Publié le 3 mars 2021 par : Mme Meynier-Millefert, M. Fugit, Mme Sarles, Mme Riotton, Mme Pitollat, Mme Kerbarh, Mme Toutut-Picard, M. Colas-Roy, Mme Rilhac, M. Chassaing, Mme Vignon, Mme Krimi, Mme Tiegna.
Le livre Ier du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020‑71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation, est ainsi modifié :
1° Après le 17° de l’article L. 111‑1, sont insérés un 17° bis et un 17° ter ainsi rédigés :
« 17° bis Rénovation performante : la rénovation performante d’un bâtiment est un ensemble de travaux qui permettent au parc bâti d’atteindre les objectifs fixés à l’article L. 100‑4 du code de l’énergie sans mettre en danger la santé des occupants et en assurant le confort thermique été comme hiver. Soit le bâtiment rénové performant atteint lui-même le niveau de consommation prévu par les normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées, soit il contribue à l’atteinte de cet objectif pour le parc bâti en moyenne nationale, notamment par la mise en œuvre d’une combinaison de travaux précalculée à cet effet. Un bâtiment rénové performant est un bâtiment qui a traité les six postes de travaux suivants : isolation des murs, des planchers bas et de la toiture, remplacement des menuiseries extérieures, ventilation et production de chauffage et eau chaude sanitaire, ainsi que les interfaces associées ; »
« 17° ter Rénovation globale : la rénovation globale d’un bâtiment, dite rénovation complète et performante, est une rénovation performante menée en une seule opération de travaux réalisée en moins de douze mois ; »
2° Le chapitre III du titre VII est complété par un article L. 173‑2‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 173‑2‑1. – I. – À compter du 1er janvier 2024, les bâtiments à usage d’habitation individuel font l’objet, lors de la mutation de propriété, d’une rénovation performante telle que définie au 17° bis de l’article L. 111‑1, en privilégiant une rénovation globale telle que définie au 17 ter du même article.
« II. – L’obligation de rénovation s’applique à l’acquéreur à condition que celle-ci soit réputée techniquement et financièrement accessible selon les critères suivants :
« a) La rénovation est réputée techniquement accessible s’il existe au moins une offre technique proposée à l’acquéreur permettant la réalisation d’une rénovation globale telle que définie au 17° ter de l’article L111‑1 ou, en cas d’impossibilité, une rénovation performante telle que définie au 17° bis du même article ;
« b) La rénovation est réputée financièrement accessible s’il existe au moins une offre financière proposée à l’acquéreur permettant, après rénovation, de couvrir le reste à charge des travaux par les économies de chauffage générées, sans perte de pouvoir d’achat pour le ménage ;
« c) Les offres techniques et financières sont publiées sur une place de marché numérique encadrée par des règles d’accessibilité des opérateurs.
« III. – Afin de garantir un accompagnement technique et financier du ménage dans l’ensemble du parcours de rénovation lors de la mutation, il est mis en place un service obligatoire d’assistance à maîtrise d’ouvrage en charge de l’évaluation du bien à rénover et de l’évaluation des offres présentées à l’acquéreur sur la place de marché. Ce service peut exempter le ménage de l’obligation à rénover lorsque son évaluation montre qu’aucune offre technique ou financière n’est réputée accessible pour l’acquéreur.
« IV. – Afin de suivre la performance des rénovations réalisées, un contrôle qualité par un organisme indépendant dûment habilité est mis en place, dans le cadre d’un référentiel qualité national.
« V. – Au plus tard le 30 avril 2022, un décret en Conseil d’État précise les modalités du présent article, notamment la liste des dérogations à cette obligation de rénovation lorsque les conditions d’accessibilités techniques et financières ne sont pas remplies.
« VI. – Au plus tard le 1er janvier 2023, un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les missions du service d’assistance à maîtrise d’ouvrage, la mise en place et l’encadrement de la place de marché numérique régissant ces offres, le contrôle de la qualité des œuvres techniques, les combinaisons de travaux précalculée de la rénovation performante et du calendrier de priorisation de la rénovation globale selon le niveau de performance énergétique des logements, à commencer par les bâtiments à usage d’habitation individuel considérés comme « à consommation d’énergie excessive » tel que défini à l’article L. 173‑1‑1. »
L’urgence et les bénéfices de la rénovation énergétique des logements font largement consensus, que ce soit pour des raisons environnementales (maîtrise des consommations d’énergie et décarbonation), économiques (création d’activités et d’emplois non-délocalisables), sociales (lutte contre la précarité et l’exclusion) ou sanitaires (qualité de l’air et confort d’hiver comme d’été).
Jusqu’à présent, toutes les politiques publiques mises en place en France restent basées sur la seule incitation. Cette approche a échoué à atteindre les objectifs, tant quantitatifs (rythme de réalisation) que qualitatifs (performance des travaux) dictés par les enjeux climatiques. La plupart des rénovations concernent des lots de travaux isolés, sans compréhension globale du logement ni coordination. Or, l’ADEME[1] a montré que ce type de rénovations par étapes représente une surconsommation importante par rapport à des rénovations complètes et performantes (+60 % de consommation pour une rénovation menée en 6 étapes par exemple).
