d’égalité devant la loi et le principe de libre-administration des collectivités territoriales, l’article 3 doit être purement et simplement supprimé.
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