Publié le 25 mars 2021 par : Mme Zitouni, M. Mbaye, Mme Galliard-Minier, M. Testé, M. Delpon, Mme Brulebois, Mme Vanceunebrock, Mme Lakrafi, Mme Meynier-Millefert, M. Bonnell, Mme Lenne, Mme Mirallès, M. Vignal, Mme Toutut-Picard, Mme Provendier, Mme Michel.
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Le titre VII du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I de l’article L. 172‑1, après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « aux risques causés à l’environnement, » ;
« 2° Après l’article L. 173‑2, il est inséré un article L. 173‑2‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 173‑2‑1. – Le fait d’exposer directement à un risque immédiat d’atteinte non négligeable le sol, le sous-sol, l’air, les eaux souterraines, superficielles ou eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, la faune, la flore ou les habitats naturels par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
« II. – Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Des risques causés à l’environnement
« Art. L. 415‑1. – Le fait d’exposer directement à un risque immédiat d’atteinte non négligeable le sol, le sous-sol, l’air, les eaux souterraines, superficielles ou eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, la faune, la flore ou les habitats naturels par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Selon le rapport « Justice et Environnement », le droit pénal de l’environnement se caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses. Cette situation contribue à brouiller la fonction sociale du droit pénal environnemental qui apparait inféodé à la police administrative. La législation actuelle est trop souvent composée d’infractions d’une grande technicité exigeant la démonstration d’un résultat dommageable souvent difficile à établir. En outre, dans la majorité des cas, les atteintes à environnement sont extrêmement difficiles voire impossibles à réparer. Sanctionner les atteintes à l’environnement ne peut donc suffire. Il faut avoir les moyens de prévenir ces atteintes.
L’obligation de prévenir les atteintes à l’environnement est en effet prévue à l’article 3 de la Charte de l’environnement.
Il est donc nécessaire de prévoir un délit de mise en danger de l’environnement. Or, les dispositions prévues à l’article 67 ne sont pas opérationnelles.
En effet, en cas de risque d’atteinte à la faune, flore, qualité de l’eau il est en général impossible de dire en amont que le risque d’atteinte est susceptible de perdurer pendant au moins 10 ans.
De plus, le champ d’application de cet article est très réduit : il ne concerne que les faits prévus aux articles L. 173‑1 et L. 173‑2, c’est à dire le fait d’exploiter une activité, installation etc :
- Sans autorisation IOTA / sans Autorisation ou enregistrement ICPE / sans autorisation de construction et d’exploitation d’une canalisation de transport / sans homologation/ autorisation sur le thème du bruit / ou en cas de refus d’autorisation, de mesure de retrait, de fermeture, de mise en demeure (défaut d’autorisation et non-respect des prescriptions) sur ces mêmes sujets.
- Ou en poursuivant des activités exploitation ou travaux soumis à autorisation déclaration dérogation sans respecter une mise en demeure (pour une réserve naturelle classée ; une dérogation espèce protégée, une autorisation d’exploiter un élevage d’animaux non domestiques, déclaration ICPE, déclaration eau).Surtout, l’édiction d’une autorisation, d’un agrément ou d’une homologation ne crée ni ne constitue par elle-même une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Une situation administrative irrégulière ne saurait par elle-même caractériser un risque immédiat pour l’environnement. Ce sont les conditions légales ou réglementaires elles-mêmes d’exercice d’une activité qui comportent des obligations de sécurité ou de prudence dont la méconnaissance expose directement l’environnement à un risque de dommage substantiel.
Cet amendement vise donc à créer un dispositif pour permettre une sanction adaptée des comportements qui mettent inconsidérément en danger l’environnement pour éviter que le dommage ne se produise.
Comme l’article 223‑1 du code pénal sanctionne les comportements volontaires dangereux pour la personne afin de les prévenir, il convient de sanctionner les comportements volontaires dangereux pour l’environnement, lorsqu’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement est délibérément violée. C’est pourquoi un délit de mise en danger délibéré de l’environnement est nécessaire. C’est la proposition 12 du rapport « Justice et environnement ».
Le caractère délibéré de la violation de l’obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement n’exige pas d’établir une intention tendue par la volonté de créer un dommage, mais d’établir la connaissance du mépris de cette obligation par son débiteur poursuivant son activité dans l’indifférence des effets dommageables qu’elle pourrait créer pour autrui ou pour l’environnement. En droit pénal on parle dol éventuel ou praeter intentione.
Il permettra d’agir même quand l’administration n’a pas mis en demeure de mettre fin au comportement à risque ou lorsqu’elle n’a pas informé l’autorité judiciaire des manquements comme le souligne le rapport précité qui ajoute : « ll est relevé par le CGEDD que certaines décisions d’autorisation, notamment en matière d’urbanisme, peuvent même être prises par des autorités administratives en toute connaissance des effets destructeurs de travaux entrepris à l’égard des espaces naturels ».
Par exemple, ce nouveau délit pourra couvrir le cas de de figure où un camion de 38 tonnes transportant des produits chimiques passe sur un pont réservé aux 10 tonnes sous lequel passe une rivière. Actuellement, tant que le pont ne s’effondre pas, le risque qu’il fait courir à l’environnement n’est pas sanctionné. Avec cette nouvelle disposition, il pourra être poursuivi pour avoir mis en danger l’environnement (en l’espèce la rivière dessous...).
De même, il pourra couvrir le cas d’un bateau pétrolier passant trop près d’une réserve naturelle marine, au milieu de récifs ; ou d’un avion ne respectant pas l’interdiction de survol des réserves naturelles pendant une période de nidification d’une espèce protégée ; ou encore en cas d’épandage des pesticides à moins de 5 mètres des cours d’eau et tous les mauvais usages des pesticides où les atteintes à l’environnement sont difficiles à démontrer.
Placer ce nouveau délit dans le code pénal permet de souligner le fait que la préservation de l’environnement doit être recherchée au titre des autres intérêts fondamentaux de la nation (alinéa 7 du Préambule de la Charte de l’environnement), ce qui a permis au Conseil constitutionnel d’identifier un nouvel objectif de valeur constitutionnelle (CC 31 janvier 2020, n° 2020‑823 QPC). Raison pour laquelle dans la présente proposition de rédaction, le code pénal est le code pilote (I) et le code de l’environnement le code suiveur (II).
Le III du présent amendement vise à permettre aux inspecteurs de l’environnement de constater le délit des risques causés à l’environnement pour rendre la disposition effective.
Le présent amendement a été élaboré avec France Nature Environnement.
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