Publié le 27 mai 2021 par : Mme Forteza.
Compléter l’alinéa 15 par la phrase suivante :
« Elles ne sont pas non plus applicables aux fonds ou parties de fonds d’archives publiques ayant fait l’objet, avant l’entrée en vigueur du présent article, d’une ouverture anticipée conformément au II de l’article L. 213‑3 du même code. »
Le projet de loi provoque un allongement inédit des délais de communication d’un certain nombre d’archives publiques. En effet, les archives publiques qui entreront dans les nouvelles catégories des alinéas 6 à 9 de l’article 19 ne pourront plus être communiquées de plein droit après l’expiration d’un délai de cinquante ans, mais resteront fermées pour une durée indéterminée, par exemple jusqu’à « la perte de leur valeur opérationnelle ».
Pour réduire un tant soit peu l’ampleur de ce mouvement de fermeture d’archives publiques, le gouvernement propose d’exclure du champ d’application de la réforme les documents qui, quoique entrant dans le champ des nouvelles catégories des alinéas 6 à 9 de l’article 19, sont d’ores et déjà devenus communicables, à la seule exception des documents « ayant fait l’objet d’une mesure de classification ». C’est ce qu’annonce l’exposé des motifs lorsqu’il indique qu'« une disposition transitoire précise enfin que les documents non-classifiés qui sont actuellement communicables le demeureront à l’avenir, quand bien même ils relèveraient des nouveaux délais d’incommunicabilité qui sont institués ».
De manière étonnante, néanmoins, la formulation actuelle de l’alinéa 15, particulièrement imprécise, ne retranscrit pas pleinement l’ambition de l’exposé des motifs, mettant en danger des travaux historiques portant sur des périodes antérieures à 1971. C’est ainsi, en particulier, que la formulation actuelle de l’alinéa 15 n’exclut pas du champ de l’allongement des délais de communication des archives publiques les documents non classifiés qui ont fait l’objet d’une mesure réglementaire exceptionnelle d’ouverture anticipée (arrêtés dits de « dérogation générale » ou « d’ouverture d’archives »).
Rappelons notamment que, depuis décembre 2015, une dérogation générale a permis le libre accès aux fonds des juridictions d'exception de Vichy, des juridictions d’exceptions du Gouvernement provisoire de la République, de la police judiciaire de 1939 à 1945, et de 1945 à 1960 pour les affaires relatives à des faits de guerre survenus entre 1939 et 1945, aux dossiers des tribunaux militaires et maritimes relatifs à des faits de guerre survenus entre 1939 et 1945 et aux documents relatifs à la dénazification des zones françaises d'occupation en Allemagne et en Autriche. Cette ouverture a suscité de nombreux travaux déjà publiés ou à venir, comme la récente biographie du général de Gaulle par l’historien britannique Julian Jackson (2019). De même, sur la guerre d’Algérie, la dérogation générale d’avril 2020, suite à la déclaration du président de la République de septembre 2018, a permis d’ouvrir les dossiers sur les personnes disparues produits par la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels (1957-1963).
Or, une partie de ces fonds ayant bénéficié d’une « dérogation générale » risque d’être refermée, chaque fois que des documents entreront dans le champ de l’une des nouvelles catégories des alinéas 6 à 9 de l’article 19.
Une correction de l’alinéa 15 est donc indispensable si l’on ne veut pas que la future loi, par un effet de bord mal maîtrisé, contrevienne aux efforts d’ouverture des archives publiques organisés ces dernières années concernant la Seconde guerre mondiale ou les disparus de la guerre d'Algérie. C’est pourquoi nous proposons que, dans le II de l’article 19, l’exclusion des règles nouvelles de communicabilité soient étendues aux documents ayant fait l’objet d’une ouverture par anticipation, avant l’expiration du délai légal.
Le présent amendement est issu d’un travail transpartisan en collaboration avec le collectif « Accès aux archives publiques » réunissant l’Association des archivistes français, l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association Josette et Maurice Audin, ainsi que de nombreux historiens, archivistes et juristes.
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