La Fondation Abbé Pierre dans son rapport de janvier 2021 sur le mal-logement faisait état de plus de 3 millions de personnes dont presque 1,5 million de ménages ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité énergétique. Les faibles réponses institutionnelles et le manque d’obligation ne résout rien à la situation de personnes dont les factures liées au chauffage sont trop élevées par rapport à leur pouvoir d’achat. Cette précarité est particulièrement présente dans le parc de logements résidentiels classés F&G, qui doivent faire l’objet d’une action prioritaire en matière de rénovation performante. Alors que la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 prévoyait la rénovation de l’ensemble des passoires énergétiques (classe F&G) d’ici à 2025, celle-ci a été reportée à 2028 par la loi énergie climat (LEC) de 2019, sans pour autant préciser les modalités opérationnelles et les conditions de mise en œuvre de cette obligation à rénover.
La conclusion qui s’impose, et que la Convention Citoyenne pour le Climat a choisi d’inclure dans ses propositions, est que, la mise en œuvre d’une obligation de rénovation globale est inéluctable, et les conditions de sa mise en œuvre doivent être préparées.
Pour y parvenir, la mise en œuvre de l’obligation doit être :
● progressive pour donner aux acteurs économiques, techniques et financiers le temps de s’organiser,
● équitable et accompagnée pour être acceptée par l’ensemble de la population, notamment les plus modestes (maîtrise des charges induites),
● pragmatique pour prendre en compte la capacité réelle des différents acteurs (ménages, entreprises, financeurs…) à mener à bien les projets de rénovation,
● efficiente pour réellement atteindre l’objectif national d’un parc bâti performant (niveau BBC ou équivalent) à l’horizon 2050, en s’appuyant sur les dynamiques locales.
L’objectif de cet amendement est de mettre en place à partir du 1er janvier 2024 une obligation conditionnelle de rénovation performante, lors des mutations de propriétés des maisons individuelles. Ce mécanisme transitoire propose une approche progressive et bénéfique pour tous dans un esprit de justice sociale. Il privilégie une approche globale de la rénovation pour plus d’efficacité, ainsi qu’une action prioritaire sur les logements de classes F&G (passoires énergétiques) dans un premier temps. Il propose un cadre régissant l’action publique en la matière, et formule des propositions opérationnelles qui pourront être précisées par décret.
Les conditions de l’obligation pour les immeubles relevant de la copropriété sont traitées dans un autre amendement présenté conjointement.
Cet amendement définit d’abord la rénovation performante (atteignant le niveau BBC ou équivalent) et la rénovation globale (rénovation performante réalisée en une seule étape de travaux, permettant ainsi le traitement des interfaces entre les postes de travaux). En effet, face au constat de l’inefficacité d’une approche par gestes isolés de travaux (tels que les changements de chaudière, fenêtre etc.) et les risques de pathologies coûteuses qu’elle génère, la Convention Citoyenne pour le Climat propose d’intégrer dans la loi une définition des rénovations globales, afin de faciliter par la suite une harmonisation des aides à la rénovation sur ce type de rénovation ainsi qu’une meilleure prise en compte des enjeux de qualité des projets de rénovation dans les dispositifs d’accompagnement et de formation des acteurs de la filière.
De plus, l’amendement propose à court terme un mécanisme pragmatique, flexible et cohérent comprenant :
● Une obligation ne s’appliquant qu’à condition que celle-ci soit réputée :
○ Techniquement accessible : existence d’au moins une offre technique permettant la rénovation globale, ou à défaut la rénovation performante ;
○ Financièrement accessible : existence d’au moins une offre financière permettant le financement de la rénovation sans perte de pouvoir d’achat pour le ménage (principe de l’équilibre en trésorerie).
● Un service d’accompagnement des ménages soumis à cette obligation par la mise en place d’un tiers de confiance en charge de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (évaluation du bien lors de sa mise en vente, identification des bouquets de travaux correspondant, estimation des coûts, publication de la demande sur la place de marché, puis accompagnement de l’acquéreur dans l’évaluation et la sélection des offres techniques et financières présentées) ;
● Un système de place de marché pour soutenir la structuration et la montée en puissance des opérateurs techniques et financiers : l’entrée sur la place de marché peut être encadrée par des règles liées à la capacité des opérateurs à mener à bien les opérations. Le cadre ainsi conçu crée une incitation forte pour les opérateurs locaux, régionaux ou nationaux à s’organiser afin de bâtir une offre compétitive et accessible leur permettant de se positionner pour accéder au marché de l’obligation de rénovation, dont l’activité ne pourra aller qu’en augmentant, conduisant à une montée en puissance progressive de l’ensemble du secteur ;
● Un système de contrôle qualité et de garantie des travaux (contrôle automatique des 10 à 15 premiers chantiers de chaque opérateur technique, puis aléatoire par la suite, mise en place d’un référentiel national définissant les missions de l’assistance à maîtrise d’ouvrage etc.).
Cet amendement est issu de discussions avec un collectif d’acteurs regroupant des membres des artisans, entrepreneurs et entreprises acteurs de la rénovation énergétique des bâtiments, des experts techniques, des think tanks, des associations de lutte contre la précarité énergétique, des ONGs et acteurs de la société civile.
Cet amendement est le résultat de travaux menés avec l’initiative « Rénovons ! ». Rénovons est une vaste alliance regroupant les forces vives de la société civile en France, au sens large, engagées en faveur de l’efficacité énergétique grâce à la rénovation énergétique des logements en France.
[1] Cf. Rapport ADEME, 2020, La rénovation performante par étapes - Étude des conditions nécessaires pour atteindre la performance BBC rénovation ou équivalent à terme en logement individuel, paru le 25/01/21.
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